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CCXLVII.

Les biens sont faits propres à la personne de celui qui premier les possede à droit successif.

La Regle du Droit Coutumier, par laquelle les biens paternels doivent appartenr par succession aux parens paternels, comme les biens maternels doivent être déférés aux parens maternels, paserna paternis, maierna maternis, est expliquée en ces Articles : Et parce qu’aucun bien ne peut être dit paternel ni maternel, qu’il ne soit propre, il est nécessaire de définir ce que l’on doit appeller propre. La Coûtume l’a bien voulu imprimer dans la mémoire, l’ayant répété dans deux Articles, CexLVII & le CCCXXXIV, qui déclarent, que tous les biens sont faits propres en la personne de celui qui premier les possede à droit successif, c’est-à-dire, à droit de parenté & de lignage comme il est ajouté par l’Article CCCCLXXXIII, qui porte, que l’héritage réliré à droit de lignage, tient naiure de propre S non d’acquét.1

Mais quoiqu’on n’ait point voulu approuver en Normandie, la distinction. des propres anciens & naissans, comme il est attesté par l’Article XLVI du Réglement de 16é8 ; il est néanmoins nécessaire de reconnoître qu’il y à des pro-pres, qui dans leur principe ne peuvent être dits ni paternels ni maternels, le droit d’y succéder n’étant pas réglé comme celui des autres propres. Par exemple, les acquêts des enfans, ne sont proprement ni paternels ni maternels en la succession des meres qui ont succédé : c’est pourquoi on a jugé, que les parens du côté paternel de ces meres, devoient préférer les parens maternels, suivant qu’il est disposé par l’Article CCex pour la succession des acquêts, avec cette différence néanmoins, que même les plus éloignés paternels exeluent les plus proches maternels, par Arrêt du 23 de Mai 1623, rapporté par Basnage sur l’Article CCXLVII. On jugea la même chose dans le cas auquel une seur avoit succédé aux acquêts faits par son frere utérin ; car quoique ces biens fussent devenus propres par sa succession ils ne furent point réputés ni paternels ni maternels, parce qu’ils n’étoient point descendus du pere ni de la mere, quoiqu’ils fussent provenus du côté de la mére de l’acquereur ; c’est pourquoi ils furent déférés aux parens paternels de cette soeur utérine décédée sans enfans, à l’exclusion de ses parens maternels, par un Arrêt, dit de Lastelle, du 23 Ianvier 16o8, rapporté par Bérault & parBasnage , dont il sera parlé ci-aprés. Ce qui fait connuître que c’est avec une fort bonne raison que les Commentateurs du Droit Coutumier ont distingué les acquêts en nouveaux & en anciens ; entendant par les nouveaux, ceux qui ont été faits par le défunt auquel on succede ; & par les anciens, ceux ausquels on a succédé seulement en la ligne collatérale, parce qu’on estime qu’ils ne peuvent pas être appellés propres, n’étant ni paternels ni maternels, jusqu’à ce qu’on ait succédé en la ligne directe. Or cette distinction n’est pas vainc, d’autant qu’il est d’un usage certain dans les autres Coûtumes, que les nouveaux acquêts appartiennent, en cas de succession, aux plus proches parens indistinctement, soit qu’ils soient paternels ou maternels ; & qu’à l’oppofféé, les anciens acquêts sont déférés aux plus proches parens du coté de l’acquereur, par préférence à tous les autres parens du défunt.2 Pour plus grand éclaircissement du droit de succéder au propre il faut observer qu’il n’y a aucune controverse à cet égard dans les successions de la li-gne directe, parce qu’il est évident que ce qui procede du côté du pere est paternel comme ce qui provient du côté de la mere est maternel. Toute la difficulté donc est à l’égard des successions collatérales. Pour en faire un bon discernement, il est à propos de remarquer qu’il y a trois opinions sur cette matière : La premiere est, que quand il est question de la succession au propre, il suffit de considérer la parenté de celui de la succession duquel il s’a-

