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CCLIV.

Si Pere & Mere ont donné à leurs Filles, soit en faveur de Mariage ou autrement, Héritages excédans le tiers de leur bien, les Enfans mâles le peuvent révoquer dans l’an & jour du décès de leurdit Pere & Mere, ou dans l’an & jour de leur majorité ; & se doit faire l’estimation dudit tiers, eu égard aux biens que le Donateur possédoit lors de ladite Donation : Et où la Donation seroit faite du tiers des biens présens & avenir, l’estimation dudit tiers se fera, eu égard aux biens que le Donateur à laissés lors de son décès.

Dans cet Article & le suivant, où il est traité des donations excessives faites aux filles par les pere & mere, il y est fait différence entre les meubles & les immeubles ; car la donation d’immeubles excédante la valeur du tiers des biens que le donateur avoit lors de la donation, ou du tiers de ceux qu’il avoit lors de sa mort ( Sil a donné le tiers de tous ses biens présens & à venir ) se doit révoquer par les freres1 dans l’an & jour de leur majo-rité, ou de la mort du pere ou de la mère, si lors d’icelle ils sont majeurs, apres lequel temps passé, ils ne peuvent plus la faire réduire ni la contester, comme il a été jugé par plusieurs Arréts. Il n’en est pas ainsi de la donation des meubles, car quand ils excéderoient de beaucoup le tiers de tout le bien sils ont été livrés avant la mort des peres ou mère, les freres n’en peuvent faire aucune répétition ; mais s’ils n’ont pas été livrés, les freres peuvent refuser de les donner, & faire réduire les promesses qui en ont été faites au tiers, qui est la légitime portion de toutes les seurs2, à quoi il est à propos d’ajouter deux circonstances : la première, que si on a donné aux filles des meubles & des immeubles, qui estimés ensemble soient excédans la valeur du tiers des biens du donateur, les freres pourront faire réduire cette donation :

de sorte qu’en ce cas, la valeur des meubles donnés & livrés sera estimée, & rendra la donation des immeubles réductible. L’autre circonstance est, que quand il y a un grand nombre de frères, le pere ni la mere ne peuvent pas toujours donner le tiers aux filles, parce que chacune d’elles auroit une plus grande part que n’auroit un des freres puinés, qui est le cas de l’Article CCLXIx, auquel le pere ni la mere ne peuvent pas contrevenir par leurs donations ; autrement, elles seroient reductibles, Que si un pere n’ayant que des filles, leur avoit fait des donations, & que depuis il eût procréé des enfans mâles, ces donations faites aux filles seroient réductibles ad legitimum modum, aprés l’estimation faite des biens du pere, & de ce que les rilles ont cu en don, sans qu’on les puisse condamner à rapporter leurs jouissances, ce qui a été jugé par un Arrêt du 2 de Mars 1610, rapporté par Bérault sur l’Article CCLVIII.

Or les freres peuvent faire les révocations portées par ces deux Articles, sans que cela les engage à recevoir leurs seurs à partage, à moins qu’elles n’eussent été expressément réservées au cas de la révocation : c’est pourquoi dans l’estimation qui se fait des biens de la succession, pour connoître si la donation est excessive, les meubles & les iinmeubles de bourgage ne sont confidérés que comme les autres biens, parce mi ; ne s’agit lors que de l’arbitra-tion d’un mariage avenant ; ce qui est sui’ent l’Article LI du Réglement de 1666.

Les Tuteurs des freres peuvent demander cette révocation, aussi-bien que les frères mêmes qui ne sont recevables à la faire qu’au cas qu’ils ayent fait un bon & loyal Inventaire des meubles & titres de la succession de leurs pere & mere, ou autres ascendans, comme il est attesté par l’Article XILVIII dudit Réglement : mais ils n’en sont pas exclus, encore qu’ils ayent figné au Contrat de mariage, ou autre acte qui contient la donation excessive, conjointement avec le pere & la mere qui ont fait cette donation.3 Les peres & meres qui ont fait ces promesses excessives, ne les peuvent révoquer ni faire réduire ; mais ils peuvent se démottre de leurs biens sur leurs autres enfans, pourvu que ce soit sans fraude, c’est-à-dire, sans feinte ou simulation ; & en ce cas, on leur adjuge une pension alimentaire, sans qu’on puisse décreter leurs biens pour le payement des arrérages du passé, dûs en vertu de leurs promesses ; mais on peut seulement saisir pour cet effet les meu

bles & les fruits des immeubles : les donateurs non possunt ultra id quod possunt, conveniri, 6 habenda est ratio ne egeant.


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La Coûtume prescrit par cet Article, que l’estimation du tiers donné par le pere à ses filles, se doit faire eu égard aux biens que le Donateur possédoit au temps de la donation, & où l’estimation seroit faite des biens présens & a venir, l’estimation sera faite eu égaid aux biens que le Donateur a laissés au temps de son déces. On prétend qu’il peut naître un incon vénient de l’exécution de la Loi, un pere, aprés avoir donné à sa fillu le tiers de son bien tombe dans la dissipation ; il a encore deux fils obligés de s’arrêter au tiers Coutumier ; ces deux freres seront, contre la Coutume, dans une condition plus désavantageufe que leurs surs : je réponds que l’inconvénient seroit beaucoup plus grand si la seur pouvoit être privée d’un don qui n’étoit pas excessif au temps de l’acte, il aura été peut être le motif d’un mariage, le gendre seroit la victime de la mauvaise économie de son beau pere, & sa postérité. On ne peut pas regarder le don fait par un père à sa fille comme un avancement d’hoi-rie, puisque le concours des mâles la rend inhabile à succéder C’est une opinion recue, que l’estimation des héritages sur une demande en réduction doit être renvoyée à faire par les parens communs, comme dans le cas de partage, ou de liquidation de nariage avenant.


2

On les dans la Close sur l’ancien Coutumier, Chap. 26, que n se ladite soeur n’étoit D point saisie dudit don que on lui auroit fait, mais attendoit quatre ou cinq ans aprés la mort n du Donneur à le demander à ses freres, ils viendroient assez à temps à révoquer ou contren dire le don quand elle le demanderoit, en tant qu’il seroit excessif & contre Coûtume.


3

Quand le pere & la mere ont promis conjointement mariage à leur fille qui n’est point acquitté, il ne suffit pas aux freres qui veulent agir en réduction de legitime de faire inventaire aprés le décés de leur pere, il faut qu’ils fassent encore faire inventaire aprés le déces de la mère, si elle survit à son mari : Arrét du 22 Avril 1722 Ce n’est pas assez, pour faire réussir l’action en réduction, que les freres ayent fait des inventaires, & y ayent obfervé toutes les formalités d’usage & de Jurisprudence, il est encore nécessaire qu’ils se soient préalablement abstenus de toucher auxechoses héréditaires ; car par Arrêt du 12 Décembre 1598, le ftere qui s’étoit, auparavant l’inventaire, saisi des meubles & vendu des rentes de la succession, fut déclaré non recevable dans fa demande en réduction. intentée contre sa soeur.

Le frere étant décédé en majorité & dans l’an de la mort de son père, l’an commencé pour mtenter l’action en réduction court contre ses enfans mineurs, fauf l’action subsidiaire contre leur Tuteur : Arrêt du 9 Mars 1656, suite deBérault . Cette décision tend à assurer le repos & la tranquillité dans les familles.