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CHAPITRE ONZIEME. DE SUCCESSION EN PROPRE, ET ANCIEN PATRIMOINE, TANT EN LIGNE DIRECTE QUE COLLATERALE.

L A Coûtume a expliqué dans quatre Chapitres consécutifs, les droits de succéder, & la manière de partager les Successions. Celui-ci qui est le premier des quatre, est intitulé des Propres ; c’est-à-dire, des biens qui apparte-noient au défunt par droit successif ou de lignage, suivant la distinction faite par l’Article CexLVII & par le CCCCLXXXIII. Il a été convenable de traiter séparément de cette Succession en Propre ; parce que dans le Pays cou-tumier, une hérédité est composée de plusieurs espèces de biens, la différence desquels est cause qu’il y a plusieurs sortes d’héritiers : Unius defindi quasi plurium hominum, intelliguniur plures hereditaies, comme il est dit des biens du Soldat fils de famille, en la Loi 17. S. Iulianus, ff. De Teslamento Mililis.

D’autant que les Propres se partagent autrement que les Acquêts, & ne sont pas déférés aux mêmes héritiers dans la succession de collatéraux : car dans la directe, ces biens vont ensemble, & se partagent de la même manière.1 Ce qui fait remarquer, que comme il y a deux sortes de Successions, par rapport à la différence des biens, il y en a deux aussi à l’égard des personnes û qui on succede : car ceux à qui on succede sont ascendans ou descendans, & c’est la succession directe, ou ils sont parens collatéraux, & lors c’est la succession collatérale. Mais d’autant que les Propres se partagent de la même manière en ligne directe & en la collatérale, il en est traité conjointement sous un même Titre qui est celui-ci.

Pour l’intelligence duquel il faut d’abord observer, qu’en la succession du Propre la représentation a lieu jusqu’au septieme degré de parenté, qui est le dégré dans lequel inclusivement se termine le droit de succéder dans la Province de Normandie, comme il est atresté par les Articles XLI & XIII du Réglement de 1666. Or quand on succede par représentation, les biens se païtagent par souche & non par tête, per siirpes, G non in capita ; parce que tous ceux qui viennent à une succession, au lieu d’un autre qu’ils représentent, ne doivent pas avoir une autre part que celle qu’auroit eu le représenté.

Il faut de plus remarquer, que puisque les successions se déferent, eu égard à la proximité de la parenté qui est distinguée par ce qu’on appelle degrés 3 le droit de représentation n’ayant été introduit, qu’afin que quelques parens plus éloignés fussent réputés au même ordre & degré que d’autres, qui sont plus proches parens du défunt : ces degrés de consanguinité ne se comptent pas dans le Pays coutumier comme dans le Droit civil ; mais on y suit la surputation canonique, tant à l’égard des droits de succéder, qu’à l’égard des Mariages qui ne se peuvent contracter entre proches parens. Cette supputation canonique ne differe pas de la civil en la ligne directe, mais seule-ment en la collatérale. Car la regle de la supputation civil est, que pour compter le dégré auquel les collatéraux sont parens, il faut d’abord monter des fils aux peres ( en commençant par l’un ou l’autre de ceux dont on veut connoître le degré ) jusqu’à la personne qui est comme la premiere source ou sou-che de la parenté, & autant de personnes qu’on compte, en montant ainsi des fils aux peres, sont autant de degrés : Ensuite dequoi il faut descendre de cette commune fouche, jusqu’à l’autre parent qu’on veut comparer ; & autant de personnes qu’on compte en descendant des peres aux fils, font encore autant de degrés qu’il faut compter : de sorte que le nombre des parens qu’on compte en montant & descendant, font le nombre des degrés, dont ceux qu’on compare l’un avec l’autre, sont distans l’un de l’autre.

La supputation canonique ne se fait pas ainsi ; car on monte seulement jusqu’à la souche ; c’est-à-dire, jusqu’à celui qui est le commun principe de la parenté, & le nombre des personnes en commençant à compter par celle dont on recherche le dégré, & qui est la plus éloignée de la souche, est le nombre des degrés dont ces parens, desquels on veut connoître la distance, sont éloignés l’un de l’autre : dont il s’ensuit nécessairement, que dans cette supputation il y a des degrés inégaux, à sçavoir, ceux dans lesquels sont pla-cées des personnes qui ne sont pas également distantes de la souche, comme l’oncle & le nevcu, qui sont dans le second degré, quoique le neveu soit plus éloigné de son aieul, qui est le principe de la parenté, que n’en est l’oncle, puisque cet aieul du neveu est le pere de l’oncle. Ce qui ne se rencon-tre pas dans la supputation civil, vu que la plus grande distance de la souche fait toujours un degré plus éloigné, ce qui produit une telle différence entre ces deux supputations, que le septieme degré de la canonique, dans lequel se termine le droit de succéder comme il a été dit, est le quatorzieme degré de la civil ; comme d’ailleurs, le quatrieme degré de la canonique, dans lequel inclusivement il n’est pas permis de contracter Mariage, est le septieme ou huitieme de la civil.2

On explique dans ce Chapitre plusieurs maximes tres-importantes pour le partage de toutes sortes de successions : que le mort saisit le vif, avec l’excep. tion a l’égard des puinés, qu’ils ne sont saisis des successions de pere & mere, que par les mains des ainés, Articles CexxXV, CexxXVII & les trois suivans : que les afcendans ne peuvent succéder à leurs descendans tant qu’ils ont d’autres descendans habiles à succéder, Article CCXLI. Que ceux qui ont promis de garder les biens de leur succession, ne les peuvent aliéner ni hypothéquer, Article CCXLIV. Que les biens ne peuvent passer par succesfion de la ligne paternelle à la maternelle, ni de la maternelle à la paternelle, Articles CCXLV & CCXLVI. Que les mâles & descendans des mâles excluent du droit de succéder les femelles & les descendans d’icelles, Article CCXI. VIII. Que les seurs ne peuvent concurrer avec leurs freres, au partage des successions de leurs pere & mere, que quand elles y ont été réservées, ou pour peine de la négligence & injustice de leurs freres, Article CCXLIX & quatre suivans & les CCLVIII, CCLIX & CCLXIV. Que les pere & mere peuvent réserver leurs filles au partage de leurs successions, Articles CCLVIII & CCLIX.

Que le Mariage avenant est la légitime des filles non héritieres, sur la succession de leurs ascendans, lequel doit être réglé & arbitré par les parens, Ar-tieles CCLXI & CCLXII. Que les pere & mere ne peuvent donner à leurs filles pour leurs mariages, plus que le tiers de leurs biens, Articles CCLIV & CCLV. Que le mariage des filles ne peut être arbitré à une plus grande valeur qu’à celle du partage d’un frere qui aura le moins dans les successions des pere & mere, Article CCLXIX. Que le fise ou les créanciers au droit des freres ne peuvent exclure les seurs du partage, ni les réduire au mariage avenant, Article CCLXIII. Que les filles n’ont pas la propriété, mais sen-lement l’usufruit de leur mariage avenant, à moins qu’elles n’ayent été mariées, Article CCLXVIII. Que les filles héritieres partagent entr’elles toutes sortes de biens également Artiele CCLXXII. Que les meubles & biens de bourgage sont partagés également entre toutes sortes d’héritiers, Article CCLXx.

Que les Religieux profes, les Bâtards, & ceux qui ont été condamnés à la mort naturelle ou civil, sont incapables de succéder, Articles CCLXXIV & CCLXXV. Que les enfans de ces condamnés peuvent succéder à leurs parens, Article CCLXXVII. Et qu’enfin les créanciers peuvent se faire subroger à appréhender les successions qui ont été répudiées par leurs débiteurs, Article CCLXXVIII.


CCXXXV.

Le mort saisit le vif sans aucun ministere de fait ; & doit le plus prochain habile à succéder, étant majeur, déclarer en Justice dans les quarante jours après la succession échue, s’il entend y renoncer ; autrement, s’il a recueilli aucune chose, ou fait acte qu’il ne puisse sans nom & qualité d’héritier, il sera tenu & obligé à toutes les dettes ; & où l’Héritier seroit Mineur, le Tuteur doit renoncer ou accepter dans ledit temps en la forme que dessus, par l’avis des Parens.

Cet Article est commun à toutes sortes de successions, tant de la ligne directe que de la collatérale. Pour le faire mieux entendre, on peut diviser son interprétation en cinq parties : Par la premiere, on explique cette maxime du Droit coutumier, le mort faisit le vif. : Par la seconde, on interprete le delai de quarante jours, qui semble être prescrit par la Coutume : On traite dans ila troisieme de l’habilité d succeder : Par la quatrieme, on fait le discernement des Actes qui peuvent attribuer le nom & la qualite d’heritier : Et par la einquieme, on considère l’acceptation ou renonciation faile par les Mineurs.

Pour commencer par la maxime, le mort faisit le vif, il est certain que quoique le plus proche & le plus habile à fuccéder, soit saisi de la successionde plein droit, sans aucun ministere de fait : Sine aliquo adu, ila ut nullo momento vacua remansisse videaiur hereditas, & continuata sit possessio à deffunco ad haredem, comme l’enseigneTiraqueau , dans le Livre qu’il a composé sur cette maxime : néanmoins la succession est réputée jacente & abandonnée, si aucun de ceux qui sont habiles à succéder, ne l’a prise de fait ou par une déclaration expresse. Donc l’héritier présomptif n’est pas censé héritier, encore qu’il n’ait pas renoncé dans le temps prescrit par cet Article, s’il n’a fait acte ou pris la qualité d’héritier, comme il est attesté par l’Article XLIII du Réglement de 1666.3 C’est pourquoi on a jugé, que celui qui n’étoit né ni concu lors de l’échéance d’une succession, devoit être préféré à ceux qui étoient les plus ha-biles à succéder lors de cette échéance, mais qui avoient négligé leur droit, & laissé la succession jacente jusqu’au temps que ce posthume étoit devenu plus habile qu’eux de succéder au défunt. L’espece de l’Arrêt, qui est du premier

Jour d’Août 1618, rapporté parBasnage , est de plusieurs seurs qui furent exclues de la succession de leur frere qu’ils n’avoient point acceptée, par un autre frère, né & conçu depuis la mort de celui de la succession duquel il étoit question. Le contraire avoit été jugé dans une espèce semblable ; mais les seurs avoient fait quelques actes, par lesquels elles avoient témoigné vouloir prendre la succession, qui partant ne fut pas réputée jacente. L’Arrêt est du 18 de Mai 162t, & rapporté parBérault . Voyez ce qui a été remarqué sur l’Article XC.4 On a de plus jugé, qu’un petit-fils avoit pu appeller du decret fait des biens de son aieul aprés son déces, quoique sun pere n’en eût point accepté la succession, & que lui-même fût né & conçu depuis ladite succession échue La raison de l’Arrêt qui fut rendu le 4 de Mars ou le 22 d’Août 16o8, & est rapporté par Bérault &Basnage , est que cette succession n’avoit point été appréhendée : Par cette même raison, on a jugé qu’un petit-fils qui n’étoit né ni concu lors de l’échéance de la succession de son aieul, excluoit un parent coilatéral, qui s’en étoit déclaré héritier par bénéfice d’Inventaire, nonobstant que le pore de ce petit-fils eût renoncé à cette méme succession, & quoique ce petit-fils fût Mineur, mais le bénéfice d’Inventaire n’ayant point encore été adjugé à ce parent collatéral, la succession fut réputée jacente, & d’ailleurs la mi-norité du petit-fils ne fut d’aucune considération, parce qu’il s’agissoit d’une succession en ligne directe, en laquelle l’héritier bénéficiaire qui est descendant, exelut les coilatéraux, quoique prétendant être héritiers absolus, L’Arrêt est du 90 de Iuillet 16ro, rapporté parBasnage .5

a l’égard de ce que la Coutume ordonne à l’héritier présomptif, de passer sa déclaration dans quarante jours ; ce délai n’impose aucune obligation à cot héritier, qui ne peut être exclus de son droit par auc un temps, perpeluo adire poresi, pourvu qu’il n’ait point laissé adjuger la succession en vertu du bénéfice d’Inventaire, ou qu’il n’ait point été poursuivi, soit par les autres parens habiles à succéder, soit par les créanciers ; car en ces cas, il seroit obligé de passer sa déclaration dans les délais qui lui auroient été accordés ; autrement il seroit réputé avoir renoncéQuant à l’habilité au droit de succéder, elle se fait mieux entendre par Topposition qu’elle a avec l’incapacité qui procede de plusieurs causes, de la naissance, les Bâtards & les Etrangers étantincapabies de succéder, de la Religion, les Religieux proses étant exclus de toutes successions, de la condamnation, les condamnes à mort, tant civil que naturelle, n’étant plus ca-pables de succéder en aucune ligne, de l’indignité, lorsque le présomptif héritier s’est rendu indigne de succeder au défunt. On peut encore compter entre ces causes celles du sexe, les Filles & les descendans des Firles étant inhabiles à sucréder avec les mâles & les ascendans des mâles en pareil degré.

