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CHAPITRE HUITIEME. DE BENEFICE D’INVENTAIRE.

L.

a consection de l’Inventaire des biens d’une succession, est un moyen proposé & autorisé par Justinien dans la Loi dernière, C. De jure deliberandi, pour mettre les héritiers hors du peril de perdre leur bien propre, bar l’addition d’une hérédité, parce que l’Inventaire empéchant le mélange & la con-fusion des biens du défunt avec ceux de son héritier, fait que l’héritier ne s’oblige point au payement des dettes de la succession, en plus outre que la valeur des biens d’icelle. Ce moyen dont parle le Droit Romain, est préparé à tous heritiers, soit legitimes, soit testamentaires, sans aucune formalite ni autorisation de Justice, pour éviter l’obligation personnelle de payer les detter du défunt, sinon en tant qu’ils ont amendé des biens trouvés dans la suc-cession. Et comme en ne s’en servant pas, ils ne s’exposoient à aucune autre perte ni peine sinon de s’obliger absolument & indéfiniment à payer toutes les dettes de l’her-dité : de meme en s’en servant, ils ne s’excluoient aucunement des droits qu’ils avoient de succéder, & ne pouvoient être préférés par d’autres qui eussent voulu, en prenant la qualité d’héritiers, s’obliger absolument au payement de toutes les dettes de la succession Mais dans le Pays coutumier, on ne peut être héritier par bénéfice d’Inventaire, que par une Ordonnance de Justice, qui se rend en Normandie avec beaucoup de solemnité, parce qu’on n’est point admis à cette manière de succéder, tant qu’il fe peut preienter d’autres héritiers qui veuillent accepter absolument la succession, & s’obliger conséquemment à toutes les dettes & charges d’icelle. C’est pourquoi on a donné le nom de benéfice à cette addition, qui se fait par Inventaire, en supposant qu’elle étoit contre le droit commun par lequel un héritier s’oblige à toutes les dettes de la succession. De sorte que, sans avoir considére que cette obligation de payer les dettes, ne provient point d’une volonté expresse de l’héritier, mais n’a point d’autre prin-cipe que le mélange & la confusion des biens, qui peut être empèché par un bon & loyal Inventaire ; on a voulu avoir plus d’egard à la sûreté des Créanciers, qu’à l’intérét du plus proche parent & plus habile à succéder en pré-férant l’héritier simple ( la Coûtume l’appelle absolu ) à l’héritier bénéficiaire, qui par l’ancien usage de la France, étoit toujours exclus par l’héritier simple, même en la ligne directe.1

Mais on a changé cet usage en la plûpart des Coûtumes, & l’on a statue : que l’héritier en ligne directe ne pouvoit être exclus par un héritier absolu, qui fût même en pareil degré ; Coûtume de Paris, Article CCCXIII, dont la disposition a été étenduë aux autres Coûtumes qui n’en ont point de contraire, par des Arrêts rapportés parLouet , & son Commentateur, H. 1. ce qui s’observe présentement en Normandie, nonobstant les Articles LXXXVI, LXXXIY & XC, qui semblent exclure généralement tous les bénéficiaires, quand il se présente un héritier simple Mais, quant aux parens collatéraux, il est certain qu’un héritier absolu, quoiqu’en un degré plus éloigné, exclut le bénéficiaire, pourvu qu’il fe présente avant l’adjudication du bénéfice d’Inventaire. a Paris, & aux autres Coûtumes, il suffit que l’hdritier simple se présente dans l’an & jour de la Sentence d’entérinement des Lettres de bénéfice d’Inventaire, autrement il n’y seroit plus recevable ; ce qui a été jugé par plusieurs Arrêts.

On 2 de plus requis que l’héritier simple qui se présente pour exclure le bénéficiaire, soit majeur : car s’il est mineur, d’autant que son obligation de payer tous les Gréanciers, n’est pas absolue, mais révocable, parce qu’il peut se faire restituer, & valablement renoncer à la succession que son Tuteur avoit acceptée en son nom, il a été décidé, qu’un Mineur héritier simple ne pouvoit exelure un héritier bénéficiaire qui est en plus proche degré, par l’Ar-ticle CCCexLIII de la Coutume de Paris, auquel l’Article XVIII du Réglement de 1666 est conforme.

Anciennement toutes sortes de personnes étoient capables du benéfice d’Inventaire, mais les abus que l’on a faits de ce moyen, ont été si grands, qu’ils l’ont rendu suspect & odieux, & ont obligé d’en restreindre l’usage ; ce qui pa été fait par l’Ordonnance de Roussillon, saquelle par l’Article XVI en a exclu les heritiers des Financiors & des Trésoriers des deniers Royaux : ce qui a été depuis étondu à leurs Commis, aux Receveurs & léforiers des Maisons des grands Seigneurs, & aux Receveurs des Consignations. De sorte que les héritiers de toutes les porsonnes de ces conditions, ne peuvent avoir l’effet des Lettres de bénéfice d’Inventaire ; mais sont obligés d’appréhender la succession purement & absolument, ou de renoncer ; par Arrêts rapportés dans Louet & son Commentaire, H. 18. Les Mineurs ne sont pas compris dans la rigueur de cette Ordonnance & de ces Arrêts, pourvu qu’ils ne soient point soupconnés d’avoir diverti ou recelé les effets de la succession.2

L’héritier bénéficiaire est véritablement héritier, d’où vient qu’il est obligé aux faits & promesses du défunt, qu’il peut appeller du décret de ses héri-tages, & que tous les droits, actions & biens de P’hérédité, sont transmis en sa personne, en quoi consistent tous les effets de la qualité d’héritier ; c’est pourquoi l’heritier en ligne directe étant obligé de rapporter son don, cela se doit entendre aussi-bien de l’héritier bénéficiaire que de l’absolu. Il a été juge par la même raison, que les enfans ne pouvoient avoir de douaire, c’est-a-

dire, de legitime, quand ils étoient héritiers par bénéfice d’inventaire ; les qualités d’heritier & de douairiere étant incompatibles en la même personnes Voyez Louet & son commentaire, H. 13.

