Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


CCLVII.

Fille mariée, avenant que ses soeurs soient reçues à partage, fait part au profit de ses Freres, pour autant qu’il lui en eût pu appartenir au tiers dû aux Filles pour leur mariage, encore qu’il ne lui fût rien dû lors du décés de ses Pere & Mere.

Par les filles recues à partage, on doit entendre, tant les cas des réservations faites par les peres & les meres, que ceux des Jugemens rendus contre les frères, par lesquels en haine de leur injustice ou de leur négligence, on les a condamnés à donner partage à leurs seurs. En tous ces cas donc, que les filles partagent, leurs seurs qui ont été mariées auparavant, font part auprofit de leurs frères, de sorte qu’elles sont comptées, & qu’on leur attribue à chacune une portien du partage qui auroit appartenu à toutes les filles par la Coûtume ; laquelie portion ainsi séparéc, est retenue par le frere pour en faire son profit.1 Ce qu’il faut interprêter par l’Article L du Réglement de 1666, qui artesse, que le frère doit rapporter à la masse de la succession, ce qui a éte donné en Mariage à sa seur, quand elle fait part à son profit : mais on ne doit pas entendre cet Article L’indistinctement, car si ce qui a été donné à la seur en la mariant, excede la valeur de ce qu’elle pouvoit avoir dans. le partage des filles, le frère ne sera pas obligé de rapporter tout ce qui a été donné ; car c’est une maxime certaine au Palais, que les freres qui prennent les parts de

leurs seurs mariées & non réservées, ne sont obligés de rapporter que jusqu’à la concurrence de ce que ces suurs mariées non réservées auroient droit de prétendre, si elles avoient pris part égale avec leurs seurs réservées : ce qui ne se peut liquider qu’aprés avoir estimé la valeur de la part que chacune des filles réservees a dans la succession. Or pour faire cette estimation, il semble qu’il faut d’abord estimer les biens de la succession, sans y comprendre ce qui a été donné aux filles, qui doivent faire part au profit des freres ; & qu’apres avoir supputé la valeur de ces biens, il en faut lever le tiers pour le mariage de toutes les filles, suivant qu’il est reglé par la Coûtume, lequel tiers il faut diviser en parties égales, pour en attribuer une à chacune des filles : ensuite de quoi il convient faire une seconde estimation des biens de la succession, en y ajoutant la valeur à laquelle les parts des filles, qui doivent être au profit de leurs freres, se sont trouvées monter, suivant la pre-miere estimation ; & sur tout ce composé, il en faut prendre le tiers pour en pouvoir faire une juste subdivision, suivant le nombre des filles en parties égales, d’autant que la valeur de chacune de ces parts, sera ce que les freres seront obligés de rapporter pour chacune de leurs seurs, qui feront part à leur profit.2 On a demandé, si une fille non mariée étant décédée depuis la mort de ses pere ou mere, fera part au profit de ses freres à Il semble qu’il n’y a pas lieu de douter, que cette fille qui avoit droit au tiers appartenant à elle & à ses seurs, l’a transmis à ses héritiers, qui sont ses freres, qui par conséquent ont droit de retenir la part qui eût appartenu à la défunte. On peut proposer la même question à l’égard de la seur qui s’est faite Religieuse depuis le dé-ces de ses pere ou mere, & on la doit réfoudre par la même raison, parce

que la profession de Religion est une mort civil, qui donne pareil droit aux héritiers présomptifs que la mort naturelle, par l’Article CCLXXIII.

Sed quid dicendum des filles qui ont été mises en Religion par les pere ou mere, qui ont payé ce qui a été donné au Convent pour obtenir son agrément : On a jugé par plusieurs Arrêts, que les filles Religieuses ne faisoient point de part au profit des frères, parce que la Coûtume ne donnant part aux freres qu’au droit des seurs mariées par les pere & mere, ne doit pas être étenduë aux Religieuses qui par leur Profession sont mortes civilement, & devenues incapables de succeder à leurs pere & mère.3


1

Plusieurs Coutumes disposent que la part de la fille mariée vient à l’ainé des nobles, quelque modique qu’ait été sa dot, pourvu qu’elle ne soit point déparagée : Il en est de mêmelorsqu’elle a fait profession folemnelle en religion ; mais l’ainé doit tenir compte de ce que le pere a donné en dot à sa fille ou des frais de profession, il doit en outre payer lapartie des dettes de la succession du pere, à quoi la fille eût été obligée si elle eût été héritière de son père ; ce Droit a lien au profit de l’ainé, soit que la sour survive son pere ou qu’elle le prédécede ; il a lieu au profit du premier puiné, quand le frere ainé vient à mourir aprés son père ; mais on prétend que si le pere survit à son fils ainé, cet avantage est confondu dans la succession paremelle. VoyesDuPineau , sur Anjou, Art. CCXLVIII, Louis, sur Maine, Arr-CCLXVI ; leBrun , des Successions,Basnage .


