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CCXLIX.

Les Filles ne peuvent demander ni prétendre aucune partie en l’héritage de leur Pere & Mere contre leurs Freres, ne contre leurs Hoirs ; mais elles leur peuvent demander Mariage avenant.

La conservation des biens dans les familles, qui est une considération du Droit civil ; c’est-à-dire, particulier à un Etat politique, ayant prévalu à l’équité naturelle, par laquelle les femmes doivent avoir une part égale aux hom-mes dans les successions : Quia utraque persona in hominum procreatione simili naiure officio fungitur, comme dit Justinien au Titre De ex heredatione li-berorum ; la Coûtume propose sous ce Titre de Succession au Propre, vingequatre Articles, par lesquels le droit qu’ont les femmes dans les successions, tant en ligne directe qu’en la collatérale, est particulièrement déclaré : Commodiils visum est ita jura constitui, et plerumque hoereditates ad masculos confluerent, apud Justinianum, De legilima agnatorum successione. Sur quoi il est à propos de remarquer, que les cas dépendans des Loix qui reglent les droits des successions par une fin politique, & qui suivant les paroles deTacite , habent aliquid ea iniquo, quod ütilitate publica rependitur, ne se doivent pas juger par des considerations d’équité ni d’égalité, parce que ces raisons répugnent évidemment à la fin que les Legislateurs se sont proposée, & laquelle les Juges & les bons Interprétes doivent toujours avoir en vue, afin de conserver les Loix dans leur force, & afin de ne les abolir pas peu à peu, en contrevenant aux principes qui leur servent de fondement. Il ne faut donc pas dans les questions, qui résultent de ce que la Coutume a ordonné, tant touchant les droits que les femmes ont sur les successions, que touchant les biens situés dans le Pays de Caux, & les avantages qui sont attribués aux ainés par les préciputs, s’écarter de l’utilité publique, pour laquelle ces Réglemens ont été autorisés ; autrement on ne les interprete pas, mais on les détruit.

Or pour expliquer les droits qu’ont les femmes dans les successions, on peut distinguer que ces droits leur appartiennent, ou comme une légitime, ou comme un hérédité : ce qui se subdivise ; car la légitime, qui est ce que la Coûtume appelle Mariage avenant, ou est estimée par le pere & la mere, & les freres, en mariant leurs filles ou Soeurs ; & cela est réglé par les Articles CeL, CeLI, ceLIst, CCLIII, CCLIV, ceLV, ceLVi & CCCEXIII, ou ce Mariage avenant est arbitré par les parens : ce qui est réglé par les Articles CeLXII, CeLXIII, ceLxiV, CCLXV, CCLXVI, CCLXVil & CCLXVIII. Que si les femmes sont héritières, elles le sont, ou par les réservations faites par les peres & par les méres ; & il est traité de ces réser-vations & de leurs effets, dans les Articles CCLVIII, CCIIx, CCIx, COLXIX, CCCLXI & CCCLXII, ou elles le sont par la disposition de la Goutume ; & les cas & la maniere dont les partages se doivent faire sont proposés dans les Articles CexL, CCLXIII, CeLXIV, CCLXIx, CCExx, CoLxxI, ceLXXII, CecIx & CCCLXI.

Cela supposé, la Coutume en cet Article CCXLIx, qui est comme une conséquence de l’Article CCXLVIII déclare que les seurs ne peuvent deman-der à leurs freres ni à leurs héritiers, aucune part à l’hérédité de leurs pere & mere, mais seulement Mariage avenant : ce qu’elle répete dans le Titre de Partage d’Héritage, en l’Article CCCLVII, dont on doit conclure, que le Mariage avenant est la légitime qui est due aux filles sur les successions de leurs pere & mère ; de laquelle legitime ces successions demeurent chargées, & laquelle par conséquent doit être payée avant toutes les dettes & les charges ausquelles les freres ont pû engager les biens de ces mêmes successions.

De plus, cette légitime quoique payable en deniers, est réputée un droit foncier : de sorte que les seurs peuvent faire saisir les fruits des héritages faifant partie des biens desdites successions, quoiqu’ils ayent été aliénés par les freres, pour être payées, tant du principal que des arrérages de leur Mariage avonant ; elles peuvent même demander que ces héritages leur soient bail-lés pour un prix arbitré par experts, ( ce qu’on appelle à due estimation sans qu’on les puisse obliger à en faire le decret ; lequel droit elles transmettent à leurs héritiers, comme il est attesté par l’Article CXXII du Réglement de 1666. Il a été jugé par plusieurs Arrêts, que l’intérét de ces Mariages avenans, se doit payer avant le Mariage des filles, à raison du denier vingt : & depuis le Mariage, à raison du prix ordinaire des constitutions de rente.1


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Il est de Jurisprudence, que l’intérét du mariage avenant est du par les freres à leurs soeurs : mais depuis quel temps 3 Est-ce du jour du déces du pere ) Nos Commentateurs fe réunissent à penser que les freres ne doivent à leurs soeurs que les alimens & l’entretien jusqu’à ce qu’elles eyent atteint l’âge de 25 ans ; c’est donc de ce temps que les intérêts de la dot commencent à courir ; tant qu’il n’est point révolu, l’obligation des freres n’est qu’une simple obligation de fait que les soeurs ou leurs tuteurs, peuvent, les forcer d’accomplir, quoique l’hypothéque du droit des soeurs remonte constamment au déces du pere,