Ces deux décisions sont indubitables, tant que l’héritier bénéficiaire ne renonce point au bénéfice d’Inventaire, mais quand aprés avoir reconnu les char-ges & dettes de la succession, il déclare renoncer à la qualité d’héritier, ( ce qu’il peut faire en rendant compte du passé ) par ce moyen, tous les droits qu’il avoit sur les biens de la succession, sont rétablis, de sorte qu’il peut demander la distraction de ce qui lui avoit été donné par le défunt, & le tiers légal, qui est une dette de la succession établie par la Coutume. Ce qui paroit conforme à l’esprit de ladite Loi dernière, C. De jure deliberandi, Lqui a été le premier fondement du bénéfice d’Inventaire : ) parce que par cette Loi on ne doit comprendre dans l’Inventaire que les biens qui sont dans la succession au temps de son échéance, ce qui exclut les choses données par le défunt Super his rebus quas defunctus tempore mortis habebar, S. sin autem : Et parce que de plus, l’héritier ne perd pas les droits qu’il a sur les biens héréditaires : Similem cum aliis creditoribus habes fortunam, temporum prerogativû inter comnes creditores servandd, S. in computatione. Outre que par cette Loi, l’héritier doit être enticrement indemnisé de son addition : Ut undique véritate ex-quisitû neque lucrum, neque damnum heres ex hujusmodi hereditate capiat, S. licentia. Il est vrai que par le Droit Romain, l’hcritier qui avoit accepté la succession, aprés avoir fait un bon Inventaire, demeuroit toujours héritier par la maxime, Qui semel fuit heres, nunquam desinit esse hores. Mais les Coutumes ayant fait différence entre l’héritier limple & le bénéficiaire, n’ont pas réputé celuieci héritier pur & absolu, c’est-àdire, sans condition, de sorte qu’ils lui ont réservé la faculté de renoncer quand la condition sous laquelle si avoit accepté la succession, est défaillante ; c’est-à-dire, quand les dettes & charges de la succession lui paroissent excéder la valeur des biens, lanquam conditione deficiente.3 Ce Titre fe peut diviser en trois parties : dans la premiere, il est expliqué ce qu’il faut faire pour parvenir à l’adjudication du bénéfice d’Inventaire3 elle est comprise dans les Articles LXXXVI, LXXXVII & LXXXVIII. La seconde apprend quelle est l’obligation & le devoir de cette sorte d’héritier, ce qui est preserit par les Articles XCIII, XCVII & XCVIII. La troisieme partie déclare quels sons les avantages de ce même héritier, dans les Articles LXXXIN, XCI & XCV.


LXXXVI.

Celui qui se veut porter Héritier par bénéfice d’Inventaire, doit obtenir des Lettres, & faire recherche au domicile de celui qui est décédé, s’il y a aucun qui se veuille porter son Héritier absolu ; Et où il ne s’en présentera, il doit faire faire trois Criées à jour de Dimanche, issue de la Grand’Messe Paroissiale du lieu où le défunt est décédé ; faisant sçavoir, que s’il y a aucun du lignage dans le septième degré qui se veuille porter Héritier absolu, qu’il se compare à la prochaine Assise, & il y sera oui & reçu, sinon on procédera à l’Adjudication dudit Bénéfice d’Inventaire.


LXXXVII.

Lesdites Criées doivent être faites à jour de Dimanche, issue de la Messe paroissiale du lieu où étoit le domicile du Défunt, & doit y avoir une Assise entre chacune desdites Criées.


LXXXVIII.

a chacune des trois Assises, défaut doit être pris sur les Lignagers. & Parens du Défunt, qui ne se portent Héritiers absolus ; & aprés le dernier desdits trois défauts, sera encore fait une Criée d’abondant & Assignation aux autres Assises ensuivant, avec déclaration que si aucun ne se présente, le Bénéfice d’Inventaire sera adjugé.

Le domicile où le défunt est réputé décédé, & auquel il faut faire la perquisition ordonnée par la Coûtume, est le lieu où le défunt faisoit sa princi-pale résidence, avec ses domestiques, femme, enfans & serviteurs : Uhi negotia agit, ubi vendit, ubi contrahit, ubi dies festos celebrat : Ibi magis domici-lium habere censerur, quam ubi colendi causâ diversaiur, suivant qu’il est dit dans la Loi 27. S. 1. ff. Ad municipalem4. Au reste, la précaution plus nécessaire

pour éviter les inconvéniens & les abus d’une acceptation d’hérédité par bénéfice d’Inventaire, étoit d’obliger le prétendant à ce bénéfice, de faire sceller incontinent aprés le déces, de mettre les meubles, effets & écritures dela succession en fûre garde, & de faire enfuite un bon & loyal Inventaire en la préserce de personnes publiques & intéressées, tels que sont les Notaires & les Créanciers, suivant qu’il avoit été prudemment disposé par l’Artiele CXXVIII de l’Ordonnance de 1629. : ce que la Coutume a omis d’ordonner, s’étant contentée de dire dans l’Article XCII, que l’héritier bénéficiaire doit, dans les quarante jours du déces, faire faire un Inventaire : ce qui ne s’observe pas à la rigueur, le bénéfice d’Inventaire s’accordant à celui qui le veut requérir long-temps aprés l’échéance de la succession, quand elle est demeurée abandonnée & jacente5. Les quatre Criées que la Coûtume prescrit devoir être faites à l’issuc des grandes Messes paroissiales, aux jours de Dimanche aussi-bien que les défauts qu’on prend aux Assises, contre les parens du défunt capables de succéder ; c’est-à-dire, jusqu’au septieme degré inclusivement, sont des formalités requises nécessairemont, mais inutilement, & qui se font avce des frais aux dépens des Créanciers. Il semble qu’il auroit été plus à propos de donner un temps compérent comme d’un an, aux parens pour se déclarer héritiers absolus, aprés l’entérinement fait en fustice des Lettres. de Benéfice d’Inventaire : Ce qui se pratique à Paris, en exécution de plusieurs Arrêts, conformes à plusieurs Coûtumes, qui ont exclu les héritiers absolus apres l’an, comme il est rapporté dans le Commentaire deLouet , H. 1. Mais d’autant que les enfans ou descendans d’un défunt, ne peuvent être exclus de la succession quoiqu’ils ne la veuillent aecepter qu’en vereu des Lettres de Bénéfice d’Inventaire ; il paroit qu’il est inutile de faire des recherches & des proclamations. pour découvrir si quelques parens veulent se déclarer héritiers, absulus ; de sorte qu’en ce cas, sans observer tant de formalités, le Juge devroit, envoyer les Impétrans des Lettres en possession de l’hérédité, à la charge d’accomplir. ce qui est prescrit par la Coûtume, aux héritiers bénéficiaires.6

Il faut remarquer, que celui à qui le Bénéfice d’Inventaire a été adjugé sur des diligences mal faites, peut bien être débouté de l’effet dudit Benéfice ; mais il ne sera pas en conséquence réputé héritier absolu, pour être obligé à toutes les detes, à moins qu’il n’eût commis de la fraude dans la confection de l’Inrentaire, ou dans l’estimation, appréciation ou vente des biens de la succession


LXXXIX.

a laquelle Assise, aprés lecture faite de toutes les diligences si elles sont trouvées par l’Assistance bien faites, le Bénéfice d’Inventaire sera adjugé au prejudice de tous ceux du Lignage qui se voudront porter Héritiers absolus ; lesquels n’y pourront être reçus par après, pour quelque cause que ce soit.

Quoique cet Article porte une exclusion qui semble ne pouvoir recevoir aucune exception, on a néanmoins jugé en faveur des Mineurs, qu’un Tuteur ayant renoncé à l’hérédité d’un défunt, pouvoit se faire relever de cette renonciation, pour accepter la succession adjugée à un autre parent par Benéfice d’Inventaire. On a jugé la même chose à i égard d’une Femme mariée, qui avoit renoncé conjointement avec son Mari ; & elle fut envoyée en possession de-la succession, nonobstant l’Adjudication bien faite du Bénéfice d’Inventaire.

