Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


L.

a consection de l’Inventaire des biens d’une succession, est un moyen proposé & autorisé par Justinien dans la Loi dernière, C. De jure deliberandi, pour mettre les héritiers hors du peril de perdre leur bien propre, bar l’addition d’une hérédité, parce que l’Inventaire empéchant le mélange & la con-fusion des biens du défunt avec ceux de son héritier, fait que l’héritier ne s’oblige point au payement des dettes de la succession, en plus outre que la valeur des biens d’icelle. Ce moyen dont parle le Droit Romain, est préparé à tous heritiers, soit legitimes, soit testamentaires, sans aucune formalite ni autorisation de Justice, pour éviter l’obligation personnelle de payer les detter du défunt, sinon en tant qu’ils ont amendé des biens trouvés dans la suc-cession. Et comme en ne s’en servant pas, ils ne s’exposoient à aucune autre perte ni peine sinon de s’obliger absolument & indéfiniment à payer toutes les dettes de l’her-dité : de meme en s’en servant, ils ne s’excluoient aucunement des droits qu’ils avoient de succéder, & ne pouvoient être préférés par d’autres qui eussent voulu, en prenant la qualité d’héritiers, s’obliger absolument au payement de toutes les dettes de la succession Mais dans le Pays coutumier, on ne peut être héritier par bénéfice d’Inventaire, que par une Ordonnance de Justice, qui se rend en Normandie avec beaucoup de solemnité, parce qu’on n’est point admis à cette manière de succéder, tant qu’il fe peut preienter d’autres héritiers qui veuillent accepter absolument la succession, & s’obliger conséquemment à toutes les dettes & charges d’icelle. C’est pourquoi on a donné le nom de benéfice à cette addition, qui se fait par Inventaire, en supposant qu’elle étoit contre le droit commun par lequel un héritier s’oblige à toutes les dettes de la succession. De sorte que, sans avoir considére que cette obligation de payer les dettes, ne provient point d’une volonté expresse de l’héritier, mais n’a point d’autre prin-cipe que le mélange & la confusion des biens, qui peut être empèché par un bon & loyal Inventaire ; on a voulu avoir plus d’egard à la sûreté des Créanciers, qu’à l’intérét du plus proche parent & plus habile à succéder en pré-férant l’héritier simple ( la Coûtume l’appelle absolu ) à l’héritier bénéficiaire, qui par l’ancien usage de la France, étoit toujours exclus par l’héritier simple, même en la ligne directe.1

Mais on a changé cet usage en la plûpart des Coûtumes, & l’on a statue : que l’héritier en ligne directe ne pouvoit être exclus par un héritier absolu, qui fût même en pareil degré ; Coûtume de Paris, Article CCCXIII, dont la disposition a été étenduë aux autres Coûtumes qui n’en ont point de contraire, par des Arrêts rapportés parLouet , & son Commentateur, H. 1. ce qui s’observe présentement en Normandie, nonobstant les Articles LXXXVI, LXXXIY & XC, qui semblent exclure généralement tous les bénéficiaires, quand il se présente un héritier simple Mais, quant aux parens collatéraux, il est certain qu’un héritier absolu, quoiqu’en un degré plus éloigné, exclut le bénéficiaire, pourvu qu’il fe présente avant l’adjudication du bénéfice d’Inventaire. a Paris, & aux autres Coûtumes, il suffit que l’hdritier simple se présente dans l’an & jour de la Sentence d’entérinement des Lettres de bénéfice d’Inventaire, autrement il n’y seroit plus recevable ; ce qui a été jugé par plusieurs Arrêts.

On 2 de plus requis que l’héritier simple qui se présente pour exclure le bénéficiaire, soit majeur : car s’il est mineur, d’autant que son obligation de payer tous les Gréanciers, n’est pas absolue, mais révocable, parce qu’il peut se faire restituer, & valablement renoncer à la succession que son Tuteur avoit acceptée en son nom, il a été décidé, qu’un Mineur héritier simple ne pouvoit exelure un héritier bénéficiaire qui est en plus proche degré, par l’Ar-ticle CCCexLIII de la Coutume de Paris, auquel l’Article XVIII du Réglement de 1666 est conforme.

Anciennement toutes sortes de personnes étoient capables du benéfice d’Inventaire, mais les abus que l’on a faits de ce moyen, ont été si grands, qu’ils l’ont rendu suspect & odieux, & ont obligé d’en restreindre l’usage ; ce qui pa été fait par l’Ordonnance de Roussillon, saquelle par l’Article XVI en a exclu les heritiers des Financiors & des Trésoriers des deniers Royaux : ce qui a été depuis étondu à leurs Commis, aux Receveurs & léforiers des Maisons des grands Seigneurs, & aux Receveurs des Consignations. De sorte que les héritiers de toutes les porsonnes de ces conditions, ne peuvent avoir l’effet des Lettres de bénéfice d’Inventaire ; mais sont obligés d’appréhender la succession purement & absolument, ou de renoncer ; par Arrêts rapportés dans Louet & son Commentaire, H. 18. Les Mineurs ne sont pas compris dans la rigueur de cette Ordonnance & de ces Arrêts, pourvu qu’ils ne soient point soupconnés d’avoir diverti ou recelé les effets de la succession.2