git, sans remonter plus haut qu’à ses pere & mere, & nullement aux autres ascendans, comme aieuls & bysaiculs, les parens desquels succedent, suivant qu’ils sont plus proches du défunt, sans distinction ni recherche de ce qui étoit paternel ou maternel, dans les biens de ces successions d’aieuls ou des autres ascendans plus éloignés. Cet ordre de succéder est plus conforme au Droit Romain, par lequel, quand il s’agit du partage d’une succession, on n’a égard qu’à l’hérédité du défunt, & non à l’hérédité qui lui étoit échue, parce qu’hereditas semel adita, non est amplius hereditas, sed proprium patrimonium adeuntis, suivant qu’on l’infere de la Loi 10. S. silio, ff. De vulgari & pupillari substitutione : & conséquemment les biens de l’aieul eclus au pere du défunt, non sunt amplius avita bona in nepote, qui est le défunt, sed paterna, quia parris propriunt patrimonium erant. Ideoque ( comme il est dit dans la fin de la Loi dernière, C. De in officioso testamento ) nomen auctorum exringuitur ë cum aliis rebus confunditur, & similem foriunam recipit, quemudmodum céter & res que in unum con-greganiur, ex omnibus patrimonium. Cette opinion est encore fondée sur des conTidérations tres-importantes, tant de la conservation des Liens dans chaque famille, en empéchant que les biens d’un défunt ne soient séparés en petites pieces, minutiores in paries frusiillatim scindantur, que de la paix des familles, qui sont brouillées, quand la parenté du premier acquereur des héritages qui sont dans ane succession, doit être recherchée : ce qui cause une grande confusion.

La seconde opinion est, que pour être habile à succéder au propre, soit paternel ou maternel, il faut être descendu de celui qui a acquis les héritages, ou au moins de celui qui y a le premier succédé en la ligne directe ; & suivant cette seconde opinion, un héritage n’est point réputé propre, jusqu’à ce qu’il ait fait souche ; c’est-à-dire ; jusqu’à ce qu’on ait succédé en ligne directe descendante, pour pouvoir être estimé paternel ou maternel : de sorte que plusieurs successions en la collatérale ne rendent point un héritage propre : mais il est toujours réputé acquet, tant qu’il n’a point fait souche. Le fondement de cette opinion est, qil n’y a point de propre qui ne soit paternel ou maternel : or ce qui n’est point émané des ascendans, comme de pere mére aieul ou aieule, ne peut être dit paternel ou maternel. Cette opinion étoit suivie en l’ancienne Coûtume de Paris.

La troisieme opinion est, qu’il faut être parent de l’acquereur de l’héritage, sans qu’il soit nécessaire d’en être descendu ; sufficit esse conjundum à latere, non requirilur descensus à siipite. Mais cette opinion le subdivise en deux ; car quelques-uns estiment qu’il suffit d’être parent de cet acquereur, soit du côté du pere, soit du côté de la mère ; & c’est ce qu’on a suivi en la Coûtume réformée de Paris, comme enseigne Brodeau en son Commentaire deLouet , P. 28.3 .

D’autres requierent qu’on soit de la famille de celui qui a acquis l’héritage, & c’est cette derniere opinion qu’on a suivie en Normandie, où il est nécesfaire d’être de la famille de l’acquereur : c’est en conséquence de ce principe, que l’Arrêt de Graverel du 20 de Décembre 1655, rapporté amplement par Basnage sur l’Article CCCCLXIX, fut donné au sujet du retrait lignager, qui se juge par les mêmes regles que le droit de succéder, suivant qu’il est declaré par les Articles CCCCLXIX & CCCCLXXVI. L’espece de cet Arrêt est, que le pere de Graverel, & l’acquereur de l’héritage dont il étoit question, étoient cousins germains sortis de deux seurs : le fils de l’Acquereur ayant succédé à son pere, vendit le même héritage, qui, sans doute, étoit devenu un propre paternel en sa personne. Il n’étoit pas moins évident que Graveres étoit non-seulement parent de l’acquereur, mais qu’il étoit même parent au troisieme degré du vendeur : ce nonobstant, ayant voulu retirer ledit héritage en cette qualité, il en fut jugé incapable, parce qu’il n’étoit pas de la famille ou agnation de l’acquereur, quoiqu’il fût son parent, & par conséquent parent paternel & maternel du vendeur. Ce qui paroit absurde, d’autant qu’un parent qui a droit de retirer comme lignager, & de succéder jusqu’au septieme degré, tant au propre qu’aux acquêts, peut être exclus de ces droits par un Seigneur de Fief encore qu’il soit proche parent du pere du dernier possesseur de l’héritage, & qu’il le soit même de ce possesseur : mais cette absur-dité vient en conséquence d’une maxime établie par la Coûtume en l’Article COXLV, qui déclarc, que ce qui est devenu propre paternel, doit toujours retourner aux parens paternels, comme le propre maternel aux parens maternels, sans que les biens d’un côté puissent jamais appartenir par succession aux parens de l’autre côté, en quelque degré qu’ils soient parens, de sorte que les Seigneurs de Fief y succéderoient plutot par droit de deshérence ; laquelle maxime a été étenduë par l’Article suivant CCXL. VI. aux biens qui échéent en la ligne collatérale, pourvu qu’ils fussent propres de celui de la succession duquel il est question : Ce qui ne peut signifier autre chose, sinon que les biens qu’un défunt a possédés à droit successif, doivent être déférés à ses parens du côté dont sont provenus lesdits biens, sans que les autres parens de l’autre côté y puissent jamais succéder, à moins que de faire distinction entre les anciens propres & les propres naissans. Ce que le Parlement a réprouvé par plusieurs Arrêts, desquels a eté formé ledit Article XLVI dudit Réglement4

