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CXLIII.

Tout homme condamné à mort par Justice, banni du Royaume, ou condamné aux Galeres à perpétuité, confisque le Fief & son Héritage au profit de son Seigneur, aux charges de droit, qui sont, payer les Rentes seigneuriales, foncieres & hypotheques, même les Dettes mobiliaires, discussion faite préalablement des Meubles.

Cet Article est fondé sur une maxime du Droit Coutumier ; sçavoir, que qui confisque le corps, confisque les biens. Or tous ceux qui perdent la liberté ou le droit de Citoyens, comme font les condamnés aux Galeres ou aux Métaux à perpétuité, pene servt, ou ceux qui sont bannis du Royaume pour tout le temps de leur vie, deportali, sont censés avoir confisqué leurs corps, parce qu’ils sont morts civilement, & partant ils confisquent leurs biens, tout de même que ceux qui pour punition de leurs crimes ont été privés de la vie naturelle. Ce qui est conforme à ce qui est dit en la Loi 1. De bonis dûmnatorum : Damnatione bona publicantur, cûm aut vila adimitur, aut civitas, aut servilis conditio irrogaiur1. Mais quoique le Juge d’Eglise ne puisse con-damner ni à la mort, ni au bannissement, ni aux Galeres, on a mis en doute

si la condamnation qu’il peut juger à une prison perpétuelle, doit causer la confiscation des biens du condamné, qui fit servus pena, & perd sa liberté, & tout le droit de la société civil2. Mais bien que la confiscation ne soit ac-quise qu’en conséquence d’un Jugement, elle est néanmoins acquise au Roi ou au Seigneur de Fief, encore qu’elle ne soit pas exprimée dans la condamnation ; & il suffit pour établir le droit du confiscataire, qu’il y ait Jugement du dernier supplice, ou de Galeres, ou de bannissement à perpétuité, ce qu’il faut entendre, pourvu que ce Jugement ait été exécuté. Car premièrement, si le condamné a appellé & qu’il meure auparavant que son appel fait été jugé, il est réputé être mort sans perte de sa liberté, integri sialus, & partant ne confisque point. Secondement, les condamnations contradictoires qui n’ont point été exécutées, n’emportent point l’effet de la confiscation, ayant été jugé par un Arrêt du 10 de Janvier 1632, rapporté parBasnage , que la mort arrivée par une maladie à un condamné au dernier supplice, empechoit les effets de l’Arrêt portant la condamnation, tant à l’égard du cadavre que de la confiscation3. En troisieme lieu, les condamnations jugées par défauts & contumaces, qui n’ont point été exécutées, où par effigie au cas que l’Ordonnance le requiert, ou autrement, étant comme des accessoires des crimes, se prescrivent par ringt ans ; & par conséquent la confiscation & les intérêts civil sont sujets à cette prescription, qui n’est point réputée interrompue par le décret de prise de corps, s’il n’a pas depuis été poursuivi, comme il a été jugé par un Arrêt rapporté par ce même Auteur, du 18 de Juin 1660. De sorte que, bien que les Loix nomment plusieurs crimes dont l’accusation est dite perpétuelle, & n’être excluse par aucun temps, cela ne se doit pas entendre de la prescription de vingt ans, qui est génerale pour tous les crimes : de la même maniere qu’en matière civil, les actions. que les Loix déclarent perpétuelles, & nulla prescriptione finiri, ne laissent pas de se prescrire par trente ou quarante ans : VoyezLouet , C. 47. Que si les condamnations ont été exécutées, réellement ou par effigie, & autre formalité suffisante, les dépendances, telles que sont la confiscation & les intérets civil, sont acquis tunquam ex causa judicali, & ne se prescrivent que par trente ans.4

