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CCLXXVIII.

Avenant que le Débiteur renonce, ou ne veuille accepter la succession qui lui est échue, ses Créanciers pourront se faire subroger en son lieu & droit pour l’accepter, & être payés sur ladite succession jusqu’à la concurrence de leur dû, selon l’ordre de priorité & postériorité, & s’il reste aucune chose, les dettes payées, il reviendra aux autres Héritiers plus prochains aprés celui qui a renoncé.

Cet Article s’observe, tant dans les successions directes que dans les collatérales : il est en faveur des Créanciers, & contre la disposition du Droit Romain. Mais la raison de la différence de ce Droit d’avec la Coutume est, que par le Droit Romain la possession des biens du défunt n’étoit point acquise de plein droit au plus proche habile à succéder, facto & additione opus erat : le débiteur donc repudians hoereditatem nolebat acquirere, sed pairimonium non diminuebat ; & partant l’Edit de revocandis quoe in fraudem creditorum alienata sunt, ne pouvoit pas avoir de lieu. C’est tout le contraire dans le Droit coutumier, par lequel de plein droit, le plus proche parent est présumé faisi & possesseur de la succession du défunt ; & conséquemment, en la répudiant imprudemment ou frauduleusement, diminuit patrimonium : de sorte que ses Créan-ciers fe peuvent faire subroger à son droit, pour être payés jusqu’à la concurrence de leur créance, sans qu’il leur soit nécessaire de prendre des Lettres Royaux de subrogation ; parce que c’est un remede préparé par la Loi, qu’il suffit de demander au Juge. On voit dansLouet , que les Ctéanciers qui se plaignoient de la renonciation faite par leur débiteur, à une succession qui lui étoit échue, concluoient contre lui qu’il se devoit porter héritier à leurs périls, risques & fortunes ; au moyen qu’ils lui bailleroient bonne & suffisante caution, qu’il ne souffriroit perte ni dommage de l’addition qu’il feroit de l’hérédité : ce qui avoit été jugé par les Arrêts rapportés par cet Auteur R. 19, 20 & 21, à l’égard des successions, tant de la ligne directe que de la collatérale : ensuite de quoi son Commentateur ajoute, que les Créanciers pourroient se faire subroger au droit de leur débiteur, pour accepter la succession qui lui seroit échue : par la même raison, qu’un débiteur étant négli-gent d’exercer les actions qui lui appartiennent, le Créancier peut se faire subroger pour les poursuivre inviro debitore, argumento legis penultimoe, C. De non numerata pecunia. Laquelle Loi déclare, que les exceptions quoe debitori competunt, competunt etiam ejus creditoribus qui iisdem exceptionibus uti possunt eo invito, à quoi est conforme cet Article de la Coutume, sur lequel il est à propos de remarquer, que les Créanciers qui se sont fait subroger, s’obligent au payement des dettes de la succession qu’ils appréhendent, au refus & tous le nom de leur débiteur, comme il se doit inférer des Arrêts rapportés parLouet , aux lieux cités : mais il faut en outre remarquer, que cette subrogation ne peut être demandée par le Créancier qui est postérieur à la renon-ciation faite par son débiteur, puisqu’elle n’a pu être faite pour le frustrer, & que par la renonciation, le droit étoit acquis avant celui du Créancier ; ce qui est entendu, dans le cas que la succession a été appréhendée par un parent ; car quand elle est encore jacente, le Créancier, quoique postérieur B l’échéance, trouvant le droit de succéder dans les biens de son débiteur, en peut demander la subrogation, qui ne seroit pas encore accordée ni au Seigneur du Fief, ni au Fise, en conséquence d’une confiscation jugée à leur pro-fit : car si la succession est échue aprés la condamnation, le condamné ayant été rendu incapable de succéder par la condamnation, n’y avoit point de droit ; que si elle est echue avant la condamnation, l’accusé y a pu renoncer valablement, au préjudice du Fisc ou Seigneur confiscataire, qui n’avoient point de droit acquis : ce qui a été jugé par un Arrêt de la Tournelle, du 21 de Juillet 1635, dont l’Article LIII du Reglement de 1666 a été formé.

