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CXV.

Si aprés la Saisie ou Adjudication d’une Aînesse faite au Seigneur, l’Aîné est négligent d’obtenir main-levée, les Puînés sont reçus à la demander. Et en ce cas, il est à l’option du Seigneur de la leur bailler chacun pour leur part, retenant pardevers lui la part de l’Aîné : ou bien la leur laisser, en baillant par eux déclaration entière de toute l’Aînesse, & payant les arrérages des rentes qui en-sont dûes.

L’Article CLXXV, peut servir à expliquer celui-ci : pour les entendre l’un & l’autre, il faut sçavoir qu’une aineffe est une certaine quantité de terre quireleve d’un Fief par indivis, & dont il y a une portion qui assujettit celui qui en est propriétaire & possesseur à bailler déclaration & dénombrement, & à payer toutes les rentes & redevances annuelles au Seigneur à l’acquit & décharge de toutes les autres portions. Ce propriétaire s’appelle ainé & porteur en avant, & les propriétaires des autres portions s’appellent puinés1 .

Il est manifeste que le Seigneur peut faire la saisie ou réunion de toute l’ainesse, quand l’ainé est negligent de bailler une déclaration ou dénombrement des terres qui composent s’ainesse. Mais parce qu’il seroit trop rigoureux que les puinés souffrissent la perte du revenu de leurs héritages, à cause de la négligence ou de la contumace de l’ainé, la Coûtume les a secourus par un moyen équitable, qui conserve au Seigneur ses droits, & indemnise les Vassaux. Car si tous les puinés ou quelques-uns d’eux se présentent pour deman-der la main-levée de leurs héritages, le Seigneur ne la peut refuser ; mais il a un droit d’option, qui consiste ou à demander aux puinés qui le poursuivent, une déclaration de toute l’ainesse qu’il leur abandonne, en lui payant toutes les rentes & redevances qui en sont dûes, ou à retenir la portion de l’ainé, & celles des puinés qui ne se présentent point pour en jouir divisément : que s’il s’arrête à la premiere option, il doit délaisser toute l’ainesse aux puinés, & par ce moyen ses droits ne sont aucunement diminués, parce que les puinés, qui sont ses Vassaux & propriétaires aussi-bien que l’ainé, lui doivent donner une reconnoissance valable & suffisante, & d’ailleurs lui payer par assemblement & par indivis, tout ce qui lui est dû. Les puinés en ce même cas, évitent la perte, en obtenant la main-levée de leurs héritages, & ayant un recours assuré contre l’ainé, pour l’assujettir à leur rendre ce qu’ils payent & payeront pour lui : que si au contraire le Seigneur opre de louir de la portion de l’ainé, c’est qu’il juge qu’elle le récompensera suffisamment ; & d’ailleurs, la condition des puines n’est point autre, que si l’ainé s’étoit acquitté de son devoir, parce que quand le Seigneur jouit de la portion de l’ainé, il le représente, & n’a pas plus de droit que l’ainé de les assu-siertir, ni à l’indivis, c’est-à-dire, à payer un seul pour tous les autres ; ce qui a été jugé par un Arrêt du 28 de Février 163t, rapporté par Basnage ; ni à lui bailler une déclaration de toute l’ainesse, suffisant qu’un chacun d’eux lui baille une déclaration de sa portion divisément, comme il se doit inféren de cet Article CXV, par ces termes, de la leur bailler pour leur pari. VoyezLouet , F. 26. Il semble que le Seigneur peut renoncer toutes fois & quantes à l’option qu’il a faite de la part de l’ainé, & qu’en la remettant, les puinés seront chargés d’acquitter toutes les redevances : ce qui se peut inférer de l’Article XXII du Régiement de 1666. L’équité de cet Article CXV doit se pratiquer à l’égard des Paragers, aux cas des Articles CXXVIII & CXxx.2


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M.Louet , cité par l’Auteur, rapporte un Arrét du & Septembre 16od, dont on conclut que de plusieurs cohéritiers possedant une terre par indivis, ceux qui se présentent pour faire les devoirs ont main-levée de la Saisie féodale, sauf au Seigneur à se pourvoir contre les Contumaces, à l’égard desquels la Saisie tient.Taisant , sar Bourgogne, Tit. 3, Art. premier, n. 18, tire cette conséquence de l’Arrét de 1604. Le motif exposé par M.Louet , a beaucoup d’application à l’Art. CXV de notre Coutume, & il en fait observer toute la sagesse : le Seigneur & l’Ainé jouiroient, de concert & par collusion, de l’Ainesse en totalité ; mutilement les Puinés se mettroient à leur devoir dépourvus de remede, ils pourroient se voir exposés à la perte des fruits de leurs Héritages sans leur fait, sans aucune faute imputable.

On a condamné sur ce principe, par Arrét du 2 Août 1755, l’Ainé à faire donner maindevée de la Saisie féodale. Quoique notre Coutume ait déterminé le pourvoi des Puinés, & qu’elle semble leur avoir fait une Loi de s’adresser directement au Seigneur ; cependant on peut penser que l’Art. CLXXV, imposant à l’Ainé la nécessité de donner déclaration ou écroe entière de l’Ainesse au Seigneur, la Coutume, pour avoir subvenu aux Puinés, par l’Article CXV n’a pas eu intention de leur interdire une voie qui paroit ouverte par d’Article Clxxy

Quand l’Ainé se présonte pour obtenir main-levée, les Puinés, qui ont joui au lieu du Seigneur ne sont obligés à aucune restitution de fruits, quand même l’Ainé offriroit le payement de sa part des Droits dus & payés au Seigneur. Il y a cependant des circonstances où les offres de l’Ainé seroient raisonnables, comme si l’Aine étoit dans une ignorance excusable, & que les Puinés auroient pu faire cesser.


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IIV a dans quelques cantons de cette Province des Tenemens appellés Masures, les tenans y font chacun à leur tour la cueillette des rentes & redevances féodales : ce que nous appellons ainesse y est inconnu, ou n’y est point pratiqué, & si le Seigneur vouloit introduire une pareille charge, le succes de la tentative seroit douteux, parce qu’elle res-sent trop la servitude ; mais quand la charge d’ainesse est positivement exprimée par les aveux, elle n’est pas moins difficile à prescrire, car les Vassaux ne doivent pas abuser de l’humanité avec laquelle le Seigneur exige ses Droits, selon différentes Consultations de M. Thouars ; on présume que ces Masures ont été originairement inféodées à plusieurs pour tenir en consortie. Basnage pense que le Seigneur peut forcer les tenans d’établir parmi eux un Ainé.