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CLXX.

Le troisieme, pour racheter le corps de son seigneur de prison, quand il est pris en Guerre, faisant le Service qu’il doit au Roi à cause de son Fief, & est appellé Aide de Rançon.

Il est traité dans ces dix-neuf Articles du droit de Relief, qui est fondé & pa été établi sur ce que les Fiefs par leur premiere institution, obligeant le Vassal à un service personnel, le Seigneur pouvoit n’agréer point l’héritier ou successeur de celui à qui il avoit accordé la possession du Fief : c’est pourquoi afin d’obtenir cet agrément du Seigneur, on lui a enfin attribué un Droit qu’on appelle Relief pour signifier que c’est pour relever & continuer la possession qui étoit défaillante & comme déchue, par la mort ou par l’aliénation de l’ancien Vassal. Ce Droit est appellé Rachar dans quelques Coutumes, parce qu’on rachete du Seigneur cette Possession. Il est premierement défini ce qui est dû pour ce droit ; il est dit en second lieu en quels cas il est dû & enfin, il est expliqué quelles en sont les suites, c’est-à-dire, quels autres droits sont dûs en conséquence.1

Pour la premiere partie, il est certain que toutes terres non franches doivent ce droit de Relief, qui est estimé par rapport à la dignité & valeur de l’héritage, de sorte qu’on peut juger de la dignité & valeur des terres, par la taxe que la Coûtume a réglée à un plus grand ou moindre prix, suivant ce rapport. On propose sur ce sujet la question : Si les Fiefs de grande dignité peuvent anoblir le Possesseur. Elle est décidée par l’Article CCLVIII de l’Ordonnance de Blois, qui déclare, que les Roiuriers acherant Fiefs Nobles, ne seront pour ce anoblis, ni mis au rang des Nobles, de quelque valeur s reyenu que soient les Fiefs par eux acquis. Or ce droit suppose un fonds ou glebe, c’est pourquoi les franchises, exemptions & droitures privilégiées, qui ne sont point attachées ni dépendantes d’aucun héritage, doivent bien l’Hommage, mais non le Relief, par l’Art. CLVII.2

Quant à la seconde partie, il faut distinguer si c’est Roture ou héritage Noble : car si c’est un fonds Noble, il est du Relief pour toutes les mutations du Vassal, soit par mort ou par alienation, par l’Article CLXIII. Si c’est Roture, il n’est dû, suivant l’Article CLXXIII, qu’en cas de succession, qui arri-ve ou par la mort naturelle ou par la mort civil, qui est l’entrée en Religion, qui est le cas exprimé dans l’Article CLXV.

a l’égard de la derniere partie, il faut sçavoir qu’il n’y a que celui de qui on releve par Foi & Hommage, à qui ces droits qui sont appellés Aides de Relief, sont dus. Ils ne sont pas dûs pour ceux qui relevent roturierement, ni par les Paragers, qui doivent seulement y contribuer par les mains de leur ainé, pour le payer au Seigneur dont le Fief étoit tenu auparavant que d’être divisé, par les Articles Cxxx & CLXVI. Ces droits sont dûs en quatre ceas : Le premier est la mort naturelle ou civil du Seigneur, auquel cas est dû Aide de Relief, ( qui est la moitié de ce qui est dû pour le Relief ) aux Iuccesseurs dudit Seigneur, pour leur aider à relever leur Fief envers le Seigneur supérieur, Articles CLXIV, CLXV & CLXVI. Cet Aide n’est pas dû pour toute autre mutation du Seigneur, qui arriveroit par vente échange ou donation, même celle qui seroit faite par avancement de succession à l’héritier présomptif du donateur, par l’Article CLXVII. Le second cas qui donne pouverture au premier des Aides-Chevels, est quand le Fils ainé du Chef-Seigneur, aux termes de la Coutume, est fait Chevalier. Le troisieme cas, qui renferme le second des Aides-Chevels, est quand la Fille ainée du Seigneur est mariée pour la premiere fois. Et enfin le quatrieme cas, est quand le Seigneur a été pris prisonnier deaGiuerre, en faisant le service qu’il doit au Roi à cause de son Fief, & non autrement3, auquel cas ses Vassaux doivent le troisieme Aides-Chevels, pour lui aider à payer sa rançon, par les Articles CLXVIII, CLXIX & CLXX.


