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L A Garde est un Droit féodal, en quoi elle differe de la Garde Noble & Bourgeoise, qui est autorisée par la plupart des Coûtumes, & laquelle est purement personnelle, étant attribuée aux Pere, Mere, Aicul & Aieule des Mineurs, dont il y a un Titre exprés dans la Coutume de Paris. Par ce Droit séodal, l’héritage tenu par loi & Hommage, est mis en la main du Seigneur supérieur, afin qu’il en jouisse & le conserve à son Vassal pendant sa minorité. Il y à deux sortes de Gardes, l’une Noble Royale, & l’autre Noble Sei-gneuriale, dont les effets sont fort différens : car par la Garde Royale, qui a lieu lorsque le propriétaire d’un Fief tenu immédiatement du Roi, est mineur ; le Roi jouit non-seulement du Fief mouvant de son Domaine, mais de tous les biens immeubles, soit Nobles, soit non Nobles, qui appartiennent au Mineur : c’est-à-dire, qui composent la succession, par laquelle le Fief tenu immédiatement du Roi, est échu au Mineur : mais par la Garde Seigneuriale, le Seigneur ne jouit que de l’Héritage Noble tenu de son Fief, & non des autres biens du Mineur qui tombe en sa Garde.1 De cette première différence, il en nait une autre, qui est, que celui qui a eu don du Roi de la Garde Royale, ( le Roi fait toujours ce don, & ordinairement à quelque proche parent des Mineurs ) est obligé de nourrir les Mineurs selon leur qualité, âge, famille & facultés ; & de plus, de les ac-

quitter de toutes rentes seigneuriales, foncieres & hypotheques ; c’est-à-dire, des arrérages qui échéent pendant le temps de la Garde : Au contraire, ceux à qui la Garde Seigneuriale appartient, ne sont pas obligés à la plupart de ces charges, sinon au cas que les Mineurs n’ayant point d’autres biens, ou en ayant peu, les Tuteurs missent aux mains des Seigneurs, tous les immeubles appartenant à leurs Pupilles, car en ce cas, le Seigneur gardien seroit obligé aux charges déclarées dans l’Article CCXV : ce qui arrivera encore, si le Mineur, ayant plusieurs Fiefs, à cause desquels il tombe en Garde, il ne lui reste point de revenu qui soit suffisant pour sa nourriture & son entretien, & pour satisfaire aux dettes & charges de sa succession : car en cette autre rencontre, les Seigneurs à qui la Garde appartiendra, seront obligés de contribuer chacun par proportion de la valeur des Fiefs qui sont tombés en leur Garde, à toutes lesdites charges ; & partant les Seigneurs doivent auparavant délibèrer, s’il leur est expédient d’accepter la Garde ; & pour cette fin, ils peuvent demander qu’on leur communique les Lettres & Ecritures, & qu’on leur baiile une déclaration des dettes & charges de la succession des Mineurs : ce qui a été jugé par un Arrêt de l’11 de Juillet 16t4, rapporté par Bérault ; parce qu’encore que le Seigneur puisse en tout temps renoncer à la Garde, il est néanmoins obligé d’en acqui-ter toutes les charves pendant qu’il en jouit, bien que les cha ges excedent le revenu, comme il a été remarqué sur l’Article CCI.

De plus, les Seigneurs gardiens ne sont pas obligés à rendre compte, ni a payer aucun reliquat, parce que les fruits leur sont acquis absolument, en acquittant les charges. Il n’en est pas de même pour ceux qui ont eu le don de la Garde Royale, qui n’est accordée qu’à la charge de rendre compte, & de rapporter tout ce qui n’a pas été consumé à l’acquit des charges : de sorte que tout l’avantage qu’ont cés donataires, est qu’ils ne sont pas obligés de remplacer les deniers des Pupilles ; mais s’en peuvent éjouir pendant la Garde, sans en payer aucuns intérêts ; il en faut excepter la Mere & le Tuteur car si le don de la Garde leur a été fait, il est réputé fait aux Mineurs, ausquels la Mere & le Tuteur audit cas sont comptables des intérêts pupillaires : ce qu’il faut limiter à l’égard du Tuteur, quand le don lui a été fait depuis qu’il a été institué Tuteur ; car si le don lui a été fait avant son institution il peut s’exempter des intérêts pupillaires, en se réservant lors de son élection à jouir de l’effet de la Garde qui lui avoit été donnée : ce qui est ar-testé par l’Article XXXVI du Réglement de 1686, auquel il faut joindre les Articles XXXIV & XXXV du même Réglement, qui enseignent que le donataire de la Garde Royale n’est obligé aux charges de cette Garde, que jus-qu’à la valeur des biens : & que de plus, parce qu’il est exempt de payer les interêts pupillaires, il ne peut demander aucune chose pour ses vacations ; mais seulement ses voyages & séjours hors de sa maison.

