Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


CLXXXV.

Le Seigneur féodal, outre ses Pleds ordinaires, peut tenit en son Fief un Gage-Plege par chacun an, auquel tous les Hommes & Tenans du Fief sont tenus de comparoir en personne ou par Procureur spécialement fondé, pour faire élection de Prévôt, & pour reconnoître les rentes & redevances par eux dûes, & déclarer en particulier les Héritages pour raison desquels elles sont dûes ; ensemble, si depuis les derniers Aveux baillés, ils ont acheté & vendu aucuns Héritages tenus de ladite Seigneurie, par quel prix, de qui ils les ont achetés, & à qui ils les ont vendus, & par-devant quels Tabellions le Contrat aura été passé.

Dans cet Article & les huit suivans, il est traité du principal exercice de la Justice qu’ont les Seigneurs de Fief pour la conservation de leurs Droits, c’est-à-dire, du Gage-Plege, nom qui est composé de Gage & de Plege ; parce que dans ces Pleds les Vassaux non demeurans dans l’etenduë de la Seigneurie, sont tenus de gager ou de bailler des Pleges resséans du Fief ; c’est-à-dire demeurans dans l’etenduë du Frof, pour le payement des rentes & redevances de l’année, comme il est prescrit par l’Article CLXXXVIII, d’autant que le Seigneur ne pouvant saisir hors de son Fief, doit user de précaution pour empécher que ses Vassaux, qui n’y ont point de ménage ni d’habitation, n’enlevent les fruits qui ont excrû sur leur fonds, & qui sont spécialement affectés ausdites rentes & redevances. Le Gage-Plege donc est une sorte de Pleds extraordinaires, que tout Seigneur de Fief peut faire tenir une fois l’an, avant le quintieme du mois de Juillet, pour les causes bien expliquées dans cet Article CLXXXV, & ausquels tous les Vassaux sont obliges de comparoître en personne, ou par un Procureur spécialement fondé, pour faire les déclarations & reconnoissances nécessaires.

Entre ces causes, est remarquable l’élection du Prévôt, sur laquelle on fait plusieurs observations. La premiere, que le droit de service de Prévôté n’est pas généralement dû à tous les Fiefs, parce qu’il n’est pas une propriété essentielle, mais seulement accidentelle, & que même il n’est pas compris sous le mot général de Droits seigneuriaux, qui ne s’entendent que de ceux qui sont presque toujours dûs, ut plurimùm. Secondement, ce droit n’est pas dû par les Vassaux qui relevent noblement, qui par conséquent ne sont pas obligés d’intervenir dans l’election qui se fait d’un Prévôt : car ce service est un ministere vil comme celui d’un Sergent : c’est pourquoi ceux-mêmes qui rele-vent roturierement, ne peuvent être obligés de le faire en personne, & il suffit qu’ils le fassent faire par quelqu’un qui ait domicile dans l’etenduë de la Seigneurie, comme il a été jugé par un Artét du 8 Février 1624, rapporté parBasnage . En troisieme lieu, il n’est dû que par ceux qui ont des Ma-sures ; c’est-à-dire, des lieux où une Famille peut habiter, Mansure, ce qui a été jugé par plusieurs Arrêts. On a de plus jugé, qu’on se peut exempter de faire ce service, en payant le dixieme denier des rentes dûes au Fief, soit que la Prévôté soit receveuse ; c’est-à-dire, chargée de faire payer & de recevoir les rentes, soit qu’elle ne soit établie que pour faire les exploits & les diligences nécessaires pour l’exercice de la Justice du Seigneur & contraindre les Tenans à faire leurs devoirs & payer leurs redevances : ce qui a lieu même encore qu’il y ait eu adjudication faite à un plus haut prix de ce service de Prévôté. C’est néanmoins ce qui n’a pas été employé dans l’Article XXIx du Réglement de 1666, qui porte seulement, que l’adjudication du service de Prévôté receveuse ne doit point excéder le dixieme denier du revenu annuel des rentes & redevances dont le Prévôt doit faire la recette.1

a l’égard des reconnoissances que les Vassaux doivent faire au Gage-Plege il est à propos de remarquer que ces reconnoissances, aussi-bien que celles faites dans les Aveux, ne sont pas des titres des droits d’une Seigneurie ; mais seulement des actes d’exécution, d’exercices & de possession, de sorte que comme ajoute duMoulin , fiunt ad probationem conseruandam, non autem ad aliquid novum constituendum : Et partant quand elles sont contraires aux véritables titres, comme sont les Contrats d’inféodation ou les anciens Aveux, elles ne les peuvent détruire, finon par un effet de la prescription. De plus, ces reconnoissances énoncées dans les Gages-Pleges, ou les Registres des Seigneurs, ne font point de preuves, si elles ne sont signées par les Vassaux qui les ont faites.

