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CLXXII.

D’échange fait d’Héritage contre Héritage, n’est dû Treizieme, s’il n’y a eu argent baillé de part ou d’autre, auquel cas est dû Treizieme de l’argent & de l’estimation du Fief baillé avec l’argent, encore que l’Héritage soit de plus grande valeur que l’argent ; & sera du le Treizieme au Seigneur, dont est tenu le Fief baillé sans solde.

Outre ce qui a été dit du Contrat d’échange sur l’Article précédent, il est encore à propos de remarquer, qu’on a jugé par plusieurs Arrêts, qu’on pouvoit aliéner le Fief par un Contrat d’échange, & ensuite vendre quelque temps aprés le domaine non fieffé à celui qui avoit acquis le Fief ( dont dépendoit ce domaine non fieffé ) par le premier Contrat, sans qu’il soit dû aucun Treizieme ; parce qu’encore qu’il soit évident, que l’on n’a contracté de cette ma-nière, que pour s’exempter de payer le Treizieme, néanmoins le Seigneur ne s’en peut plaindre, pourvu qu’il n’y ait point de simulation dans ces deux Contrats, d’autant que la Loi n’a pas défendu aux contractans de se servir de telle manière de contracter qu’ils jugent avantageuse pour leurs intérêts ; & parce que d’ailleurs les Droits féodaux ne sont acquis qu’en de certains cas exprimés par les Coutumes. Vassalus, dit duMoulin , nullam fraudem facit Putrono, etiamsi de industria omitit viam ex qua Jura feudalia oriuntur, & elegit aliam ex qua nihil debeiur, dummodo veré eligat ; quoniam per hujusmodi Jura, nulla Lex, nulla restrictio imposila est voluntati contrahentum ; sed hec Jura velut sub eventu certe conditionis, puia si contingus Feudum yendi, imponuniur ; que si non eyeniai, nihil debeiur. Il faut appliquer cette doctrine aux droits des Retraits lignager & féodal.1

On a de plus jugé par plusieurs Arrêts, que la Loi 2. C. De rescindenda venditione, ne devoit point être observée à l’égard des Contrats d’échange, qui ne peuvent être rescindés pour la cause de la déception d’outre-moitié du juste prix, par deux raisons : la premiere, que les permutans contractent l’un avec l’autre sans nécessité, ( qui oblige souvent les vendeurs à faire des Contrats inégaux & désavantageux ) mais plutôt par une mutuelle affection d’ac-quérir ce qui leur est commode. La seconde, parce que le remede de cette Loi, qui est le supplément du juste prix ne se pourroit pratiquer, l’un & l’autre des pernutans n’ayant eu la volonté de payer aucun argent, mais seulement d’acquérir un immeuble au lieu d’un autre.


1

Cette disposition est tres-rigoureuse & est contraire à la plupart des Coutumes. Le Droit commun dicte que le Contrat d’échange, où il y a foute, renferme deux Actes d’une nature différente, un Acte d’échange jusqu’à la concurrence de l’égalité de valeur respective des deux Fonds échangés, & un Acte de vente en tant que l’un excede la valeur de l’autre ; ainsi quand on n’écoute que la raison, il est aisé de décider que le Trei-zieme n’est dû que sur la soute ; on fuit cependant la Coutume à la lettre. Voyez Dusont, sur l’Art. CLXXXI de la Cout. de Biois ;Coquille , sur la Cont. de Nivernois, Art. I.

Quand il est justifié qu’il y a soute dans un échange, le Treizieme de l’Héritage donné fansfoute appartient au Seigneur de Fief, de même que dans le cas ordinaire de vente, à l’ex-clusion du Receveur du Domaine du Roi : Arrêt en faveur de l’Abbaye de S. Oüen du 23 Juillet 1732.

Les Retraits admis dans l’echange n’alterent point la substance du Contrat, & en cas d’éviction de l’héritage qui tient lieu de prix, on peut revendiquer le contr’échange.Bérault .

La Déclaration du 23 Juin 1731 a dérangé le système de Pesnelle, proposé d’apres Basnage, en conséquence d’une observation de du Moulin & d’un Arrêt de ce Parlement du 31 Mars 1631 ; car cette Déclaration assujettit au Treizieme, Relief & au Retrait féodal & lignager, pour le tout, le Fief & le Domaine non fieffé, dont la propriété a été transférée à la même personne dans l’espace de dix ans par Actes separés ; elle excepte les cas où dans cet intervalle l’Acquereur d’une partie du Fief deviendroit Propriétaire de l’autre à titre de succession, de donation, par anticipation d’hérédité, de donation de sa femme par Contrat de mariage, d’échéance féodale ; au surplus cette Loi n’entend point géner les Contrats, ses dispo-sitions n’ont pour objet que de pourvoir aux intérêts des Seigneurs & des Lignagers.

Auparavant cette Déclaration, quoique le concours de la réunion du Fief & du Domaine non fieffé, dans la même personne & dans un court intervalle de l’acquisition d’un des objets à celles de l’autre, ne fit pas de droit presumer la fraude, cependant on adjugeoit au Seigneur suzerain le Treizieme des deux acquisitions quand il paroissoit par l’évidence du fait ou la déclaration des Contractans qu’ils n’avoient ainsi traité que pour le frustrer de ses droits : je vais citer un exemple frappant de ce que j’avance. Le Comte de Harcourt avoit acquis en 1719, par une Rente fonciere, un Fief dans la mouvance du Marquis d’Amfreville, & en 1724 il étoit devenu Propriétaire du Domaine non fieffé par la voit de Clameur. Parce que le Comte de Harcourt avoit soutenu en une instance que le Contrat de 1724 avoit été convenu en 1719 : il a été condamné, par Arrêt du 5 Juillet 1753 à payer au Marquis d’Amfreville le Treizieme des deux Contrats. Il est certain que cet Arrêt a été rendu conformément à l’ancienne Jurisprudence, puisque les Actes étoient antérieurs à la Déclaration de 1731.