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CCLXXIII.

Par Profession de Religion, l’Héritage du Religieux & Religieuse Profez, vient au plus prochain Parent habile à succéder, & deslors en avant, ils sont incapables de succéder, comme aussi est le Monastere à leur droit.

Il contient une maxime du Droit coutumier, ou plutôt une Loi du Royaume, par laquelle un Religieux, qui a fait profession dans un Ordre approuvé, aprés l’age de seize ans accomplis, & apres un an de probation ou de noviclat, est incapable de continuer la jouissance des biens qui lui appartenoient propriétairement, lesquels sont transferés à ses parens proches & plus habiles a lui succéder, & il devient de plus incapable de toutes successions, outre qu’il ne peut avoir d’autres héritiers que le Convent.1 C’est donc avec raison que les Religieux sont comparés aux fils de famille, ou plutôt aux esclaves, tant à l’égard de leurs biens, qui ne sont qu’un pécule, qu’à l’égard de la dépendance de leurs Supérieurs ; Nihil sibiacquirere possunt, nec-

Hipulari. Néanmoins ceux qui sont titulaires de Dénéfices, ont une libre administration de ce pécule ; c’est-à-dire, de leurs meubles & du revenu de leurs Bé-néfices : c’est pourquoi ils peuvent vendre & donner : mais ils ne peuvent faire de Testament pour frustrer l’Abbé ou le Monastere de leursdits biens.

On doutoit autrefois, si l’Abbé Commendataire pouvoit succéder aux dé pouilles des Religieux de son Abbaye : car quoique les Commendes soient des Titres perpétuels, & que les Commendataires de ce temps ne different en rien des vrais Titulaires, pour ce qui concerne le revenu du temporel des Bénéfices ; néanmoins ne laissant point leur succession au Monastere, mais à leurs parens, il sembleroit qu’ils devroient être exclus de la succession des Religieux : Quia reciproca debel esse hereditatis delatio, 1. penultima, S. ideo Sancimus, C. De adoptionibus. Mais c’est à présent un usage constant, que les Commendataires ont la dépouille & les biens des Religieux dépendans de leurs Abbayes.

Les Religieux de l’Ordre de Saint Augustin qu’on appelle Chanoines Réguliers, sont compris dans la regle de cet Article, quoiqu’ils ayent rang, & puissent vivre entre les Séculiers, comme étant in laxiors Regula, On en a excepté les Religieux faits Evéques, dont la succession a été déférée à leurs proches parens ; sur ce fondement, que la Dignité Episcopale les avoit émancipés, & délivrés de la servitude du Monastere : ce qui a été jugé par un Arrêt rappporté parLoüet , E. 54. quoique ces Evéques ne puissent pas succéder à leurs parens.2 Comme les Chevaliers de Malte sont de véritables Religieux, parce qu’ils font les trois veux solemnels, ils ne peuvent succéder, ni même posséder les biens qu’ils avoient avant leur Profession, nonobstant toutes les dispenses qu’ils pourroient obtenir de leur Grand-Maître ou du Pape, qui n’ont aucun pouvoir en France pour les choses temporelles. On leur a adjugé néanmoins quel-que pension par forme d’alimens, tant qu’ils n’ont point de Commanderie, parce que leur Ordre ne leur fournit rien pour leur subsistance, à moins qu’ils ne soient à Malte.

Il faut de plus remarquer, que les Religieux ne peuvent rien donner lors de leur Profession, ni auparavant, directement ou indirectement, aux Convens où ils sont reçus, par les Ordonnances d’Orléans, Article XIX, de Blois, en l’Article XXVIII, ce qui a été confirmé par plusieurs Arrêts du Parlement de Paris. Voyez Louet au lieu cité, & C. 8 & 18, & R. 42. Bérault rapporte quelques Arrêts semblables, & un, par lequel le Testament fait par un Capucin Novice fut cassé.3


