Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


CCLI.

Les Freres peuvent, comme leurs Pere & Mere, marier leurs Soeurs de Meubles sans Héritage, ou d’Héritage sans Meubles, pourvu qu’elles ne soient déparagées, & ce leur doit suffire.

Le frère est obligé de doter sa Soeur, & d’ailleurs il n’a pas une liberté si absolue que le père de disposer de son mariage ; car il doit lui trouver un parti convenable, tant pour le bien que pour la naissance ; le pere pouvant marier sa fille à qui bon lui semblera, & ne lui rien donner ; le frère à l’opposite devant doter, & ne point déparager sa seur : mais d’ailleurs il est vrai, que comme la fille mariée par ses pere & mere, ne peut rien demander à les frères, sinon ce qui lui a été promis en la mariant, ainsi la seur mariée & dotée par ses frères, ne leur peut plus rien demander, sinon ce qui lui a été accordé & promis par eux, lors de son mariage : à moins qu’elle n’ait été déparagée, suivant l’expression de la Coûtume ; c’est-à-dire, mariée a quelqu’un qui soit d’une naissance & condition inégale ; car en ce cas, elle seroit bien fondée à demander à ses freres un mariage avenant ; c’est-à-dire, une dot convenable, qui seroit arbitrée par les parens, suivant qu’il est prescrit par l’Article CCLXII1. Il faudroit dire la même chose, si le frere avoit transigé du mariage avenant de sa seur, sans l’avoir mariée, car la seur pourroit se faire relever de cette Transaction, si elle avoit été lézée : de sorte que les soeurs ne sont excluses du supplément de leur légitime, que quand elles ont été mariées convenablement par leurs freres.

Il faut remarquer, que l’obligation des freres pour payer le mariage de leurs soeurs, est solidaire, non-seulement quand ils acquittent les promesses faites par les pere & mere, dont ils sont héritiers, mais même quand les seurs sont mariées aprés le décés des pere & mere. La raison qu’on en apporte, est que le mariage est une dette des successions paternelles & maternelles, & laquelle partant les héritiers sont obligés solidairement d’acquitter. Mais cette raison ne devroit pas paroître suffisante, parce que le mariage avenant, quand il n’est pas dû en vertu des promesses du pere ou de la mere, qui se sont obligés de le payer en mariant leurs filles, est plutôt une charge fonciere & une espèce de partage, qu’une dette des successions, & auquel partant les freres ne devroient être obligés que divisément, & à proportion des parts qu’ils ont dans lesdites successions.

Or ce qui a été donné à une soeur pour sa dot, quand ce ne seroit que de l’argent, qui même n’auroit pas été remplacé par le mari, est toujours censé un propre, pour être déféré aux héritiers au propre : Et d’ailleurs la promesse des freres pour le mariage de leur seur à son hypotheque du jour du déces du pere, comme une portion de l’hérédité acquise à la fille des ledit jour.2 Il faut encore remarquer, que les freres ne sont pas seulement garans du remplacement ou de la collocation des deniers qu’ils donnent à leurs seurs pour leur tenir lieu de dot, ils le sont même pour les deniers qu’ils payent pour l’exécution des promesses faites par leur pere ou mere en mariant leurs filles ; & partant, quoique le pere & la mere eussent pu acquitter leurs promesses sans péril d’en être recherchés, ni eux ni leurs héritiers, les freres n’ont pas ce même avantage, mais sont obligés de faire remplacer sûrement ce qu’ils payent pour acquitter les promesses faites & non payées par les pere ou mere : ce qui a été jugé par plusieurs Arrêts, desquels on ne doit pas néanmoins conclure, que les freres puissent exiger caution ou remplacement de la dot qu’ils ont promise à leur seur par son Contrat de mariage, lorsqu’ils veulent s’en acquitter ; car par plusieurs Arréts rapportés parBasnage , les maris des seurs ont été dispensés de la nécessité de bailler caution ou un remplacement, & on a condamné les freres à faire l’intérét des sommes promises, si mieux ils n’aimoient bailler en payement des héritages ou rentes faisant partie des biens héréditaires, à due estimation, qui seroit faite par les parens. Voyez ce qui a été remarqué sur l’Article CCL.3.

L’Article XLVII du Réglement de 1666, a attesté de plus, une décision fort remarquable, qui est que les frères ne peuvent obliger leur seur à prendre partage au lieu de mariage avenant. Voyez ce qui est remarqué à cet égard sur les Articles CCCXL & CCCLXI.

