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CCLXVII.

Si le Tuteur est négligent de marier la Soeur de son Pupille, étant parvenue en ses ans nubils, elle peut se marier par l’avis & délibération des autres Parens & Amis, encore que ce ne soit du consen-tement du Tuteur ; lesquels après avoir oui ledit Tuteur, peuvent arbitrer le mariage avenant.

On joint ces cinq Articles à cause de la convenance & connexité des cas qui y sont décidés. Depuis l’Article CCLXI jusqu’au COLXx, il est traité des soeurs, qui n’ayant pas été mariées du vivant de leurs pere ou mere, ni réservées à partage, ne peuvent prétendre ordinairement qu’un mariage avenant1. Il est d’abord déclaré par l’Article CCLXI, que les filles aprés la mort de leur pere sont en la garde de leur frere ainé, ce qui est une conséquence de la qualité de Tuteur naturel & legitime de ses frères & seurs, que la Coûtume lui donne par l’Article CCXXXVII.

Mais cette qualité a beaucoup plus d’étenduë à l’égard des seurs qu’à l’égard des frères parce que les freres qui ont atteint l’âge de vingt ans, ne sont plus à la garde de lainé, & peuvent librement disposer de leurs personnes & de leurs biens : mais les seurs, quoiqu’âgées de plus de vingt ans, demeurent toujours en la garde & sous la tutelle de leur frere, & ne peuvent avoir la propriété de leur légitime qu’apres qu’elles sont mariées, à moins qu’elles n’ayent été admises à partage, comme il est signifié par l’Article CCLXVIII.

Or quand la Coûtume donne la garde des filles au fils ainé, ce n’est qu’au défaut de la mere, qui doit toujours être préférée pour cette garde, à moins qu’elle ne soit remariée ; car en ce cas, lorsque les parens appréhendent que la mere ne veuille abuser de la garde de ses filles, pour les marier suivant la volonté & les intérêts de son mari, on ordonne assez souvent que les filles seront élevées dans quelque Maison de Religieuses.

Le même Article CCLXI ajoute, que les filles ayant atteint l’âge de vingt

Sans, peuvent demander mariage à leurs frères ; c’est-à-dire, qu’elles les peuvent poursuivre pour les obliger à les marier ; apres laquelle demande, les freres peuvent encore garder leurs seurs par an & jour, qui est un-temps que la Coutume aecorde aux freres, pour chercher des partis convenables, pour le Mariage de leurs seurs. Que si apres ce délai-les freres refusent sans cause légitime d’entendre ; c’est-à-dire, d’agréer une personne qui se présente, & qui soit jugée convenable pour le mariage de leur seur, alors la seur pourra letre admise au partage de la succession de ses perc ou mère : c’est ce qui est ordonné par l’Article CCLXIV.2 Les soeurs donc peuvent devenir héritières, en haine & pour punition du refus injuste de leurs freres. Mais comme les Mineurs ne sont pas capables de commettre cette injustice, les, réfuites & le refus-injuste de leurs Tuteurs, ne peuvent jamais donner ouverture au partage des filles : c’est pourquoi les leurs, au cas de la minorité de leurs freres, peuvent bien poursuivre les Tuteurs pour leur mariage parce qu’il ne doit point être différé pour ce cas-là : mais quand les Tuteurs different ou refusent de les pourvoir, elles ne peuvent pas con-clure d’être déclarées héritières ; mais elles peuvent s’adresser, à leurs autnés. parens & amis, par l’avis desquels elles pourront se marier, nonobstant la réz pugnance & la contradiction du Tuteur ; & leur mariage avenant sera arbitré aprés avoir oui le Tuteur ; c’est-à-dires apres que-les parons auront en-tendu ses raisons, & l’instruction qu’il leur pourra donner des biens dépendans. de sa tutelle : cela est ordonné par les Articles CCLXVI & CCLXVII3. mais. les Tuteurs ni les parens ne peuvent jamais bailler partage irrévocablement aux seurs ; car s’ils l’avoient baillé, les freres devenus majeurs le peuvent rextirer, en donnant à leurs seurs un mariage avenant, par l’Article CCLXVL3e. ce qu’ils peuvent jusqu’à trente-cinq ans accomplis, qui est le temps-aecordé

par les Ordonnances, pour se relever des Contrats & Actes faits pendant la minorité.3 Mais comme les freres refusant injustement de marier leurs seurs, sont condamnés à leur donner partage, de même les seurs, qui sans raison valable ne veulent pas donner leur consentement au parti qui leur est présenté, & qui est jugé convenable par leurs freres & par les parens, sont punies, parce qu’elles ne peuvent plus demander partage, quelqu’âge qu’elles puissent avoir, comme il est déclaré par l’Article CCLXV.4