Il faut ajouter, pour plus grand éclaircissement de quelques-unes de ces causes en particulier, qu’il a été jugé par plulieurs Arrêts, que les François qui s’étoient mariés en Pays étranger, quelque longue qu’eût été la réfidence qu’ils y avoient faite depuis, pouvoient revenir en France, & y recueillir les successions ausquelles ils avoient droit, à moins qu’il ne fût prouvé conur’eux qu’ils eussent expressément renoncé à leur Patrie, ou porté les armes contr’elle. On a jugé la même chose à l’égard des Enfans dont les Peres s’étoient établis hors du Royaume : mais dans ces deux cas, on a obligé ceux à qui les successions avoient été adjugées, de demeurer dans le Royaume, & on ieur a interdit l’aliénation des biens héréditaires, & à cette fin, on a même ordonné que les meubles du défunt seroient remplacés en rentes ou en héritages. Ces Jugemens sont contraires à ce qu’enseigneLouet , S. 15. comme il a été remarqué sur l’Article CXLVIII.6 a l’égard de l’inhabilité qui procede de bâtardise, on ne doit pas oublier qu’on met au nombre des Bâtards, tant ceux qui sont nés de Mariages clandestins, & qui n’ont été déclarés que dans l’extrémité de la vie, que ceux qu’on a voulu légitimer par un Mariage contracté avec une concubine, dans le temps d’une maladie mortelle, ou peu avant la mort ; ce qui est conforme à l’Ordonnance de 1630. On a adjugé néanmoins aux Enfans nés de ces

conjonctions à leurs Meres, des pensions & des sommes d’argent, à prendre sur les biens de la succession, par deux Arrêts rendus, tant au Parlement de Paris qu’en celui de Rouen, rapportés parBasnage . On peut voir dans ce Commentateur, les Plaidoyers & les Arrets qu’il a insérés, tant à l’égard des Mariages contractés entre ceux qui avoient commis adultere l’un avec l’autre, que des Mariages contractés, soit dans les degrés prohibés de parenté, comme de l’oncle avec sa petite nièce, soit dans le second genre d’assinité entre un homme & les alliés de sa femme prédécédée ; dut é converso, d’une femme avec les alliés de son mari, comme entre un gendre & la veuve de son beaupere, on entre une belle-fille avec le mari de sa belle-mere.7

Il faut remarquer, quand à l’incapacité qui provient de la condamnation à mort, soit naturelle, foit civil, que si les condamnés par contumace meurent avant le temps de cinq ans, qui leur est accordé par les Ordonnances pour oster à droit ; c’est-à-dire, pour se présenter en Jugement, aux fins de réparer la contumace ; ils ne sont pas incapables des successions qui sont échues depuis-leur condamnation, & avant leur mort, parce que les condamnations jugées. par contumace n’ont point d’effet présent, & ne semblent être que comminatoires, tant que le condamné se peut justifier : c’est pourquoi les héritiers. peuvent empécher l’exécution de ces condamnations, & justifier la mémoire du défunt avant que les cinq ans soient expirés.8

Sed quids Si un condamné a appelié de la Sentence de condamnation, & que pendant que la cause d’appel s’instruit, il lui échet une succession ; estil capable de l’accepter à On répond, que si la condamnation est confirmée e le est réputée avoir son effet du jour qu’elle a été jugée ; & partant, que comme elie rendoit l’accusé incapable de succéder, cette incapacité étoit encourue dés le momnent que le premier Jugement avoit été rendu. Il faut répondre autrement, quand l’appellant meurt avant qu’il y ait Iugement sur l’appel ; car étant réputé mort iniegri siutis, la condamnation ne l’a pas rend à incapable de succéder.9 Quant à l’indignité, par laquelle celui qui étoit habile à succéder, est privé de la succession, ou par le crime qu’il a commis contre le défunt, ou parce qu’il n’a pas poursuivi la vengeance de sa mort ; il faut observer, que quelquefois cette indignité étend son effet sur les Enfans de l’indigne, comme dans les crimes de leze-Majesté, où quand ces enfans ne sont héritiers qu’en consequence du crime commis par leur Pere. Ce cas arrive quand le défunt a été tué pour l’empécher de se marier ; car il ne seroit pas juste que les Enfans profitassent du crime de leur Pere : ce qui a été jugé par un Arrêt prononcé on l’Audience le 13 de Janvier 168t.

On peut ajouter, qu’on a jugé que les héritiers immobiliers devoient contribuer aux frais d’un Proces entrepeis pour venger la mort du défunt, avec les héritiers aux meubles, parce qu’ils étoient obligés les uns & les autres à faire ces poursuites, pour n’encourir pas la peine de l’indignité, par un Arrêt du 8 d’avril 1631. En ce cas il seroit juste de donner part aux héritiers immobiliers, dans les dépens & intérêts qui seroient adjugés, à proportion de la con-tribution qu’ils auroient faite aux frais des poursuites.10

Sensuit la con ideration des Actes qui peuvent attribuer le noin & la qualité d’héritier : sur quoi il faut se souvenir de la regle proposée dans la Loi 20. ff. De acquirenda vel omittenda horeditate, qui est, que l’acceptation d’une succession depend plus de l’intention que du fait, est magis animè quam facts : Dont on doit conclure qu’il n’y a que les seuls Actes qu’on ne peut faire sans ravoir le dessein d’être heritier, qui en puissent attribuer le nom & la qualité : Quod citra nomen G jus haredis fieri non potesl, comme enseigne Ulpien en cette Loi. C’est pourquoi on infere, que tout ce qu’on peut faire sans avoir pris la résolution d’être héritier, n’eit point un engagement nécessaire pour être héritier. Les exem-les en sont déclarés dans la même Loi : si l’héritier présomptif a fait les frais des funérailles ; s’il a poursuivi la vengeance de la mort du défunt, si quid pietalis causu fecit ; s’il a fourni la nourriture & les alimens aux serviteurs & aux bestiaux, si quid cussodie causa fecit ; s’il avoit quelqu’intéret de son chef, si quid fecit quasi a lio jure Dominus 11 : Néanmoins dans tous les Actes douteux, il est à propos de protester qu’on ne les fait point comme héritier. Mais si l’héritier présomptif s’est faisi des écriture :, des meubles & effets de la succession ; s’il a transigé sur les actions héréuitaires, tant en demandant qu’en défendant ; s’il a payé les créanciers ; s’il a rétiré les héritages vendus en exécution de la faculté retenue par le défunt : ce sont tous Actes qu’il n’a pu faire sans le nom & la qualité d’héritier, suivant l’expression de la Coutume en cet Article, & conséquemment il est obligé à toutes les dettes.12

Il reste à discourir de l’acceptation ou renonciation faite par les Mineurs on peut dire d’abord, qu’étant manifeste qu’on ne peut être héritier sans s’obliger aux créanciers de la succession, encore que les biens d’icelle ne soient pas suffifans pour en acquitter les dettes ; il s’enfuit que le Mineur, qui ne peut s’obliger valablement sans lautorité & consentement d’un Tuteur, ne peut accepter une succession par lui-même ; mais qu’il le peut étant assisté & autorisé par son Tuteur : c’est le texte de la Loi 8. du même Titre, ffi à quoi est conforme la fin de cet Article. Mais l’acceptation ou la renonciation, quoique faites par l’autorité d’un Tuteur n’obligent point le Mineur de telle sorte, qu’il n’en puisse être relevé, sans qu’il lui soit nécessaire de prouver, ni même d’alléguer aucune lesion13. C’est pourquoi l’acceptation audit cas, n’exclut point l’héritier benéficiaire plus proche parent que le Mineur, suivant l’Artiele XVIII du Réglement de 1666. Mais au cas de la renonciation, quand on s’en releve, il faut prendre la succession en l’état qu’elle se trouve lors de la restitution, c’est-à-dire, qu’on ne peut révoquer les choses faites par l’héritier., qu’il faut de plus indemniser, en le remboursant des frais qu’il a faits ; par un Arrêt du 2 d’Avril 1633, rapporté parBasnage .14 On peut demander par une raison de connexité, comment une Femme qui est sous la puissance d’un Mari, doit accepter ou répudier une succession qui lui est échue : on répond, qu’elle ne le peut sans être autorisée par son Mari., ou par Justice, quand son Mari est refusant de l’autoriser15, ou quand elle

est séparée de biens. Mais un Mari ne peut sans l’intervention & consentement de sa Femme, appréhender ou répudier une telle succession, parce que le Mari ne peut préjudicier aux droits héréditaires, ni aliéner ni hypothéquer les immeubles de sa Femme, sans qu’elle intervienne & y consente. Que si le Mari & la Femme ont accepté une telle succession, les biens de l’un & de l’autre y sont obligés. On a jugé par un Arrêt du premier d’Avril 1569, rapporté parBérault , qu’une Fille mineure ayant accepté une succession par rautorité de son Tuteur, & depuis ayant été mariée à un majeur, lequel avoit aménagé les biens de cette succession pendant quatre années, étoit bien fondée aux Lettres de relévement qu’elle avoit obtenues de son acceptation & de l’aménagement fait en conséquence ; & son Mari & elle furent déchargés des dettes de la succession, en rendant compte, suivant les offres qu’ils en avoient faites. Ce même Auteur rapporte un Arrêt du 22 de Juin 1582, par lequel il fut jugé, qu’un homme ayant pris une Femme en mariage pour telle part qui lui pouvoit appartenir aux successions de ses prédécesseurs, & ayant deux ans apres reconnu beaucoup de dettes dont ces successions étoient chargées, avoit pu demander la séparation de biens d’avec sa Femme : mais il étoit constant au Proces, que le Mari lors de son Mariage, n’avoit été saisi d’aucuns meubles ni effets dépendans de ces successions, mais qu’il avoit seulement recu quelque revenu dont il offroit rendre compte : ce qui fut ordonné par l’Arrêt.

Il faut enfin remarquer, qu’on reçoit tres-rarement des Lettres de restitution de l’acceptation des successions ; parce que la foi publique qui est due à l’exécution des Contrats, fait prévaloir l’intéret des créanciers à celui de l’héritier ; mais qu’on peut être plus facilement relevé de la renonciation faite à une succession, pourvu que ce soit dans les dix ans, parce que les droits de succéder sont favorables, comme étant fondés sur la nature & le droit des gens : ce qui est une raison invincible, quand la succession est demeurés abandonnée.


CCXXXVI.

La succession directe est quand l’Héritage descend en droite ligne, comme de Pere aux Enfans, & d’autres Ascendans en même ligne.

La Coûtume ne distingue point la succession directe en ascendante & descendante, quoique l’ascendante paroisse dans les Articles CCXLI & CCXIII, par lesquels les ascendans, comme le Pere & l’Aieul succedent à leurs Fils & Perits-fils, par préférence aux collatéraux qui ne sont point descendans desdits Pere ou Aieul.16


CCXXXVII.

Le Fils aîné, soit Noble ou Roturier, est saisi de la succession du Pere & de la Mere après leur décès, pour en faire part à ses puînés, & faire les fruits siens jusqu’à ce que partage soit demandé par ses Freres s’ils sont Majeurs lors de la succession échue ; & s’ils sont Mineurs, l’Aîné est tenu leur rendre compte des fruits depuis le jour de la succession échue, encore que partage ne lui ait été demandé, parce que par la Coutume il est Tuteur naturel & légitime de ses Freres & Soeurs.