C’est pourquoi Basnage a fort bien remarqué que l’Arrét de Lastelle cité cE dessus, a été donné contre ladite maxime, d’autant que par cet Arrêt, les biens qui étoient provenus de la succession de Jacqueline de Lastelle, qui les avoit possédés au droit de la succession aux acquêts de Pierre de Bellaire son frere utérin, furent adjugés aux parens du côte & ligne de ladite Lastelle, à l’exclusion de ses autres parens du côté de Bellaire acquereur desdits héritages.

L’interprétation que Bérault a donné audit Article CCXLVI pour foutenir cet Arrêt ne paroit pas bonne ; car les biens qui échéent dans les successions collatérales à parler proprement ne descendent point, il n’y a que les biens qui échéent en la ligne directe descendante, qu’on puisse dire descendre, de sorte que quand la Coutume, audit Article CCXLVI, s’est servie du mot de descendre, ce n’est précisément qu’à l’égard des biens des peres & meres, ou des autres ascendans, mais cela ne se doit ps rapporter aux biens des parens collatéraux, qui ne descendent point, & qui néanmoins sont déclarés être partables, suivant la Regle des biens paternels & maternels, établie en l’Article précédent CCXLV, pourvu qu’ils soient propres de celui à qui on succede, qui est l’unique condition que la Coûtume requiert pour les attribuer au côté & à la ligne de celui dont ils sont provenus, & pour en exclure les parens de l’autre côté.

Cette regle donc de paterna paternis, materna maiernis, ayant été recue pour conserver dans chaque famille les biens qui lui sont propres ; il est nécessaire d’observer d’autres maximes pour pouvoir bien discerner les biens paternels d’avec les maternels : c’est pourquoi d’autant que le plus souvent les femmes ne sont point héritieres en Normandie, & que leur bien consiste en mariage avenant ; c’est-à-dire, en deniers payés au mari & remplacés sur ses biens, le Réglement de 1666, en l’Article CIII, expose une regle certaine, par laquelle, quand il ne paroit point évidemment que les biens proviennent du côte des femmes, ils doivent être réputés paternels.