2

Le rapport que le frere doit faire à la succession comme fondé dans le droit de ses soeurs qui font part à son profit, ne laisse pas d’embarrasser dans la pratique ; les principes posés par Pesnelle sont constamment suivis, la difficulté consiste à les appliquer. L’algebre est d’un grand secours, mais elle n’est pas encore connue de tout le monde : je vais rapporter la méthode deBasnage , sur l’Art. CCCLXII, & on peut s’en servir en attendant qu’on en trouve une meilleure, elle ne s’éloigne pas excessivement du but. Je suppose donc, d’aprés cet Auteur, qu’un pere ait laissé six enfans, un garcon & cinq filles ; trois filles ont été mariées & dotées par 507 liv. chacune ; la valeur de la succession monte à 45000 liv. on ne fait pas rapporter au frère la totalité des dots recues, mais je donne aux filles le tiers de cette somme ; je considère les filles mariées comme si elles ne l’étoient pas ; le résultat de la premiere opération est qu’il appartient la somme de 3000 liv. à chaque fille : je rapporte donc 9o0o liv. à la masse qui donne 54000 liv. la dot de chaque fille devient de 36oo liv. mais comme le frère benéficie de 1800 liv. je rapporte encore le tiers qui produit pour chaque fille 120 liv. le frere prenant encore au droit des soeurs mariées 36o liv. de rapporte 120 liv. pour le tiers qui, divisé entre cinq, est de 24 liv. pour chaque seur prenez encore 2d liv. pour le tiers de 72 liv. chaque soeur en emporte a liv. 16 sols, cherchez enfin le tiers de 14 liv. 8 sols, vous aurez à liv. 16 sols ; divisez-les en cind, cela composera 19 sols 2 den. ainsi la dot de chaque soeur à marier sera dans cette espèce de 37dy liv. 1s sols 2 den. & la dot de chaque soeur à marier est augmentée de 7ay liv. 1s sols tandis que le frere bénéficie au droit de ses seurs de 7500 liv. o sols 8 den. On trouve à la fin du premier volume deBasnage , Edit de 17oo, une méthode beaucoup plus facile si elle étoit toujours juste ; prenez le frere pour le double des soeurs tant mariées qu’à marier, cela donnera dans notre espèce le nombre dix ; joignez à ce nombre une seconde fois les filles à marier, & donnez à chaque des filles un douzieme de 450o0 liv. vous aurez. 3750 liv. ce qui ne differe de l’autre calcul que de 4 sols to den.


3

Comme les filles qui ont fait des voux solemnels de Religion avant la mort de leur pere, ne sont pas comptées dans sa succession au nombre des enfans, si leur dot reste à payer au temps de l’échéance, il paroit juste de regarder cette dette comme une charge. commune de la succession à laquelle les Cohcritiers doivent contribuer entr’eux pro modo emolumenti, ainsi dans le temps qu’un pere avoit la liberté de constituer sur ses biens une rente à perpétuité pour l’admission de sa fille à la profession, la soeur réservée devoit en supporter le tiers, & contribuer également aux compositions mobiliaires & viageres ; tel paroit être l’esprit d’un Arrét du 30 Juin 1655, rapporté parBasnage . On a cependant voulu substituer une autre Jurisprudence ; on a dit que la fille réservée profitoit de la part de sa soeur professe, & qu’ainsi elle seule étoit tenue des frais de sa dotation, ubi emolumentum, ibi & onus ; la réflexion auroit fait appercevoir que la fille réservée ne succede pas, dans cette espece, au droit de sa seur professe qui n’a jamais rien eu dans la succession, mais jure suo, & au défaut d’une personne habile à concourir avec elle. Poyer mes Notes, sur l’Art. CCLXXIII.