Cet Article, qui est répété par le CCCL, semble être une exception à l’Artiele CCXXXV, en tant que les puinés héritiers de leurs Pere ou Mere ne sont point saisis de ces successions sans aucun ministere de fait, puisqu’ils n’en ont la possession qu’apres la demande qu’ils en ont faite à leur Frere ainé ou à ses représentans. Or il suffit de faire cette demande par une simple sommation par une raison semblable à celle de la doüairiere, à qui une simple som-mation sussit pour acquérir la jouissance de son douaire. La raison de cette disposition, qui est suivie en la Coutume de Bretagne par l’Article DXII, mais entre Nobles seulement, est renduë par d’Argentré , qui dit, que cela a été établi pour éviter que les Freres ne voulussent incontinent aprés la succession échue, s’emparer de la part que chacun d’eux prétendroit lui appartenir : c’est pourquoi la Loi, pour prévenir le désordre & les violences, a mis la possession de toute la succession entre les mains de l’ainé, afin que les puinés fussent obligés de le reconnoître comme leur chef, & de lui demander partage. On peut ajouter que l’ainé étant obligé de supporter les charges de la succession, parce qu’il est le principal héritier, & que c’est fui qui doit pourvoir à maintenir & faire subsister toute la Maison dont il est le chef, & que c’est de plus contre lui que toutes les actions des créanciers sont d’abord intentées, il a été juste de le récompenser de tous ses soins, & de la dépense qu’il doit faire mais les ffuits qui sont attribués à l’ainé, jusqu’à ce que le partage lui soit demandé, ne sont pas ceux qui sont pendans par les racines, & non encore perçus lors de l’échéance de la succession, parce que ce qui est réputé messble par la Coûtume, comme les grains aprés la S. Iean, & les pommes & les poires aprés le premier de Septembre, n’appartiennent pas à l’ainé, non plus que les autres meubles ; mais seulement les fruits qui sont amcublis depuis l’échéance de la succession, & qu’il a fait recueillir & porter dans la grange ou le grenier, avant la demande ou fommation de partage.17

Au reste, quand il est dit que le Frere ainé est Tuteur naturel & legitime de ses Freres & Soeurs, cela se doit entendre provisoirement, & auparavant que les parens ayent élu un Tuteur ; toutes les Tutelles étant datives, & devant être autorisées par Ordonnance de Justice. C’est pounquoi la Mere & l’Aicule, & apres leur mort, le plus proche parent des Mincurs, sont obligés de convoquer les parens, pour procéder à la nomination d’un Tuteur faute de quoi ils sont responsables de la perte que les Mineurs peuvene souffrir à cause du retardement ; comme il est attesté par les Articles Il, V & VI du Réglement fait pour les Tutelles.18


CCXXXVIII.

Pareillement le Fils du Fils aîné est saisi de la succession de son Ayeul & de son Ayeule, à la représentation de son Pere, pour en faire part à ses Oncles, & fait les fruits siens, jusqu’à ce que ses Oncles lui demandent partage, & doivent les lors être faits par le dernier des Oncles, le choix demeurant audit Fils aîné.


CCXXXIX.

S’il n’y a Enfans de l’Aîné vivans lorsque la Succession échet, en ce cas le second Fils tient la place, & à les Droits d’Aîné, & ainsi subsécutivement des autres.

Ces deux Articles font connoître que le droit d’ainesse n’est pas attaché à une certaine personne, puisque non-seulement il est artribué au second fils quand l’ainé n’est pas vivant lors de la succession échue, & ainsi subsécutivement aux autres fils, suivant l’expression de l’Article CCXXXIx ; mais qu’il est transmissible aux enfans de l’ainé, par l’Article CCXXXVIII.19


CCXL.

Encore qu’il n’y eût qu’une Fille de l’Aîné, elle a par représentation de son Pere en ligne directe, pareil droit de prérogative d’aî-nesse que son Pere eût eu ; & en ligne collatérale aussi, pour le regard de la Succession ancienne.

La disposition de cet Article paroit contraire à la cause pour laquelle le droit d’ainesse a été établi, qui est de conserver les biens dans les Familles en la personne des ainés ; partant il semble qu’il y auroit eu grande raison d’ordonner que la Fille ne pourroit pas représenter son Pere, quant aux droits qui sont expressément réservés aux mâles. Mais ce qui doit sembler plus étrange, est que cette représentation d’une Fille ait lieu dans les successions collatéraies, quant aux biens propres, de la même manière que dans les directes : vu que la Coutume admettant la représentation au premier degré en la ligne collatérale à l’égard des meubles & acquêts, n’a pas souffert que les Enfans venant à la représentation de leur Pere pussent exclure leurs Tantes, seurs du défunt, quoique leur Pere, frère dudit défunt, eût exclu ses seurs par l’Article CCCVI. De plus, la Coutume a bien fait connoître par l’Article CCCVIII, que l’effet naturel de la représentation n’étoit pas de donner aux représentans, tous les avantages qu’auroit eu le représenté, puisque les enfans des Fils ainés venant à la succession des acquêts de leur Oncle ou Tante, ne pouvant prétendre aucun préciput ou droit d’ainesse, au préjudice de leur Oncle ou Tan-te leurs cohéritiers, comme auroit eu leur Pere par l’Article CCCXVIII. De sorte qu’il est évident, que la représentation en ce cas n’a point d’autre effet, que d’approcher d’un degré le représentant, pour le faire concurrer avec ceux qui sont plus proches parens du défunt.20


CCXLI.

Pere & Mere, Ayeul & Ayeule, ou autre Ascendant tant qu’il y a aucun descendu de lui vivant, ne peut succéder à l’un de ses Enfans.


CCXLII.

Les Pere & Mere excluent les Oncles & Tantes de la succession de leurs Enfans : & les Oncles & Tantes excluent l’Ayeul & l’Ayeule en la succession de leurs Neveux & Nieces, ainsi des autres.

Ces deux Articles proposent & ensuite prouvent par exemples, que la succession ne peut remonter à l’ascendant, au préjudice de ceux qui sont descen-dus de lui, de sorte que les Freres préferent en ces successions le Pere & la Mere, & tous les autres ascendans ; comme les Oncles & Fantes excluent l’Aieul & l’Aieule en la succession de leurs Neveux & Nieces, qui sont les Petits-fils desdits Aieul & Aieule. Mais ces Oncles & Tantes ne préferent pas en cette méme succession, le Pere ou la Mere desdits Neveu & Nieces, parce que les Pere & Mere sont plus proches, & d’ailleurs ne sont pas ascendans, mais parens collatéraux desdits Oncle & Tante, qui sont leurs Frere & Soeur Cette maxime ne s’étend pas tant des propres, qui, suivant le proverbe de la plupart des Coûtumes ne remontent point, que des acquêts & des meubles, ausquels les descendans succedent, à l’exclusion de tous leurs ascendans dans lesdites successions, ce qui doit faire juger, que ces deux Articles & le suivant CCXLIII, eussent été beaucoup mieux placés sous le Titre des Successions des meubles & des acquets.21

Il a été jugé par un Arrêt rendu en l’Audience, le 17 de Décembre 1649, rapporté parBasnage , que les Freres utérins préferent le Pere du défunt, quoiqu’ils n’en soient pas descendans, parce que par les dispositions qui sont sous le Titre des Successions des meubles é acquets, les Freres & les Soeurs, tant utérins que conjoints ex utroque latere, tiennent le premier ordre dans lesdites successions de meubles & d’acquêts. Il avoit été jugé auparavant, par un Arrêt du 1s de Mars 1543, rapporté parBérault , qu’un Frere de Pere seulement, préféroit la Mere en la succession de sa Soeur, fille de cette Mere.

Sed quid S Les ascendans ne succéderont-ils point aux choses par eux données, à l’exclusion de leurs descendans ; Cette question a été décidée par l’Ar-ticle CCexIII de la Coutume de Paris, qui dispose, que les ascendans succedent aux choses par eux données à leurs descendans morts sans enfans ou descendans d’eux : ce qui est mis comme une exception à la maxime, que le propre ne remonte point ; Cquoique cette maxime n’ait été recue que pour conserver les propres in linea, & comme une suite de la regle paterna pateris, maierna maternis, suivant l’avis de duMoulin , cité parLouet , P. 47.

Ce qui a paru si équitable au Parlement de Paris, qu’il a ordonné, que cette exception auroit lieu dans toutes les Coûtumes qui ne l’ont pas expressément rejettée comme il paroit par les Arrêts rapportés parLouet , audit nombre. La raison de cette Jurisprudence est fondée sur l’équité, & sur une forte présomption de l’intention des donateurs, de n’avoir pas voulu se dépouiller de leurs biens, sinon en faveur de leurs enfans leurs donataires ; lesquels étant décédés sans enfans & deseendans d’eux, la cause & la fin de la donation cessent : c’est pourquoi par un droit, qu’on doit plutôt appeller de réversion que de succession, les donateurs rentrent en la possession des choses par eux données, par l’effet d’une tacite stipulation suppléée par la Loi, comme étant une condition inhérente & naturelle à la donation. Néanmoins on a jugé en Normandie, qu’un Pere qui avoit promis la dot à une de ses Filles, étoit obligé de la payer à ses autres Gendres, aprés la mort de la donataire décédée sans enfans, par Arrêt du 14 d’Août 185y, rapporté parBasnage . Les donateurs donc feront prudemment de stipuler la réversion de la chose donnée à leurs enfans, au cas de la mort desdits enfans sans enfans & defcendans d’eux.22


CCXLIII.

Les Oncles & Tantes excluent les Cousins en la succession de leurs Neveux & Nieces.

L’Article XLIV du Réglement de 1686, a interprété celui-ci, qui eût été proposé plus nettement, ou en le rangeant sous le Titre des Successions collarérules des meubles é acquels, ou en énoncant que les Oncles & Tantes pré-ferent les Cousins en la succession des meubles & acquêts ; parce que cette succession est déférée aux plus proches parens, hors du premier degré de la ligne collatérale, auquel la représentation est admise : mais à l’égard des propres, de la succession desquels la représentation à lieu jusqu’au septieme degré, il n’est pas vrai que les Oncles préferent les Cousins, mais ils concurrent avec eux ; sinon lorsque les Cousins du défunt sont leurs enfans, qui est le seul cas qu’on peut inventer pour vérifier ce que la Coutume a déclaré en cet Article CCXLIII, que les Oncles préferent les Coufins en la succession des propres.


CCXLIV.

Si le Pere ou Mere, Ayeul ou Ayeule ou autre Ascendant, reconnoît l’un de ses Enfans pour son Héritier en faveur de Mariage, & fait promesse de lui garder son Héritage, il ne pourra aliéner ni hypothéquer ledit Héritage en tout ou partie, ni les Bois de haute-fûtaie étant dessus, au préjudice de celui au profit duquel il aura fait ladite disposition, & de ses Enfans, pourvu que ladite promesse soit portée par écrit, & insinuée dans le temps de l’Ordonnance ; sinon, en cas de nécessité, de maladie ou de prison.

Cet Article, qui ôte aux Peres & Meres & autres ascendans, la puissance d’auéner les héritages qu’ils ont promis garder à leurs enfans ou descendans, est coutraire au Droit Romain, par lequel on ne se pouvoit ôter la faculté de tester par aucun Contrat, l. 25. C. De pactis. Mais par le Droit coutumier on n’a pas répouvé ces institutions d’héritier contractuelles, dont il est fait mention dans les Ordonnances d’Orléans, en l’Article LIX, & de Moulins, en l’Article LVII.23 Afin que ces promesses de garder sa succession foient valables, la Coûtume y semble requérir quatre conditions : qu’elles soient faites par les Pere, Merc ou les autres ascendans ; qu’elles soient faites en faveur de mariage ; qu’elles soient portées par écrit ; & qu’elles soient insinuées dans les quatre mois.

Quant aux deux dernieres conditions, elles doivent être nécessairement accomplies ; la troisieme, par l’Article DXXVII ; & la quatrieme, par les Ordon-nances faites pour les Insinuations24. Mais quant aux deux premieres, on ne s’est point attaché aux termes précis de la Coûtume. Car il est d’un usage. constant, que non-seulement les ascendans peuvent faire ces promesses ; mais même que les collatéraux les peuvent faire valablement en faveur de leurs présomptifs héritiers ; ce que l’on a pu inférer de l’Article CCCCXXXII. Il est d’ailleurs encore certain, que ces promesses fe peuvent faire hors & indépendamment du cas de mariage.

Ces promesses ne privent pas ceux qui les ont faites, de la propriété de leurs biens, de sorte qu’il soit au pouvoir de ceux ausquels les promesses ont été faites, d’aliéner ou d’hypothéquer les biens des successions qu’on a promis leur garder : car s’ils décedent sans enfans avant les obligés, ces promesses deviennent caduques ; & les aliénations au contraire, qui auroient été faites par les obligés, au préjudice desdites promesses, seroient maintenues ; encore qu’elles n’eussent pas été faites aux trois cas exceptés, de nécessité, de maladie & de prison : ce qu’on peut conclure de cet Article, en tant qu’il n’in-terdit ces aliénations qu’à l’égard de celui au profit duquel la promesse a été faite, ou de ses enfans.25

C’est en quoi cette réservation de succession diffère de l’avancement qui en auroit dté fait, lequel dépouille celui qui a avancé, de la propriété, qui est transférée à celui à qui l’avancement a été fait : de sorte qu’il peut vendre & engager au préjudice de son donateur, quand même il y auroit clause de reversion dans l’avancement, en cas du prédéces du donataire, à moins que cette clause ne fût appuyée d’une autre, qui ôtât au donataire la faculté d’aliéner.