On a jugé par plusieurs Arrêts, que c’est au Seigneur qui demande le payement des Rentes seigneuriales à un Vassal, qui dénie d’être possesseur des hé-ritages qui y sont obligés, à les indiquer. Voyez l’Article III du Titre des Exceptions dilatoires, en l’Ordonnance de 1667.

Il faut voir de plus les Articles CLXXX & CLXxxI de l’Ordonnance de 1539, avec la Déclaration donnée sur iceux en 1549, qui ordonnent aux Notaires de faire déclarer par les contractans, en quels Fiefs ou Censives sont les choses cédées & transportées, & de quelles charges elles sont chargées envers les Seigneurs féodaux ou censiers, & aux contractans, de faire ces déclarations véritablement, sous peine de privation de leurs Offices quant aux Notaires, & de privation du prix des Contrats quant aux vendeurs, & de peine arbitraire à l’égard des autres Contrats où il n’y aura point de prix. Ce que le Parlement de Paris modifia par son Arrêt du 4 de Mars 1549, endéclarant que ces peines auroient lieu, lorsque le vendeur aura sciemment & malicieusement omis de faire la déclaration en quel Fief ou Censive est la chose, & les charges foncieres ausquelles elle est sujette.2


1

Il y a deux seances principales dans les Basses. Justices, les Pleds annuels & les GagesPleges ; mais si le Seigneur veut se faire payer de ses Rentes, ou blamer un Aveu présenté par son Vassal ; en un mot, s’il s’agit d’un cas de Jurisdiction féodale, le Senéchal peut tenir des Pleds particuliers de quinzaine en quinzaine.Bérault .

L’Election de Prévôt est ce qu’il y a de plus remarquable dans la séance du Gage. Plege ; nous distinguons trois sortes de Prévôtés : la Prévôté tournoyante, qui consiste à faire dans de Fief la fonction & les diligences d’un Sergent sur les charges du Seigneur : la Prévôté fieffée, qui ne differe de la première qu’en ce qu’elle est toujours exercée par le même Vassal qui a été investi de certains Héritages sous cette condition ; enfin la Prévôté-receveuse qui oblige le Prévôt, en outre les diligences & exploits, de faire la cueillette des Rentes.

La Prévôté considérée généralement n’est point une appartenance ordinaire de Fief ; elle peut être prescrite par la totalité des Vassaux, mais non singuliérement : Arrêt du 6 Mai 1678.Basnage . Dans les Bailliages de Caen & de Cotentin, lorsque les Aveux portent cette sujétion, les Vassaux ne peuvent s’en exempter, quoiqu’ils ne soient point Masuriers : Arrêts des premier Mars & 3 Avril 1681.Basnage .

La Prévôté receveuse est plus embarrassante que les autres. Voici les dernieres regles : Le Prévôt receveur doit être élu par ses consorts chaque année ; le Seigneur apres l’élection doit au Prévôt un role dans lequel il ne peut employer que les Rentes & Redevances non contredites sur les Vassaux qui sont assujettis à la Prévôté. Le Seigneur, en cas de contestation, est obligé de défendre sur la dénonciation du Prévôt qui demeure déchargé à cet égard jusqu’à la vuide de l’instance ; le Prévôt doit rendre compte trois mois aprés l’expiration de sa charge ; les Vassaux & Electeurs sont garans de la gestion du Prévôt, & tenus d’in-diquer au Seigneur de ses biens-meubles jusqu’à la concurrence de ses demandes, faute d’indication, il a recours sur douze des plus solvables qui en poursuivent la récompense sur cha-cun des tenans en proportion des Rentes qu’il doit ; mais le Prévôt élu peut s’exempter en payant les deux sols pour livre du revenu des Rentes exigibles sur ses consorts & luiC’est le Réglement, pour la Prévôté de Pyrou du 17 Juillet 16oy3, qui permet de plus aux ainés & puinés de déguerpir l’intégrité de leur ainesse, en payant les arrérages des Rentes dues jusqu’au déguerpissement.Basnage .

