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F IEF est dérivé de Fé, qui, en vieux langage, signifioit Foi & Fidélité, de forte qu’au temps des derniers Rois de la seconde race, Fé, en langage François, & Feuum en latin, fignifioient ce qu’on nomme présentement Fief, vrai-semblablement parce que les Fiefs obligent, par leur définition, à la foi & fidélité envers le Seigneur. Les Fiefs, au temps de leur premiere institution étoient appellés Benefices, parce que c’étoient des récompenses que les Princes donnoient aux Capitaines qui les avoient servis dans leurs conquêtes, à la charge de continuer leurs services dans l’occasion des guerres, & de payer quel-ques redevances : qui étoient plutôt des marques d’honneur & de reconnoissance, qu’utiles au bienfaiteur : & d’autant que ces Bénéfices n’étoient donnés que comme des places de Capitaines, ils n’étoient accordés qu’à des personnes nobles, & propres à la profession des armes ; c’est pourquoi ils n’étoient concédés que pour la vie de ceux qui en étoient récompensés, & ne passoient point à leurs héritiers. Tout cela a été changé, les Fiefs sont devenus patrimoniaux & héré ditaires, ils peuvent être possédés par des personnes de toutes sor-tes d’états, & même par les femmes.1

C’est sur le fondement du service militaire, auquel les possesseurs des Fiefs étoient obligés, que l’on a introduit depuis que les Fiefs sont patrimoniaux, & que les non Nobles & les Roturiers sont capables de les posséder, le droit de Franes-Fiefs, pour indemniser le Roi de l’avantage qu’il perd, lorsque des gens du tiers-état sont propriétaires & possesseurs de Fiefs, parce qu’ils ne sont pas réputés capables de rendre tant de service à la guerre, que les gens Nobles : Mais ce droit paroit n’être plus fondé en raison ni en justice, depuis que les Tailles ont été imposées ; par lesquelles les gens du tiers-état payent ce qui est nécessaire pour la subsistance des armées : qui ne sont plus composées ( comme elles étoient auparavant ) de ceux qui devoient accompagner & servir les possessours des Fiefs dans les guerres ; mais de Roturiers aussi-bien que de Nobles, qui doivent servir semblablement & continuellement, parce qu’ils sont foudoyés des deniers que le Roi leve sur le Peuple. Outre que bien que les possesseurs des Fiefs ayent été contraints de payer la taxe des Franes-Fiefs, on les oblige encore d’aller ou d’envoyer au service du Ban & Arriere-ban toutes les fois qu’il est convoqué, qui est néanmoins la seule occasion en laquelle les Gentils-hommes sont tenus de servir le Roi gratuitement dans ses Querres.

Dans l’ancienne Coûtume, le mot de Fief comprenoit, tant l’héritage Roturier que le Noble ; mais dans la nouvelle, il fignifie seulement le Noble. En cette signification, il est défini une terre ou une chose réputée immeuble, pour laquelle le possesseur reconnoit un Seigneur direct, auquel il doit honneur for & fervice, & tels droits que l’usage des lieux le requiert ou que l’on a accordés dans le Contrat d’inféodation, ou du Bail de terre & d’héritage. La défi-nition de du Moulin est semblable : Feudum est res immobilis aut equipollens, concessa in perpetuum, cum translatione uilis Dominii, retentâ proprietate sub fidelilate & exhibitione servitii.

Dans ce Chapitre, la nature des Fiefs est expliquée par leurs propriétés & par leurs droits, qu’on peut diviser en honoraires, de justice & utiles : Les honoraires consistent en la reconnoissance qu’on doit faire du Seigneur, par la prestation de la foi & de l’hommage, par les Aveux & dénombremens, & par le respect qu’on doit porter à sa Personne, à sa Femme & à son Fils ainé. Ceux de Justice consistent dans les Pleds & Gages-Pleges, & dans les actes qu’on y peut exercer, com-me la réception ou le blûme d’Aveux, élection des Prévôts, réunion des héritages faute de devoirs & droits non faits & non payés, & les condamnations d’amende.

Hes utiles sont ou ordinaires ou casuels : Les ordinaires consistent, ou en dépendances inhérentes au fonds qui est en la main du Seigneur, comme colom-biers ;. garennes, moulins, où en redevances annuelles, comme sont les rentes Seigneuriales, & les corvées dûes par les Vassaux. Les casuels font les re-liefs, aides de reliefs, treizièmes, retraits féodaux, gardes-nobles, réversions par confiscation, par deshérence, par. bâtardise & par félonie, le varech & choses gaives, & les tresors trouvés. Toutes ces particularités & subdivisions sont renfermées, mais sans ordre, dans ce Chapitre, à l’exception de la Garde-noble & du Varech, dont la Coutume a fait deux Chapitres séparés.


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Basnage , sur le Préambule de ce Titre, recueille de toutes parts des autoritée respectables pour répandre du jour sur l’origine des Fiefs, & les époques où ils ont commencé d’acquérir consistance ; c’est un Auteur zélé qui doute avec son Lecteur, & apprend à marcher à la découverte des vérités obseures & enveloppées dans la nuit des temps. Du Moulin sur le Préambule du Tit. des Fiefs, n. 12, croit découvrir dans les moeurs des anciens Franes, avant la conquête des Gaules, l’origine des Fiefs ; j’ai remarqué dans ce peuple des hordes de barbares séparées par familles & gouvernées par le droit de l’âge : le péril commun ou le desir d’entreprendre les réunissoit, un chef étoit choisi, il se concilioit les esprits par sa force sa valeur & ses largesses, quiconque étoit parvenu à se procurer le commandement ne pouvoit douter de la fidélite de ceux qui partageoient ses périls, elle alloit jusqu’à l’enthousiasme du dévouement. Mais du Moulin n’a pas dû appercevoir dans les marais de la Germanie, cette longue chaine d’obligations introduite par le droit des Fiefs, où cet homme célèbre a vu dans un gland un tres. grand arbre. M.Salvaing , de l’usage des Fiefs, chap. 2, a cru que l’établissement des Fiefs dérive des usages des Goths, des Vendales, des Saxons & des Normands : je n’ai pas le loisir de diseuter ces opinions. Pocquet de Livonière, dans sa Préface sur le Traité des Fiefs, s’explique avec un air de vraisemblance qui frappe. Sous la première race de nos Rois, dit cet Auteur, les bénéfices, récompenses militaires étoient accordés pour un an, deux ans, trois ans de jouissance & même à vie. Dans le seconde race de nos Rois il y eut des concessions à perpétuité, mais elles n’étoient pas de droit général : ce n’a été qu’au commencement de la troisieme race que les Fiefs ont commencé d’être tels qu’ils sont aujourd’hui. Voyer la Monarchie Françoise de M. l’Abbé Dubos ; l’Auteur de l’Esprit des Loix, tome 4, de l’ed. in-12s du Tillet ; Chronologie de Duchesne ; Mémoires de la Maison d’Harcour.

Il y a eu de graads Vassaux qui, au milieu de l’anarchie féodale, ont été, dans le Gouvernement intérieur des Princes sages compatissans & éclairés. Mezerai ; Marian ; Autiss. Chr. ;, Ep. 89 ;Iean de Salisberi Guillaume de Tyr , liv. 16, Chap. 23 Assises du Royaume de Jérusalem, rédigées par le Comte d’Ascalon .