Mais quoique celui qui a été avancé, puisse aliéner les biens dont il a été avancé, il ne les peut consisquer au préjudice du donateur, qui est préféré au fisc ; parce qu’on présume toujours que le donateur n’a voulu faire cet avancement, que pour conserver les biens dans sa Famille, & pour en donner la jouissance & libre disposition à ses enfans ou proches parens, de maniere qu’il y auroit de l’iniquité, de le déclarer privé de ses biens, par une cause si contraire à son defir, & à la fin qu’il s’étoit proposée Bérault propose une question qu’il ne resoud point : sçavoir, si un Pere peut engager au doüaire d’une Femme qu’il a depuis épousée, les biens qu’il avoit promis de garder à un de ses enfans. Voyez les raisons qu’il allégue de part & d’autre. Mais la raison qui paroit décisive pour le douaire, est que la Coutume n’a pas interdit les aliénations, ou plutot les engagemens qui viennent en conséquence des Actes qu’elle n’a pas voulu ni pu même interdire, comme sont le mariage & la procréation des enfans. Comme donc la promesse de garder sa succession n’empêche pas celui qui l’a faite, de pouvoir engager ses biens à la part que les enfans nés depuis sa promesie doivent avoir en sa succession, ainsi elle ne doit pas empecher la constitution du douaire établie par la Coutume : la cause & l’effet, c est-à-dire, le mariage & la procréation des enfans devant être réglés par le même principe : c’est pourquoi il a été jugé, que les enfans pouvoient constituer un doüaire sur les biens sujets à restitution, & dont l’aliénation avoit été interdite par le Testament du Pere 3Loüet , D. 21. ce que cet Auteur rapporte avoir été jugé suivant l’Authentique Res que, C. Communia De legatis, laquelle permet d’obliger pour les droits d’une Femme les biens substitués, & qu’il n’étoit pas permis d’aliéner.

Il est à propos de remarquer que sous le nom d’héritage en cet Article, sont compris tous ies immeubles qui peuvent être réputés faire partie d’un fonds, comme les rentes seigneuriales & foncieres, & les droits incorporels, comme les servitudes & les corvées : mais il y a une grande raison de douter pour les rentes hypotheques, parce qu’elles n’ont aucune certaine assictte, & ne sont censées être partie d’aucun fonds, & partant il sembleroit qu’on en pourroit faire le racquit aux mains de celui qui auroit fait lesdites promesses 26 ; comme nonobstant icelles il peut non-seulement disposer de ses meubles, mais même des immeubles qu’il auroit acquis depuisOn remarque en plus outre, qu’un préfomptif héritier ne peut vendre ni aliéner les biens d’une succession qui n’est pas encore échue, & que même il n’y peut pas renoncer valablement ; toutes ces pactions étant nulles, parce qu’elles sont réputées contraires aux bonnes moeurs, suivant les Loix 30. S. donationem ff. De donationibus, & la dernière, C. de pactis. L’exception méme apposée dans cette Loi dernière, n’a pas été approuvée par le Parlement de Paris, qui a jugé que le Contrat par lequel un présomptif héritier avoit vendu le bien de son parent vivant, étoit nul, bien que ce parent eût été présent, & eût consenti au contrat, par un Arrét rapporté parLouet , H. 6.

Brodeau en ce lieu rapporte un autre Arrêt d’Audience, du 1s de Février 2601, par lequel l’oblioation d’un fils de famille de payer, lorsque la succession de son pere où de la mere lui seroit échue, a été déclarée nulle, comme faite contre les bonnes moeurs. VoyezLouet , P. 24, où il est montré, que les partages que les peres où autres afcendans ont faits entre leurs enfans, des biens de leurs futures successions, ont été approuvés, tant par les Loix que par les Arrêts ; mais il est requis que ces partages ne soient pas contraires à ce qui est statué par la Coûtume des lieux où les biens sont situés.27


CCXLV.

Les Héritages venus du côté Paternel, retournent toujours par succession aux Parens Paternels ; comme aussi font ceux du côté Mater-nel aux Maternels, sans que les biens d’un côté puissent succéder à l’autre, en quelque degré qu’ils soient Parens, ains plutôt les Seigneurs desquels lesdits biens sont tenus & mouvans, y succedent.


CCXLVI.

Ce qui se doit entendre, non-seulement des biens qui descendent des Peres & Meres, mais aussi des autres Parens Paternels & Maternels, pourvu que les biens fussent propres en la personne de la suc-cession duquel est question.


CCXLVII.

Les biens sont faits propres à la personne de celui qui premier les possede à droit successif.

La Regle du Droit Coutumier, par laquelle les biens paternels doivent appartenr par succession aux parens paternels, comme les biens maternels doivent être déférés aux parens maternels, paserna paternis, maierna maternis, est expliquée en ces Articles : Et parce qu’aucun bien ne peut être dit paternel ni maternel, qu’il ne soit propre, il est nécessaire de définir ce que l’on doit appeller propre. La Coûtume l’a bien voulu imprimer dans la mémoire, l’ayant répété dans deux Articles, CexLVII & le CCCXXXIV, qui déclarent, que tous les biens sont faits propres en la personne de celui qui premier les possede à droit successif, c’est-à-dire, à droit de parenté & de lignage comme il est ajouté par l’Article CCCCLXXXIII, qui porte, que l’héritage réliré à droit de lignage, tient naiure de propre S non d’acquét.28

Mais quoiqu’on n’ait point voulu approuver en Normandie, la distinction. des propres anciens & naissans, comme il est attesté par l’Article XLVI du Réglement de 16é8 ; il est néanmoins nécessaire de reconnoître qu’il y à des pro-pres, qui dans leur principe ne peuvent être dits ni paternels ni maternels, le droit d’y succéder n’étant pas réglé comme celui des autres propres. Par exemple, les acquêts des enfans, ne sont proprement ni paternels ni maternels en la succession des meres qui ont succédé : c’est pourquoi on a jugé, que les parens du côté paternel de ces meres, devoient préférer les parens maternels, suivant qu’il est disposé par l’Article CCex pour la succession des acquêts, avec cette différence néanmoins, que même les plus éloignés paternels exeluent les plus proches maternels, par Arrêt du 23 de Mai 1623, rapporté par Basnage sur l’Article CCXLVII. On jugea la même chose dans le cas auquel une seur avoit succédé aux acquêts faits par son frere utérin ; car quoique ces biens fussent devenus propres par sa succession ils ne furent point réputés ni paternels ni maternels, parce qu’ils n’étoient point descendus du pere ni de la mere, quoiqu’ils fussent provenus du côté de la mére de l’acquereur ; c’est pourquoi ils furent déférés aux parens paternels de cette soeur utérine décédée sans enfans, à l’exclusion de ses parens maternels, par un Arrêt, dit de Lastelle, du 23 Ianvier 16o8, rapporté par Bérault & parBasnage , dont il sera parlé ci-aprés. Ce qui fait connuître que c’est avec une fort bonne raison que les Commentateurs du Droit Coutumier ont distingué les acquêts en nouveaux & en anciens ; entendant par les nouveaux, ceux qui ont été faits par le défunt auquel on succede ; & par les anciens, ceux ausquels on a succédé seulement en la ligne collatérale, parce qu’on estime qu’ils ne peuvent pas être appellés propres, n’étant ni paternels ni maternels, jusqu’à ce qu’on ait succédé en la ligne directe. Or cette distinction n’est pas vainc, d’autant qu’il est d’un usage certain dans les autres Coûtumes, que les nouveaux acquêts appartiennent, en cas de succession, aux plus proches parens indistinctement, soit qu’ils soient paternels ou maternels ; & qu’à l’oppofféé, les anciens acquêts sont déférés aux plus proches parens du coté de l’acquereur, par préférence à tous les autres parens du défunt.29 Pour plus grand éclaircissement du droit de succéder au propre il faut observer qu’il n’y a aucune controverse à cet égard dans les successions de la li-gne directe, parce qu’il est évident que ce qui procede du côté du pere est paternel comme ce qui provient du côté de la mere est maternel. Toute la difficulté donc est à l’égard des successions collatérales. Pour en faire un bon discernement, il est à propos de remarquer qu’il y a trois opinions sur cette matière : La premiere est, que quand il est question de la succession au propre, il suffit de considérer la parenté de celui de la succession duquel il s’a-

git, sans remonter plus haut qu’à ses pere & mere, & nullement aux autres ascendans, comme aieuls & bysaiculs, les parens desquels succedent, suivant qu’ils sont plus proches du défunt, sans distinction ni recherche de ce qui étoit paternel ou maternel, dans les biens de ces successions d’aieuls ou des autres ascendans plus éloignés. Cet ordre de succéder est plus conforme au Droit Romain, par lequel, quand il s’agit du partage d’une succession, on n’a égard qu’à l’hérédité du défunt, & non à l’hérédité qui lui étoit échue, parce qu’hereditas semel adita, non est amplius hereditas, sed proprium patrimonium adeuntis, suivant qu’on l’infere de la Loi 10. S. silio, ff. De vulgari & pupillari substitutione : & conséquemment les biens de l’aieul eclus au pere du défunt, non sunt amplius avita bona in nepote, qui est le défunt, sed paterna, quia parris propriunt patrimonium erant. Ideoque ( comme il est dit dans la fin de la Loi dernière, C. De in officioso testamento ) nomen auctorum exringuitur ë cum aliis rebus confunditur, & similem foriunam recipit, quemudmodum céter & res que in unum con-greganiur, ex omnibus patrimonium. Cette opinion est encore fondée sur des conTidérations tres-importantes, tant de la conservation des Liens dans chaque famille, en empéchant que les biens d’un défunt ne soient séparés en petites pieces, minutiores in paries frusiillatim scindantur, que de la paix des familles, qui sont brouillées, quand la parenté du premier acquereur des héritages qui sont dans ane succession, doit être recherchée : ce qui cause une grande confusion.

La seconde opinion est, que pour être habile à succéder au propre, soit paternel ou maternel, il faut être descendu de celui qui a acquis les héritages, ou au moins de celui qui y a le premier succédé en la ligne directe ; & suivant cette seconde opinion, un héritage n’est point réputé propre, jusqu’à ce qu’il ait fait souche ; c’est-à-dire ; jusqu’à ce qu’on ait succédé en ligne directe descendante, pour pouvoir être estimé paternel ou maternel : de sorte que plusieurs successions en la collatérale ne rendent point un héritage propre : mais il est toujours réputé acquet, tant qu’il n’a point fait souche. Le fondement de cette opinion est, qil n’y a point de propre qui ne soit paternel ou maternel : or ce qui n’est point émané des ascendans, comme de pere mére aieul ou aieule, ne peut être dit paternel ou maternel. Cette opinion étoit suivie en l’ancienne Coûtume de Paris.

La troisieme opinion est, qu’il faut être parent de l’acquereur de l’héritage, sans qu’il soit nécessaire d’en être descendu ; sufficit esse conjundum à latere, non requirilur descensus à siipite. Mais cette opinion le subdivise en deux ; car quelques-uns estiment qu’il suffit d’être parent de cet acquereur, soit du côté du pere, soit du côté de la mère ; & c’est ce qu’on a suivi en la Coûtume réformée de Paris, comme enseigne Brodeau en son Commentaire deLouet , P. 28.30 .