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Rien ne devroit être plus libre & plus reflechi que l’engagement à la vie monastique, l’état de la jeunesse n’est pas plus à l’abri des écueils de la fauile dévotion que de ceux de la dissipation & des plaisirs ; les plus grands ressorts sont souvent mis en oeuvre pour s’emparer de l’imagination si propre alors à s’enflammer, & pour enlever à la vie civil des mem-bres précieux & des soutiens aux familles ; mais des que le premier coup est porté à la victime, le joug s’adoucit, & on la conduit par une route facile à la consommation de son fa-crifice. Si des parens reclament, on oppose à leur reclamation les conseils évangéliques, les dispositions des Conciles & de l’Ordonnance, comme si Dieu acceptoit un facrifice qui est le fruit de l’obsession, comme si l’Ordonnance qui abrege le temps des voux, ne supposoit pas pour baze le consentement des parens : le Parlement de Paris a donné dans tous les temps de grands exemples de sevérité pour réprimer cet abus toujours renaissant ; il seroit à souhaiter qu’on renouvellat l’Ordonnance d’Orléans, on obvieroit aux dangereux effets de la molle condescendance de certains parens, & on ne verroit pas par des voeux solemnels, émis à l’âge de I6 ans, naître des désordres causés par un engagement prématuré.

Il est vrai que nous avons des Ordres religieux qui suivent littéralement leur constitution, dont la sagesse met l’autorité des parens & les intérêts des enfaus en sûreté, il est encore constant que quand le pere a conduit le nouvel Isaac au pied des Autels, il ne peut plus changer. de résolation sans des motifs extraordinaires, & une surprise évidente qui auroit capté son consentement.

Voyer les Ordonnances d’Orléans, Art. 2 ; de Blois, Art. XXVIII, de Moulins, Art. LV, de 1é67, Tit. 27, Art. XV, du 9 Avril 1736, Art. XXV, XXVI, XXVII ; la Déclaration du 1O Mai 17ad ; un Arrêt du 20 Mars 1586, dans la Somme rurale ;Chopin , dans son Monasticon, duMoulin , sur l’Edit des Perites Dates,Bérault , sous cet Article ;Brodeau , sur Erard M.Louet , Lett. C. Som. 8 ;Loysel , Liv. 2, Tit. 5, Reg. 303 leMaître , Plaidoyer sixieme ; Journal des Audiences, tome 2, Liv. 1, Chap. 23 ; Plaidoyers d’Etard & deGillet .

Par Edit du mois de Mars 1768, l’âge des voux est fixé pour les mâles à 2r ans, & pour les filles à 18 ans ; le Roi se réserve, aprés 1o ans, à pourvoir de nouveau sur cette matière, si intéressante pour l’ordre publie, Il y a plusieurs causes qui peuvent rendre nulle la Profession religieuse les plus ordinaires sont que la Profession ait été faite avant le temps prescrit par la Loi, qu’elle n’ait point été précédée d’un Noviciat complet, que le Novice ait prononcé ses voux par crainte, par violence ou dans un temps où il n’avoit pas son bon sens, pourvu qu’il ne les ait point ensuite ratifiés vodontairement ; les veux sont encore nuls s’ils n’ont point été recus par un Supérieur légitime, ou faits dans un Ordre approuvé par l’Eglise & par les Loix de l’Etat ; en un mot la Profession est un Traité synnall agmatique assujetti aux regles desContrats :Fevret , Traité del’abus.

Le temps de reclamer est de cinq ans : Ordonnance de Loüis XIII, Art. Ix. Mais la prescription est interrompue par des protestations en temps de droit, & par une impossibilité d’agir, dans les cinq ans bien justifiée : Loix Ecclesiastiques, tome 2, de la Translation d’Ordre & de la Reclamation contre les voux de religion. On recoit dans quelques Parlemens des Rescrits de grace émanés du Pape contre le laps de cinq ans : d’Olive , Liv. 1, Chap. 53Boniface , tome 1, Liv. 2, Tit. 31, Chap. 135Dunod , Traité des Prescriptions, Part a, Chap. 7 ; Gauses célebres & int éressantes ; Mémoires du Clergé de le Merre.

Un Religieux qui prétend reclamer contre ses voux, doit se pourvoir devant l’Official du lieu du Monastere où il a fait profession ; mais pour être restitué, il n’est point nécessaire, dans l’usage général, d’un Rescrit de Cour de Rome : Journal des Audiences, tome s, Liv. 7, Chap. 28. Il réfulte d’un Arrêt du 1o Avril 1783, qu’un Religieux qui reclame apres les cinq ans de sa profession, n’a pas besoin, dans la forme, d’un Rescrit émané de la Cour de Rome, relevatoire du laps du temps ; il lui suffit, comme au Religieux qui reclame dans les cinq ans, de s’adresser à l’Official.