L’héritier bénéficiaire est véritablement héritier, d’où vient qu’il est obligé aux faits & promesses du défunt, qu’il peut appeller du décret de ses héri-tages, & que tous les droits, actions & biens de P’hérédité, sont transmis en sa personne, en quoi consistent tous les effets de la qualité d’héritier ; c’est pourquoi l’heritier en ligne directe étant obligé de rapporter son don, cela se doit entendre aussi-bien de l’héritier bénéficiaire que de l’absolu. Il a été juge par la même raison, que les enfans ne pouvoient avoir de douaire, c’est-a-

dire, de legitime, quand ils étoient héritiers par bénéfice d’inventaire ; les qualités d’heritier & de douairiere étant incompatibles en la même personnes Voyez Louet & son commentaire, H. 13.

Ces deux décisions sont indubitables, tant que l’héritier bénéficiaire ne renonce point au bénéfice d’Inventaire, mais quand aprés avoir reconnu les char-ges & dettes de la succession, il déclare renoncer à la qualité d’héritier, ( ce qu’il peut faire en rendant compte du passé ) par ce moyen, tous les droits qu’il avoit sur les biens de la succession, sont rétablis, de sorte qu’il peut demander la distraction de ce qui lui avoit été donné par le défunt, & le tiers légal, qui est une dette de la succession établie par la Coutume. Ce qui paroit conforme à l’esprit de ladite Loi dernière, C. De jure deliberandi, Lqui a été le premier fondement du bénéfice d’Inventaire : ) parce que par cette Loi on ne doit comprendre dans l’Inventaire que les biens qui sont dans la succession au temps de son échéance, ce qui exclut les choses données par le défunt Super his rebus quas defunctus tempore mortis habebar, S. sin autem : Et parce que de plus, l’héritier ne perd pas les droits qu’il a sur les biens héréditaires : Similem cum aliis creditoribus habes fortunam, temporum prerogativû inter comnes creditores servandd, S. in computatione. Outre que par cette Loi, l’héritier doit être enticrement indemnisé de son addition : Ut undique véritate ex-quisitû neque lucrum, neque damnum heres ex hujusmodi hereditate capiat, S. licentia. Il est vrai que par le Droit Romain, l’hcritier qui avoit accepté la succession, aprés avoir fait un bon Inventaire, demeuroit toujours héritier par la maxime, Qui semel fuit heres, nunquam desinit esse hores. Mais les Coutumes ayant fait différence entre l’héritier limple & le bénéficiaire, n’ont pas réputé celuieci héritier pur & absolu, c’est-àdire, sans condition, de sorte qu’ils lui ont réservé la faculté de renoncer quand la condition sous laquelle si avoit accepté la succession, est défaillante ; c’est-à-dire, quand les dettes & charges de la succession lui paroissent excéder la valeur des biens, lanquam conditione deficiente.3 Ce Titre fe peut diviser en trois parties : dans la premiere, il est expliqué ce qu’il faut faire pour parvenir à l’adjudication du bénéfice d’Inventaire3 elle est comprise dans les Articles LXXXVI, LXXXVII & LXXXVIII. La seconde apprend quelle est l’obligation & le devoir de cette sorte d’héritier, ce qui est preserit par les Articles XCIII, XCVII & XCVIII. La troisieme partie déclare quels sons les avantages de ce même héritier, dans les Articles LXXXIN, XCI & XCV.


1

Les Coutumes ont totalement défiguré le Bénéfice d’Inventaire, qui d’un privilége particulier, passa enfin chez les Romains en Droit commun ; elles l’ont embatrassé de tant de formalités, & en ont tiré des conséquences si absurdes, que cette partie de notre Droit a besoin d’une réformation. La Jurisprudence paroit un peu moins déraisonnable que les Textes ; mais que uous sommes loin de la source I Pai pitié de ceux qui argumentent de la Loi, si is qui solvendo. ff. De hered. instit. & de la Loi si pepercerit in fine. ff. de libert. & posthum.


2

Les Héritiers des Financiers & autres, dont Pesnelle fait le détail ne sont exclus du Benéfice d’Inventaire que contre le Roi, les maisons considérables dont ils ont manié leg deniers & à l’occasion des dettes pour fait d’Office ; mais ces mêmes Heritiers sont recevables a en poursuivre l’entérinement avec les autres Créanciers de la succession.Bérault .


3

On a long-temps douté si l’héritier bénéficiaire pouvoit abdiquer cette qualité surtout apres l’adjudication du Benéfice, on avoit, à cet égard, introduit plusieurs distinctions on peut consulterMornac , Bacquet des Droits de Justice, & l’Auteur du Journal du Palais : mais enfin la Jurisprudence actuelle est celle qui est attestée par Pesnelle ; & l’héritier bénéficiaire en abandonnant sa qualité, doit rendre un compte exact du produit de la succession.

Mais cette renonciation ne doit pas préjudicier les Créanciers. Et par Arrêt rapporté parBardet , tome, on a condamné l’héritier bénéficiaire apres avoir renoncé à demeurer partie dans une instance en requête civil. Journal des Audiences, tome, aux addit.