D’autres requierent qu’on soit de la famille de celui qui a acquis l’héritage, & c’est cette derniere opinion qu’on a suivie en Normandie, où il est nécesfaire d’être de la famille de l’acquereur : c’est en conséquence de ce principe, que l’Arrêt de Graverel du 20 de Décembre 1655, rapporté amplement par Basnage sur l’Article CCCCLXIX, fut donné au sujet du retrait lignager, qui se juge par les mêmes regles que le droit de succéder, suivant qu’il est declaré par les Articles CCCCLXIX & CCCCLXXVI. L’espece de cet Arrêt est, que le pere de Graverel, & l’acquereur de l’héritage dont il étoit question, étoient cousins germains sortis de deux seurs : le fils de l’Acquereur ayant succédé à son pere, vendit le même héritage, qui, sans doute, étoit devenu un propre paternel en sa personne. Il n’étoit pas moins évident que Graveres étoit non-seulement parent de l’acquereur, mais qu’il étoit même parent au troisieme degré du vendeur : ce nonobstant, ayant voulu retirer ledit héritage en cette qualité, il en fut jugé incapable, parce qu’il n’étoit pas de la famille ou agnation de l’acquereur, quoiqu’il fût son parent, & par conséquent parent paternel & maternel du vendeur. Ce qui paroit absurde, d’autant qu’un parent qui a droit de retirer comme lignager, & de succéder jusqu’au septieme degré, tant au propre qu’aux acquêts, peut être exclus de ces droits par un Seigneur de Fief encore qu’il soit proche parent du pere du dernier possesseur de l’héritage, & qu’il le soit même de ce possesseur : mais cette absur-dité vient en conséquence d’une maxime établie par la Coûtume en l’Article COXLV, qui déclarc, que ce qui est devenu propre paternel, doit toujours retourner aux parens paternels, comme le propre maternel aux parens maternels, sans que les biens d’un côté puissent jamais appartenir par succession aux parens de l’autre côté, en quelque degré qu’ils soient parens, de sorte que les Seigneurs de Fief y succéderoient plutot par droit de deshérence ; laquelle maxime a été étenduë par l’Article suivant CCXL. VI. aux biens qui échéent en la ligne collatérale, pourvu qu’ils fussent propres de celui de la succession duquel il est question : Ce qui ne peut signifier autre chose, sinon que les biens qu’un défunt a possédés à droit successif, doivent être déférés à ses parens du côté dont sont provenus lesdits biens, sans que les autres parens de l’autre côté y puissent jamais succéder, à moins que de faire distinction entre les anciens propres & les propres naissans. Ce que le Parlement a réprouvé par plusieurs Arrêts, desquels a eté formé ledit Article XLVI dudit Réglement31

C’est pourquoi Basnage a fort bien remarqué que l’Arrét de Lastelle cité cE dessus, a été donné contre ladite maxime, d’autant que par cet Arrêt, les biens qui étoient provenus de la succession de Jacqueline de Lastelle, qui les avoit possédés au droit de la succession aux acquêts de Pierre de Bellaire son frere utérin, furent adjugés aux parens du côte & ligne de ladite Lastelle, à l’exclusion de ses autres parens du côté de Bellaire acquereur desdits héritages.

L’interprétation que Bérault a donné audit Article CCXLVI pour foutenir cet Arrêt ne paroit pas bonne ; car les biens qui échéent dans les successions collatérales à parler proprement ne descendent point, il n’y a que les biens qui échéent en la ligne directe descendante, qu’on puisse dire descendre, de sorte que quand la Coutume, audit Article CCXLVI, s’est servie du mot de descendre, ce n’est précisément qu’à l’égard des biens des peres & meres, ou des autres ascendans, mais cela ne se doit ps rapporter aux biens des parens collatéraux, qui ne descendent point, & qui néanmoins sont déclarés être partables, suivant la Regle des biens paternels & maternels, établie en l’Article précédent CCXLV, pourvu qu’ils soient propres de celui à qui on succede, qui est l’unique condition que la Coûtume requiert pour les attribuer au côté & à la ligne de celui dont ils sont provenus, & pour en exclure les parens de l’autre côté.

Cette regle donc de paterna paternis, materna maiernis, ayant été recue pour conserver dans chaque famille les biens qui lui sont propres ; il est nécessaire d’observer d’autres maximes pour pouvoir bien discerner les biens paternels d’avec les maternels : c’est pourquoi d’autant que le plus souvent les femmes ne sont point héritieres en Normandie, & que leur bien consiste en mariage avenant ; c’est-à-dire, en deniers payés au mari & remplacés sur ses biens, le Réglement de 1666, en l’Article CIII, expose une regle certaine, par laquelle, quand il ne paroit point évidemment que les biens proviennent du côte des femmes, ils doivent être réputés paternels.

Il y a encore d’autres observations tres-importantes à faire à l’égard des bient maternels : Car premierement, ils peuvent être un acquêt de la femme, quand elle les a acquis par son industrie & par sa bonne fortune ; mais ils sont un propre, encore qu’ils ne consistent qu’en deniers, quand ils proviennent de la légitime que la femme avoit sur les biens de ses prédécesseurs : mais quoique ces biens soient propres ou acquêts, ce sont des biens maternels à l’égard des enfans qui y ont succédé ; car quoique réguliérement il se fasse une extinction d’une dette, quand le débiteur est hétitier du créancier, aut é converso, quand le créancier est héritier du débiteur ; néanmoins, quand un fils héritier de son pere le devient de sa mere, aut é converso, quand un fils héritier de sa mere le devient de son père, la dot de la mere remplacée ou consignée sur les biens du pere, n’est pas éteinte ; mais par une fiction de la Coutume, elle est réputée un bien distinct de la sucession du pere, & peut être demandée comme un bien maternel, par les héritiers du fils décédé sans enfans : mais cette fixion ne subsiste pas toujours, elle prend fin quand on a succédé deux fois en la ligne directe, à ces biens maternels. Par exemple, quand le petit-fils héritier de son pere, qui avoit hérité de sa mere, décede sans enfans, les héritiers de ce petit-fils ne sont plus obligés de représenter la dot de l’aieule maternelle, qui avoit été consignée sur les biens de son mari aieul paternel du défunt, parce qu’en ce cas, cette dot qui n’étoit qu’une dette, est du tout éteinte par la confusion : c’est ce qui a fait dire, que les dots consignées n’étoient pas un bien maternel, quand elles sont hors du premier degré qui est le fils. Ce qu’il faut entendre, quand le fils a été héritier de sa mere prédécédée ; car si la mere avoit survécu le fils sa dot ne seroit pas éteinte par l’addition faite de sa succession par son petit-fils : car il faut deux successions en la ligne directe, pour faire cette extinction, comme il a été dit.32 En second lieu, il faut observer, que les deniers dotaux d’une femme ayant été employés par le mari en achat d’héritages ou en constitution de rentes, avec déclaration que le prix provient des deniers appartenans à la femme, ces héritages ou ces rentes, sont des remplacemens spéciaux des biens de la femme, & doivent toujours retourner aux parens de la ligne desquels ils sont venus, comme il est signifié par l’Article CV dudit Réglement.

En troisieme lieu, les biens acquis par échange étant subrogés, quant à la qualité de propre paternel ou maternel, aux héritages qui ont été baillés en contr’échange ; les biens de la femme échangés par le mari ou par les enfans héritiers de la femme, produisent un remplacement spécial de biens maternels.

Mais cette subrogation a ses effets limités, comme enseigneLouet , S. 10 & ne s’étend point à faire partager cet échange, suivant la qualité ou la situation qu’avoit le contr’échange, parce qu’on partage les biens d’une succession en l’état qu’ils se trouvent lors de l’échéance, & non selon la qualité & la situation des biens ausquels ils ont été subrogés, comme il est attesté par l’Article LXVII dudit Réglement. Quand donc on baille à un des héritiers un hé-ritage maternel, au lieu du partage qu’il avoit droit d’avoir dans la succession de son père ; cet héritage est réputé un propre paternel, & sic é converso tant en ligne directe qu’en ligne collatérale. VoyezLouet , dicto loco33 Il ne faut pas omettre que les biens maternels qui consistent dans la consignation faite sur les biens du mari, fuivent les mêmes regles que les autres pro-pres ; c’est-à-dire, que celui qui en est héritier, doit payer les dettes créées par la femme à qui la dot appartenoit ; comme aussi, il doit contribuer aux dettes contractées par le fils & héritier de cette femme, à proportion de la valeur des biens de l’une & de l’autre fouche paternelle & maternelle.34 De plus, quoiqu’un héritier puisse aliéner tous les biens du côté paternel, sans que les héritiers de ce côté en puissent prétendre un remplacement sur les biens du côté maternel, aut é converso : néanmoins quand un fils a aliéné les biens de son pere, sur lesquels la dot de sa mere étoit confignée, cette dot est censée aliénée au préjudice des héritiers maternels, à proportion de la valeur, tant des biens aliénés que de la dot consignée sur iceux comme il a été jugé par un Arrêt du 26 Mai 1659., rapporté par Basnage sur l’Article.

CCXIV : Il faut dire les mêmes choses des meubles, que le mari est obligé de remplacer par l’Article CCexC, que de la consignation de la dot ; car ces meubles n’ayant point été remplacés, sont un propre maternel en la personne du fils, lequel propre subsiste & s’éteint par les mêmes moyens que la don consignée : ce qui a été jugé par un Arrct du mois de Janvier 1653, rapporté par ce même Auteur.


CCXLVIII.

En Succession de Propre, tant qu’il y a mâles ou descendans de mâles, les femelles ou descendans de femelles ne peuvent succéder soit en ligne directe ou collatérale.

La maxime proposée par cet Article est fort remarquable, pour régler la succession du propre ; elle déclare que tant qu’il y a des mâles ou des descendans d’eux, ils excluent les femelles & leurs defcendans, tant en ligne di-recte qu’en la collatérale : de sorte que la représentation de sexe a lieu, comme par l’Article CCCXVII. Il ne faut donc faire à cet égard aucune distinction. entre le paternel & le maternel ; car quand on y succede, les mâles & leurs descendans y sont indistinctement préférés : ce qui doit faire juger, qu’une seur ayant succédé aux acquêts d’un frère avec ses neveux enfans d’un autre frere prédécédé, en execution de l’Article CCCVI, si ces acquets, qui sont devenus propres, sont à partager dans la succession de cette seur qui soit décédée sans enfans ; ces neveux qui n’avoient point eu de préférence en la succession de leur oncle, l’auront en la succession de cette tante, & exclueront leurs autres tantes & leurs descendans. De plus, si une seur qui a sue-cédé à son frere utérin, tant avec ses neveux, fils de son frère de pere & de mere, qu’avec sa seur de mère seulement scomme elle en est capable par les Articles CCCVI, CCCVII & CCCXVI. ) décede sans enfans, ces acquêts du frere utérin, qui sont devenus propres en la personne de la seur, appartiendront aux neveux issus des freres, à l’exclusion des neveux sortis des au-tres seurs, comme il a été jugé par un Arrêt d’Audience, du 24 de Mars 16o4, rapporté parBérault . Il ne faut pas oublier, que cette maxime se doit entendre hors du cas de représentation, comme il est déclaré par l’Article.

CCXI., suivant lequel une fille vient à la représentation de son pere, coneurremment avcc les mâles, au partage des propres, tant en ligne directe qu’en la collatérale.35


CCXLIX.

Les Filles ne peuvent demander ni prétendre aucune partie en l’héritage de leur Pere & Mere contre leurs Freres, ne contre leurs Hoirs ; mais elles leur peuvent demander Mariage avenant.

La conservation des biens dans les familles, qui est une considération du Droit civil ; c’est-à-dire, particulier à un Etat politique, ayant prévalu à l’équité naturelle, par laquelle les femmes doivent avoir une part égale aux hom-mes dans les successions : Quia utraque persona in hominum procreatione simili naiure officio fungitur, comme dit Justinien au Titre De ex heredatione li-berorum ; la Coûtume propose sous ce Titre de Succession au Propre, vingequatre Articles, par lesquels le droit qu’ont les femmes dans les successions, tant en ligne directe qu’en la collatérale, est particulièrement déclaré : Commodiils visum est ita jura constitui, et plerumque hoereditates ad masculos confluerent, apud Justinianum, De legilima agnatorum successione. Sur quoi il est à propos de remarquer, que les cas dépendans des Loix qui reglent les droits des successions par une fin politique, & qui suivant les paroles deTacite , habent aliquid ea iniquo, quod ütilitate publica rependitur, ne se doivent pas juger par des considerations d’équité ni d’égalité, parce que ces raisons répugnent évidemment à la fin que les Legislateurs se sont proposée, & laquelle les Juges & les bons Interprétes doivent toujours avoir en vue, afin de conserver les Loix dans leur force, & afin de ne les abolir pas peu à peu, en contrevenant aux principes qui leur servent de fondement. Il ne faut donc pas dans les questions, qui résultent de ce que la Coutume a ordonné, tant touchant les droits que les femmes ont sur les successions, que touchant les biens situés dans le Pays de Caux, & les avantages qui sont attribués aux ainés par les préciputs, s’écarter de l’utilité publique, pour laquelle ces Réglemens ont été autorisés ; autrement on ne les interprete pas, mais on les détruit.

