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CCLXII.

Mariage avenant doit être estimé par les Parens, eu égard aux biens & charges des successions des Pere & Mere, Aieul ou Aieule, ou autres Ascendans en ligne directe tant seulement, & non des successions échues d’ailleurs aux Freres ; & doivent ceux qui feront ladite estimation, faire en sorte que la maison demeure en son entier, tant qu’il sera possible.

Il y a plusieurs maximes à observer dans l’estimation ou arbitration du mariage avenant : la premiere est, que le mariage avenant de chaque fille ne doit point excéder la valeur du partage de celui des freres qui a eu le moins dans la succession : ce qui a été jugé ( suivant ce qui est disposé par l’Article CCLXIY, & encore plus expressément par l’Article CCXCVIII, ) par deux Arrêts, l’un du 18 de Mars 1642, & l’autre du 30 de Juin 1668, rapportés parBasnage .

Une autre maxime est, que la liquidation du mariage avenant, doit être faite sur le pied du revenu des héritages, sans mettre en considération les hauts bois & bâtimens, sinon en tant qu’ils augmentent le revenu ; & ne sont les terres nobles estimées qu’au denier vingt : de plus, les biens de bourgage & les meubles : ne sont considérés que comme les autres biens, daus cette arbitration : ce qui a été attesté par les Articles LI & LII du Réglement de 1666.

Une troisieme maxime est, que le préciput de Caux appartenant à l’ainé n’augmente point l’estimation du mariage avenant ; quoique le fils ainé soit obligé de contribuer à raison de la valeur de ce préciput, au payement du mariage avenant de ses seurs, aussi-bien qu’à toutes les autres dettes & charges de la succession, comme il est artesté par les Articles LVI & LVII dudit Réglement ; en quoi ce préciput différe de celui qui estattribué à l’ainé par l’Article CCCLVI, qui entre en l’arbitration du mariage avenant, suivant la regle prescrite par ledit Article CCCLVI. La raison de cette différence est, que ie preciput de Caux appartient à l’ainé, sans qu’il soit obligé d’en faire aucune, récompense à ses frères par l’Article CCLXXIx, mais le préciput rotu-rier n’appartient à l’ainé qu’à charge de recompense : dont on doit conclure que les seurs n’ayant pas un droit plus avantageux que celui de freres puinés, ne peuvent pas prétendre que le préciput de Caux doive augmenter leur mariage avenant, qui leur tient lieu de partage. Suivant ces mêmes principes, il paroit qu’on doit observer pour une quatrieme maxime, que quand il y a des biens ausquels consistent les partages des freres puinés, qui n’ont point de préciputs, les Fiefs qui sont pris par préciput par les ainés, entrent bien dans l’esti-mation du mariage avenant des filles ; mais ce n’est qu’en tant qu’il faut régler & faire porter la contribution que doivent les ainés au mariage avenant, proportionnément à la valeur des Fiefs qui font leurs partages, suivant l’Article CCCLXIV, qui ordonne que les freres doivent contribuer à la nourriture entreténement & mariage de leurs seurs, suivant qu’ils prennent plus ou moins en la succession de leurs ascendans. Or comme cette contribution des ainés ayant pris des préciputs, est cause que la contribution que doivent les puinés, est beaucoup moindre, elle augmente l’estimation du mariage avenant des seurs, comme il sera remarqué sur l’Article CCCLXI, en faisant voir que le mariage avenant est en quelque rencontre plus avantageux aux filles, que la réservation à partage : dont on peut conclure dans le cas proposé, que le mariage avenant ne doit être estimé, principalement que par rapport à la valeur des partages des puinés, d’autant que chaque fille ne doit avoir pour sa légitime, que la valeur d’un des partages de ses freres puinés, déduction faite des charges ausquelles ce partage doit contribuer, entre lesquelles est le mariage des loeurs.

C’est suivant ces mêmes principes qu’ont été rendus les deux Arrêts ci-dessus allégués, du 28 de Mars r642, qui est l’Arrêt du Vieux-pont, & du 30 de Juin 1668.