Basnage Les Arrêts en sont rapportés par Bérault & par Basnage sur cet Article.7


XC.

Avant l’Adjudication, s’il se présente aucun du Lignage du Défunt qui se veuille porter Héritier absolu, il y sera reçu, encore qu’il soit plus éloigné que l’Héritier par Bénéfice d’Inventaire, en payant les frais faits par celui qui s’est porté Héritier par Bénéfice d’Inventaire.

Deux raisons ont fait préférer l’héritier simple au bénéficiaire : La principale est en faveur des Créanciers, qui sont plus assurés par l’héritier simple, qui s’oblige absolument & sans aucune restriction, au payement de toutes les dettes. L’autre est, que l’héritier bénéficiaire est odieux, voulant profiter des biens de la succession aux dépens & risques des Créanciers, & en faisant des frais qui sont préférables à leurs créances. Or quoique celui qui n’est né ni concir lors de l’échéance d’une succession, ne soit pas capable d’y pouvoir rien prétendre, néanmoins une succession qui est demeurée long-temps délaissée, peut-être appréhendée par un parent, qui n’étoit point in rerum natura, au temps du déces ; & on a jugé par plusieurs Arrêts, qu’il pourroit être héritier simple ou bénéficiaire, pourvu que ce fût avant l’addition d’un autre parent, ou avant l’Adjudication faite du Bénéfice d’Inventaire.8


XCI.

Celui qui s’est porté Héritier par Bénéfice d’Inventaire, peut se porter Héritier absolu, & y sera reçu en son rang de prochaineté.

L’option faite de la qualité d’héritier bénéficiaire, ne prive point celui qui l’a prile de se déclarer héritier absolu, pour conserver le droit qu’il a de succéder ; & c’est-là un des avantages accordés par la Coûtume, aux Impétrans de ce Bénéfice : mais en s’en servant, ils ne seront pas remboursés des frais par eux faits pour parvenir à l’Adjudication, parce que devenant héritiers ablolus, ils sont obligés de payer ces frais, par l’Article XC.9


XCII.

L’Héritier par Bénéfice d’Inventaire, doit dans quarante jours ensuivans le décès du Défunt, faire faire Inventaire bon & loyal de tous les Biens, Lettres, Titres & Enseignemens de la Succession, & iceux mettre en sûre garde.

Il faut entendre ces mots : L’héritier par benéfice d’inventaire doit dans quaranie jours ensuivans le deces, Gc. de la même maniere qu’on a interprété les paroles de l’Article CCXXxV, qui sont : Que le plus proche parent habile d succeder, doit déclarer en Justice quarante jours apres la succession échue, s’it entend y renoncer. Car comme on a jugé que l’Article CCXXXV ne prescrit pas un temps dans lequel les parens doivent nécessairement accepter ou répudier une successionty comme il sera remarqué sur ledit Article, ainsi on doit dire, que cet Article CXCII n’impose pas la nécessité de faire l’Inventaire dans les quarante jpurs ensuivans le déces, parce que tant que l’héridité est jacente, les parens peuvent se déclarer héritiers simples ou bénéficiaires : dont on doit conClure, qu’il n’est pas nécessaire que l’Inventaire ait été fait dans un certain. temps, mais qu’il suffit de le faire peu aprés qu’on a prétendu à la qualité d’heritier. bénéficiaire ; car c’est mal raisonner que de dire, qu’on ne peut faire V’Inventaire auparavant qu’on ait une qualité certaine d’héritier par l’adjudication du bénéfice d’Inventaire : car outre que la confection d’Inventaire est une formalité, sans laquelle on ne peut prétendre au bénéfice d’Inventaire, il est certain que la confection d’Inventaire doit réguliérement précéder la qualité d’héritier ; parce qu’auparavant d’accepter ou de répudier une succession, on en doit connoître la valeur, ce qu’on fait par l’Inventaire. C’est pourquoiJustinien , dans ladite Loi dernière, De jure deliberandi, S. sin autem, sans faire mention du temps de l’addition de l’héredité, a disposé, qu’on doit faire l’Inventaire dans les trente jours ensuivans la connoissance qu’on a du droit qu’on peut prétendre en la succession, soit par testament, soit ab inieftat : inira iriginia dies, posiquam et fuerit nota, apertura tabularum, vel ab iniestaie delaiam sibi ligreditaiem cognoverit, numérandos. La Coutume en l’Article CCCLI, s’est conformée à cette doctrine en ordonnant au Frere ainé de faire un Inventaire incontinent aprés le décés. L’Ordonnance de 166y dispose semblablement, que le temps qu’elle prescrit pour faire l’Inventaire, commence précisément au temps de l’ouverture de la succession ; & en outre, que le temps qu’elle donne pour délibérer sur l’acceptation de la succession, ne commence que du jour que l’Inventaire aura été parachevé10. On ne doit donc pas dire, que la Coutume a dû s’expliquer autrement en cet Article, & signifier expressément que l’Inventaire doit être fait quarante jours apres l’adjudication du benéfice d’Inventaire : car quand elle a disposé que l’Inventaire doit être fait quarante jours aprés le déces, elle s’est conformée au Droit Romain, non pas limitative aut restrictive, sed demonsirative, en désignant le temps le plus ordinaire & le plus régulier dans lequel l’Inventaire doit être fait.11


XCIII.

Après l’Adjudication faite du Bénéfice d’Inventaire, doit faire apprécier par la Justice, les Meubles, Fruits & Levées de la Succession, & bailler caution au Sergent de la Querelle du prix de l’estimation.

Il semble qu’il est du devoir du Juge, d’ordonner incontinent aprés l’Adjudication du bénéfice d’Inventaire, que l’appréciation portée par cet Article, soit faite devant lui, dans un bref délai, par Experts dont les créanciers & l’héritier conviendront, ou qui seront nommés d’office, parce qu’un Juge doit pourvoir à ce que toutes choses qui se font en exécution de ses Jugemens, soient faites dans un ordre convenable, pour conserver le bon droit à un chacun, & pour prévenir les abus qu’on peut commêttre en conséquence. Cette appréciation ou estimation, n’est que des meubles, & des fruits & levées qui sont encore sur les héritages dépendans de la succession. Or, la caution qu’exige la Coutume, n’est precisément que du prix de cette appréciation ; sauf aux créanciers à veiller pour leurs intérêts, comme il leur est permis par l’Artiele.

XCVI. L’héritier ne se doit point saisir des meubles, qu’apres lesdites appreciation & caution. C’est pourquoi on peut proposer sur cet Article une ques-tion tres-importante, qui est, si cet héritier peut vendre les meubles & immeubles de la succession, sans solemnité ou sans le consentement des créan-ciers. Du Moulin & Loyseau sont d’avis qu’il le peut ; & se sont fondés, tant sur l’autorité de ladite Loi deJustinien , au S. sin vero, qui déclare que ceux qui ont acheté de l’héritier qui a fait un bon Inventaire, ne peuvent être inquiétés par les créanciers de la succession, que sur les propriétés de la qua-lité d’héritier, qui sont de représenter la perlonne du défunt, d’avoir le même pouvoir que lui sur les biens héréditaires, & par conséquent d’en être propriétaire : ce qui a fait dire, que pro hoerede se gerere, est pro Domino se gerère.