Ce qui a été dit, que la confiscation est acquise de droit par une condamnation de mort naturelle ou civil, n’empèche pas que le Juge ne puisse dimi-nuer le profit de la confiscation, par des intérêts & des amendes, qu’il ordonne être prises sur les biens du condamné. Bérault rapporte deux Arrêts, l’un du 23 de Mai 1613, & l’autre du 2 de Juillet 16zr, par lesquels les biens de Femmes qui avoient été condamnées à mort, pour avoir fait tuer leurs Maris, furent adjugés à leurs enfans, & ne furent point confisqués.5 On propose plusieurs questions, deux sur la grace obtenue du Roi par un confisqué, & une troisieme sur l’aliénation des biens faite par un criminel. Par la premiere, on demande si un seigneur qui a réuni en vertu de la confiscation, est obligé de restituer l’héritage, quand le confisqué a oEtenu des Let-tres de rétablissement : sur quoi il faut user de distinction ; sçavoir, si la grace accordée par le Roi n’est que pour l’exemption de la peine seulement ; & en ce cas, le droit acquis au confiscataire n’est point révoqué, ou bien le grace est pleine, parce que le condamné est remis en son premier état, & renvoyé en la possession de tous ses biens ; & lors il y rentrera, nonobstant le droit qui étoit acquis au confiscataire, à moins que le Seigneur n’eût disposé avant la grace à titre onéreux, des choses confisquées.6 La seconde question est touchant la restitution des fruits percus par le confiscataire, laquelle se doit réfoudre par la même distinction : car s’il n’y a une elause expresse dans les Lettres de grace, par laquelle l’Impétrant doive recouvrer tous les fruits percus, le Seigneur ayant possédé de bonne foi & en vertu d’un titre légitime, a fait siens les fruits qu’il a recueillis avant la présentation des Lettres : mais si ladite clause est employée dans la grace faite par le Roi, les fruits percus par le confiscataire seront restitués au confisqué comme ils sont rendus aux condamnés par contumace, qui se présentent dans l’an de la condamnation, apres lequel ils perdent irrévocablement les fruits de leurs héritages par l’Ordonnance, laquelle de plus dispose, qu’apres les cinq ans expirés depuis le Jugement rendu par contumace, les condamnés perdent la propriété, sans pouvoir être répétée ; mais cette rigueur peut être modérée

& remise par le Roi. Voyez l’Ordonnance de Roussillon, Article Xx, de Moulins, Article XXVIII, & de 167o, au Titre des Défauts & Contumaces, depuis l’Article XXVI jusqu’au XXXII Quant à la troisieme question, elle se doit réfoudre par trois considérations de la qualité du crime, de la nature des Contrats d’aliénation, & du temps. dans lequel l’aliénation a été faite. Dans les crimes atroces, comme de lezeMajesté, de parricide & de péculat, le coupable est rendu incapable d’aliéner son bien dés le moment de la perpétration du crime : mais dans les autres crimes, le criminel n’est inhabile de contracter, qu’apres l’accusation suivie d’information & de décret : ce qu’il faut entendre des aliénations faites à titre onéreux, comme de vente, d’échange & de fieffe, qui sont jugés valables, pourvu que l’acquereur ne soit pas participant de la fraude que le coupable 2 voulu faire, en aliénant son bien : car à l’égard des donations, elles sont toujours présumées faites frauduleusement, pour éviter la peinc due au crime, le droit que le Donataire a acquis, n’étant pas considérable pour empécher l’effec d’une telle présomption : Cûm injurid non afficiatur cut lucrum exiorquetur non damnum inferiur. Ce qui fait connoître qu’il est bien nécessaire de considéren la nature & les circonstances des Contrats, & entr’autres celle du temps dans lequel ils ont été faits. Voyez la Loi Posi contracum, ff. De Donationibus, & les Auteurs qui l’ont commentée. Quant aux charges de droit énoncées dans la fin de cet Article, elles seront expliquées sur l’Article CCI, qui y oblige généralement en tous les cas de réversion.7


1

Dans l’Age d’Or de la République Romaine, la confiscation étoit inconnue. Cic prodomo sud. Sous l’Empire les bors Princes ne s’en servoient guere, Panegyrique de Trajun ; mais elle a été introduite en France pour réprimer le crime, en étendant la peine sur la postérité des coupables. Voyez Brodeau sur l’Art. CLXXXIII de Paris.

