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L A Coûtume a expliqué dans quatre Chapitres consécutifs, les droits de succéder, & la manière de partager les Successions. Celui-ci qui est le premier des quatre, est intitulé des Propres ; c’est-à-dire, des biens qui apparte-noient au défunt par droit successif ou de lignage, suivant la distinction faite par l’Article CexLVII & par le CCCCLXXXIII. Il a été convenable de traiter séparément de cette Succession en Propre ; parce que dans le Pays cou-tumier, une hérédité est composée de plusieurs espèces de biens, la différence desquels est cause qu’il y a plusieurs sortes d’héritiers : Unius defindi quasi plurium hominum, intelliguniur plures hereditaies, comme il est dit des biens du Soldat fils de famille, en la Loi 17. S. Iulianus, ff. De Teslamento Mililis.

D’autant que les Propres se partagent autrement que les Acquêts, & ne sont pas déférés aux mêmes héritiers dans la succession de collatéraux : car dans la directe, ces biens vont ensemble, & se partagent de la même manière.1 Ce qui fait remarquer, que comme il y a deux sortes de Successions, par rapport à la différence des biens, il y en a deux aussi à l’égard des personnes û qui on succede : car ceux à qui on succede sont ascendans ou descendans, & c’est la succession directe, ou ils sont parens collatéraux, & lors c’est la succession collatérale. Mais d’autant que les Propres se partagent de la même manière en ligne directe & en la collatérale, il en est traité conjointement sous un même Titre qui est celui-ci.

Pour l’intelligence duquel il faut d’abord observer, qu’en la succession du Propre la représentation a lieu jusqu’au septieme degré de parenté, qui est le dégré dans lequel inclusivement se termine le droit de succéder dans la Province de Normandie, comme il est atresté par les Articles XLI & XIII du Réglement de 1666. Or quand on succede par représentation, les biens se païtagent par souche & non par tête, per siirpes, G non in capita ; parce que tous ceux qui viennent à une succession, au lieu d’un autre qu’ils représentent, ne doivent pas avoir une autre part que celle qu’auroit eu le représenté.

Il faut de plus remarquer, que puisque les successions se déferent, eu égard à la proximité de la parenté qui est distinguée par ce qu’on appelle degrés 3 le droit de représentation n’ayant été introduit, qu’afin que quelques parens plus éloignés fussent réputés au même ordre & degré que d’autres, qui sont plus proches parens du défunt : ces degrés de consanguinité ne se comptent pas dans le Pays coutumier comme dans le Droit civil ; mais on y suit la surputation canonique, tant à l’égard des droits de succéder, qu’à l’égard des Mariages qui ne se peuvent contracter entre proches parens. Cette supputation canonique ne differe pas de la civil en la ligne directe, mais seule-ment en la collatérale. Car la regle de la supputation civil est, que pour compter le dégré auquel les collatéraux sont parens, il faut d’abord monter des fils aux peres ( en commençant par l’un ou l’autre de ceux dont on veut connoître le degré ) jusqu’à la personne qui est comme la premiere source ou sou-che de la parenté, & autant de personnes qu’on compte, en montant ainsi des fils aux peres, sont autant de degrés : Ensuite dequoi il faut descendre de cette commune fouche, jusqu’à l’autre parent qu’on veut comparer ; & autant de personnes qu’on compte en descendant des peres aux fils, font encore autant de degrés qu’il faut compter : de sorte que le nombre des parens qu’on compte en montant & descendant, font le nombre des degrés, dont ceux qu’on compare l’un avec l’autre, sont distans l’un de l’autre.

La supputation canonique ne se fait pas ainsi ; car on monte seulement jusqu’à la souche ; c’est-à-dire, jusqu’à celui qui est le commun principe de la parenté, & le nombre des personnes en commençant à compter par celle dont on recherche le dégré, & qui est la plus éloignée de la souche, est le nombre des degrés dont ces parens, desquels on veut connoître la distance, sont éloignés l’un de l’autre : dont il s’ensuit nécessairement, que dans cette supputation il y a des degrés inégaux, à sçavoir, ceux dans lesquels sont pla-cées des personnes qui ne sont pas également distantes de la souche, comme l’oncle & le nevcu, qui sont dans le second degré, quoique le neveu soit plus éloigné de son aieul, qui est le principe de la parenté, que n’en est l’oncle, puisque cet aieul du neveu est le pere de l’oncle. Ce qui ne se rencon-tre pas dans la supputation civil, vu que la plus grande distance de la souche fait toujours un degré plus éloigné, ce qui produit une telle différence entre ces deux supputations, que le septieme degré de la canonique, dans lequel se termine le droit de succéder comme il a été dit, est le quatorzieme degré de la civil ; comme d’ailleurs, le quatrieme degré de la canonique, dans lequel inclusivement il n’est pas permis de contracter Mariage, est le septieme ou huitieme de la civil.2