Au reste, le Créancier subrogé n’a pas tous les mêmes droits que son débiteur avoit pu avoir dans la succession dont il s’agit ; car il ne peut bailler mariage avenant aux soeurs, par l’Article CCLXIII, il ne peut prendre les préciputs ni nobles ni roturiers, accordés aux freres par les Art. CCCXXXVII, CCCXXXIX, CCCLVI & CCLXXI, mais il aura seulement part égale avec les autres freres ou soeurs, suivant l’Article CCCXLV Il n’en est pas ainsi du préciput de Caux attribué à l’aîné par l’Article CCLXXIX, qui est acquis à l’aîné ipfo jure, sans aucun ministere de fait, de la même manière que les deux tiers de la succession de Caux : de sorte que s’il confisque ou décede avant que d’avoir fait partage avec ses frères, ses Créanciers subrogés ou le Fisc auront les mêmes avantages : ce qui a été jugé par un Arrêt du 20 de Novembre 1624, rapporté par Bérault sur l’Article CCCXIV.

Il a été jugé, qu’un aïeul ne pouvoit avancer son petit-fils des biens de sa succession, pour frustrer les Créanciers de son fils vivant : mais ce fils faisant Profession de Religion, ses enfans deviendront les plus prochains & les plus habiles pour succeder à leur aïeul, & par ce moyen les Créanciers se trouveront frustrés. Ce qui été jugé par un Arrêt de la Grand Chambre, du 6 de Fevrier 1643, rapporté parBasnage .1


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La subrogation est entierement opposée à la contumace des héritiers en général ; par la Contumace on tente de découvrir l’héritier de son débiteur, & dans la subrogation on soutient que le débiteur est habile à succéder à une succession ouverte, & le créancier conclut à être autorisé d’user de son droit.

DuMoulin , sur Paris, §. 1, Gl. 3, n. 15, a été de cette opinion, que quand un débiteur, en haine de ses créanciers, renonce à une succession opulente moyennant un prix mo-dique, ses créanciers n’ont que la faculté de saisir ce qui lui a été promis. LeBrun , des Success. Liv. 3, Chap. 8, sect. 2. n. 27, dit que l’usage a réprouvé cette opinion. Ce même Auteur ajoute que, quoique les créanciers du débiteur renoncant puissent le contraindre de leur céder ses actions, il est mieux qu’il les laisse subroger à ses droits par défaut, & qu’il ne prête point de consentement ; il cite l’Art. CCLXXVIII de notre Coutume.

Régulièrement un créancier peut exercer tous les droits de son débiteur, & s’y faire subroger à cet effet, quand le débiteur refuse de les exercer lui-même, parce que ce refus passe pour une fraude manifeste, personne n’étant présumé abandonner ses droits à plaisir : il y a cependant de certains droits tellement attachés à la personne, qu’un créancier ne pourroit pas les exercer ; ainsi un créancier subrogé n’a pas le droit, comme les freres, de réduire les filles au simple mariage avenant.

Si un pere renonce a une succession qui lui est échue, & la prend sous le nom de son fils mineur, le créancier peut demander la subrogation au lieu & droit du pere son débiteur, quand même cette demande auroit été précédée d’autres diligences ; & dans le cas même où cet enfant articuleroit des jouissances depuis plusieurs années : Arrêt au rapport de M. d’Agis, du 2o Juillet 1722 ; c’est que le droit du créancier est ouvert par la renonciation de son débiteur, & qu’une possession contraire, fût elle de vingt ans, ne peut pas lui être opposée Si l’aïeul vend ses héritages & les retire au nom de ses petits-enfans, les créanciers du pere seront privés de la voie de subrogation sur les héritages clamés ; mais ils se feront subroger à sa demande en tiers coutumier.Bérault .