Il y a encore d’autres observations tres-importantes à faire à l’égard des bient maternels : Car premierement, ils peuvent être un acquêt de la femme, quand elle les a acquis par son industrie & par sa bonne fortune ; mais ils sont un propre, encore qu’ils ne consistent qu’en deniers, quand ils proviennent de la légitime que la femme avoit sur les biens de ses prédécesseurs : mais quoique ces biens soient propres ou acquêts, ce sont des biens maternels à l’égard des enfans qui y ont succédé ; car quoique réguliérement il se fasse une extinction d’une dette, quand le débiteur est hétitier du créancier, aut é converso, quand le créancier est héritier du débiteur ; néanmoins, quand un fils héritier de son pere le devient de sa mere, aut é converso, quand un fils héritier de sa mere le devient de son père, la dot de la mere remplacée ou consignée sur les biens du pere, n’est pas éteinte ; mais par une fiction de la Coutume, elle est réputée un bien distinct de la sucession du pere, & peut être demandée comme un bien maternel, par les héritiers du fils décédé sans enfans : mais cette fixion ne subsiste pas toujours, elle prend fin quand on a succédé deux fois en la ligne directe, à ces biens maternels. Par exemple, quand le petit-fils héritier de son pere, qui avoit hérité de sa mere, décede sans enfans, les héritiers de ce petit-fils ne sont plus obligés de représenter la dot de l’aieule maternelle, qui avoit été consignée sur les biens de son mari aieul paternel du défunt, parce qu’en ce cas, cette dot qui n’étoit qu’une dette, est du tout éteinte par la confusion : c’est ce qui a fait dire, que les dots consignées n’étoient pas un bien maternel, quand elles sont hors du premier degré qui est le fils. Ce qu’il faut entendre, quand le fils a été héritier de sa mere prédécédée ; car si la mere avoit survécu le fils sa dot ne seroit pas éteinte par l’addition faite de sa succession par son petit-fils : car il faut deux successions en la ligne directe, pour faire cette extinction, comme il a été dit.5 En second lieu, il faut observer, que les deniers dotaux d’une femme ayant été employés par le mari en achat d’héritages ou en constitution de rentes, avec déclaration que le prix provient des deniers appartenans à la femme, ces héritages ou ces rentes, sont des remplacemens spéciaux des biens de la femme, & doivent toujours retourner aux parens de la ligne desquels ils sont venus, comme il est signifié par l’Article CV dudit Réglement.

En troisieme lieu, les biens acquis par échange étant subrogés, quant à la qualité de propre paternel ou maternel, aux héritages qui ont été baillés en contr’échange ; les biens de la femme échangés par le mari ou par les enfans héritiers de la femme, produisent un remplacement spécial de biens maternels.

Mais cette subrogation a ses effets limités, comme enseigneLouet , S. 10 & ne s’étend point à faire partager cet échange, suivant la qualité ou la situation qu’avoit le contr’échange, parce qu’on partage les biens d’une succession en l’état qu’ils se trouvent lors de l’échéance, & non selon la qualité & la situation des biens ausquels ils ont été subrogés, comme il est attesté par l’Article LXVII dudit Réglement. Quand donc on baille à un des héritiers un hé-ritage maternel, au lieu du partage qu’il avoit droit d’avoir dans la succession de son père ; cet héritage est réputé un propre paternel, & sic é converso tant en ligne directe qu’en ligne collatérale. VoyezLouet , dicto loco6 Il ne faut pas omettre que les biens maternels qui consistent dans la consignation faite sur les biens du mari, fuivent les mêmes regles que les autres pro-pres ; c’est-à-dire, que celui qui en est héritier, doit payer les dettes créées par la femme à qui la dot appartenoit ; comme aussi, il doit contribuer aux dettes contractées par le fils & héritier de cette femme, à proportion de la valeur des biens de l’une & de l’autre fouche paternelle & maternelle.7 De plus, quoiqu’un héritier puisse aliéner tous les biens du côté paternel, sans que les héritiers de ce côté en puissent prétendre un remplacement sur les biens du côté maternel, aut é converso : néanmoins quand un fils a aliéné les biens de son pere, sur lesquels la dot de sa mere étoit confignée, cette dot est censée aliénée au préjudice des héritiers maternels, à proportion de la valeur, tant des biens aliénés que de la dot consignée sur iceux comme il a été jugé par un Arrêt du 26 Mai 1659., rapporté par Basnage sur l’Article.

CCXIV : Il faut dire les mêmes choses des meubles, que le mari est obligé de remplacer par l’Article CCexC, que de la consignation de la dot ; car ces meubles n’ayant point été remplacés, sont un propre maternel en la personne du fils, lequel propre subsiste & s’éteint par les mêmes moyens que la don consignée : ce qui a été jugé par un Arrct du mois de Janvier 1653, rapporté par ce même Auteur.


