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CLXXXII.

Le Seigneur ayant reçu le Treizieme de l’Héritage vendu par son Vassal, peut néanmoins le retirer en rendant le Treizième : Mais s’il a reçu le Relief, ou la Foi & l’Hommage, il ne le peut plus retirer, d’autant qu’il l’a reconnu à Homme, & eu pour agréable.

Toutefois si l’Acheteur s’est chargé du Treizieme, & le Seigneur l’a reçu de lui par sa main, ou signé l’endos du Contrat de vendition, il n’est plus reçu à sa Clameur.

On voit par cet Article, que le Seigneur s’exclut par une renonciation tacite de ce droit de retenue féodale, en faisant un des trois Actes que la Cou-tume déclarc, incompatibles1. Le premier est, quand le Seigneur a reçu l’acheteur à lui faire la foi & hommage. Le second, lorsqu’il a reçu le payement du Relief, d’autant que par ces deux Actes il a non-seulement approuvé la vente, mais que même il a agréé l’acheteur, en le reconnoissant pour Homme, c’est-à-dire, pour son Vassal. Le troisieme Acte est, quand le Seigneur a recu le Treizieme de la vente, en quoi la Coûtume use de distinction ; car Sil n’a recu le Treizieme que des mains du vendeur, ou s’il ne l’a pas recu par ses mains, mais par celles d’un Receveur, à qui il n’en avoit pas donné un ordre exprés : en ces deux cas, il peut retirer l’héritage en rendant le Treizieme qui a été payé, parce qu’il n’a rien fait qui soit absolument contraire à son droit de Retrait, n’ayant pas agréé l’acheteur pour Vassal : mais quand il a recu le Treizieme des mains de l’acheteur, ou qu’il a signé sur le Contrat de vente, la quittance du Treizieme, alors étant réputé avoir agréé la vente & l’acheteur, il a renoncé tacitement au Retrait, & partant n’y est plus recevable. Il faut dire la même chose, quand le Seigneur a fait demande du Treizieme à l’acheteur, par la raison de la Loi 30. ff. De minoribus : Pretium petendo recessisse à sua lege videlur. Toutes ces décisions se doivent en-tendre, au cas qu’il n’y ait point de fraude dans le Contrat retrayable ; car Sil y en a, ceux qui ont droit de retirer, n’en sont exclus que par trente ans.2

Mais il faut remarquer que la premiere partie de cet Article CLXXXII, ne s’étend pas au cas d’une vente faite par décret ; car quoique le Seigneur ait recu le Treizieme, il peut retirer lhéritage sans être obligé de rendre le Treizieme, comme il est obligé au cas des ventes volontaires : ce qui ne paroit pas équitable, parce que le Seigneur ne doit pas avoir deux profits d’une même chose, sçavoir, en profitant du bon marché, & étant en outre payé du Treizieme, comme s’il agréoit un nouveau Vassal. Ce qui est d’autant moins favorable au cas de décret, qui se fait au dommage d’un Debiteur & de ses Créanciers Ces paroles qui sont à la seconde partie du même Article, ( quand l’acheteur s’est charge du Treizieme ) sont fort remarquables, parce qu’elles font con-noître que l’acquereur ne doit le Treizieme que quand il s’y est obligé par une clause du Contrat, & que partant c’est le vendeur qui le doit, à moins qu’il n’en ait chargé l’acheteur, comme il a été dit sur l’Article CLXXI.

Quand le Seigneur a acheté un héritage relevant de sa Seigneurie, sous condition de remere, le vendeur rentrant en possession en exécution de cette faculté par lui stipulée, ne doit point de Treizieme, nonobstant ce qui est disposé par l’Article CXCIII, que l’acheteur est obligé de faire & payer tous les Droits seigneuriaux, encore que par le Contrat il y ait condition de rachat. Ce qui ne se doit entendre, que lorsque l’acheteur n’est pas le Seigneur de l’héritage vendu comme il a été jugé par un Arrêt rapporté par Bérault sur l’Article CXCIII, & rendu en l’Audience, le a Juillet 1539. La raison de la différence est, que quand le Seigneur achete, il n’y a point de nouveau Vassal, & qu’au contraire il y en a un en l’autre cas.

