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CXLI.

Néanmoins, si l’Eglise a possédé Fief ou Héritage par quarante ans, en exemption de bailler Homme vivant, mourant & confiscant, ou de pourvoir à l’indemnité du Seigneur, elle tiendra delà en avant le Fief ou Héritage en pure Aumône, & ne sera tenue que bailler simple déclaration au Seigneur.

Bien qu’il soit dit en l’Article CxxxIx, que le Vassal aumonant à l’Eglise lhéritage dépendant d’un Fief, ne peut diminuer les droits du Seigneur ; néanmoins par l’Article CXLI, il est déclaré, que l’Eglise ayant possedé par qua-rante ans sans avoir donné indemnité au Seigneur a prescrit contre lui & la foi & hommage, & les autres droits, ausquels elle ne peut plus être assujettie, & n’est tenue que de bailler une simple déclaration au Seigneur, ce qui est une exception a l’Article CXVI, & d’ailleurs explique quelle est la tenure que la Coutume appelle par aumone, en la division faite en l’Article CIII. Mais parce que l’Eglise est une main-morte, c’est-à-dire, n’a pas le pouvoir d’aliéner le bien qui lui appartient, & demeure toujours en un même état, n’arrivant aucun changement en la possession des héritages qui lui appartiennent, ni par mort ni par confiscation, ni par aliénation volontaire ; le Coutume a pourvu à l’indemnité du Seigneur, qui souffre la perte de ses droits casuels ; sçavoir, reliefs, treiziemes & confiscations ; ce qu’elle fait par deux moyens : le premier en obligeant l’Eglise & toutes les autres main-mortes, comme sont les Colléges, Maladreries, Hopitaux, Corps de Ville, à nommer au Seigneur un Particulier laique qui représente le Vassal, qui par sa possession, par sa mort & par son crime, puisse donner ouverture aux droits ca-suels du Fief ; c’est ce qu’on appelle dans le Droit coutumier, homme vivant, mourant & confiscant. L’autre moyen d’indemnité est, que la main-morte outre cet homme vivant mourant & confiscant, est obligée de payer au Seigneur le tiers du prix de l’acquisition pour les Fiefs, & ie quart pour les Rotures : ce qui n’ayant pas été assez expliqué dans l’Article CXLI, a été expressément distingué par l’Article XXI du Réglement de 16661. Outre l’indemnité que les main-mortes doivent aux Seigneurs de Fief, elles doivent de plus un droit d’Amortissement au Roi, par la même raison qui a fait accorder l’indemnité aux Seigneurs de Fief, qui est que par leur acquisition elles diminuent les droits du Roi, parce qu’elles ne le peuvent servir en ses Guerres, & que réguliérement elles devroient être exemptes de tailles & des sub-fides. Ce droit d’Amortissement est beaucoup plus avantageux au Roi, que le droit d’indemnité ne l’est aux Seigneurs de Fief : premierement, parce que le Roi peut refuser l’Amortissement, & obliger les main-mortes à mettre hors de leurs mains leurs acquisitions, même apres quarante ans de possession suivant l’avis de quelques Auteurs. Secondement, parce que ce droit est dû pour toutes sortes d’héritages, Nobles, Roturiers & en Franc-Aleu. En troisieme lieu, il ne se peut prescrire ; c’est pourquoi tous les Successeurs au Royaume obligent les main-mortes à leur donner des déclarations de leurs biens, afin de leur faire payer les taxes, qui sont le tiers de la valeur pour l’amortissement des héritages qui n’ont pas été amortis. Tout le contraire s’observe à l’égard de l’indemnité, car le Seigneur ne la peut refuser quand l’amor-tissement a été fait, elle se peut prescrire par le temps de quarante ans ; & d’ailleurs cette prescription lui fait changer sa tenure qui devient par aumone, & n’oblige l’Eglise qu’à bailler une simple déclaration, par l’Article CXII.2


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L’Eglise eut à peine la permission indéfinie d’acquérir, que les Souverains s’en repentirent. Saint lérôme parle d’une Loi qui la rétracte, & il en reconnoit la justice : la chûte de l’Empire Romain ne diminua rien dans les Gaules de la fortune du Clergé : Charles Martel sentit l’abus, & en le corrigeant il alla peut-être plus loin qu’il ne vouloit : le demem-brement de la Maison de Charlemagne enrichit de nouveau le Clergé, déja trop protégé par ce Prince : le siecle des Croisades, li fatal à la Noblesse, y concentra les richesses de la Nation : l’ignorance & le fanatisme furent les instrumens pour acquérir L’Edit du mois d’Août 1640 a rempli le voeu des bons Citoyens, en mettant un frein à des libéralités indifcretes, le Roi ne se propose point par cet Edit de contrarier les pieuses intentions de ses Sujets ; mais tel qu’un pere tendre, il veut que les motifs qui portent à sevrer les familles d’un patrimoine que la Loi leur défere, soient pesés dans la balance de l’équité.