Il y a encore d’autres différences entre ces deux Gardes, dont la premiere est, que la Royale ne finit qu’aprés vingtun ans accomplis, de sorte que celui qui est majeur, peut être sous la Garde Royale ; ce qui ne se peut dire de la Garde Seigneuriale ; car elle finit à vingt ans accomplis, qui est l’age de majorité requis par la Coutume de Normandie.

L’autre différence est, que pour sortir de la Garde Royale, il faut des Leteres Patentes de la Grande Chancellerie, qui soient entérinées en la Chambre des Comptes, & que la main-levée soit faite avec la même solemnité que la prise de possession de la Garde ; cette solemnité est expliquée par Bérault sur l’Article CCXV. Mais les Gardes Seigneuriales finissent par l’âge de vingt ans, de sorte qu’il suffit de faire signifier aux Seigneurs le passé-âgé. ( C’est un Acte par lequel le Juge certifie qu’on est âgé, c est-à-dire, majeur. ) Par l’Article CCXXIV même, ce qui a été fait par le Vassal depuis sa majorité, est valable, encore que cette fignification n’ait pas été faite ; comme il a été jugé à l’égard de la présentation faite à un Bénéfice par le Vassal devenu majeur par un Arrêt du 14 de Février 1537, rapporté parBérault ,

Il faut remarquer, que celui qui jouit par engagement du Domaine du Roi, ne peut prétendre à la Garde Royale, qui est entre les Droits Royaux incessibles, & en outre, que dans le don que fait le Roi de sa Garde, la présen-tation aux Bénéfices est ordinairement réservée au Roi, qui a un tel droit pour les Patronages qui appartiennent au Mineur qui tombe en la Garde Royale que la Douairière qui a pour son douaire un Fief dont dépend un Patronage, n’a pas le droit de présenter au Bénéfice, à moins qu’il n’y ait dans quelqu’autre Fief qui soit compris dans la Garde Royale, un Patronage en vertu du-quel le Roi puisse presenter à un Bénéfice : car s’il n’y a qu’un seul Patronage. dans la succession du Mineur, ou qu’il ait été fait quelque chose à dessein de frustrer le Roi du droit de présentation, le Roi présentera valablement. Voyezen les Arrêts rapportés parBérault , sur l’Article CCXV, de l’Ir d’Avril 1510 du 4 de Mars 1556, du 3 d’Avril 1516 & du & de Juin 1522. Tout au contraire, celui qui est l’usufruitier d’un Fief qui est en la Garde Seigneuriale, jouit du droit de la présentation au Bénéfice, parce qu’elle est réputée un fruit : ce qu’on peut observer pour une différence qui est en plus outre entre la Garde Royale & la Seigneuriale, Aprés en avoir déclaré les differences, il est à propos d’expliquer en quos elles sont semblables & leurs convenances. Premièrement, si le donataire de la Garde Royale & le Seigneur négligent de demander la Garde, ils n’en peuvent prétendre aucuns droits pendant cette négligence, parce que la jouissan-ce. de ces Gardes ne commence que du jour que celui qui la prétend, en a fait la demande en Juitice, où que le donataire a présenté les Lettres du don qu’il en a obtenu, pour être enrégistrées, lesquelles demeureront sans effet, Il lImpétrant n’obtient un Arrêt d’enregistrement sur icelles, comme il est attesté par l’Article XXXIl du Réglement de 1666.

De plus, le donataire & le Seigneur sont obligés d’acquitter les charges dues à raison des héritages qui dépendent de leur Garde, & d’entretenir les choses en bon état, & d’en user à l’exemple de l’Usufruitier qui est obligé à la conservation de la chose, & de se comporter comme un bon Pere de Famille : c’est pourquoi ils ne doivent pas vendre ni arracher les bois, ni remuer les maisons, & s’ils font le contraire, ils en doivent perdre la Garde & amender le dommage, par l’Article CCXXI.