1

La mort seule du pere, ou le decret de ses biens, donne ouverture à la demande en degitime des seurs ; car par l’avancement de succession au benéfice du frère, la suur n’acquiert point contre lui une action en mariage avenant : Arrêt du 14 Août 1238.

Par Arrét de l’an 1629, on avoit jugé que l’avancement de succession ne devoit point régler la légitime des filles, à l’effet que les filles décédées ou mortes civilement depuis l’avan-cement, mais avant le déces du pere, fissent part au profit des freres.Basnage .


2

Rien de plus fragile que le sexe dans l’âge tendre : notre Coûtume a préun lesécueils ; une fille ne peut se marier avant vingt-un ans accomplis contre le gré de son frère, encore faut il supposer qu’elle ait formé sa demande en Justice à vingt ans, & que le frere soit dins le tort, suivant l’avis des proches parens revétu de ses formalités ; car un frere qui combat les caprices de sa soeur mérite des éloges, il peut même intenter action en rapt contre son suborneur.Basnage , sous l’Article CexxXV. Par Arrét du premier Décembre 16y3, la Cour a recu l’opposition du frère contre le mariage de sa seur âgée de vinge-trois ans. Le même Auteur, sous l’Article CCCLXIX.

Cependant cet Article entendu secundum corticem verborum, comme dit duMoulin , ne seroit pas équitable, & contrarieroit les intéréts politiques, une fille est nubile bien avant vingt-un ans un parti convenable peut se présenter avant cet âge, & peut être sans retour ; si la cupidité du frère s’oppose au bonheur de la soeur, la Iustice peut abréger le delai de la Loi, & autoriser un établissement au gré des parens ; c’est remplir l’esprit & le vou de la Coutume dans cet Article, dont les dispositions ne sont point faites au profit d’un frere avarc mais pour précautionner un jeune coeur contre un aveugle penchant, Mais une fille qui se marie avant vingt cinq aus aprés le déces de ses pere & mère, sans le consenterent de sa famille, pourra-telle, dans la suite, demander mariage avenant ; Si cette fille n’a point flétri l’honneur de sa famille par une ailiance indigne de son sang, si les parent intéressés n’ont point formé d’opposition, on ne le lui refuse point, quoique dans la rigueut des Ordonnances une fille n’acquiert la liberté de se marie sans le consentement du Tuteur & des plus proches parens, tant paternels que maternels, qu’aprés l’age de vingt-cinq ans accomplis.


3

Quand le frère est sous le lien de la minorité, le soin d’établir li suur concerne le Tu teur & les Parens déliberans de la tutelle ; mais Basnage borne mal-à propos à dix ans du jour de sa majorité, l’action que le mineur a pour recouvrer les immeubles cédes par ses parens en mariage faisant ; car étant question d’un Contrat onéreux, il a un pourvoi ouvert jusqu’à l’an 5e de sonâge : Bérault & Pesuelle. Bien plus, les parens délibérans ne sont point gerans de l’éviction des fonds revendiqués par le mineur, qu’ils ont abandonnés par le Traité de mariage.Bérault .


4

L’ancien Coutumier, chap. 26, punissoit bien p’us séverement le refus injuste que la sur avoit fait d’un mariage sortable proposé par sun frère : n Et si elle ne veut tel mariage, n y est il dit, soit laissée sans conseil & sans aide, tant de terre que de meubles n. L’interprétation de la Glose va jusqu’à priver, en ce cas, la soeur de tout espoir de provision ali-mentaire. Quand je réfléchis sur une Jurisprudence aussi dure, j’avoue que les anciens Normands avoient une confiance excessive dans la vertu de leurs filles livrees sans pitié au dé-sespoir, ou qu’ils en faisoient peu de cas.