Sous la promiere race de nos Rois, les crimes les plus énormes se rachetoient à prix d’argent, le Citoyen le plus riche pouvoit être le plus dangereux : on introduisit, du temps de Charlemagne, la confiscation des Acquêts. Les anciens Normands mettoient au rang des causes criminelles le vol accompagné de violence, l’infraction des treves, la trahison envers le Prince, l’attentat prémedité, qu’ils appelloient assaut, pourvû que l’assailli eût été en péril de sa vie, le rapt de violence, & les incendies procurées à dessein, les autres injures, même réelles, se poursuivoient comme de simples actions personnelles, dont la taxe est exactement expliquée dans nos vieilles Loix, exceptés cependant les Chevaliers, & tous ceux qui devoient le Service Militaire, car à leur égard la réparation se faisoit par les mêmes Armes qu’ils portoient à la guerre pour acquitrer leur Fief : ainsi un Chevalier avoit le droit d’exiger pour réparation le Cheval, le Haubert, l’Ecu, l’Egée & le Heaume. Voyes les Chap.

I, 70, 71. 72. 73, 7s & 85 de l’ancien Coûtumier, &Terrien .

Un Jugement emportant mort civil, prononcé en Normandie étend la confiscation surles biens du condamné situës dans les Provinces de confiscation ; il y a plusieurs Coutumes qui n’admettent pas la confiscation des immeubles à l’exception du crime de leze. Majesté. comme Bretagne, Poitou, le Maine, Boullenois, Guienne &c. On regle le cas de confiscation des immeubles par la Coûtume de leur situation. Jousse, Trait. de la Just. Ctimin. de France, Tome I. se trompe, lorsqu’il met notre Coûtume réformée au nombre de celles qui n’admertent que la confiscation des meubles. Cet Auteur aura été induit en erreur par l’Article CXIIz, dont il n’a pas entendu le sens. Voyesz Ferrière sur Paris, Tome Il.Brodeau -, ibid. Traité de la mort civ. deRicher . Jousse, loco citato. Duparc. Poulin sur d’Argentré .

Bret La confiscation ne s’étend point d’un Royaume à l’autre, à cause de l’indépendance réciproque des territoires. Chopin ; le Bret, de la Souveraineté.

Notre Coûtume s’écarte du Droit général coutumier, lorsqu’elle accorde la confiscation des immeubles au simple Seigneur de Fiefs, & celle des meubles au Roi. Voyer la Confétence des Cout.


2

La confiscation a-t’elle lieu pour les délits Militaires ; Jousse, Trait. de la Just. Crim Tom. I. traite cette question : il cite en faveur de la confiscation une Ordonnance de 1730 il cite un Arrêt du Parlement de Paris de 171z, qui y est contraire ; il seroit à désirer qu’on eut une Loi fixe sur cet article enrégistrée dans les Parlemens.


3

Dans l’espèce de l’Arrét de 1632, le Jugement de condamnation n’avoit point été pro noncé, on a fait depuis la question, si l’accusé étant mort apres la prononciation du jugement, la confiscation a lieu : il semble que le Texte n’exige que le Jugement, & que la pro-nonciation équivaut à la signification en matière civil ; cependant on doit repondre que la confiscation est attachée à l’entiere & parfaite exécution du Iugement de condamnation, & appliquer à ce cas la maxime de l’Empereur Antonin, que dans le doute l’equité veut qu’on se dêtermine contre le fiscLa prescription de 20 ans est si favorable qu’ayant été une fois acquise, une Procedure commencée sur une nouvelle Plainte l’Interrogatoire même subi par l’Accusé, ne pourroient faire revivre l’action éteinte par le laps du temps : Arrêt du 29 Mars 1590.