D’ailleurs il est commun & égal entre les deux Gardes, que si le Mineur a des Vassaux qui tombent en sa Garde, cette, Garde appartient au Roi ou au Seigneur : de sorte néanmoins, que le Roi n’a pas plus d’avantage dans cette Garde ( la Coutume l’appelle Arrière-Garde en l’Article CCXXIIV que le Scigneur. Comme aussi, le ülineur sortant de Garde, a non-seulement la dé-uvrance de son Fief, mais aussi de celui qui étoit tombé en l’Arriere-Garde.

Une autre convenance des deux Gardes est, qu’en l’une & en l’autre on donne des Tuteurs aux Mineurs, pour avoir soin de leurs personnes ; & nonseulement de leurs biens meubles, qui ne tombent jamais en Garde, com ne il est artesté par l’Article XXXIII dudit Réglement, mais de leurs immeubles ; le Gardien n’étant pas partie capable de se présenter en Jugement, pour la conservation des biens des Mineurs, & n’y ayant qu’un Tuteur qui ait cette autorité, comme il est prouvé parLouet , G. 6. outre que les Tuteurs sont nécessaires, pour obliger les Gardiens à faire leur devoir, & à exéeuter ce qui leur est enjoint par la Coutume. Dont on doit conclure que c’est le Frefà parler proprement, qui est en Garde, pour être conservé en son entier, mais que les personnes des Mineurs sont en tutelles De plus, ceux qui fortent de l’une ou de l’autre Garde, ne doivent aucuns Reliefs des terres qui ont été comprises dans la Garde, ce qui est bien expliqué dans l’Article CCXXV.

Enfin, ce qui est dit des Filles, est commun à l’une & à l’autre Garde ; car le Mariage les en exempte par l’Article CCXXXVII, les y fait tomber, quand elles se marient à un Mineur de vingt ans, par l’Article Cexxx & les empEche d’y retomber, quand aprés la mort de leur Mari elles n’ont pas encore atteint l’age de vingt ans, par l’Article CCXXXII.


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La Garde, telle qu’elle est en usage en Normandie, dérive certainement du Gouvernement féodal. Les Fiefs commencerent à se perpétuer dans les familles bien auparavant que l’obligation à un service militaire eût cessé de faire la baze des investitures. Un foible enfant au berceau étoit incapable de forctions aussi pénibles ; le Seigneur pereut, par forme de dédommagement, les fruits de son Fief, jusqu’a ce que devenu robuste, il pût se revétir de la pesante armure du temps & monter un clieval garni de chamfein.Couvel . Inst. J Ang.Glanville , Liv. 7 Chap. 9 & 12 :Skinner , Liv. 2 ;Smith , Rep. Angl.Buchanan ’Hist. d’Ecosse, Liv. 6 ; d’Argentré , sur Bre ane, 7e ;Chopin , sur Paris, Liv. 1, Tit. 1.

Tortescue, dans son éloge des Loix Aingloises, a déveleppé l’origine de la Garde : Si hetreditas teneatur per servitium militare, tanc per leces terroe illius infans ipse, S hereditas qjus non per agnatos neque cognatos, sed per duntinum feudi illius cussodientur, quousque fuerit etatis viginti & unius annorum, & quis infantem talent, in artibus bellicis quos facere ratione tenure suc ipse ostring-tur domino soodi sui, melius insiruere poterit aut volet, quant dominus ille, cui ab eo servitium m’litare decetur, & qui ma joris potentie S honoris estimatur quant sunt alii omnes propinqui tenentis sui ; ipse nanique ut sibi ab codem tenente melilis serviatur, diligentent euram adhibebit, S meliis in his eunt érudire censetur, quûmt reliqui amici juvenis rudes forsan b armorun inexperti, niaximé si non fucrit magnum patrimoniunt ejus, & quid utilius est infanti, qui vitam C omnia suu periculis exponet in servitio dunini sui ratione tenure suc, quant in militia, act busque bellicis imbui, dunt minor est, cun adus hujusmodi ipse in ctate déclinare non poterit à