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Il faut avouer que la taxe des Reliefs, arbitrée par notre Coûtume, est bien sage, & retranche un grand nombre de questions traitées par les Auteurs étrangers. Combien d’embatras quand le Seigneur opte le revenu d’une année 1 Sil s’arrête au dire des Pairs de Fiefs ou des Prudhommes, quelle difficulté pour les accorder I Donner au Seigneur le droit de prendre une somme de deniers, c’est se livrer au vague & à l’arbitraire. Autre difficulté, quand il y a ouverture à plusieurs Reliefs dans une même année : parmi nous chaque mutation de Fief produit son Relief sans embarras. J’annonce d’apres l’expérience, à tous ceux qui liront sur ces objets les graves réflexions de nos Docteurs, l’ennui le plus accablant.

Pithou , des Comtes de Champagne, a observé que les Fiefs de Haubert, proprement dits, étoient des Fiefs pleins, & qui avoient toute prééminence ; il les appelle, aprés l’Abbé Robert, Feuda lorica, à la différence des Feuda scutiferorum ; il reconnoit cependant qu’il y a en Normandie des Fiefs de Haubert de différente espèce, il le prouve même par un trait d’Histoire qu’il emprunte du même Abbé Robert : Henri, Roi d’Angleterre, voulant en 117o faire la guerre a Raymond, Comte de S. Gilles, leva une taxe sur chaque Fief de Haubert de diverse condition, & ne se servit, dans cette expédition, que de ses Barons, avec une armée composée de gens à sa solde, que l’Abbe Robert nomme solidarii.

Quand un Gentilhomme achete un Marquisat ou toute autre Terre titrée, il doit, pour jouir des prérogatives attachées à sa Terre, obtenir des Lettres du Roi & les faire vérifier.

On a juge en ce Parlement, sur ce principe, que la veuve d’un Gentilhomme qui avoit acquis une Baronnie, sans avoir pris ensuite cette précaution, ne pouvoit prétendre les vacations de la veuve d’un Baron-

Il n’est poiut permis de prendre le nom d’un Fief dont on n’est point Propriétaire, & encore moins au Vassal, qui possede le Domaine fieffe, de fe qualifier du Titre de la Seigueurie Arrêt du 6 Mai 1547.Bérault .


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Il n’est point justifié que les Fiefs ayent jamais anobli, mais ils ont été long-temps la preuve de la Noblesse méritée d’ailleurs ; tout le monde sçait comment elle s’acquiert, les usurpateurs d’une qualité aussi précieuse doivent être sévérement punis. Voyes l’Art. CCLVII de l’Ordonnance de Blois. Nos Rois ont ordonné de temps en temps des recherches qui se sont faites sans beaucoup d’examen & de fruit ; mais l’animadversion des Magistrats doit aussi se déployer contre des hommes obseurs & audacieux qui osent attaquer un etat, le prix du sang où des veilles pour le bien public. La Cour a prononcé, au mois de Juillet 1757, une condamnation de 3000 liv. d’intérêts en faveur d’un Gentilhomme temérairement attaqué, il y a des Ordonnances plus rigoureuses, mais elles ne sont pas enrégistrées au Parlement.

Bérault est d’avis que la Noblesse doit être justifiée par trois degrés de possession au-dessus de l’inquiété ; ce sentiment est adopté par de tres-bons Auteurs ; il semble que l’on doit mettre une différence entre ceux qui sont issus ex Patre & Auo Consulibus ; c’est-à-dire, de Magistrats dans les Cours souveraines, & ceux qui ne s’étayent que de la nue possession.

Cependant, par Arrêt du Conseil d’Etat du 13 Avril 1641, rendu sur les remontrances des Etats de la Province, le Roi déclara que tous les Gentilshommes de la Province, dont les Pere & Aieul auroient vécu noblement & été en la possession de Noblesse., : : seroient exempts des taxes & impositions roturieres.

Il est néanmoins à propos que les Magistrats des Cours Souveraines, obtiennent des Lettres de Noblesse qui soient vérifiées à la Chambre des Comptes.

VoyezTiraqueau , de laRoque , & quelques Décilions dans le Mémorial alphabétique qu’il faut accommoder à nos usages.