Comme il décide plusieurs questions agitées sous ces deux Articles, voyez-le à la fin de la fin de la Coûtume La faculté de recevoir une dot dans certains monasteres, pour admettre une fille à la Profession Religieuse, offroit un moyen pour tirer les fonds du Commerce ; la Déclaration du 8 Avril 16y3, permettoit aux Communautés non dotées d’accepter pour l’entrée en Religion des fonds préalablement estimés ; l’article y de la Déclaration du 2o Juillet 176z y a dérogé ; les Communautés Religieuses peuvent bien, suivant cette Loi, stipuler que la dot fera payable en un ou plusieurs termes, & que cependant l’intéret en sera payé sur le pied fixé par les Ordonnances, elles peuvent même renouveller les obligations à l’échéance des termes, si mieux elles n’aiment convenir que pour tenir lieu de dot, il sera payé une rente viagere pendant la vie de celle qui sera recue Religieuse ; mais le payement de la dot, tant en principal qu’intérêt, ainsi que les arrérages des rentes viageres constituées par dot, ne peuvent être faits qu’en deniers ou effets mobiliers, ou en rentes sur le Roi, le Clergé, les Dioceses, pays d’Etats, Villes, ou Communautés ; elles ne peuvent, sous prêtexte de défaut de payement, acquérir la propriété, ou se faire envoyer, pour l’acquittement de ces dots, en possession d’aucun autre immeuble.

L’indemnité est due au Seigneur pour le transport de la propriété des fonds, situés sous son Fief, en faveur des Gens de main-morte, de quelque manière qu’ils sortent du commerce ; elle est due aux Gens de main-morte par les Gens de main-morte, & à l’occafion des Contrats qu’ils passent entr’eux ; elle n’a point lieu dans la cession d’une Rente hvpotheque, & pour les Rentes créées par assignat ; mais la rétention d’une Rente foncière sur un fonda déguerpi par les Ecclesiastiques on Communautés ne les soustrait point au Droit d’indemnité, le Hant-Justicier qui n’est point Seigneur immédiat, n’a aucuu prêtexte en Normandie de Pexiger, ce droit est prescriptible parmi nous depuis la réformation de la Coutume ; mais comme elle renferme deux dispositions à cet égard, chaque disposition, selonBasnage , se preferit séparément. Le Réglement de 1666, Art. XXI, fixe le Droit d’indemnité, l’effet de la quittance d’indemnité est d’exempter les Gens de main morte de la garde, du relief, des aides & autres casualités, car les Gens de main-morte demeurent assujettis aux Devoirs & Droits solides & ordinaires : Arrêt du 1A Août 1659, cité parBasnage .

Comme l’héritage tenu en Bourgage est exempt de payer reliefs, treitiemes & autres Droits Seigneuriaux & Coutumiers, des Gens de main-morte ont prétendu qu’a l’égard de de cette espèce de biens, le taux fixé pour le Droit d’indemnité est trop fort ; mais cette prétention a été rejettée par Arrét du 11 Mai 1736, au profit du Marquis de Guitry.

VoyerBasnage , Arrété de Lamoignon, Titre du Droit d’indemnité dû par les Gens de main-morte ; M. deCambolas , en ses décisions notables de Droit, Liv. 4, Chap. 33, n. 3i duMoulin , sur l’Art. Il de la Coutume de Paris.