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Par Arrêt du à Fevrier 161o, le Parlement de Paris adjugea la dépouille d’un PrieurCuré aux Pauvres & a la Fabrique de sa Paroisse :Chopin , de la Police Ecclesiastique, Liv. 3.

Titre 1 ;Louet , Lett. R. Chap. d2 ;Bardet , Liv. 4, Chap. 1 ; Soëfve ; Traité du Pécule des Religieux. Ceux qui soutiennent que le Pécule des Religieux-Curés doit appartenir au Monastere, disent que les Religieux-hénéficiers ne laissent pas d’appartenir à ieurs Convents, le Convent est le Curé primitif, il doit succéder au Religieux-Curé comme un pere succede a son fils. Il paroit cependant plus vrai que depuis que les Congrégations réguiieres sont obligées de mettre des Curés en titre, on ne peut plus considèrer la manse du Curé comme une emanation de celle du Convent, elle lui est devenue totalement étrangere, aussi les Auteurs modernes pensent que l’Arrêt de 17r0 doit faire le droit général de la France quoique le Grand. Conseil ait jugé autrement depuis. Cet Arrét est bien rapporté dans les Instit. Cout. de Bretagne, par M. de Perchambault, il se trouve aussi dans le Traité de la Mort civil.

Nous aurions besoin d’un Reglement sur cette matière.


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La dot des Religieuses a donné lieu, dans tous les Parlemens, à nombre d’Arrêts qui ont déclaré nulles & simoniaques les conventions à prix d’argent pour l’admission aux voeux de Religion ; la Déclaration du 28 Avril 1693 a mis des bornes à la cupidité des Maisons religieuses, en adoptant des tempéramens sages ; on y est entré dans la distinction entre les Maisons dotées & celles qui, erant de fondition nouvelle, ne sont pas cenfées l’être ; on a même distribué les Villes en différentes classes pour étendre la dotation ou la resserrer dans une juste proportion. Comme cette Déclaration est dans les mains de tout le monde, je ne Panaliserai pas ; j’observerai seulement qu’au lieu qu’elle permettoit de donner des immeubles par estimation, ou de constituer des rentes à perpétuité, une Déclaration du 20 Juiller 1762, Art. VII, fait défenses aux Communautés Religieuses d’acquérir, sous prêtexte de défaut de payement de la dot ou sous aucun autre, la propriété, ou se faire envoyer en possession d’aucun immeuble pour l’acquittement des dots, à l’exception des rentes de la nature de celles qu’il est permis aux Gens de main-morte d’acquerir par l’Article XVIII de l’Edit du mois d’Août 1749.

Les Religieux n’ont plus la liberté de s’écarter directement de la disposition des Loix, mais on prepare le proselyte à vendre ou aliéner ses biens auparavant de commencer son sacrifice ; cette pratique a lieu le plus souvent dans les Monasteres de Filles : un tuteur y place sa pupille, on rédouble d’obsestion en proportion que la tutelle est proche d’expirer : la pupille devenue majeure aliene son bien & en fait passer le prix au Monastere. Quand les heritiers reclament contre ces manoeuvres on condamne le Monastere à restituer les fommes reçues au-dela de celles qui sont limitées par la Déclaration du mois d’Avril 1693 : Arrêt rendu en Grand’Chambre le 17 Août 1751, contre les Religieuses de la Visitation de Rouen. Le Parlement porte la prévoyance plus loin, il a égard à l’état des lieux de la situation du Monastere ; & quoique, par la Déclaration que je viens de citer, il soit permis aux Religieuses non-fondées de recevoir pour dot dans les Villes où il n’y a point d’établissement de Parlement, jusqu’à la concurrence de 6000 liv. cependant quand, dans la Ville où le Monastere est placé, les denrées sont à vil prix, il modere, en connoissance de cause, la donation ; aussi par Arrét du 8 Mars 1699, une donation qu’une fille avoit faite aux Ursulines de Bayeux pour être admise à faire profession, fut limitée à une somme de 4000 liv. offerte par les parens, ou à une rente viagere de 200 liv., qu’ils confentoient d’augmenter de 100 liv. aprés la mort de la mère de la donatrice