On demande, si les seurs peuvent exercer cette garantie pour leurs dots, auparavant que d’avoir diseuté les biens de leurs maris ; On distingue, ou la dot a été payée & consignée sur les biens du mari par le Contrat de mariage, & en ce cas, la femme est obligée à cette discussion, parce qu’elle a agréé le remplacement fait par la consignation de sa dot, ce qui est convenable à la disposition de l’Article DXL, ou la dot qui étoit dûe, soit par le pere, soit par le frere, qui s’y étoient obligés par une constitution de rente, sans avoir stipulé la consignation de la dot par le Contrat de mariage, est depuis racquittée, & en ce cas, quoiqu’ielle soit réputée consignée sur les biens du mari par l’Article CCCLXVI, la femme n’est point obligée à discuter les biens de son mari, à moins qu’elle n’ait signé la quittance du racquit ; & elle peut s’adresser directement à son pere ou à ses freres, comme étant ses véritables débiteurs en vertu de leurs promesses. Or quand la femme n’est point obligée de discuter, elle n’est point obligée de sommer ou interpeller ses freres de le présenter au décret qui se fait des biens de son mari, ce qui a été jugé par un Arrêt du 1r d’Aout 1672, rapporté par Basnage : de sorte que cette fommation ou interpellation n’est nécessaire, que quand la femme est obligée à la discussion, auparavant que de pouvoir appeller ses pere ou frère à la garantie de sa dot.4


1

Quoique l’ancien Coutumier, Chap. 26, permit aux filles de demander leurs mariages à leurs frères, la Jurisprudence étoit alors bien rigoureuse. La Glose sur ce Chapitre dit n que l’en doit sçavoit que ce texte doit être entendu que les freres doivent marier leurs seurs n sans déparagement à personne idoine, au regard de la ligne & à la puissance des personn nes,, : 2 : : & n’est pas à entendre qu’ils baillent a leurs seurs héritages 0 meubles, car Sils les pouvoient marier aveneaument, comme dit est sans rien leur donner, il sufm firoit, puisque le mari en seroit content. nTerrien , Liv. 6, Chap. 3, atteste que de son temps les freres pouvoient marier leurs soeurs sans rien leur donner en les nuriant à un homme idoine, selon son lignage & les possessions de la maison. Berault a combattu solidement sur cet Article cette extrême rigueur, & il a cité un Arrét conforme à son opi-nion adoptée par les Commentateurs.


2

Je ne puis penser que lorsque le frere fait une promesse à sa soeur sans expression de don mobil, il appartienne de droit au mari : car, sans examiner quelle doit être l’intention du frère en mariant sa soeur, pour tolérer la donation d’un bien qui, dans le vrai, ne lu appartient point, il faut au moins un Acte qui en fasse mention ; aucun texte de la Coutume ne donne au mari sans convention le tiers de la dot de sa femme.


3

Basnage rapporte deux Arrêts sous la fin de cet Articl, qui sont une suite des principes proposés par Pesnelle : Par le premier du 11 Avril 164s, il fut jugé que quand le frere a cédé à sa soeur pour sa dot une rente à prendre sur un tiers, cette soeur n’est obligée qu’à discuter les meubles de celui qui la doit, & que le frere est tenu de s’en recharger : Par l’autre du 23 lanvier 1683, il fut jugé dans une espece où le pere avoit, en mariant sa fille au Perche, transporté en dot des rentes que les débiteurs vouloient amortir, que le frere recevroit le rachat, si mieux il n’aimoit donner d’autres rentes, dont il demeureroit garant, ou continuer la rente, ou accepter la caution que son beau-frere lui proposoit au Perche.


4

On a demandé si la soeur civilement séparée de son mari pouvoit être forcée par son frere de prendre en payement de partie de sa dot constituée en rente par le pere commun & consignée sur les biens du mari, mais rachetée sans sa participation des fonds du mari à la garantie de son frere & il a été jugé par Arrét daté parBasnage , du 1o Décembre 2890, & à la fin de l’esprit de la Coûtume du Io du même mois 1é8s, que la prétention du frere n’étoit pas recevable, dans le fait, la fortune du mari étoit tellement délabrée que la seur avoit à craindre la dépossession, & les batimens situés sur le fonds étoient en une ruine totale.