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Des Auteurs François ont tenté de prouver queJustinien , a le premier introduit la distinction des propres : efforts assez inutiles. Domiici & duMoulin , ont cru que li loi des propres étoit aussi ancienne que la Monarchie, du Moulin a même voulu que Charlemagne, usant du Droit de Conquete, l’ait fait recevoir par les Saxons, & predicta con-suetudo, dit cet Auteur, Conseil 7. n. ô8, quod heredia antiqua sint affecta linee seu gentilitati, & potissinum capiti, que fuit originalis Francorum, & Burgundiorum, per constitutio. nem Caroli Magni Principis Francie & imperatoris prorogata fuit olim ad Saxones, d’autres Auteurs ont prétendu que la loi des propres ne remonte pas au de-là de la fin de la seconde race, ou du commencement de la troisieme, on introduisit alors selon leur opinion, une espèce de substitution dans les Fiefs, de sorte que le possesseur des Fiefs décé-dant sans enfans, le Fief devoit retourner au plus proche parent du défunt du côté de la ligne du premier vassal. Nous avons des preuves plus anciennes de l’établissement des propres ; nous trouvons la distinction des propres & des acquêts dansMarculphe , Liv. 2.

Form. 7. Tam de alode, quam de comparato, & plus bas, tam de hereditate parentum quam de comparato nous en trouvons encore un exemple dans duCange , hoc est villam nostrant, : : : : : que mihi de parte genitoris mei nomine Adelhemi obvenit tam de alode quant de comparato ; Chron. Laurisham. an. 764. On peut dire pour concilier ces opinions, que la différence entre le partage du propre & celui des acquets, n’a été reglée qu’apres l’établissement de la propriété des Fiefs.

Nous mettons au rang des propres les fonds donnés à l’héritier présomptif en ligne directe ou collatérale, les immeubles confisqués & remis au profit des héritiers du condamné, les acquêts provenus du prix du propre vendu des l’instant du contrat d’acquisition, que suivent les améliorations, sans aucune récompense pour les héritiers aux acquêts ; les acquêts retirés à droit lignager les fonds réunis à titre féodal au Fief qui est propre, les héritages licités entre cohéritiers, &c.

L’effet de la licitation a été contesté, il y a quelques années, dans une espèce délicate.

Une femme conjointement avec son mari, avoit acquis par licitation de son oncle, son cohéritier le tiers d’une terre, & l’autre tiers de son cousin germain qui en étoit légataire, elle avoit hérité pour un tiers : le mari avoit payé la plupart des deniers ; aprés sa mort ses héritiers reclamoient les deux tiers de cette terre, comme une acquisition que le mari avoit faite ; le premier Juge avoit déclaré que le tiers appartenoit aux héritiers du mari, sur l’appel, les héritiers de la femme établissoient que les actes de licitation étoient valides, qu’il n’appartient de liciter qu’à celui qui a droit de partage, que la licitation peut avoir lieu entre mineurs, que le tuteur en fournissant les deniers, ne transmet pas moins aux mineurs la propriété des fonds licités, & que si le nom du mari a été employé dans l’acte de licitation, ce n’a été que pour habiliter la femme à contracter. Par Arrêt du 2 Août 1758, rendu au rapport de M. du Boseguerard, les fonds licités furent déclarés de la ligne de la femme.

Les Offices sont une sorte de biens qui a oecasionné beaucoup de contestations : mais nous avons maintenant des décisions sures. Les Offices domaniaux, sans aucune distinction. entre l’ancien & le nouveau Domaine, ne paroissent pas avoir en Normandie de regle particuliere, ils se gouvernent de même que les autres biens qui sont en commerce ; les Offices de udicature & de finance faisant aujourd’hui une portion considérable du patrimoine des familles ils sortissent la qualité de propres & d’acquêts, ainsi si le Titulaire les réfigne à son néritier présomptif, ou étant échus par succession, ils sont propres de la ligne dont ils procedent : bien plus, un Office rétiré des parties casuelles dans le temps fatal par l’héritier présomptif, est réputé propre dans sa succession : Arrêt du 2r Ianvier 1749. On a même par Arrêt du I2 lanvier 1751, jugé propre dans la succession d’un mineur le prix de la composition d’un Office, à charge de le relever des parties casuelles. Voyer le Brun de la Comm. les Arrêtés de Lamoignon, des Offices ;Renusson , des Propres, Chap. 5, Sect. d. n. 72. Il sera fait mention ailleurs des Offices de la maison du Roi-