Or l’héritier bénéficiaire est véritablement héritier ; la confection d’Inventaire, ne constituant point une espece différente d’héritiers, mais ne devant pro-duire d’autre effet, sinon de décharger l’héritier du payement des dettés qui excodent la valeur des biens qui composent la succession. Mais ces grande Auteurs ont raisonné sur ce qui devroit être, mais non point sur ce qui est : ils reconnoissent que par le Droit Coutumier on a fort abusé de cette invention deJustinien , en autorisant des différences essentielles & spécifiques entre Ihéritier bénéficiaire & le légitime : car l’héritier bénéficiaire n’est point reputé dans le Pays coutumier, être héritier simplement & absolument, d’autant qu’il n’est point obligé personnellement au payement des dettes héréditaires, qu’il est tenu de rendre compte, & qu’il peut renoncer à la succession, qui sont trois conséquences qui ne peuvent convenir au véritable hiéritier, c’est pourquoi on l’appelle simple & absolu, pour le distinguer du bénéficiaire : dont il s’est ensuivi que les Auteurs qui ont écrit sur le Droit coutumier, & même la Coûtume de Paris, en l’Article CCCXLIV, ont comparé l’heritier bénéficiaire à un Curateur des biens vacans, pour signifier qu’il n’avoit que l’ad-ministration & non la propriété des biens héréditaires. Il semble donc qu’il faut décider la question proposée par le Droit qui est en usage, & qui bien qu’il ait été introduit par un abus manifeste, prevaut à celui qui est fondé sur de bonnes maximes ; mais qui est comme abrogé par une pratique contraire & universelle dans le Pays coutumier. Or il est évident que dans ce Pays, l’héritier bénéficiaire ne représente qu’imparfaitement la personne du défunt, qu’il n’est point obligé personnellement aux dettes, qu’il n’est point propriétaire, & qu’il n’est en possession des biens que comme un Tuteur ou Cura-teur, à la charge d’en rendre compte. De sorte que par la Coûtume de Normandie, en cet Article XCIII, il doit aprés l’adjudication qui lui a été faite du bénéfice d’Inventaire, faire apprécier par la Justice les meubles, fruits & levées de la succession, & bailler caution du prix de l’estimation. La Coutume de Paris audit Article CCCXLIV, est encore plus formelle ; car cet

Article porte, que l’héritier benéficiaire est comme un Curateur aux biens vacans, & qu’il ne peut vendre les meubles, sans garder la solemnité qui est prescrite par le même Article. Si donc cet héritier vend de son autorité, il fait ce qu’il ne peut faire : ou au moins, suivant la Coutume de Normandie, il ne fait pas ce qu’il doit faire ; & partant il n’a pas un pouvoir légitime pour aliéner les meubles, ni conséquemment les immeubles, qui sont beaucoup plus importans dans l’estimation qu’on fait des biens d’une succession. C’est ce que la Coutume d’Orléans a expliqué en l’Article CCCXLIII, en ces termes : Et quant aux immeubles, ils n’en peuvent Cles héritiers bénéficiaires faire vente, sinon en gardant les formalites requises en matière de criées d’hetages. En s’arrétant donc constamment à ces principes du Droit coutumier, & aux expressions des Coûtumes qui ont été référées, il faudroit conclure que l’héritier bénéficiaire ne peut vendre sans solemnité, ou sans le consentement des créanciers ni meubles ni immeubles, & partant que la vente qu’il en auroit faite de sa seule autorité, seroit nulle, & n’attribueroit à l’acheteur au-cun titre légitime, pour devenir possesseur & propriétaire. Mais parce qu’il sembleroit qu’il y auroit de l’absurdité à soutenir que des meubles vendus par un héritier bénéficiaire, pussent être vendiqués comme une chose furtive, ou qu’ils eussent suite par hypotheque ; & que d’ailleurs la vente des immeubles ne peut préjudicier aux créanciers, qui peuvent faire saisir réellement les immeubles qui leur sont hypothéqués, aussi-bien quand ils sont passés en la main d’un acquereur, que s’ils étoient demeurés dans la masse de la succession : on peut dire, suivant l’interprétation que donne Loyseau audit Article CCCXLIV de la Coutume de Paris, que ces termes, ne peut, ne signifient dans ledit Artiticle qu’une exclusion de la puissance de droit ; c’est-à-dire, que l’héritier ne peut vendre, sans s’assujettr à rendre compte de la vente qu’il a faite, & sans s’obliger personnellement envers les créanciers de la succession, ou indéfiniment comme ayant fait un acte, qu’on ne peut faire sans le nom & la qualité d’un véritable héritier, suivant l’expression de l’Article CexxXV de la Coutume, où au moins pour le prix du Contrat ou pour la juste valeur de la chose venduë, comme étant obligé personnellement à rendre compte de son administration12. Il faut voir Loyseau au 3 chapitre du 2 Livre du

Deguerpissement, où il représente les injustices que commettent ordinairement les héritiers bénéficiaires, qui, quoiqu’ils ayent recueilli une succession opusente, n’en veulent point payer les dettes, de forte que le bénéfice d’Inventai-re, de la manière qu’on en use souvent dans les Pays coûtumiers, n’est qu’un moyen pour éluder la poursuite des créanciers, qui pour éviter les artifices qui sont mis en usage pour les tromper, sont obligés d’abandonner ce qui leur est du, ou d’en perdre une bonne partie, pour sauver le reste des mains de l’héritier, qui par ces moyens profite de sa mauvaise foi & de sa tromperie. I11 ajoute, qu’il y a long-temps qu’on cherche un remede à toutes les absurdités, & aux inconvéniens qui proviennent du bénéfice d’Inventaire, & qu’il ne peut y en avoir un meilleur, que de prescrire un temps à l’héritier bénéficiaire, comme d’un an ou de deux, dans lequel il seroit tenu de faire discuter ou appréoier les biens de la succession, & de rendre son compte ; autrement, & ce temps passé, qu’il fût tenu de payer toutes les dettes comme héritier simple, aux nombres quatorzieme & dernier du chapitre ci-dessus cité : lisez de plus, le chapitre & du Livre 4 du même Traité, & du Moulin sur l’Article XXx de la Coutume de Paris, in verbo, qui dénie le Fief, num. 169.13


XCIV.

Les frais des diligences du Bénéfice d’Inventaire, doivent être pris sur le prix des Meubles & Levées avant toutes choses.

Il est conforme au S. in computatione, de ladite Loi derniere De jure deliberandi, qui a pour fondement, que l’héritier se rendant comme dépositaire des biens de la succession, fait le profit de tous les créanciers.