Que si dans la succession il n’y a point d’autres immeubles qu’un ou plusieurs Fiefs pris par préciput, de forte que les puinés se trouvent réduits à prendre l’usufruit du tiers pour leur part héréditaire : on ce cas, suivant ces mêmes principes ci-dessus expliqués ; c’est-à-sçavoir, que les Fiefs pris par préciput n’entrent point dans l’estimation du mariage avenant, & que néanmoins ils obligent ceux qui les ont pris à contribuer au payement du mariage avenant, par rapport & proportion à la valeur desdits Fiefs ; & que d’ailleurs, Ice qui est la principale magime ) le mariage de chaque fille ne doit point exceder la valeur de ce qu’un des freres puinés a pour son partage : Il semble qu’alors pour arbitrer le mariage des filles, il faut estimer la valeur de l’usufruit qui appartient à un des puinés, les charges déduites, & réduire suivant cette valeur, le mariage de chacune des seurs ; & en conséquence, ju-ger que l’ainé ou les ainés ayant pris préciput, doivent contribuer au payement du mariage avenant, proportionnément à la valeur de leurs Fiefs.

Or ces Fiefs doivent étant estimés valoir neuf fois plus que l’usufruit attribué aux puinés d’autant que les ainés ont les deux tiers de leurs Fiefs en pleine propriété, & qu’ils ont en outre la propiété de l’autre tiers, mais imparfaite, d’autant que l’usufruit en est séparé ; ils doivent donc être réputés avoir la valeur des deux tiers de cet autre tiers, parce que la valeur de l’usufruit n’est régulierement prisée que le tiers de la valeur de la pleine proprété.

Ce qui s’éclaircit par un exemple. Supposez qu’il y ait deux freres puinés & deux seurs, & que la valeur du Fief ou des Fiefs pris par préciput, soit de trente mille livres ; l’ainé ou les ainés qui ont pris ces préciputs, ont la valour de vingt mille livres pour la pleine propriété qu’ils ont des deux tiers de leurs Fiefs, & ils ont en outre la propriété de l’autre tiers, laquelle est imparfaite, Pusufruit en étant séparé : or cette propriété, ubsiracto usit fructit, est communément estimée valoir deux fois plus que l’usufruit séparé de cette propriété, dont il s’enfuit que la valeur de l’usufruit du tiers qu’ont les puinés, ne doit être régulierement estimée que le tiers de la somme de dix mille lvres ; c’est-àdire, trois mille trois cens trente-trois livres six sols huit deniers : ce qui est la neuvieme partie de ladite somme de trente mille livres. L’ainé donc ou les ainés ayant, au moyen de leurs préciputs, la valeur de vingt-six mille fix cens soixante-six livres treize sols quatre deniers Uqui sont huit parts, les neuf faisant le tout de ladite somme de trente mille livres ) doivent contribuer de huit parties, & les puinés d’une neuvieme partie au mariage avenant des seurs : il faut donc dans le cas proposé, diviser sen deux parties égales ladite somme de trois miile trois cens trente-trois livres R sols huit deniers, à laquelle l’usufruit des puinés a été évalué, pour en attribuer la moitié à chacune des deux seurs pour leur mariage avenant, qui égale la valeur de la moitié de l’usufruit, qui est la legitime de chacun des deux freres puinés. Or la moitié de trois mille trois cens trente-trois livres fix sols huit deniers, est seize cens foixante-six livres trcize sols quatre deniers, dont la moitié qui est huit cens trente-trois livres six fols huit deniers, est la légitime de chacune des deux seurs, & leur mariage avenant : dont il s’ensuit que les ainés ayant pris ledit préciput, doivent contribuer de huit parts, les neuf faisant le tout, au payement de ces deux mariages avenans, & que les puinés y doivent contribuer de la neuvieme partie. Or les huit parts, de seize cens soixante-fix livres treize sols quatre deniers, sont quinze cens trente-neuf livres six fols un denier ; & la neuvieme partie de la même somme, est cent vinge-sépt livres sept sols trois deniers. Et partant les ainés, dans l’espèce supposée, payeront pour le mariage de leurs seurs, ladite somme de quinze cens trente-neuf livres fix sols un denier ; & les puinés, celle de cent vingt sept livres sept sols trois deniers, & à ce moyen, auront pour leur part de la succession, l’usufruit du tiers des Fiefs pris par préciput par leurs ainés.

Une cinquième maxime est, que quoique les puinés ne puissent avoir qu’une provision à vie, quand toute la succession consiste en un Fief, que le frere ainé a pris par préciput, ou quand ils préferent la provision à vie à tous les autres biens qui pourroient leur appartenir aprés l’option faite par l’ainé d’un préciput : néanmoins les silles doivent avoir leur mariage avenant en propriété, suivant qu’il est expliqué par l’Article CCCLXI.