On explique dans ce Chapitre plusieurs maximes tres-importantes pour le partage de toutes sortes de successions : que le mort saisit le vif, avec l’excep. tion a l’égard des puinés, qu’ils ne sont saisis des successions de pere & mere, que par les mains des ainés, Articles CexxXV, CexxXVII & les trois suivans : que les afcendans ne peuvent succéder à leurs descendans tant qu’ils ont d’autres descendans habiles à succéder, Article CCXLI. Que ceux qui ont promis de garder les biens de leur succession, ne les peuvent aliéner ni hypothéquer, Article CCXLIV. Que les biens ne peuvent passer par succesfion de la ligne paternelle à la maternelle, ni de la maternelle à la paternelle, Articles CCXLV & CCXLVI. Que les mâles & descendans des mâles excluent du droit de succéder les femelles & les descendans d’icelles, Article CCXI. VIII. Que les seurs ne peuvent concurrer avec leurs freres, au partage des successions de leurs pere & mere, que quand elles y ont été réservées, ou pour peine de la négligence & injustice de leurs freres, Article CCXLIX & quatre suivans & les CCLVIII, CCLIX & CCLXIV. Que les pere & mere peuvent réserver leurs filles au partage de leurs successions, Articles CCLVIII & CCLIX.

Que le Mariage avenant est la légitime des filles non héritieres, sur la succession de leurs ascendans, lequel doit être réglé & arbitré par les parens, Ar-tieles CCLXI & CCLXII. Que les pere & mere ne peuvent donner à leurs filles pour leurs mariages, plus que le tiers de leurs biens, Articles CCLIV & CCLV. Que le mariage des filles ne peut être arbitré à une plus grande valeur qu’à celle du partage d’un frere qui aura le moins dans les successions des pere & mere, Article CCLXIX. Que le fise ou les créanciers au droit des freres ne peuvent exclure les seurs du partage, ni les réduire au mariage avenant, Article CCLXIII. Que les filles n’ont pas la propriété, mais sen-lement l’usufruit de leur mariage avenant, à moins qu’elles n’ayent été mariées, Article CCLXVIII. Que les filles héritieres partagent entr’elles toutes sortes de biens également Artiele CCLXXII. Que les meubles & biens de bourgage sont partagés également entre toutes sortes d’héritiers, Article CCLXx.

Que les Religieux profes, les Bâtards, & ceux qui ont été condamnés à la mort naturelle ou civil, sont incapables de succéder, Articles CCLXXIV & CCLXXV. Que les enfans de ces condamnés peuvent succéder à leurs parens, Article CCLXXVII. Et qu’enfin les créanciers peuvent se faire subroger à appréhender les successions qui ont été répudiées par leurs débiteurs, Article CCLXXVIII.


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Ce n’est point sur la Loi naturelle qu’il faut enter le Droit de succéder : un pere doit des alimens à son fils pendant la foiblesse de l’âge ; le fils, par un juste retour doit soulager la vieillesse & la caducité de son pere : voila la voix de la nature : elle se fait entendre beaucoup plus foiblement dans la ligne collatérale ; le Gouvernement civil a donc introduit l’ordre des successions pour prévenir les déréglemens d’une volonté corrompue par les passions : Bérault ; l’Auteur de l’Esprit des Loix.

Les dispositions de nôtre Coutume sur la manière de succéder, sont en quelque sorte sacrées, un pere de famille a, sans doute, la prérogative de régler la fortune de ses Héritiers en changeant la qualité de ses biens, en vendant des Rotures pour acquérir des Fiefs, ou en remplacant des biens de la Coûtume générale sous celle de Caux ; mais la Coûtume ne lui confie point le pouvoir de géner les dispositions de son Successeur par des défenses d’aliener ou des substitutions : si un Héritier dissipe follement ses revenus, le Magistrat lui donne des entraves en connoissance de cause ; mais jusqu’alors les biens hérités sont l’objet de ses Créanciers. Basnage


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La supputation Canonique que l’Auteur distingue clairement de la supputation civile, est d’un usage constant dans la succession des propres, mais hors le premier degré de repré entation, elle n’a point lieu dans la succession collatérale aux meubles & acquêts ; ainsi Poncle du défont exclut de cette succession le cousin germain du même défunt, quoique l’un & l’autre soient à son égard dans le second dégré, suivant la supputation Ganonique : cela se développera dans le Chapître qui régit les Successions aux acquets.