Or pour expliquer les droits qu’ont les femmes dans les successions, on peut distinguer que ces droits leur appartiennent, ou comme une légitime, ou comme un hérédité : ce qui se subdivise ; car la légitime, qui est ce que la Coûtume appelle Mariage avenant, ou est estimée par le pere & la mere, & les freres, en mariant leurs filles ou Soeurs ; & cela est réglé par les Articles CeL, CeLI, ceLIst, CCLIII, CCLIV, ceLV, ceLVi & CCCEXIII, ou ce Mariage avenant est arbitré par les parens : ce qui est réglé par les Articles CeLXII, CeLXIII, ceLxiV, CCLXV, CCLXVI, CCLXVil & CCLXVIII. Que si les femmes sont héritières, elles le sont, ou par les réservations faites par les peres & par les méres ; & il est traité de ces réser-vations & de leurs effets, dans les Articles CCLVIII, CCIIx, CCIx, COLXIX, CCCLXI & CCCLXII, ou elles le sont par la disposition de la Goutume ; & les cas & la maniere dont les partages se doivent faire sont proposés dans les Articles CexL, CCLXIII, CeLXIV, CCLXIx, CCExx, CoLxxI, ceLXXII, CecIx & CCCLXI.

Cela supposé, la Coutume en cet Article CCXLIx, qui est comme une conséquence de l’Article CCXLVIII déclare que les seurs ne peuvent deman-der à leurs freres ni à leurs héritiers, aucune part à l’hérédité de leurs pere & mere, mais seulement Mariage avenant : ce qu’elle répete dans le Titre de Partage d’Héritage, en l’Article CCCLVII, dont on doit conclure, que le Mariage avenant est la légitime qui est due aux filles sur les successions de leurs pere & mère ; de laquelle legitime ces successions demeurent chargées, & laquelle par conséquent doit être payée avant toutes les dettes & les charges ausquelles les freres ont pû engager les biens de ces mêmes successions.

De plus, cette légitime quoique payable en deniers, est réputée un droit foncier : de sorte que les seurs peuvent faire saisir les fruits des héritages faifant partie des biens desdites successions, quoiqu’ils ayent été aliénés par les freres, pour être payées, tant du principal que des arrérages de leur Mariage avonant ; elles peuvent même demander que ces héritages leur soient bail-lés pour un prix arbitré par experts, ( ce qu’on appelle à due estimation sans qu’on les puisse obliger à en faire le decret ; lequel droit elles transmettent à leurs héritiers, comme il est attesté par l’Article CXXII du Réglement de 1666. Il a été jugé par plusieurs Arrêts, que l’intérét de ces Mariages avenans, se doit payer avant le Mariage des filles, à raison du denier vingt : & depuis le Mariage, à raison du prix ordinaire des constitutions de rente.36


CCL.

Le Pere & la Mere peuvent marier leur Fille de meuble sans héritage, ou d’héritage sans meuble, & si rien ne lui fut promis lors de son Mariage, rien n’aura.

Cet Article, qui semble égaler le pere & la mere, ne se doit pas entendre sans distinction ; car le pere qui a marié ses filles du vivant de leur mere ou aprés sa mort, les a excluses de prétendre rien sur sa succession & sur celle de leur mére ; sinon, ce qu’il leur a promis en les mariant, au cas que les filles ayent des freres37. Mais la mere qui marie ses filles, ne les peut pas ex-clure de demander leur mariage avenant sur la succession de leur pere prédécédé ; parce que la femme n’a aucun pouvoir de disposer des biens de la suc-cession de son mari, ne pouvant réserver ses filles à partage sur lesdits biens quoique le mari puisse réserver ses filles à partage, tant sur les biens de sa auecession que sur ceux de sa femme, par les Articles CCLVIII & CCLIX.

Mais quoique le pere & la mere puissent marier leurs filles sans leur rien donner, il ne s’enfuit pas qu’ils ne puissent être condamnés à donner une dot à leurs filles, quand ils violent ou négligent trop la piété qui les oblige à les marier : c’est ce qui est déclaré par les loix 19. ff. De ritu nuptiarum, & 14.

C. De jure dotium. Par un Arrêt rapporté parBérault , du 18 de Juillet 16oy, un pere fut condamné à doter sa fille suivant la valeur de ses biens, ce qui seroit arbitré par les parens paternels & maternels. Mais quand les pere & mere ont marié leurs filles, ils sont réputés s’être acquittés du devoir de piété, & les filles ainsi mariées, n’ont rien à prétendre sur les successions de leurs pere & mère, sinon ce qui leur a été promis, par l’Article CCLII. Il faudroit juger la même chose, si les filles s’étoient mariées sans le consentement de leurs pere & mere. Mais on peut demander, si une fille s’étant par son industrie ou par sa bonne fortune procuré un mariage, sans que son pere ou sa mere y ayent contribué, autrement que par leur consentement, ou expres, en signant au Contrat, ou tacite, en ne s’étant point opposés à la célébration du Mariage ; a droit de demander une légitime ou mariage avenant aux hoirs mâles, suivant l’expression de l’Article CCLIII. Ce qui fait la raison de douter, est que la Coûtume, pour exclure les filles du mariage avenant, sem-ble requérir qu’elles ayent été mariées par leur pere ou par leur mère, suivant les termes des Articles CCLII & CCCLXIII. Or dans le cas proposé, il semble qu’on ne peut pas dire que le pere ou la mere ayent marié leur fille, puisque ce n’est point par leur bon office & leur recherche, que le mariage s’est contracté, conditionem filie non queesiverunt, dont on conclut par l’argument à contrario sensis, qu’une fille ainsi mariée, ne doit point être privée de sa légitime sur la succession de son pere ou de sa mere. Mais on dit au contraire, que la Coutume a défini absolument en cet Article CCL, que quand une fille est mariée, elle ne peut rien demander que ce qui lui fut promis lors de son mariage : dont la raison est, que le mariage établissant la condition & la subsistance d’une femme, l’exclut du mariage avenant, qui n’est dû sur les successions des ascendans, que quand une fille n’est pas pourvue ; parce que la Coûtume, par une fin générale & politique, a voulu pourvoir à ce que les maisons demeurent autant qu’il est possible en leur entier, suivant qu’il est dit en l’Article CCLXII. Ce qui ne se peut faire qu’en conservant les biens en la personne des mâles, qui seuls perpétuent les maisons ; c’est-à-dire, les familles. Et quant à l’argument à contrario sensu, on répond, qu’il n’est valable, que quand il y a une grande différence entre le cas exprimé dans la Loi, & ceux qui ne sont point exprimés ; & que de plus, le cas exprimé est une exception au Droit commun. Or la différence qui est entre le cas énonce dans lesdits Articles CCLII & CCCLXIII, qui est quand une fille a été mariée par son pere ou par sa mere, n’est pas grande d’avec le cas non expri-mé, qui est quand une fille a été mariée par sa propre industrie, par rapport à la fin politique de la Coutume, qui est la conservation des biens dans les familles : & de plus, tant s’en faut que ce cas exprimé soit une exception au droit commun, qu’il en est une confirmation & un exemple ; puisque les filles mariées par leur pere ou par leur mere, ne peuvent prétendre aucune légitime sur leurs successions, suivant le droit commun & général. Voyez ce qui a été remarqué sur l’Article CCCCVIII, touchant l’argument à contrario sensu.38 Sur ce fondement, que les pere & mere ne sont point obligés de doter leurs filles en les mariant, on établit deux conclusions : la premiere, que les pere & mere peuvent bailler tout ce qu’ils promettent pour le mariage de leur fille en don mobil : l’autre conclusion est, que les pere & mere ne sont point garans de ce qu’ils ont donné en deniers ou meubles, pour le mariage de leur fille, c’est-à-dire, qu’ils ne sont obligés à aucune garantie envers leur fille ou ses enfans, quand les deniers ou meubles par eux donnés ont été mal remplacés par le mari, qui est en outre insolvable. En quoi néanmoins il faut user de distinction ; car si le pere ou la mere ayant promis de l’argent, l’ont payé lors ou depuis le mariage de leur fille, ils ne sont point garans du mauvais usage qu’en a fait le mari, ni de son insolvabilité, mais si les pere ou mère se sont constituës en rente, pour les sommes qu’ils avoient promises, & que depuis ils racquittent aux mains du mari, ils doivent garantie à leur fille & à ses héritiers du mauvais remplacement qui en a été fait : ce qui a été jugé par plusieurs Arrêts rapportés parBasnage . Que si le pere, la mere & les freres veulent se libérer de ces rentes, ausquels ils se sont obligés pour le

mariage de leur fille ou seur, ils ne peuvent contraindre le mani à bailler caution ni remplacement, quand il ne s’y est point obligé par le Contrat de constitution desdites rentes. On a jugé la même chose à l’égard de l’argent promis par le pere, la mere ou le frère, le mari ne peut pas être contraint de le remplacer ni de donner caution ; il peut exiger le payement de ce qui lui a été promis purement & sans condition, à moins que la promesse n’ait été faite par le pere & la mere, & non payée par eux ; auquel cas leur sils ne pouvant acquitter leurs promesses, sans s’obliger à la garantie envers sa seur & ses enfans, pourroit demander caution ou remplacement, ou offrir de bailler au lieu de payement des biens de la succession.39 On demande, si le pere & la mere en mariant leur fille lui ont promis une certaine somme, pour lui tenir lieu de légitime, cette somme doit être payée sur les biens de l’un & de l’autre, à proportion de leur valeur : On répond, que si ces deniers ont été payés par le pere constant son mariage, il n’en peut prétendre aucune répétition sur les biens de sa femme, parce que ce paye ment est censé fait de l’aménagement commun de leurs biens : mais que si ces promesses n’ont pas été acquittces pendant ledit mariage, elles se doivent payer à proportion de la valeur des biens du mari & de la femme. Mais quoique la femme se soit obligée solidairement avec son mari, elle n’en est tenue que divisément, & suivant la proportion fusdite, à moins qu’elle ne soit héritiere de son mari, auquel cas elle seroit obligée solidairement, fauf son recours contre ses cohéritiers, suivant la maxime observée dans la Province de Normandie.40

C’est une Jurisprudence constante dans le Pays coutumier, que les renonciations faites par les filles dans leur Contrat de mariage aux successions non encore échues, tant directes que collatérales, sont valables & non sujettes à restitution pour cause de minorité, de crainte ou de lésion énorme : de sorte que les filles mariées & dotées ne peuvent demander de supplément de legitime, comme enseigne Louet & son Commentateur R. 1741. Mais quoiqu’en Normandie ces renonciations ne soient pas nécessaires pour exclure les filles des droits de succéder, & de légitime sur les biens des ascendans ; il est néanmoins certain, que les filles ne peuvent renoncer valablement aux successions qui leur sont échues, & dont le droit leur est acquis. Il a même été jugé, qu’une fille qui avoit renoncé à la succession de sa mere vivante sous la loi d’un second mari, pouvoit demander, nonobstant sa renonciation, mariage avenant sur les biens de sa mère ; parce qu’on présuma que la mere avoit plutôt suivi les sentimens & les intérêts de son mari, que voulu s’acquitter du devoir de piété envers sa fille, & sie filia hujus consuerudinis pretereu magis exheredaia, quûnt honessé dotaia fuerat ;Louet , ibidem. Ce qui est con-traire aux Articles CCL, CCLII & CCCLXIII, ou en est une exception.

Sed quid siatuendum ) Si une fille a été dotée pour lui tenir lieu de la part qu’elle pouvoit avoir sur les biens de ses pere & mère, mais sans y avoir expressément renoncé, pourra-telle prétendre part aux biens situés dans l’eten-due des Coutumes, qui admettent les filles à succéder coneurremment avec les freres à On a jugé que la fille étoit excluse, parce que la donation ayant été faite pour la part qu’elle pouvoit espèrer, tous les biens ausquels elle pouvoir prétendre part, y étoient compris, & que partant elle devoit être réputée y avoir renoncé, par un Arrêt du 3 d’Avril 1672, rapporté parBasnage .42 Si plusieurs filles ont été mariées, & que le pere ou la mere, qui leur ont promis de l’argent ou des rentes pour leurs mariages, foient insolvables ; comment ces promesses seront-elles acquittées, ou par l’ordre hypothécaire ou par concurrence : On distingue, si les filles ne demandent précisément que leur légicime sur le tiers coutumier, non-seulement elles concurront, mais elles ne pourront prétendre qu’une égalité entr’elles. Que si elles demandent l’exécution des promesses qui leur ont été faites, on peut faire une seconde distine-tion : sçavoir, si les dettes de tous les autres créanciers sont antérieures à tous les mariages des filles, & en ce cas, on a jugé la concurrence : mais s’il y avoit quelques créanciers posterieurs à quelques-uns des mariages, & antérieurs des autres, il y auroit plus de raison de douter, si les filles ne devroient pas être colloquées à l’égard de ce qui leur auroit été promis, & qui excederoit leur légitime, suivant l’hypotheque de leurs Contrats de mariage, parce qu’en ce cas, les dernières mariées n’auroient pas sujce de se plaindre de cette préférence, qui ne diminueroit point leur légitime.