Je ne puis en cet endroit négliger une réflexion intéressante du Président Hénault sur les anoblissemens. n Cette introduction nouvelle par laquelle on rapprochoit les Roturiers des Nobles, & qui fut appellée anoblissement, ne faisoit que rétablir les choses dans n le premier état ; les Citoyens de France même depuis Clovis fous la premiere race, & n & long-temps sous la deuxieme race, étoient tous d’une condition égale, soit Franc, o soit Gaulois, & cette égalité qui dura tant que les Rois furent absolus ne fut troubléé n que par la violence & la révolte de ceux qui usurperent les Seigneuries. M. de Montesquieu, Esprit des Loix, tome d, prouve au contraire qu’indépendamment du Clergé & des grands Officiers de la Couronne, par les anciennes Loix des Peuples qui s’établirent dans les Gaules sous la première race de nos Rois, il y avoit des distinctions atta-chées à la naissance. Voyes Boulainvilliers & l’AbbéDubos . un Edit du mois de Novembre 1750, porte établissement d’une Noblesse militaire qui peut s’acquérir de droit par les Armes, sans Lettres particulières d’anoblissement ; cette Loiépargne, a des Officiers parvenus aux premiers grades de la guerre, la peine d’avouer un défaut de naissance fouvent ignoré ; le Roi a cru qu’il étoit équitable que des Services de plusieurs générations, dans une Profession aussi noble que celle des Armes, pussent par euxmêmes conférer la Noblesse. Il y a une Déclaration du & Mars 1752, en interprétation de l’Edit du mois de Novembre 1750

Les Officiers qui sont dans quelqu’un des cas de l’Edit ou de la Déclaration obtiennent des Lettres scellées du grand Sceau, sous le titre de Lettres d’approbation de service, & ils peuvent les déposer pour minutes, avec les autres titres de leurs grades, aux Greffes des Cours de Parlement, Chambres des Comptes & Cours des Aydes dans les lieux où ces deux derniers Tribunaux ne sont point réunis comme ils le sont en Normandie, & il leur en doit être délivré des expéditions sans frais. Voyer les Elêmens de l’Art militaire, tome 3, Titre 29.

L’Edit du mois de Novembre 1750 rappelle l’ancien usage de France : Le Roi, dit duTillet , Chap. des Chevaliers, faisant un Roturier Chevalier, l’anoblit, plusieurs ne voulant prendre nobilitation à part : c c : : : se font par le Roi faire Chevalier ; la Lettre de Chevalerie porte noblesse sans confesser de roture.

Ce seroit ici le lieu de placer quelques questions sur la dérogeance : comme ce détail m’entraineroit trop loin, je n’en parle que pour relever le commerce, la prévention ne cesse de l’at-taquer malgré l’esprit Philosophique qui éclaire la Nation. le Commerce en gros ne déroge point, la Noblesse peut le faire, Louis XIV l’avoit déclaré par son Edit du mois de Décembre 17os ; Louis XV, dans de plus beaux jours, vient de le renouveller par un Edit du mois d’Août 178s ; il n’excepte dans l’Edit que ceux qui parmi la Noblesse sont décorés de Charges de Magistrature l’importante fonction de rendre la Justice, exige toute l’application des plus grands Hommes

Je cite cependant avec plaisir quelques dispositions des Coutumes de Bretagne & d’Artois. : il en résulte que le Gentilhomme exercant une Profession dérogeante, devient contribuable aux Tailles, Aides, Subsides & autres Impûts ; mais quitte-Pil cette manière de vivre qui déroge, il n’a point befoin de réhabilitation, il jouit comme auparavant de toutes les prérogatives de la Noblesse ; il a acquis dans l’obscurité des ressources pour être utile à sa Patrie, & sa Patrie lui conserve le droit de la servir. Bretagne 561. Quand même, disent les Auteurs Devolant Bretons, la dérogeance auroit eu lieu pendant plusieurs générations. Dévolant. Artois, 19y & 200.


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Bérault , sous l’Art. CLVI fait mention du Service de ban & arrière-ban ; ce Service compose la plupart des anciennes Loix des Fiefss ; Louis XIV convoqua la Noblesse une fois sous son Regne & sans succes, c’est la dernière trace de notre ancienne Chevalerie ; le Service de ban est imprescriptible, & des que le Roi l’exige, le Seigneur suzerain peut exiger celui de l’arrière-bans

La description de l’ancien Service, par pleines Armes, annonce dans un Cavalier un buste de fer impénétrable aux coups.