Quoique l’usufruitier, comme la Douairière, en recevant le Treizieème, ne puisse préjudicier au droit qu’a le propriétaire, de retirer l’héritage vendu ; néanmoins le Mari, en recevant le Treizieme, peut exclure sa Femme pro-priétaire du Fief du Retrait féodal, parce que le Mari n’est pas un simple Usufruitier, mais est quasi dominus c legitimus administrator bonorum uxoris, quand il n’est pas séparé de biens. Il faut dire la même chose du Tuteur & du Curateur, qui peuvent préjudicier au droit de Retrait appartenant à ceux qui sont sous leur conduite, sauf le recours pour les intérêts, en cas qu’il y fait eu du dol ou de la faute de la part des Tuteur & Curateur. Voyez l’Article CCCCLXXXI3


1

Je lis dansIacquet , des Fiefs, que cet Article ne doit pas être étendu aux Coutumes qui, comme la nôtre, chargent le Vendeur des lots & ventes. Il paroit en effet singulier que le Vendeur reçoive le prix de sa Terre & un treizieme auquel n’étant point Seigneur direct, il n’avoit pas lieu de s’attendre ; on conçoit bien que si le Seigneur retire sur l’Acquereur qui a payé le treizieme à son Fermier ou à son Homme d’affaire, sans pouvoir spécial il est juste qu’en usant du Retrait féodal il rembourse le treizieme, qui fait partie du prix étant a la decharge du Vendeur ; tout ce qu’on peut dire pour sauver le vice de cette disposition, c’est que le treizieme payé par le Vendeur a été levé sur le prix de la chose : on répond qu’il a mieux vendu. Mais on convient que le Seigneur en rétirant féodalement dans le cas du Decret forcé, peut encore exiger le treizieme : Arrêt célèbre au rapport de M. de Boisguilbert, du 30 Mai 1688. Dans cette espèce il y avoit même de violens soupçons que l’Adjudicataire étoit une personne interposée par le Seigneur, dans l’idée de réunir ; mais on considéra que le treizieme se prenant sur le prix de l’adjudication, & les Enchérisseurs n’étant point exposes à le payer, ils porteroient les fonds à plus haut prix : raison qui devroit avoir lieu toutes les fois que le Vendeur demenre chargé du treizieme faute de la clause de francs deniers venans.


2

Basnage est d’avis que, quoique le Seigneur ait formé la demande de tous ses Droits contre l’Acquereur qui ait consenti de les acquitter, le Seigneur peut cependant user du Retrait féodal. La Coutume, dit-il, exige que les Actes de vassalité soient consommés ; on ils ne le sont par une demande à laquelle on n’acquiesce qu’aprés l’exécution : car un payement promis faire ne renferme point un payement effectit : duMoulin , Titre prem. S. 14, n. 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 & 10.Iacquet , des Fiefs, est de même avis, & rapporte, aprés notre Commentateur, un Arrêt de ce Parlement du 23 Juin 168a, qui a confirme cette opinion.

Le consentement prété par le Seigneur au Contrat de vente, le cantionnement qu’il auroit fait de sa validité, ces Actes n’excluent point le Retrait féodal, il n’y a de fin de non-recevoir contre le Retrait que la renonciation expresse ou présumée par les dispositions de cet Article.

Si le Seigneur a reconnu le nouvel Acquereur pour son Vassal, cette reconnoissance ne n’applique pas au cas de fraude, il est toujours excepté, comme si le Contrat de vente énonce un prix excessif modéré par une contre-lettre le Vassal ne peut argumenter pour faire échouer le Retrait des Actes approbatifs de vassalité.

Le Seigneur est admis au Retrait, quoiqu’il ait recu les Rentes & redevances annuelles.

Loysel , Liv. 3, Tit. 5, Art. XIV ;Auroux , Art. CCCCLXXY ; Lapeirere, R. n. 1203Pocquet , du Retr. féod. Chap. 10 ; laThaumassiere , Tome 13, Art. l.


3

Bérault observe d’aprés duMoulin , un cas assez rare. Un mari, par collusion avec l’Acquereur le recoit à foi & hommage dans la vue de frustrer sa femme du Retrait d’une Terre à sa bienséance, & il décide que la femme peut se faire alors autoriser par Justice à user du Retrait, sauf le recours de l’Acquereur contre le mari qui aura recu le treizieme l’Arrét rapporté en preuve par du Moulin est du 4 Avril 1515, & au profit de la Dame de Challon, femme de M. d’Aligre, contre M. de Prie, Acquereur du Fief de Sermoise. Cet Arrêt accorda recours à M. de Prie contre M. d’Aligre, qui avoit recu la foi & hommage.