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La distinction des acquêts en nouveaux & anciens, dont quelques Auteurs se servent, ne convient pas dans les Coûtumes qui disposent que les biens sont faits propres dans la personne qui les posséde à droit successif, & il semble repugner que l’on appelle acquet ce qui nous a été laissé à titre d’héritier. Il n’en est pas de même de la distinction des propres en anciens & naissans ; quoiqu’elle soit rejettée en Normandie, elle est recue dans beaucoup de Provinces du Royaume. On appelle propre naissant celui qui pour la premiere fois est échu à droit successif, & bien des Coutumes le déferent au parent le plus prochedu côté de l’acquereur, foit paternel où maternel.


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La regle paterna paternis, materna maternis, est différemment interprétée par les Coûtumes, je ne dirai rien ici des Coutumes que l’on appelle spécialement de representation, ni des Coutume de tronc commun. Je renvois sur cette matière au Traité des successions de le, Liv. 2, Chap. 1. le rappelle la théorie de Pesnelle, j’observe avec le Brun Brun ibid. n. 9 & 10, que suivant plusieurs Coutumes, & dans les Coûtumes muetes, il suffit pour succéder au propre, d’être le plus proche parent du côté de celui duquel il est échu à celui de cujus bonis agitur, & le plus proche parent exclura le parent descendu de l’acque-reur qui sera en degré plus éloigné. On ne succéde point en Coutume souchere, comme héritier des propres que l’on ne soit descendu de celui qui le premier les a mis dans la famille, Sil ne s’en trouve point de cette sorte, les anciens propres appartiennent à l’héritier des meubles & acquêts, c’est-à-dire, au plus proche parent. Le Brun ibid. n. 13, à Paris & en diverses Provinces du Royaume quoiqu’il soit nécessaire d’être parent du côté & ligne de l’Acquereur, il n’est pas besoin d’en descendre ; les descendans de l’Acquereur sont cependant toujours préférés, mais il ne suffit pas comme dans les Coutumes de la première espèce, d’être parent du défunt du côté du pere par-la succession de qui ce propre lui est echu, mais il faut lui être parent du côté & ligne de celui qui a mis le premier l’héritage dans la famille, soit du côté du pere, soit du côté de la mére de cet Acquereur ; que s’il ne se trouve point de parent de cette forte, P’héritage est considéré dans la succession comme un acquet & appartient au plus proche héritier.


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Quand on lit sans prévention l’Art. CCXIVI de notre Coutume, on conçoit qu’il n’est pas nécessaire qu’un bien ait souché pour devenir propre, & qu’il peut devenir tel par succession collatérale, même propre paternel ou maternel, parce qu’il sera échu au défunt par des parcns du côté de pere ou du côté de mère, mais il est difficile de tirer les consequences que nous avons déduites de cet Article. LeBrun , ibid, n’a pas fait de difficulté de mettre nôtre Coutume au rang de celles qui n’exigent, pour succéder au propre, que d’être parent du defunt du côté de celui qui le lui avoit transmis par sa mort. Notre Jurisprudence est cependant bien différente, nous ne suivons pas même celle de Paris. On tient à Paris. pour maxime, d’apres M. Talon, que quand les parens d’une ligne sont capables de succeder à des héritages comme acquets, les descendans de cette même ligne peuvent succéder aux mêmes. héritages comme propres. L’Arrêt de Graverel, cité par tous nos Commentateurs, est directement opposé à cette maxime, & l’Arrêt de Daireaux du 3 Juillet 17s3, en forme de Re-glement, confirme l’Arrét de Graverel. Voici l’espece : Thomas Daireaux eut deux enfans Thomas & Scholastique, de Thomas sortit Pierre, de Pierre, Richard, Avocat à Coutances : Scholastique épousa Adrien Colas, de ce mariage naquit Thomas, qui avoit acquis 7s liv. de rente foncière dans la mouvance du Fief de Ver ; Gilles son fils, lui succeda, & mourut sans enfans. On voit par ce tableau que Pierre Daireaux & Thomas Colas acquereur, étoient tousins germains, & que Richard Daireaux & Gilles Colas étoient cousins isius de germains.