On a jugé que ce qui a été payé en diminution des promesses faites par un Contrat de mariage, est réputé avoir été payé pour le don mobil, & que ce qui n’a point été payé, est censé être la dor, par eun Arrêt du 9 dedanvier 1659.

On a de plus jugé, que la promesse du don mobil faite dans le Contrat de mariage, ne pouvoit pas être changée ni convertie en dot, lors du payement fait depuis la célébration du Mariage, par un Arrêt du 3. de Eévrier 1656 : ces deux Arrêts sont rapportés parBasnage . VoyezLoüet , M. 4. oû il rapporte des Arrêts donnés sur des cas semblables à celui du dernier Arrêt, dont il allégue pour raison, que les Contrats de mariage sont des loix des familles, par lesquelles les fuccessions & les partages des biens sont reglés & qui doivent demeurer fixes & irrévocables, pour ne donner pas ouverture â un moyen de troubler la concorde des mariages : Sepé futurum effet, ut discuierentur matrimonia Lid est divortii, & rizarum causam haberent, comme explique un Glossateur, ) si non daret is qui posser, & sie venalia essent mairimoniâ, l. 2. in initio ff. De donationibus inter virum d uxorem.43


CCLI.

Les Freres peuvent, comme leurs Pere & Mere, marier leurs Soeurs de Meubles sans Héritage, ou d’Héritage sans Meubles, pourvu qu’elles ne soient déparagées, & ce leur doit suffire.

Le frère est obligé de doter sa Soeur, & d’ailleurs il n’a pas une liberté si absolue que le père de disposer de son mariage ; car il doit lui trouver un parti convenable, tant pour le bien que pour la naissance ; le pere pouvant marier sa fille à qui bon lui semblera, & ne lui rien donner ; le frère à l’opposite devant doter, & ne point déparager sa seur : mais d’ailleurs il est vrai, que comme la fille mariée par ses pere & mere, ne peut rien demander à les frères, sinon ce qui lui a été promis en la mariant, ainsi la seur mariée & dotée par ses frères, ne leur peut plus rien demander, sinon ce qui lui a été accordé & promis par eux, lors de son mariage : à moins qu’elle n’ait été déparagée, suivant l’expression de la Coûtume ; c’est-à-dire, mariée a quelqu’un qui soit d’une naissance & condition inégale ; car en ce cas, elle seroit bien fondée à demander à ses freres un mariage avenant ; c’est-à-dire, une dot convenable, qui seroit arbitrée par les parens, suivant qu’il est prescrit par l’Article CCLXII44. Il faudroit dire la même chose, si le frere avoit transigé du mariage avenant de sa seur, sans l’avoir mariée, car la seur pourroit se faire relever de cette Transaction, si elle avoit été lézée : de sorte que les soeurs ne sont excluses du supplément de leur légitime, que quand elles ont été mariées convenablement par leurs freres.

Il faut remarquer, que l’obligation des freres pour payer le mariage de leurs soeurs, est solidaire, non-seulement quand ils acquittent les promesses faites par les pere & mere, dont ils sont héritiers, mais même quand les seurs sont mariées aprés le décés des pere & mere. La raison qu’on en apporte, est que le mariage est une dette des successions paternelles & maternelles, & laquelle partant les héritiers sont obligés solidairement d’acquitter. Mais cette raison ne devroit pas paroître suffisante, parce que le mariage avenant, quand il n’est pas dû en vertu des promesses du pere ou de la mere, qui se sont obligés de le payer en mariant leurs filles, est plutôt une charge fonciere & une espèce de partage, qu’une dette des successions, & auquel partant les freres ne devroient être obligés que divisément, & à proportion des parts qu’ils ont dans lesdites successions.

Or ce qui a été donné à une soeur pour sa dot, quand ce ne seroit que de l’argent, qui même n’auroit pas été remplacé par le mari, est toujours censé un propre, pour être déféré aux héritiers au propre : Et d’ailleurs la promesse des freres pour le mariage de leur seur à son hypotheque du jour du déces du pere, comme une portion de l’hérédité acquise à la fille des ledit jour.45 Il faut encore remarquer, que les freres ne sont pas seulement garans du remplacement ou de la collocation des deniers qu’ils donnent à leurs seurs pour leur tenir lieu de dot, ils le sont même pour les deniers qu’ils payent pour l’exécution des promesses faites par leur pere ou mere en mariant leurs filles ; & partant, quoique le pere & la mere eussent pu acquitter leurs promesses sans péril d’en être recherchés, ni eux ni leurs héritiers, les freres n’ont pas ce même avantage, mais sont obligés de faire remplacer sûrement ce qu’ils payent pour acquitter les promesses faites & non payées par les pere ou mere : ce qui a été jugé par plusieurs Arrêts, desquels on ne doit pas néanmoins conclure, que les freres puissent exiger caution ou remplacement de la dot qu’ils ont promise à leur seur par son Contrat de mariage, lorsqu’ils veulent s’en acquitter ; car par plusieurs Arréts rapportés parBasnage , les maris des seurs ont été dispensés de la nécessité de bailler caution ou un remplacement, & on a condamné les freres à faire l’intérét des sommes promises, si mieux ils n’aimoient bailler en payement des héritages ou rentes faisant partie des biens héréditaires, à due estimation, qui seroit faite par les parens. Voyez ce qui a été remarqué sur l’Article CCL.46.

L’Article XLVII du Réglement de 1666, a attesté de plus, une décision fort remarquable, qui est que les frères ne peuvent obliger leur seur à prendre partage au lieu de mariage avenant. Voyez ce qui est remarqué à cet égard sur les Articles CCCXL & CCCLXI.

On demande, si les seurs peuvent exercer cette garantie pour leurs dots, auparavant que d’avoir diseuté les biens de leurs maris ; On distingue, ou la dot a été payée & consignée sur les biens du mari par le Contrat de mariage, & en ce cas, la femme est obligée à cette discussion, parce qu’elle a agréé le remplacement fait par la consignation de sa dot, ce qui est convenable à la disposition de l’Article DXL, ou la dot qui étoit dûe, soit par le pere, soit par le frere, qui s’y étoient obligés par une constitution de rente, sans avoir stipulé la consignation de la dot par le Contrat de mariage, est depuis racquittée, & en ce cas, quoiqu’ielle soit réputée consignée sur les biens du mari par l’Article CCCLXVI, la femme n’est point obligée à discuter les biens de son mari, à moins qu’elle n’ait signé la quittance du racquit ; & elle peut s’adresser directement à son pere ou à ses freres, comme étant ses véritables débiteurs en vertu de leurs promesses. Or quand la femme n’est point obligée de discuter, elle n’est point obligée de sommer ou interpeller ses freres de le présenter au décret qui se fait des biens de son mari, ce qui a été jugé par un Arrêt du 1r d’Aout 1672, rapporté par Basnage : de sorte que cette fommation ou interpellation n’est nécessaire, que quand la femme est obligée à la discussion, auparavant que de pouvoir appeller ses pere ou frère à la garantie de sa dot.47


CCLII.

La Fille mariée par son Pere ou Mere, ne peut rien demander à ses Freres pour son Mariage outre ce qui lui fut par eux promis quand ils la marierent : Et si d’ailleurs aucune chose lui a été promise en Mariage, ceux qui l’ont promis ou leurs Hoirs, sont tenus le payer, encore qu’ils ne fussent tenus de la doter.


CCLIII

Fille mariée ne peut rien demander à l’Héritage de ses Antécesseurs, fors ce que les Hoirs mâles lui donnerent & octroyerent à son Mariage.

Remarquez qu’une fille n’est excluse de la légitime qu’elle peut prétendre sur les successions de ses pere & mere, que quand elle a été mariée comme légitime : car si elle avoit été mariée comme bâtarde, & que depuis elle eût éte légitimée par un Mariage subséquent, elle pourroit demander un mariage avenant à ses freres, comme il a été jugé par un Arrêt du mois de Décembre 1625, rapporté parBérault . Ce qui est fondé sur la raison, que les Batards. légitimés per subsequens mairimonium, sont comme régénérés, pour participet. aux biens & aux honneurs de la famille, dont ils font partie au moyen de la légitimation : ce qui a fait juger que les enfans ainsi legitimés, donnoient lieu à la révocation des donations faites lanquum propter supervenientiam liberorum, conformément à la Loi si unquam, C. De revocandis donationibus,Loüet , D. 52.48

Il faut en outre remarquer plusieurs Arrêts, par lesquels on a jugé ( ce qui paroit répugner à l’Article CCLII, c’est-à-sçavoir, que les pere & mere peuvent donner à leurs filles aprés les avoir mariées, & même à leurs petitsenfans nés de leurs filles, parce que ces donations ont été considérées com-me un supplément de légitime : c est pourquoi elles ne peuvent excéder ce qui peut appartenir pour la legitime, à laquelle elles seroient réductibles. Dailleurs, ces donations sont censées propres & non acquêts des donataires, & ne sont point sujettes aux regles des donations, soit testamentaires, soit entre vifs. Ces termes donc, quand ils la marierent, employés dans l’Art. CCLII, ne sont pas limitatifs, mais démonstratifs du cas le plus ordinaire : ce que l’Article CCLIV fait entendre par ces termes, si le pere où la mere ont donné d leur fille, soit en faveur de Mariage ou auirement.49


CCLIV.

Si Pere & Mere ont donné à leurs Filles, soit en faveur de Mariage ou autrement, Héritages excédans le tiers de leur bien, les Enfans mâles le peuvent révoquer dans l’an & jour du décès de leurdit Pere & Mere, ou dans l’an & jour de leur majorité ; & se doit faire l’estimation dudit tiers, eu égard aux biens que le Donateur possédoit lors de ladite Donation : Et où la Donation seroit faite du tiers des biens présens & avenir, l’estimation dudit tiers se fera, eu égard aux biens que le Donateur à laissés lors de son décès.

Dans cet Article & le suivant, où il est traité des donations excessives faites aux filles par les pere & mere, il y est fait différence entre les meubles & les immeubles ; car la donation d’immeubles excédante la valeur du tiers des biens que le donateur avoit lors de la donation, ou du tiers de ceux qu’il avoit lors de sa mort ( Sil a donné le tiers de tous ses biens présens & à venir ) se doit révoquer par les freres50 dans l’an & jour de leur majo-rité, ou de la mort du pere ou de la mère, si lors d’icelle ils sont majeurs, apres lequel temps passé, ils ne peuvent plus la faire réduire ni la contester, comme il a été jugé par plusieurs Arréts. Il n’en est pas ainsi de la donation des meubles, car quand ils excéderoient de beaucoup le tiers de tout le bien sils ont été livrés avant la mort des peres ou mère, les freres n’en peuvent faire aucune répétition ; mais s’ils n’ont pas été livrés, les freres peuvent refuser de les donner, & faire réduire les promesses qui en ont été faites au tiers, qui est la légitime portion de toutes les seurs51, à quoi il est à propos d’ajouter deux circonstances : la première, que si on a donné aux filles des meubles & des immeubles, qui estimés ensemble soient excédans la valeur du tiers des biens du donateur, les freres pourront faire réduire cette donation :

de sorte qu’en ce cas, la valeur des meubles donnés & livrés sera estimée, & rendra la donation des immeubles réductible. L’autre circonstance est, que quand il y a un grand nombre de frères, le pere ni la mere ne peuvent pas toujours donner le tiers aux filles, parce que chacune d’elles auroit une plus grande part que n’auroit un des freres puinés, qui est le cas de l’Article CCLXIx, auquel le pere ni la mere ne peuvent pas contrevenir par leurs donations ; autrement, elles seroient reductibles, Que si un pere n’ayant que des filles, leur avoit fait des donations, & que depuis il eût procréé des enfans mâles, ces donations faites aux filles seroient réductibles ad legitimum modum, aprés l’estimation faite des biens du pere, & de ce que les rilles ont cu en don, sans qu’on les puisse condamner à rapporter leurs jouissances, ce qui a été jugé par un Arrêt du 2 de Mars 1610, rapporté par Bérault sur l’Article CCLVIII.

Or les freres peuvent faire les révocations portées par ces deux Articles, sans que cela les engage à recevoir leurs seurs à partage, à moins qu’elles n’eussent été expressément réservées au cas de la révocation : c’est pourquoi dans l’estimation qui se fait des biens de la succession, pour connoître si la donation est excessive, les meubles & les iinmeubles de bourgage ne sont confidérés que comme les autres biens, parce mi ; ne s’agit lors que de l’arbitra-tion d’un mariage avenant ; ce qui est sui’ent l’Article LI du Réglement de 1666.