C’est mal-à-propos qu’on a fait comparaison de l’adjudication du bénéfice d’Inventaire à l’adjudication par décret, pour conclure que puisque les frais d’un décret ne sont pas payés par préférence au treizieme, ni aux arrérages des rentes seigneuriales & foncieres, suivant l’Art. DLXXV, ainsi les frais du bénéfice d’Inventaire ne devroient pas. être payés privilégiément & préférable-ment aux droits des Seigneurs de Fief ou fonciers : car la disparité est manifeste, parce que par l’adjudication d’un décret, les héritages passant en la main de l’Adjudicataire, sans qu’il fût tenu de payer le treizieme, ni les arrérages échus des rentes seigneuriales ou foncieres, les Seigneurs féodaux ou fonciers pourroient perdre ces redevances, si elles ne leur étoient pas accordées en privilége avant les frais du décret : mais au contraire, en donnant à l’héritier benéficiaire le privilége d’être payé de ses frais avant toutes choses, aux termes de cet Article XCIV, ce n’est qu’à l’égard du prix auquel les meubles fruits & levées de la succession ont été estimés ; ce qui ne diminue pas la sureté desdits Seigneurs, ausquels les héritages demeurent toujours obligés, comme ils étoient avant l’adjudication du bénéfice d’Inventaire.14


XCV.

L’Héritier par Bénéfice d’Inventaire n’est tenu que jusqu’à la concurrence de la vendue ou du prix de ladite estimation, s’il n’est trouvé qu’il ait commis quelque fraude audit lnventaire, ou concélé aucune chose de ladite Succession ; auquel cas il sera tenu comme Héritier absolu.

L’héritier par bénéfice d’Inventaire ne représente qu’imparfaitement la personne du défunt, & au moyen de la séparation de ses biens faite legitimement d’avec ceux de la succession, il n’est obligé aux dettes, que comme un dépositaire ou gardien, jusqu’à la concurrence de la valeur des biens dont il a amendé : c’est pourquoi les Auteurs l’ont comparé au Curateur donné aux biens vacans, conformément à l’Article CCOXEIV de la Coutume de Paris. Que Sil a commis quelque fraude, ayant soustrait ou recelé les biens de la succession, il est condamnable au payement de toutes les dettes, comme héritier absolu. Le S. licentia, de ladite Loi dernière, par lequel l’héritier qui avoit soustrait ou recelé, devoit être condamné au double de la valeur des choses soustraites, ou recelées, n’est point suivi dans le Droit coutumier ; mais l’héritier bénéficiaire en ces cas, est condamné à payer toutes les dettes, comme Sil étoit héritier simple, comme il est dispose par cet Article, qui s’observe même contre les Mineurs qui ont fait ces fraudes, parce que les Mineurs ne sont point restitués à l’égard du dol, non plus qu’à l’égard du crime par eux commis, Malitia supples etatem, & deceptis non decipientibus jura subveniunt, suivant les Textes du Droit, rapportés par Louet & son Commentateur H. 24.15


XCVI.

Où les Créditeurs voudront faire vendre les Meubles & Immeubles de la Succession, faire le pourront, nonobstant ladite estimation, les solemnités à ce requises, dûement observées & gardées.

Tout ce que fait l’héritier bénéficiaire ne lui étant permis que pour mettre en plus grande sureté les biens de la succession, ne doit pas être contraire aux droits qu’ont les créanciers sur ces mêmes biens, puisque c’est pour leur conservation que la Coûtume a apporté tant de précautions. C’est pourquoi les créanciers peuvent faire saisir & vendre lesdits biens meubles & immeubles, nonobstant les appréciations qui ont été faites en Justice, des meubles, fruits & levées16. Les solemnités qui sont requises pour la vente des meubles, sont qu’il faut faire une proclamation en la Paroisse du domicile du défunt ; & pour la vente des fruits & levées, il faut faire la proclamation en la Paroisse où sont situés les héritages chargés desdits fruits & levées : ces proclamations doivent être faites à l’issue des grandes Messes des jours de Dimanches. Quant aux fruits & levées des années suivantes, il semble que l’héritier en doit faire faire une appréciation chaque année, parce que sans cette appréciation, l’héritier confond ses propres biens avec ceux de la succession, & partant s’oblige à payer les dettes ; & d’ailleurs, il semble que les créanciers pourroient obliger cet héritier à bailler caution de ladite appréciation, & à son refus, faire saisir & vendre lesdites levées.17


XCVII.

Les Deniers provenans de la Vendue ou de l’Estimation, comme dit est, seront distribués aux Créditeurs par Justice, selon l’ordre de priorité & postériorité : Et à cette fin sera pris jour pour en tenir Etat, qui sera signifié à l’issue de la Messe Paroissiale du lieu, quinze jours au précédent.

On ne reconnoit point dans la Coutume de Normandie, le cas de déconfiture expliqué par l’Article CLxxx de celle de Paris, en ces termes : Le cas de deconfiture est quand les biens du débiteur, tant meubles qu’immeubles, ne suffisent aux créanciers apparens. Dans ce cas, les créanciers viennent en contri-bution au sol la livre sur le prix des meubles, & de ce qui est réputé meuble comme les Offices & rentes constituées à prix d’argent, par l’Article CLXXIX précédent : de telle sorte, ajoute ledit Article CLXXx, que s’il y a différend entre les créanciers sur la suffisance ou insuffisance des biens du débiteur, les premiers en diligences, qui sont préférés sur les deniers par eux arrétés, doivent bailler caution de les rapporter, pour être mis en contribution, en cas que lesdits biens ne suffisent. Voyez ce qui a été dit de ladite contribution, sur l’Article DXCIII.

En Normandie tous les deniers provenans, tant de la vente des meubles que de l’adjudication des immeubles, se distribuent entre les créanciers de la même manière ; c’est à sçavoir, entre les privilégiés, suivant la qualité de leur privilége, soit réel ou personnel & entre les hypothécaires, suivant l’ordte de prio-rité ou de postériorité du temps des obligations. De plus, le premier saisissant ou arrétant les meubles, n’a aucune préference, sinon pour être payé des frais par lui faits pour les diligences, par l’Article DXCIII.Loüet , C. 44.18 Il ne sera pas inutile de remarquer, que quoique par la Coutume de Paris, les Offices qui sont tous réputés meubles, ayent suite par hypotheque, quand ils sont saisis pour être décrétés ; toutefois le prix qui provient de l’adjudication devoit être distribué aux créanciers, comme le sont les prix des autres meubles, par contribution & au marc la livre, sans avoir égard à l’hypotheque des créanciers, par l’Article XCV de ladite Coûtume : Ce qui a été chan-gé par un Edit fait & publié en l’année 1683, par lequel entr autres choses, il est ordonné que le prix des Offices vendus par décret, sera payé aux éréanciers, suivant l’ordre hiypothécaire, de la même manière que le prix des vérita-bles immeubles.

Apres que l’état aura été tenu, suivant qu’il est porté par cet Article ; Sil se présente d’autres créanciers, ils se feront payer des deniers restés aux mains de l’héritier, suivant le même ordre observé en tenant l’état, & ils pourront obliger l’heritier à leur rendre compte, à quoi il sera condamné personnellement : Et en cas que les créanciers veuillent saisir les immeubles de la suc-cession, ils le pourront apres une sommation en decret faite audit héritier.

