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CIX.

a faute d’Homme, Aveu non baillé, Droits & Devoirs Seigneuriaux non faits, le Seigneur peut user de Prises de Fief, quarante jours après le décès du dernier Possesseur, ou mutation du Vassal avenue.

Par l’ancien Droit des Fiefs, la réunion faite faute d’avoir pris l’investiture c’est ce que la Coûtume appelle, d faute d’Homme & d’Aveit non baille dans le temps limité par la Loi, emportoit la perte de la propriété, mais par le Droit coutumier, elle n’emporte que la perte des fruits qui sont encore sur le fonds ; c’est-à-dire, qui n’ont point encore été recueillis, quoique réputés meubles au cas de l’Article DV de la Coûtume : car pour ceux qui ont été engrangés, ils n’appartiennent point au Seigneur, non pius que les autres meubles qui sont sur l’héritage réuni. Il y a néanmoins quelques Coûtumes par lesquelles le Vassal ne peut prendre possession auparavant que d’avoir fait les foi & hommage, autrement il tomberoit en commise, à moins que le Fief ne provint de la succession des ascendans : c’est pourquoi ces Fiefs s’appellent Fiefs de danger1. L’Areu que le Vassal est obligé de bailler, doit expliquer tous les Droits du Fief servant, les héritages qui en rclevent, le nombre des terres qui en composent le domaine non fieffé, avec leurs abornemens, de sorte que le Seigneur puisse avoir une connoissance exacte des appartenances & dépendances du Fief, dont il reçoit l’Aveu, parce qu’il a intéret d’être bien informé, aux cas de réunion, de garde & de réversion. Cet Aveu doit être signé du Vassal, reconnu devant ie Juge de la Seigneurie ou devant Notaire, écrit en parchemin, par la Coutume de Paris, Article VIII, ce qui se pratique en Normandie2. Le Seigneur pour faire la saisie ou prise de Fief, suivant l’expression de la Coûtume, doit avoir un Mandement de son Juge ou du Juge supérieur : il doit déclarer dans la saisie, que c’est faute d’homme, de devoirs & droits non faits & non payés, & exprimer quels droits & redevances il demande, afin que le Vassal soit bien instruit, pour requérir & obtenir la main-levée. Il n’est pas nécessaire que le Seigneur baille copie de ses Titres lors de cette saisie : l’Usufruitier peut faire cette saisie, ce qui s’in-

fere de l’Article CXCI, & est décide par la Coutume de Paris, Article Il.

Mais l’Usufruitier du fonds servant, ne peut empécher cette saifie faite faute d’homme, à moins que ce ne soit une Douairicre, dont la jouissance est réputée être une continuation de la jouissance du Mari ayant fait ses devoirs Mais les Créanciers peuvent-ils empécher l’effet de cette faisié & de là rétnion qui a été faite en conséquence, en pûyant les frais & les arrérages des rentes Seigneuriales, & les autres droits utiles, parce que les héritages servans sont engagé : aux dettes au préjudice du Seigneur ; Cette question paroit avoir été bien décidée par l’Artiole XXXIV de la Coutume de Paris, en ces termes : Le Curaieur ou Commissaire établi à la requête des Créanciers, peut faire la foi ës hommage an Seigneur séodal, au refus du Vassal propriétaire du Fief suifi. Idem judicandum, à l’égard du Curateur d’une succession vacante, qui grent lieu d’homme vivant, mourant & confiscant, suivant un Ar-ret rapporté par duMoulin , du mois de Décembre 1544.3 Ifaut remarquer que des héritages peuvent être tenus d’une Seigneurit sans être obligés à aucunes rentes ni redevances ; parce que l’essence d’un FicE consiste dans la soi qui est due au Seigneur, les autres droits ne font qu’aceidentels & accessoires, sans lesquels le Fief peut subfister : Mais non sfné ire-ientione directi dominii, id est fidelitatis, feudi enim fubstantiain solu fidelilue, quee est ejus forma fiibslantialis, subsistit, coetera pendent ex paclis 8 senore inyessituraes du Moulin dans la sin de sa Préface sur le Titre des Fiefse Le temps de quarante jours accordé au Vassal pour les devoirs, est les mênte que celui qui étoit accordé par les Coutumes pour délibéren de l’addition de l’héredité, mais quand il est dit que le Seigneur peut user de prise de FicE apres ledit temps, il faut entendre qu’il peut commencer les diligences pour parvenir à la rénnion.