Bien des Jurisconsultes rejettent le terme d’Homme confiscant mentionné dans cet article, ils ne conçoivent pas que l’on puisse donner lieu à la confiscation d’une chose dont on n’a point la propriété ; cependant plusieurs Coutumes contiennent la même disposition. Bourbonnois, Art. CCexC, Monfort, Art. XLVII ; Laon, Art. CCIx ; Bar, Art. X ; Péronne, Art. LXXVI, Bretagne, Art. CCCLXVIII. lover les Commentateurs de ces Coutumes,


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Nous avons des preuves du Droit d’amortissement des le commencement du treizieme siècle ; la nécessité du consentement du Souverain pour l’établissement des Gens de mainmorte a toujouss été régardée comme une Loi de l’Etat, & plus ce corps est devenu consi dérable, plus il a fallu redoubler les précautions, on a distingué l’amortissement général pour un Diocese, pour tout le Clergé ; l’amortissement particulier, relatif à un Traité, & l’amortissement mixte pour toutes les possessions d’une Eglise ou Communauté, l’amortissement a été étendu aux immeubles fictifs, il se regle sur le pied de la Déclaration du 2 No-vembre 172d ; ce Droit est purement régalien, il est imprescriptible ; mais la rigueur de cette dernière décision est modérée par la Déclaration du mois de Mars 1700 : l’effet de l’amortissement est d’assurer la propriété des Gens de main-morte Des Auteurs célebres ont pensé que le Droit d’amortissement étoit dans son origine un simple Droit féodal ; nul ne peut, suivant ce Droit, abreger ni diminuer son Fief sans le consentement du Seigneur immédiat, & celui-là ne le peut que du gré du Seigneur dont il releve, sous peine de dévolution de Seigneur à Seigneur, jusqu’au Roi, souverain fieffeur c’est de cette gradation qu’ils font dériver le Droit d’amortissement Voyer le Maître &Bacquet , Traité du Droit d’amortissement ;Chopin , du omaine, Etablissemens de S. Louis, Art. CXXIII ;Beaumanoir , Chap. 12. Art. 7 ;Salvaing , de de l’usage des Fiefs.

Observez que les droits d’amortissement & d’indemnité, dus à cause des dispositions testamentaires, se payent par les Héritiers du Testateur ; que cette charge tombe sur les Gens de main-morte quand ils sont donataires entre-vifs ; mais que géneralement il n’est point dû de droit d’indemnité pour l’Héritage donné par le Seigneur. loyes la nôte de du Moulin sur la quest. 9 de Joan.Galli . Loyer sur la recherche des anciennes Chartes, des donations faites aux Eglises, le Glossaire de du Cange ; la Diplomat. de DomMabillon , l’Auteur du Neustria Pia ; MM. de Sainte Marthe, Edition des Benédictins.

Sur l’administration des Biens Ecclesiastiques, la forme de leurs Baux, le temps de leur durée, leur anticipation, leur résolution, voyez la Clémentine de Reb. Eccles. non alienand. avec la Glose ; le Concile de Trente, Sess. 25, Ch. 11, de raformat. l’Ordonnance de 1558 ;Prêtre Louet , Let. F. Ch. 11 ; le Prêtre, Cent. 1, Chap. 30, & les dernieres Déclarations & Réglemens qui obligent les Gens de main morte à passer lears Baux devant Notaires.

Pour la Police des Hopitaux, consultez les Ordonnances de 15ôt, de Biois, les Edits des mois de Mars 1693, & Avril 169s, & la Déclaration du 12 Décembre 1698.

Je ne puis quitter cet article sans faire une observation sur les Confrairies, qui y ont quelque rapport. Les collectes qu’elles occasionnent, & qui sont une sorte d’impût illégal sur le peuple ; les festins & banquets toujours accrédités, malgré la défense des Ordonnances & des Réglemens, les profusions ruineuses par émulation ; la perte du temps, dont l’emploi est si précieux à la société ; la singularité des pratiques religieuses si opposée à l’esprit des saints Ganons, solliciteroient l’extinction des Confrairies fondées en Titres, la plupart surpris à la religion du Souverain. Quel jugement doit-on porter sur celles qui n ont en leur faveur que l’ancienneté d’une possession abufive ) Ie nesuis en cet endroit que le copiste deTerrien , Liv. 2, Chap. 11 ; cependant je remarque dans toute la France, que la plupart des Ordres Religieux modernes ont des Chapelles fermées, ils y admettent des personnes de l’un & de l’autre sexe, leur tracent des Staturs, & en vertu de Bulles abusives, les dispensent à leur gré, contre la disposition des Conciles, d’entendre la voix de leur Pasteur, & d’assister au Service Divin dans leur Paroisse. Loyes les Ordonnances de 1319, 1539, 15S0, 1568, 1579, & la Déclaration du 16 Juin 16586. Consultez Bugnon,Coquille , les Preuves des Libertés de l’Eglise Gallicane,Bérault , vous concevrez les inconvéniens qui résultent des Confrairies, & l’emploi que l’on doit faire de leurs revenus, quand on a assez de zele pour les détruire.