Il faut de plus remarquer, que si les légataires se sont présentés à l’état, & y ont été payés, & que depuis se présente d’autres créanciers aprés l’état tenu, les légataires pourront être poursuivis, condictione indebitè, pour la ré-pétition de ce qu’iis auront reçû, parce qu’il ne leur étoit rien dû, n’étant pas créanciers du défunt, mais seulement de sa succession, à laquelle ils ne peuvent rien prétendre qu’apres les dettes du défunt payées, S. sin vero creditores, de ladite Loi dernière. Il seroit bien plus convenable de ne payer pas les légataires, sinon à condition de rapporter, & d’en bailler caution.19


XCVIII.

L’Héritier, par Bénéfice d’Inventaire, est tenu de répondre aux actions & demandes des Créditeurs, sur la connoissance des Faits & Obligations du défunt.

Il est limité à la reconnoissance des faits & des obligations du défunt, que l’héritier est obligé de reconnoître ou d’en attendre la vérification, même avant que l’adjudication du Bénéfice lui ait été faite. Mais pour les autres actions, il n’en peut être poursuivi pendant qu’il fait ses diligences, & avant ladite adjudication, n’ayant point encore de qualité constante, S. donec, de ladite Loi der-niere, qui décide de plus, que pendant ce temps, la prescription ne court point contre les créanciers de la succession : Ce qui s’observe dans tous les délais qui sont donnés par la Loi, comme la Glose le remarque, & en rapporte les autorités sur ce même Paragraphe. Il ne faut pas omettre, que l’héritier bénéfi-ciaire est tenu en son nom indéfiniment de tous les dépens jugés contre lui, aux procés qu’il a poursuivis ou défendus concernant la succession, pourvu qu’ils soient faits de son temps, parce que si ces dépens se prenoient sur les biens de l’hérédité, ce seroit les créanciers qui les payeroient en effet, bien qu’ils provinssent de la témérité de l’héritier. Pour éviter donc cet inconvénient, il doit se faire autoriser par les créanciers.20



1

Les Coutumes ont totalement défiguré le Bénéfice d’Inventaire, qui d’un privilége particulier, passa enfin chez les Romains en Droit commun ; elles l’ont embatrassé de tant de formalités, & en ont tiré des conséquences si absurdes, que cette partie de notre Droit a besoin d’une réformation. La Jurisprudence paroit un peu moins déraisonnable que les Textes ; mais que uous sommes loin de la source I Pai pitié de ceux qui argumentent de la Loi, si is qui solvendo. ff. De hered. instit. & de la Loi si pepercerit in fine. ff. de libert. & posthum.


2

Les Héritiers des Financiers & autres, dont Pesnelle fait le détail ne sont exclus du Benéfice d’Inventaire que contre le Roi, les maisons considérables dont ils ont manié leg deniers & à l’occasion des dettes pour fait d’Office ; mais ces mêmes Heritiers sont recevables a en poursuivre l’entérinement avec les autres Créanciers de la succession.Bérault .


3

On a long-temps douté si l’héritier bénéficiaire pouvoit abdiquer cette qualité surtout apres l’adjudication du Benéfice, on avoit, à cet égard, introduit plusieurs distinctions on peut consulterMornac , Bacquet des Droits de Justice, & l’Auteur du Journal du Palais : mais enfin la Jurisprudence actuelle est celle qui est attestée par Pesnelle ; & l’héritier bénéficiaire en abandonnant sa qualité, doit rendre un compte exact du produit de la succession.

Mais cette renonciation ne doit pas préjudicier les Créanciers. Et par Arrêt rapporté parBardet , tome, on a condamné l’héritier bénéficiaire apres avoir renoncé à demeurer partie dans une instance en requête civil. Journal des Audiences, tome, aux addit.


4

Quand le Defunt avoit deux Domiciles où il faisoit un séjour égal, les diligences du énéfice sont valablement solemnisées dans la Jurisdiction où il est decédéLes Glossateurs ont embarrassé les questions sur le domicile d’une foule de distinctions. & de subrilités ; le lieu où nous avons commencé de reipirer est sans doute, cher à nos coeeurs, c’est la où sont ordinairement les monumens des vertus de nos peres, où reposent leurs cendres, où vivent nos proches, nos amis, ceux avec qui nous avons partagé les amusemens de l’enfance ; mais des emplois, des acquisitions, le noeud d’un mariage dans une autre Contrée, peignent bien un Domicile dont les caracteres ne peuvent être détruits par des circonstances équivoques ; ce n’est pas qu’un homme, hors le cas de célée bration du mariage, n’ait la liberté, dans un seul jour, de faire la conquête d’un Domicile nouveau, pourvu que les preuves en soient incontestables. Vuyer les Observations de M. de la Bigotière, sur l’Art. CCCCLXXV de Bretagne ; d’Argentré, ibid. Journal du Palais, sur un partage dans la maison de Rohan ;Cochin , tome 8 3 & 5. Voici le sommaire des notions générales que ces Auteurs donnent : ce Domicile se constitue par l’habitation réelle, & par la volonté de le fixer dans le lieu qu’on habite ; la volonté suffit pour le conserver, elle ne suffit pas pour le perdre ; ceux qui ne sont pas maîtres de leur volonté, ne sont pas maîtres de se choisir un Domicile ; on connoit le Domicile par des preuves de fait & des conjoctures de la volonté ; quand la volonté paroit évidemment contraire aux présomptions, elles doixent être ecartées.

On a introduit les Domiciles de ficton, par exemple, celui du Seigneur de fief au principal manoir de la Seigneurie, du Bénéficier au lieu de son Benéfice, du Titulaire d’un Office dans la ville où il en exerce les fonctions ; mais ces Domiciles fictifs n’operent seuls que pour le Fief, le Bénéfice ou les fonctions de l’Office ; il y a un Domicile cox tractuel pour l’exécution d’un Acte, il ne change rien parmi nous dans l’ordre des Jurisdictions qui sont patrimoniales ; on connoit enfin un Domicile d’élection chez un Procureur, dans le lieu ou se fait une Saisie mobiliaire, dans la Ville de l’établissement de la Jurisdiction où l’on poursuit un Décret : cette demiere efpèce de Domicile n’a été introduite que pour faciliter l’abrévintion des Proces.


5

Suivant l’ancien style de procéder, cité parBérault , il doit s’écouler 4o jours entiere depuis la premiere Criée jusqu’au premier Défaut ; & on peut, dit-il, ajourner les Héritiers à la seconde Assise, quoiqu’elle soit éfoignée de plus de 4o jours, lorsque de la Criée à la première Assise les do jours ne sont pas complets


6

Bérault a observé que lorsqu’une succession est peu considérable, & qu’il est vraisemblable qu’elle fera absorbée par les frais quiexige l’entérinement du Benéfice d’Imentaire, l’équité & la justice prescrivent que l’on rétranche une partie des solemnités ordinaires, il cite l’autorite deBarthole , & la décision dePirrhus , sur la Coutume d’Orléans, Titre des Successions, chap. 18.