Pierre, ou en cas de prédéces, Richard Daireaux, auroient été habiles à succéder en Normandie, suivant la proximité du degré, à la rente acquise par Thomas Colas, s’il fût mort sans enfans, Richard y auroit également pu succéder à Paris, quoiqu’elle fût devenue propre naissant dans la personne de Gilles Colas ; cependant en vertu de ce Reglement, la rente a été adjugée au Seigneur de Fief comme un bien vacant par deshérence. Voy es nes Notes sous d’Art. CXI. VI de la Coûtume.


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Il faut, pour opérer la confusion de dot, non-seulement deux degrés de succession mais deux degrés de génération : ainsi si une soeur a succedé à son frère, la dot de la mere commune n’est pas confonduë dans la succession de cette soeur. Arrêt du 8 Août 1732. On a même jugé par Arrêt du 28 Juin 1755, qu’il n’y a point de confusion quand la veuve a employé ses deniers dotaux à l’amortissement d’une rente due par son fils, & au payement des garrérages, avec stipulation de remplacement, & de subrogation. Il semble que la mers n’ayant point constituée la somme sur son fils, elle n’avoit eu contre lui qu’une action mobiliaire, & que si elle eût agi, on n’eût trouvé dans sa succession que des deniers ; mais la stipulation du remplacement avec subrogation, paroissoit être l’équivalent d’une constitution & il eût été injuste de priver les héritiers maternels de la répétition d’un bien dont l’emploi avoit conservé les propres paternels. On a encore jugé par Arrét du S Juillet 17ss, en la seconde des Enquêtes sur un partage de la premiere, qu’une femme ayant de ses deniers dotaux amorti des rentes dues sur la succession de son mari avec subrogation fa dot n’étoit point confonduë dans la succession de sa fille, laquelle avoit recueilli la succession de son père ; il est vrai que l’action avoit dormi pendant la vie de cette fille, qui réunissant la double qualité de débitrice & de créanciere, n’avoit pu l’exercer. Mais on en auroit mal conclu l’extinction.


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La subrogation n’a point lieu par les partages ou autres arrangemens de famille d’un bien d’une ligne à celui d’une autre ligne en forte que si, dans un partage entre cohéritiers, il tombe dans un lot des biens paternels pour remplir ce cohéritier de sa part dans la suc-cession maternelle, ces biens ne deviennent pas pour cela des biens maternels, ils conservent toujours leur nature de biens paternels pour retourner à la ligne paternelle, & vice versdi ainsi jugé par Arrêt du 21 Février 1759. La nature des biens ne doit point en effet dépendre des conventions : la Loi est certaine, & il resulteroit de son infraction beancoup d’inconvéniens, sur-tout dans notre Province, où par l’usage & suivant l’ancien Coûtumier, quand ses successions de pere & de mere sont échues en même temps on n’en fait qu’un partage.

On trouve dans la nouvelle édition du Traité des Propres deRenusson , un pareil Arrét du Parlement de Paris.


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Basnage prouve, sous cet Article, par des espèces délicates & nettement développées, qu’il est quelquefois trés. difficile de distinguer le propre paternel du propre maternel. Quand le Créancier d’une reversion de dot achete un fonds de celui qui la doit, dont il paye partie du prix, & tient quitte de la dot le débiteur pour le surplus, si ce créancier vient à décéder sans enfans, le débiteur qui lui succede dans le propre maternel peut demander le partage de la terre jusqu’à la concurrence de la dot, & l’héritier du propre parernel n’est pas recevable à qui offrir le remboursement de la dot en deniers : Arrêt du 30 Juin 1746. Mais un acquêt d’un fonds du beau-pere fait par le mari, qui cede sa dot pour partie du prix, sans que la femme accede an Contrat, n’est point un propre de la femme ; aprés la dissolution du mariage, il suffit qu’il rende la dot : ainsi jugé au mois de Juillet 1756. Dans le fait de l’Arrêt le mari avoit fourni une portion considérable du prix, & avoit donné une quittance de la dot séparées Un fonds acquis par un second mari des deniers de sa femme, au nom des enfans du premier lit, en exécution du Contrat de mariage, est un propre maternel dans leur succession Arrêt du 30 Juillet 1746.