La Prévôté est une charge réelle qui s’acquitte aux dépens des Mineurs, & plus encore la Prévôté fieffée.

Il semble que le Vassal ne peut se soustraire à la Prévôté tournoyante en payant les deux sols pour livre des Rentes ; la Jurisdiction du Seigneur est composée d’un Senéchal, d’un Greffier & d’un Sergent pour appeller les Vassaux en Cour, & le Prévôt est ce Sergent ; il faut donc que le Prévôt fasse ses fonctions ou fournisse un homme de Fief en sa place. Consultat. de M. Thouars. L’Auteur des Maximes du Palais est d’un avis contraire sur ce prin-cipe, que les obligations in fadum se réfoudent en intéréts.


2

La seconde partie du Gage-Plege consiste à faire reconnoître aux Vassaux les Rentes & Redevances, & à les leur faire payer ainsi que les casuels Les reconnoissances n’ont de force qu’autant qu’elles sont conformes aux Titres dont elles sont la preuve. Si appareat originalis concessio, dit du Moulin sur l’Art. VIII de la Coutume de Paris, verbo denombrement, n. od, ad quam refertur hac renonatio, debet reno-vatio omnino secundunt illam regulari & determinari, ex quo sequitur.. Si in renovatione specificantur plures certe qualitates, conditiones ( pactiones feudi & per concessionem originalem appareat alias effe qualitates, conditiones & pactiones, siabitur originarie concessioni.

Si le Vassal peut, suivant les Arrêts cités parBasnage , réformer son Aveu dans trente ans, il semble qu’il a un pareil temps pour se pourvoir contre une reconnoissance erronée, & qui est bien moins solemnelle qu’un Aveu.

Une seule reconnoissance ancienne, qui a été suivie de possession pendant un temps suffisant, est capable d’établir une charge sur un Héritage, quand bien même le Titre constitu-tif ne seroit point représenté, le laps du temps & les inconveniens qu’il entraine avec Iuiopeuvent avoir fait périr ou évanouir le Titre ;Guy-Pape , quest. 27z ; duMoulin , Art. VIII de la nouv. Cout. de Paris, n. 86 & 90 ;Coquille , sur Nivernois, Chap. 7, des Rentes, Art. VIII, & dans ses Questions Chap. 53 La reconnoissance du puiné oblige-telle chaque tenant de l’ainesse ; Le puiné est solidairement obligé, comme l’ainé, à toutes les rentes & charges, & quand le Seigneur justifie d’un Titre, la prescription est d’autant plus odieuse que les Droits du Seigneur sont ordinairement peu proportionnés à la valeur du fonds ; mais si le puiné reconnoit précisement sa-part de puiné, on en induiroit mal, ce semble, l’interruption pour toutes les Redevances.

Vuyez, sur l’état des Reconnoissances, Henris &Bretonnier , Tome prem. Liv. 3, quest. 425. duMoulin , 5. 8, n. 84, 86, o4 & suivans ; duPineau , sur Anjou, 439.

Quand le Vassal est chargé d’une Rente envers son Seigneur par des Partages, des Jugemens, des Etats de Décrets, & autres Titres, & sur-tout s’il a fait des payemens, il sem-ble qu’il doit indiquer au Seigneur le fonds assujetti, quand il prétend qu’il ne le possede pas : Arrêt du a Mars 1601, rapporté par Bérault : Basnage rapporte au contraire plusieurs Arrêts sous cet Article, dont on pourroit induire que c’est au Seigneur à faire cette indication. L’Arrét cité par Bérault paroit plus équitable : dans le fait de cet Arrêt, l’Appellant, apres avoir payé, avoit méconnu être détenteur du fonds assujetti ;. la Cour le condamna d’indiquer dans deux mois l’héritage prétendu sujet à la Rente demandée par le Seigneur.

On ne fuit plus la rigueur de l’Ordonnance de 1530 ; quand il y auroit un peu d’affectation de la part des contractans, on ordonne la réformation du Contrat de Vente, & on-condamne les Parties en une amende suivant les circonstances.