La Jurisprudence est maintenant d’accord avec le sentiment de Pesnelle : l’Impétrant des Lettres de Benéfice d’Inventaire en ligne directe est dispensé de faire les perquisitions. & les Criées prescrites par la Coutume ; la premiere trace que nous ayons de cette sage Jurisprudence, se remarque dans un Arrét sur Requête du S Juillet 1729. On avoit fait un premier pas vers l’équité en adoptant l’Art. CCexIIl de la Coutume de Paris ; mais les plus grands hommes ont besoin de réflexion pour être conséquents.


7

Bérault demande si les diligences du Benéfice d’lnventaire doivent être jugées par sepr Opinans ; il argumente des Articles DLVIII & DLxxl de la Coutume, & il met amsi en parallele le Decret des héritages & le Bénéfice d’Inventaire : le Decret prive le Débiteur de son fonds ; par le Benéfice d’Inventaire le Parent, le Lignager est dépouillé du droit à une succession au profit de l’Héritier bénéficiaire : mais enfin la Coutume ne n’explique point, si elle eût désiré sepr Opinans pour prononcer sur la validité des diligences mentionnées dans ce Chapitre, la disposition y eût été exprimée, puisqu’on la lit deux fois dans le Chapitre des Décrets. Godefroy a cependant adopte, sans hésiter, comme décision, ce que Bérault propose sous la forme d’une simple question ; mais le Bénéfice d’Inventaire ne fait pas sortir de la famille les Héritages, il est au contraire un moyen de les y maintenir ; il n’est pas-toujours comme le Decret itrévocable de sa nature, il ne purge point les hypotheques des Gréanciers, &c. Godefroy lui-même indique des Causes de restitution contre l’adjudication du Benéfice d’Inventaire.

Quand on attaque le Benéfice d’Inventaire adjugé, soit par voie de restitution on d’appel, c’est un préalable à la charge du Demandeur ou de l’Appellant d’offrir le remboursement des frais du Bénéfice.

Les motifs des Arrêts, cités par Bérault & parBasnage , en faveur du Mineur & de la Temme mariée, ne doivent point échapper à la pénétration. La négligence d’un Tuteur des Parens mal avisés, ou peu instruits des affaires d’une succession, auroient pu laisser depouiller irrévocablement le Mineur de son patrimoine ; il n’auroit eu, tout au plus, d’autre ressource que dans une demande en indemnité, qui peut facilement échouer. On peut, à bien des égards, appliquer le même raisonnement à la Femme mariée, elle n’a point la liberté d’agir, sa puissance est captivée par celle du Mari, & l’entérinement du Bénéfice d’in ventaire renferme une aliénation universelle, qui doit être interdite pendant le lien du maringe.

D’ailleurs l’adjudication benéficiaire a pour fondement une contumace odieuse, contre laquelle l’équité admet le pourvoi en payant les dépens. Basnage observe que cet Article ne devroit être suivi que contre un Parent plus éloigné, qui voudroit prendre la qualité d’Héritier simple aprés l’entérinement du Bénéfice. J ai lu, avec le suffrage qu’entraine la force du raisonnement, une Confultation de M. Pigache, célèbre Avocat, qui se rapproche de l’opinion deBasnage . Je vais tacher de rendre fommairement les motifs de con viction dont il fait usage. L’Héritier bénéficiaire en vertu de l’adjudication du Bénéfice, n’a pas, dit-il, plus de droit que n’auroit l’Héritier absolu. Le Bénéfice d’Inventaire n’a pas été introduit pour changer l’ordre & la disposition de la Loi, il n’est établi que comme une grace : accordée au lignager pour l’exempter des charges qui excedent les forces de la succession ; mais il ne doit pas dépouiller l’Héritier présomptif qui pourra être absent & auquel le droit n’est pas moins déféré par la disposition de la Loi, le mort saisit le vif.

Ces principes sont vrais, mais ils ne sont encore suivis qu’en ligne directe, & dans les cas d’exception que je viens de poser.


8

On a fait une question qui a quelque rapport à cet Article : Des Créanciers d’une fuccession ont contumacé les Héritiers en général ; on demande si, se présentant un Héritienr par Bénéfice d’Inventaire, les frais de contumace faits par les Créanciers, doivent être supportés par la succession ou par l’Héritier bénéficiaire ; On dit que la contumace équivaut à une Sommation en decret, d’où l’on conclut qu’elle est une charge de la succession mais on répond que l’Héritier bénéficiaire qui survient la rend inutile par son fait : on a prononcé contre l’Heritier benéficiaire par Arrêt du 20 Août 1756.


9

Si deux Cohéritiers ont poursuivi & fait entériner conjointement le Benéfice d’Inventaire sur une succession commune, l’un ne peut, dans la suite, se déclarer Héritier absolu au préjudice de l’autre, il y a dans un pareil procédé un caractere de mauvaise foi qui révolte Arrêt du 26 Février 1740. AussiBrodeau , surLouet , H. 1, décide qu’un Héritier majeur, aprés avoir fait entériner ses Lettres de Benéfice d’Inventaire, ne peut varier ni changer de volonté au préjudice de son Cohéritier bénéficiaire. La Coutume de Bretagne. est, sans doute, bien sensée, lorsque par l’Article DIxxII, elle décide que l’Héritier bénéficiaire ne pourra être exclus par l’Héritier pur & simple, méene en pareil degré. Poyei d’Argentré , sur cet Article ; leBrun , de la Communauté ; le même des Successions :le President Fabert , Décad. 2. Etr. 5 ; Auzanet &le Camus , sur Paris 3d2.


10

L’Ordonnance de 1697 citée par l’Auteur n’a lieu que dans le cas où les Créanciers d’une succession forcent l’HIeritier présomptif de prendre une qualité certaine, ou qu’un Heritier plus éloigné agit contre un Héritier plus proche ; mais hors ce cas il n’y a point de délai fatal pour faire Inventaire, pourvu que celui qui est habile à succéder n’ait point fait acte d’Héritier.


11

Comme les diligences du Bénéfice d’Inventaire remplissent beaucoup de temps & que dans l’intervalle les effets d’une succession pourroient être soustraits, il n’y a point d’inconvéniens à accorder aux Créanciers une action contre l’Impétrant des Lettres de Bénefice, afin de l’astreindre à faire faire Inventaire des Titres & Effets de la succession, sans en attendre l’entérinement : Arrêt du 30 Août 1737. Mais pour prévenir la révélation des secrets des Familles, il a été jugé le 16 Avril 16ad, par Arrét rapporté parBasnage , que les Créanciers ne doivent point assister aux Inventaires. Quelque considération que l’on veuille donner à cet Arrêt, il souffre exception toutes les fois qu’en l’exécutant on pourroit mettre en péril les intérêts des Créanciers de la succession acceptée sous le Benéfice d’Inventaire.

Aussi par Arrêt du S Juin 1731, sur les Conclusions de M. l’Avocat. Général le Bailli, on a autorisé des Créanciers à assister à l’Inventaire requis par l’Héritier bénéficiaire : je pourrois citer plusieurs Arrêts conformes à celui du 8 Juin 1731.