4

Dans les Jugemens criminels rendus par contumace, la confiscation n’a pas lieu quand la Sentence n’a point été exécutée par effigie avant la mort du condamné : Arrét rendu sus les Conclusions de M. l’Avocat. Genéral le Chapelain le & Novembre 1723, entre Marie Deshayes, seur de Louis Dechaves, condamné à mort par contumace, & la Dame Buffer Autre Arrêt à peu pres semblable, du 1û Mai 1698. Un sieur Ioly avoit, en 1697, été condamné à mort par contumace, mais la condamnation n’avoit point été exécutée par effigie, Joly se présenta 2o ans apres, & il fut jugé par l’Arrét que les créanciers du sieur loly avoient pu se faire subroger à accepter les successions qui lui étoient échues pendant les 2o années.


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Quand le Fief est affermé avec tous les Droits seigneuriaux, on ne comprend pas dans la généralité de cette cleuse, les Immeubles venus par confiscation au nombre des profits de la Ferme, cette clause se restreint aux émolumens de Fiefs ordinaires, & on ne présume pas que l’intention du Seigneur ait été d’abandonnes une voie de réunir un héritage an corps de son Fief.


6

Dans l’ancien Droit, les Lettres de Rémission, aprés la condamnation à une peine emportant mort civil ne préjudicioient point au Droit particulier du Seigneur, elles ne rétablissoient le condamné que dans les Biens situés sous la mouvance du Roi : Arrét de lan 1311 : Inter Guerardum de Longâ avenâ ë Jounnem d’Erqueville, Régistro 4, rapporté par Pithou sur Troye, Art. CXx. Guoique la clause de la restitution des Héritagee confisqués soit insérée dans les Lettres de Rémiliion, clie n’aura point lieu, ditBacquet , des Droits de Justice, Chap. 16, si le Seigneur confiscataire a disposé, avant l’impétration des Lettres de Rémission, des Fonds à titre oncreux.


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Le Pere de l’Accuse peut disposer de ses Immeubles sans que le Confiscataire ait lieu de se plaindre : Arrêt du 4 Mars 16o8.Bérault .

Aprés le crime commis on hypotheque valablement ses biens, jusqu’à ce que l’Accusation. soit notoire, quoique l’intérét civil semble dû par le seul fait du crime, il ne vient en ordre que du jour de la notoriété de l’Accusation : car cet intéret est bien une dette auparavant, mais une dette qui n’est pas authentique :Basnage , Traité des Hypotheques, Chap. 13.

On excepte les crimes de leze-Majesté & de Duel. On prétend que ces crimes forment dans la personne de l’Accusé une incapacité de contracter, qui a lieu dés l’instant de leur perpétration : cependant, par un Arrêt du 18 Février 1759, la Cour a confirmé une vente d’Effets mobiliers faite par la femme d’un homme prévenu du crime de duel, en vertu de la procuration de son mari, contre le Procureur-Général du RoiLes aliénations aprés le crime commis, quoiqu’à titre onéreux, sont suspectes quand elles sont à vil prix, ou universelles en faveur d’un Parent ou d’un intime ami de l’Accusé : la renonciation à une Succession échue ne passe point pour une fraude : le Demandeur en intérét civil pourra bien se faire subroger dans la Succession renoncée ; mais le Confiscataire n’o d’autre ressource, que la preuve à faire de la qualité d’Heritier dans la personne de l’Accusé :Basnage . Voyez le Grand, sur Troyes, 120, Gl. 2.

La validité de la donation faite par celui qui est coupable d’un crime capital, dépend de deux éuénemens : si le coupable n’est point poursuivi, s’il est absous apres l’accusation, la donation ne pourra être attaquée, puisque l’on ne peut assigner depuis la donation, dans la personne du Donateur, un instant d’incapacité qui puisse faire présumer la fraude Le Confiscataire, avant d’entrer en possession des Héritages de l’Accusé, doit faire faire Proces-verbal de leur Etat : Ordonnance de 16yo, Titre 17, Art. XXXl.