Mais sçavoir si cette propriété se doit estimer à raison de la propriété du tiers du Fief, ou seulement à raison de l’usufruit de ce tiers qui appartient aux puinés ; c’est ce qui n’apparoit point par les termes dudit Article COCLXI, lesquels ne sont que généraux, & signifient seulement que le Fief, à l’égard de la fille réservée à partage, est évalué en deniers pour ce qui lui en peut appartenir, pour en avoir une rente au denier vingt : ce qui semble devoit être interprété par ce qui vient d’être dit de la quatrieme maxime.

Il faut de plus remarquer, que l’arbitration du mariage avenant doit être faite par les parens, encore qu’elle se fasse entre les seurs, & les représentans les freres, comme les créanciers & acquereurs des freres : Que si pour quelque cause extraordinaire cette arbitration se faisoit par des Juges, elle se feruit aux dépens de cclui qui auroit mal à propos contesté, où les freres & les soears contribueroient aux frais,1


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J’ai cru que les maximes, que l’on explique sous cet Article, étoient trop liées pour les détacher. Je ne dirai cependant rien de ce qui regarde la liquidation du mariage avenant des filles en la Coûtume de Caux, afin d’éviter la confusion, l’ordre amenera les regles sous le chapitre 12 de la Coutume.

Le mariage avenant n’est point cette promesse que le frere fait à sa seur de gré à gré, un établissement qei plait, une alliance honorable peuvent mettre de l’inégalité dans la dot des siurs sans blesser la Justice : le mariage avenant est cette portion de biens dans les lignes directes, destinée à la subsistance des filles & à les marier, qui tient lieu de partage, & qui, si elle n’en a pas les agrêmens n’en a pas les incommodités ; le mariage avenant s’étend aussi sar les successions cullatérales aux acquêts en proportion que les filles à marier font part au profit de leurs freres, conformément à l’Article CCexx, qui est de Coutume nouvelle.

Texpliquerai en son temps la disposition que cet Article contient en faveur des filles.

Il faut, pour être instruit des principes essentiels de la liquidation du mariage avenant, distinguer les personnes que la Coûtume appelle à cette operation, les forces & charges des successions qui doivent le mariage, la nature des biens, leur situation, la manière d’en fixer le prix, l’état des partages entre mâles, de quel temps les filles prétendent avoir leur mariage, & de quel temps se fait l’estimation des fonds qui y sont assujettis.

La Coûtume se propose le maintien de l’union & de la paix dans les familles ; c’est dans cette vue qu’elle charge les parens communs des frères & suurs de la liquidation du marlage avenant. Mais comme, suivant la même Loi, le mariage des seurs doit être estimé, eu égard aux forces & charges des successions ; c’est devant eux que le frère doit en fournir l’état ; & par Arrêt du ro Décembre 1723, on a cassé une Sentence qui avoit ordonné au frere de donner judiciairement un état à sa seur, & de produire les pieces justificatives.

La nature des biens est intéressante à découvrir, parce qu’une succession peut être composée de biens meubles, de fonds nobles ou roturiers, de rentes foncieres ou constituées, &c.

Vous passez de là à leur situation : ils sont situés en Bourgage ou en Coutume générale, en Normandie ou hors la Province ; on ne distingue point, dans les biens Normands, les meubles d’avec les immeubles, & les héritages roturiers, quoique situés en Bourgage ; car l’Ar-ticle LI du Reglement de 16bs porte, que les meubles & biens de Bourgage ne sont considérés que comme les autres biens situés hors Bourgage dans la liquidation du mariage ave-nant, les héritages & les rentes foncieres qui en tiennent lieu étant hors la Province, n’entrent point dans la liquidation du mariage avenant que l’on arbitre en Normandie ; les filles y prennent part, suivant la Coutume de leur situation, les meubles suivent le domicile du défunt, en quelque lieu qu’ils se trouvent, & la Jurisprudence ne donne aux filles que mariage avenant dans les rentes constituées sur des biens d’une Coûtume étrangere. Arrêt des Houdebours du 2o Février 1652. La manière d’estimer les biens devroit, ce semble, varier suivant leur nature ; cependant dans la liquidation du mariage avenant, les Terres nobles ne sont estimées qu’au denier 2o, & sur le pied du revenu, sans mettre en considération les hauts bois & birimens sinon en tant qu’ils augmentent le revenu, Art. LII du Reglement de 1686. Mais si un père de famille a destiné un bois de haute-fûtaie en coupe, & S’il l’a réduit à cet état depuis long-temps ce bois entre dans l’estimation du mariage avenant, il fait alors partie de l’utile plutôt que de l’agréable & de la décoration.