12

L’opinion de Pesnelle peut être combattue par de puissans moyens. L’Heritier bénéficiaire est un véritable Héritier : l’Héritier bénéficiaire, en alienant les fonds dépendans de la succession acceptée sous cette forme, ne fait aucun préjudice aux Créanciers de la succession, qui ont tous indifféremment une Hypotheque sur les immeubles du défunt du jour de son déces, en faisant reconnoître les obligations sous signature privée : aprés la vente les Créanciers sont en droit de demander compte du prix, personnellement à l’Héritier béneficiaire, ils peuvent même se plaindre de la modicité du prix de la vente, ils conservent toujours leurs Hypotheques ; & s’ils sont remplis, ils retirent de la vente cet avantage de ne point supporter les frais d’un Decret toujours trés-onéreux. Voyes Ferrière sur Paris 34z, Ricard &Fortin , le Brun des SuccessPesnelle auroit eneore pu ajouter une difficulté à la question qu’il propose, si la succes-sion bénéficiaire consiste, pour la meilleure partie, en rentes actives constituées, & si l’héritier peut en recevoir l’amortissement, les Créanciers sont obligés, pour prévenir le danges de son insolvabilité, de faire signifier à chaque des débiteurs de la succession, des défenses d’amortir, qui les constitueront formellement en mauvaise foi ; mais les frais de ces significations seront pris en privilége & à leur perte. Notre style de procéder exige que la Justice fasse apprécier les biens de la succession, & qu’avant aucune délivrance l’héritier bénéficiaire donne cau-tion du prix des biens contenus dans l’Inventaire & appréciationsl’Art. XII des Arrêtés de Lamoignon, veut que cet héritier donne caution de tout : par-là les Créanciers sont dispenses de beancoup de frais, & ne se précipitent pas dans le labyrinthe d’un Décret. On pourroit prendre un tempérament en assujettissant l’héritier bénéficiaire à donner caution de la valeur des rentes constituées dues à la succession, & lesquelles ne sont immeubles que par fiction.


13

L’Ordonnance de 1629, citée par l’Auteur au même Article CXXVIII, veut que le compre du benéfice d’Inventaire soit clos dans les dix ans, à peine d’être l’héritier bénéficiaire condamné au payement de toutes les dettes de la succession, de même que l’héritier absolu cette disposition lui est plus favorable que l’opinion deLoyseau , qui, suivant Pesnelle, tend à fixer un délai d’un ou de deux ans, pour faire vuider le benéfice ; il y a des successions si embarrassées, qu’il ne seroit pas possible de les liquider dans un aussi court intervalle,


14

La différence qu’il y a entre cet Article & l’Art. DLXXV, vient peut-être de ce que le Titre des Lécrets a été réformé en 1600 ; car avant cette réformation les frais du Decret se prenoient avant les Droits du Seigneur, qui conserve un Droit de suite sur l’Adjudicataire en vertu de son opposition.


15

Par Arrêt de la Chambre de l’Edit du Parlement de Paris du dernier Août r6ût, rapporté par Soëve, Cent. 2, chap. 50, il a été jugé qu’un Héritier s’étant contenté de faire faire un Inventaire des meubles de la succession de sa mère, sans avoir fait autre mention des Titres & Pepiers trouvés aprés son déces que fous les termes : Itent, un ou plufieurs sucs oi liasse de pupiers, n’étoit pas dans la suite recevable, nonobstant l’entérinerent du Benéfice d’Inventaire, à se plaindre de ce qu’il avoit été condamné en qualité dr’éritier pur & simple Dans les cas ou l’héritier, qui poursuit l’entérinement du Lenéfice d’Inventaire, est nécessité d’agir & de toucher aux : sscts de la succession, il est à propos qu’il se fasse autoriser par le Juge faisi du benéfice : mais il ne faut pas oublier que teutes les protestations contraires à la substance de l’Acte sont inutiles, nisi in perituis : duMoulin , sur Bourbon-nois 323. Suivant l’Article DIXXV de la Coûtume de Bretagne, les Baux des Héritages qui en dépen dent doivent être judiciaires.


16

Quand l’Héritier benéficiaire fait procéder à la vente des meubles de la succession le Créancier n’a que la voie d’opposition : il ne peut pas saisir de son chef ; on n’admet point de saisie sur saisie, l’Inventaire est l’équivalant d’une saisie, si le Créancier le croit frauduleux, il ala voie de récensement : la question a été ainsi jugée, par Arrêt rendu en Orand Chambre, le 19 Janvier 1750.


17

Le Décret des immeubles d’une succession acceptée sous benéfice d’Inventaire, exige une Sommation préparatoire, qui est valablement faite à l’Héritier bénéficiaire.


18

L’Héritier bénéficiaire, qui vend les meubles du Défunt n’est point sujet au Droit de consignation, s’il est porté par les proclamations que les deniers seront mis aux mains de la Caution du Benéfice : Arrét du 1o Mars 1748. un Héritier, par benéfice d’Inventaire, ayant reconnu une rente de la succession purement & simplement, y devient obligé, comme un Héritier simple, sauf son exception, par rapport aux autres demandes :Charondas , dern. quest. cité par Bérault L’Héritier bénéficiaire ne peut empécher le Cessionnaire d’une rente transportée par le Défunt d’être payé du capital & arrérages sur la succession, s’il ne veut donner caution, que le Cesionnaire sera colloqué utilement au Decret des biens du Debiteur : Arrét du 17 Juin 1681.

Basirage


19

La remarque de Pesnelle, qui est tirée deTerrien , liv. 6, Chap. 8, n’est pas d’un grandusage : il est difficile qu’un Héritier bénéficiaire acquitte les Legs auparavant de payer les dettes, les Créanciers sont avertis de faire leur poursuite par la publicité du bénéfice, les proclamations & les Actes judiciaires, cependant si un Créancer absent ne s’est point opposé lors de la distribution des deniers, il est juste de préférer ses interêts à ceux d’un Légataire qui ne cherche qu’à profiter d’un bienfait qui n’étoit pas dans la puissance du Testateur mais il semble qu’il devroit d’abord agir directement contre le Légataire.


20

Quoiqu’avant l’entérinement du Benéfice celui qui le requiert ne soit point tenu de répondre aux Créanciers de la succession, sous la limitation de cet Article, il a le pouvoir d’en poursuivre les Debiteurs, parce qu’il fait le bien des Créanciers.Bérault .

C’est une question trés-discutée par les Auteurs, si l’Héritier bénéficiaire est tenu personnellement des dépens des Proces qu’il a intentés en cette qualité, on ne pourroit pas les lui faire supporter, s’il se bornoit à la reconnoissance des Faits & Obligations du défunt à moins qu’il n’y eût donné lieu par une procédure vicieuse, puisque la Coûtume l’oblige de répondre à cette sorte de demande. L’usage des Tribunaux le plus uniforme, est de ne condamner cet Héritier personnellement aux dépens, que quand il a soutenu soit en demandant, soit en défendant, des Proces manifestement injustes, on l’autorise hors ce cas à employer les frais, mises & dépens dans son compte. VoyesBasnage , laPeyrere , Lett. H. n. 1os Arrêt de M.Devolant , Partie 2 ; Basset, tome premier, liv. 2,Augeard , tome premier.