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Le délai de la Coutume se compte du jour que la mort du Vassal, qui a fait les devoirs, est scue communément sur le Fief servant ; le Vassal étant décéde dans le délai muni-cipal, il est juste d’accorder à son Successeur qo jours entiers pour s’acquitter de la foi & hommage, d’autant qu’il est du au Seigneur un second relief.Berault . Voyer, sur la Saisie féodale, les Etablissemens de S. Louis, Ohap. 85 ; oun.Galli , question 16z, duMoulin , Traité des Fiefs, S. 1, Gl. 2, n. 43 Commentateurs, sur Paris, Art. premier & Il ; Arrêtés de Lamoignon, de la Saisie séodale.

L’absence du Vassal qui a couvert le Fief, ne donne point au Seigneur la faculté de saisir séodalement & de réunir : on fait valoir, contre le Seigneur, la présomption de la durée de lavie la plus longue, suivant la Doctrine de duMoulin , Traité des Fiefs, S. 1, Gl. 2. n. 4s Questions deBretonnier .

Le Seigneur doit attendre la révolution entière du délai accordé par la Coutume au nouveau Vassal pour commencer ses diligences ; la Contumace du Vassal ne les valideroit pas si elles avoient été anticipées, quod ab initio nullum est, tractu temporis convalescere non potestDupont , sur Blois, Art. LIII & LIV, duMoulin , sur Paris, Art. VII, Glos. 1, quest. 2, 3 & 4 ; d’Argentré sur Bretagne, Art. CCCXXIl.


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Du Moulin définit l’Aveu un titre nouveau & un renouvellement de l’ancienne obligation formée entre le Seigneur & le Vassal ses expressions sont remarquables : Iustrumen-tum renoyate investiture, & contradis feudalis, in quo instrumento specificé declatatur, in quo confistit res feudalis, ejus frudus & singula pertinentia minutatim describuntur.Basnage . rapporte un Arrét de ce Parlement du Is Décembre 16b6, qui décide que le Vassal noble doit employer dans son Aveu, par le menu, les noms de ses tenants, la quantité de leurs héritages, & les rédevances seigneuriales autant qu’il peut lui en être du, & ce par bouts & côtés nouveaux, pour obvier aux entreprises sur le Domaine fieffé & non fieffé : Basnage sur l’Article CXXI.

Cet Arrêt est conforme aux dispositions de l’Artiele XE de la Coutume de Melun. Nos Auteurs ont remarqué qu’autrefois on ne donnoit point ou tres-peu de dénombremens, on a reconnu les suites facheuses d’une semblable négligence. Cependant les dénombremens étoient en usage des le temps de Charlemagne ; le Capitulaite ro du troisieme Livre porte : Ut non solum beneficia Episcoporunt vel Abbatum, Abbatissurunt atque Comitum sive Vassorum nostrorum, sed etian fisci nosiri describantur in breve, &c.


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Il est mal-aisé de proposer, sur la difficulté objectée par Pesnelle, d’autres selutions que la sienne ; cependant, puisque la réunion féodale n’empêche pout l’affactation de l’hypotheque, nous pourrions, ce semble, en accordant au Seigneur ses Droits, utiles, donner moins à des préjugés puises hors la Province. L’Arrét du mom de Mai 1692, cité. par Basnage n’offre rien de décisif car on opposoit aux Créanciers du Vassal, qu’ils ne Juiroient point leur Décret, & qu’ils s’étoient fait donner main-levée : voyez les Annotationgattiibuées au President Groulart. Suivant un Arrét du 8 Août 1727, le Creancier subroge n’a pas le Droit de donner Aveu au Seigneur à la place de fon Débiteur. Il ne paroit pas difficile d’appercevoir le motif de cet Arrêt : le Créancier subrogé n’acquiert pas la qualité de Propriétaire par la subrogation ; il est vrai qu’il a un droit à la chose : mais par le payement de ses erédites, il peut à chaque instant être dépossédé, sans cependant que sa depossession occasionne une mutation de Vassal.