L’état des partages entre mâles fait varier le mariage avenant des filles, & cet état depend de la nature des biens dont les successions dependent. Quand les freres partagent égale-ment entr’eux, il est de regle générale que les soeurs ne peuvent jamais avoir plus que le tiers des successions, quelque nombre qu’elles soient ; mais elles ne l’ont pes toujours ce tiers : car si le nombre des freres excede celui des soeurs, on donne à cleacune des seurs autant qu’elles auroient si elles étoient recues à partage avec les freres, pourvû que le mariage avenant de toutes les soeurs n’excede pas le tiers des biens auquel il est toujours reductible. Il y a beaucoup plus de difficulté lorsqu’il y a des fonds nobles pris par préciput : ce cas se subdivise : car il arrive qu’il n’y a qu’unFief dans une succession, ou qu’il y a un Fief & des Rotures. Au premier cas, on donne en propriété à chacune des seurs autant que chaque puiné peut avoir en usufruit fa contribution au mariage levée, bien entendu qu’aprés le calcul tous les mariages des seurs n’excedent pas le tiers de la succession entière. Au second cas, le mariage de chacuné des soeurs ne peut être plus fort que la part de chaque frere puiné dans les Rotures déduction faite de sa contribution, & la seur est tenue de s’y fixer quoique les pui-nés ne se soient arrétés aux Rotures que par intelligence avec le frère ainé, pourvu que la détermination des puinés soit réelle & effective. On a même raison de dire que dans cette espèce le sort de la fille légitimaire est plus heureux que celui de la fille réservée à partage d’autant que sa contribution des puinés étant au sol la livre du préciput, le mariage des filles devient, sur les immeubles, pius considérable que l’effet de la réserve. Voyez l’Art.

XXVII du Reglement de 16686.

Il est indispensable de sçavoir de quel temps les filles demandent leur mariage avenant.

Elles peuvent en effet le demander comme du jour du déces de leur pere, & je les ai jusqu’ici confidérées sous cet aspect ; mais elles ont aussi la liberté de le demander comme du jour de son mariage & leur légitime ne peut en these genérale être portée au-dela du neuvieme des immeubles, mais on ne déduit que les dettes immobiliaires antérieures à cette époque, & on suit les maximes du tiers Coûtumier.

Quand la liquidation se fait comme du jour du déces du pere, l’estimation du mariage avenant s’opère comme du même temps ; la seur ne souffre aucun préjudice des dégrademens occasionnés sur les fonds depuis la mort du pere, & elle ne profite point des augmentations : Arrét du 11 Juillet 1738.

Quand il y a des contestations qui retardent l’opération, le Juge accorde par intervalle des provisions & quand elles sont décidées, il renvoie devant les Arbitres ; ils rendent leur Jugement, la partie qui veut l’exécuter en poursuit l’homologation, mais il est susceptible de reforme & d’appel.

La liquidation du mariage avenant se fait à frais communs, chaque partie porte les dépens des instances qui la traversent, & dans lesquelles elle succombe.

Régulierement on ne devroit tolérer dans la liquidation du mariage avenant, que la lézion causée par une simple erreur & l’embarras de la discussion des affaires d’une famille ; mais l’abus a long-temps prévalu contre l’équité. Voyez nos Commentateurs. On prétend que le mariage. avenant doit être fixé un peu au-dessous du taux de la Coutume, mais sans fondement. Aussi cette opinion a été rejettée par Arrêt du 28 Février 178i, les freres opposoient à la soeur les frais de l’entretien & réparations des batimens de la succession, & citoient les Commentateurs ; la Cour n’y a point fait droit ; l’augmentation qui peut survenir dans la valeur des biens y balance les frais qui tombent à la charge des Propriétaires, & les charges fortuites de la succession, comme la vocation aux tutelles, regardent les seurs ou leurs maris, ainsi que les freres