Les Tuteurs des freres peuvent demander cette révocation, aussi-bien que les frères mêmes qui ne sont recevables à la faire qu’au cas qu’ils ayent fait un bon & loyal Inventaire des meubles & titres de la succession de leurs pere & mere, ou autres ascendans, comme il est attesté par l’Article XILVIII dudit Réglement : mais ils n’en sont pas exclus, encore qu’ils ayent figné au Contrat de mariage, ou autre acte qui contient la donation excessive, conjointement avec le pere & la mere qui ont fait cette donation.52 Les peres & meres qui ont fait ces promesses excessives, ne les peuvent révoquer ni faire réduire ; mais ils peuvent se démottre de leurs biens sur leurs autres enfans, pourvu que ce soit sans fraude, c’est-à-dire, sans feinte ou simulation ; & en ce cas, on leur adjuge une pension alimentaire, sans qu’on puisse décreter leurs biens pour le payement des arrérages du passé, dûs en vertu de leurs promesses ; mais on peut seulement saisir pour cet effet les meu

bles & les fruits des immeubles : les donateurs non possunt ultra id quod possunt, conveniri, 6 habenda est ratio ne egeant.


CCLV.

Et s’ils ont promis au mariage de leurs Filles, or, argent ou autres meubles qui soient encore dûs lors de leurs décès, les Enfans ne seront tenus les payer après la mort desdits pere & mère, sinon jusqu’à la concurrence du tiers de la succession, tant en meuble qu’héritage.

Cet Article differe du précédent par trois manieres : La première, les meubles donnés & livrés ne se répetent point, & ne sont point sujets à rédue-tion : La seconde, les freres peuvent se défendre du payement des meubles apres l’an, nam que temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum : La troisieme est, que pour juger si les promesses des meubles exprimés dans cet Article, sont excessives, on estime les biens du donateur, eu égard au temps de sa succession, & non au temps des promesses.53 Les freres qui ont fait des promesses en faveur du Mariage de leurs seurs ne les peuvent pas faire réduire ni contester, sinon pour cause de minorité, de dol ou de violence ; ex quibus causis majores in integrunt restituuntur.54


CCLVI.

Les filles n’ayant été mariées du vivant de leurs Pere & Mere, pourront demander part audit tiers.

Les seurs, quelque nombre qu’elles soient, ne pouvant demander à leurs freres plus que la valeur du tiers des biens des successions des pere ou mere tant en meubles qu’héritages, par les Articles CCLIV & CCLXIx, il a été nécessaire d’ordonner, que si ce tiers a été donné à une des filles en la mariant, les autres filles, non mariées du vivant de leur pere ou mere, auront part égale à ce même tiers : de sorte que si elles poursuivent leurs freres pour avoir leur mariage avenant, ils pourront appeller cette seur donataire, pour l’obliger à faire part à ses seurs de ce qui lul a été donné : c’est ce qui est declaré par cet Article CCLVI.55


CCLVII.

Fille mariée, avenant que ses soeurs soient reçues à partage, fait part au profit de ses Freres, pour autant qu’il lui en eût pu appartenir au tiers dû aux Filles pour leur mariage, encore qu’il ne lui fût rien dû lors du décés de ses Pere & Mere.

Par les filles recues à partage, on doit entendre, tant les cas des réservations faites par les peres & les meres, que ceux des Jugemens rendus contre les frères, par lesquels en haine de leur injustice ou de leur négligence, on les a condamnés à donner partage à leurs seurs. En tous ces cas donc, que les filles partagent, leurs seurs qui ont été mariées auparavant, font part auprofit de leurs frères, de sorte qu’elles sont comptées, & qu’on leur attribue à chacune une portien du partage qui auroit appartenu à toutes les filles par la Coûtume ; laquelie portion ainsi séparéc, est retenue par le frere pour en faire son profit.56 Ce qu’il faut interprêter par l’Article L du Réglement de 1666, qui artesse, que le frère doit rapporter à la masse de la succession, ce qui a éte donné en Mariage à sa seur, quand elle fait part à son profit : mais on ne doit pas entendre cet Article L’indistinctement, car si ce qui a été donné à la seur en la mariant, excede la valeur de ce qu’elle pouvoit avoir dans. le partage des filles, le frère ne sera pas obligé de rapporter tout ce qui a été donné ; car c’est une maxime certaine au Palais, que les freres qui prennent les parts de

leurs seurs mariées & non réservées, ne sont obligés de rapporter que jusqu’à la concurrence de ce que ces suurs mariées non réservées auroient droit de prétendre, si elles avoient pris part égale avec leurs seurs réservées : ce qui ne se peut liquider qu’aprés avoir estimé la valeur de la part que chacune des filles réservees a dans la succession. Or pour faire cette estimation, il semble qu’il faut d’abord estimer les biens de la succession, sans y comprendre ce qui a été donné aux filles, qui doivent faire part au profit des freres ; & qu’apres avoir supputé la valeur de ces biens, il en faut lever le tiers pour le mariage de toutes les filles, suivant qu’il est reglé par la Coûtume, lequel tiers il faut diviser en parties égales, pour en attribuer une à chacune des filles : ensuite de quoi il convient faire une seconde estimation des biens de la succession, en y ajoutant la valeur à laquelle les parts des filles, qui doivent être au profit de leurs freres, se sont trouvées monter, suivant la pre-miere estimation ; & sur tout ce composé, il en faut prendre le tiers pour en pouvoir faire une juste subdivision, suivant le nombre des filles en parties égales, d’autant que la valeur de chacune de ces parts, sera ce que les freres seront obligés de rapporter pour chacune de leurs seurs, qui feront part à leur profit.57 On a demandé, si une fille non mariée étant décédée depuis la mort de ses pere ou mere, fera part au profit de ses freres à Il semble qu’il n’y a pas lieu de douter, que cette fille qui avoit droit au tiers appartenant à elle & à ses seurs, l’a transmis à ses héritiers, qui sont ses freres, qui par conséquent ont droit de retenir la part qui eût appartenu à la défunte. On peut proposer la même question à l’égard de la seur qui s’est faite Religieuse depuis le dé-ces de ses pere ou mere, & on la doit réfoudre par la même raison, parce

que la profession de Religion est une mort civil, qui donne pareil droit aux héritiers présomptifs que la mort naturelle, par l’Article CCLXXIII.

Sed quid dicendum des filles qui ont été mises en Religion par les pere ou mere, qui ont payé ce qui a été donné au Convent pour obtenir son agrément : On a jugé par plusieurs Arrêts, que les filles Religieuses ne faisoient point de part au profit des frères, parce que la Coûtume ne donnant part aux freres qu’au droit des seurs mariées par les pere & mere, ne doit pas être étenduë aux Religieuses qui par leur Profession sont mortes civilement, & devenues incapables de succeder à leurs pere & mère.58


CCLVIII.

Le Pere peut en mariant ses Filles, les réserver à sa succession, & de leur Mere pareillement.


CCLIX.

La Mere aussi aprés le décès de son Mari, peut en mariant sa fille, la réserver à sa succession ; mais elle, ni pareillement le Tuteur, ne peuvent bailler part à ladite Fille, ni la réserver à la succession de feu son Pere, ains seulement lui peuvent bailler Mariage avenant par l’avis des Parens, à prendre sur ladite succession.

Quelques-uns ayant prétendu que la réservation faite par le pere ou la mere, à leur succession, en faveur de leurs filles, n’a pas le même effet que la réservation à partage ; il est à propos de faire voir, pour expliquer ces deux Articles & le suivant CLX, que la Coutume n’a point fait cette distinction, & que par la réservation à la succession, elle a entenduë la réservation à partage. Ce qui paroit évidemment prouvé par un de ces trois Articles CCLIx, qui contiendroit une fausse maxime, si la réservation d’une fille à une succession ne se devoit entendre que de la réservation au droit de prendre un ma-riage avenant, comme le supposent ceux qui veulent autoriser ce problême.

Dar il est décidé par cet Article CCLD, qu’une mere en mariant sa fille, ne la peut réserver à la succession de son pere prédécédé. Or il est manifestement faux, qu’une mere ne peut pas réserver sa fille au mariage avenant qui lui appartient sur les biens de son pere : mais on ne peut douter que la réservation à la succession ou au partage ne signifie la même chose, quand on entend ce que signifie le mot de succession, à l’égard des biens d’un défuntOn ne le peut expliquer, sinon en disant que c’est le droit de succeder à ses biens ; ce que les enfans ne peuvent avoir, sans avoir en même-temps le droit de les partager entr’eux. Une fille réservée au mariage avenant qui est sa légitime, ne succede point à son pere qui l’a réservée, elle n’en est point héritière ; car elle n’est point obligée au payement des dettes, ni des charges de la succession. On ne peut donc pas dire sans absurdité, qu’une fille ainsi réservée ait été réservée à la succession sur laquelle son mariage avenant doit être arbitré : Il faut donc conclure, que quand la Coûtume a déclaré dans lesdits Articles, CCLVIII & CCIIX, que le pere & la mere pouvoient reser-ver leurs filles à leur succession, elle n’a pas entendu que les filles fussent seulement réservées à une légitime, mais à succéder comme héritieres, & par-tant à partager avec les frères les biens de la succession. Ajoutez à cela, qu’en Normandie les filles qui ont des freres, n’étant point héritières par le Droit commun, & d’ailleurs l’institution d’héritier n’étant point recue dans le Pays eoutumier ; il a été nécessaire qu’il y ait eu une Décision formelle dans la Coutume de Normandie, qui autorisat les peres & les meres à pouvoir donner à leurs filles le droit d’être héritières, & de partager avec leurs freres. Or cette Décision ne se trouve que dans lesdits Articles CCLVIII & CCLIx, oi ne se rencontrent point les termes de reservation à partage, mais précisément ceux de réservation à la succession.59

C’est par cette raison, que ces deux Articles & le CGLx contiennent les cas ausquels les filles sont héritieres en vertu des réservations faites par leurs pere ou mere. Sur quoi il faut d’abord remarquer, que le gérondif dont la Coûtume s’est servie en les mariunt, n’est que démonstratif de l’occasion pius ordinaire en laquelle ces réservations se font, qui est le mariage des filles ; mais il n’est pas limitatif, ni exclusif des autres cas ou moyens que les peres & nieres peuvent choisir ; parce que les peres & les meres peuvent en tout temps & par toutes sortes d’actes, réserver leurs filles au partage de lours suecesions, pourvu que leurs filles n’ayent pas été mariées, car si elles ont été mariées, on peut bien leur donner par augmentation ou supplément de dot, comme il a été remarqué sur les Articles CCLII & CCIIII ; mais on ne les peut plus réserver à partage, à cause de l’inconvénient qui s’en pourroit suivre, si une fille qu’on doit réputer excluse par son mariage, de la succession de les pere & mere, pouvoit troubler ses frères, en leur demandant partage : ce qui a été jugé par un Arrêt donné en l’Audience de la Grand Cham-bre, le 28 de Janvier 16ss, rapporté parBasnage .

Or il y a cette différence entre le pere & la mere, quant au pouvoir de réserver leurs filles à leurs successions, que la mere ne les peut réserver qu’à sa succession, & non à la succession de leur pere, par l’Atticle CCLIz, ce qu’elle ne peut pas même faire pour sa propre succession, du vivant du pere son mari ; mai, le pere peut réserver ses filles, tant à sa succession qu’à celle de la mère, soit qu’elle soit décédée, soit qu’elle soit vivante. Le cas de la mere prédécédée a été jugé par deux Arrêts rapportés parBérault , l’un du S de Fevrier 1513 & l’autre du 29 de Juin 1603 ; & quant au cas de la mere vitante, on peut douter que le mari puisse réserver ses filles à la succession de leur mère, sans l’intervention & le consentement de la mère ; parce que le mari ne peut pas disposer valablement des biens de sa femme, sans qu’elle intervienne & y consente : Maritus de bonis uxoris su & invile dotem dandi nul-lum habet facultatem, l. 2 4. C. De jure dotium. C’est pourquoi il semble que la femme survivante poutroit contester la réservation à sa succession faite sans son consentement : de forte qu’on pourroit dire, que quoique cette réservation faite par le pere, ne soit pas absolument nulle, elle le peut devenir, est retro nullu, conquérente matre superstite.60

Il faut remarquer qu’il a été jugé, que les filles pouvoient contester l’arbitration faite de leur mariage avenant, par le testament du pere, ou par un au-tre acte équivalent ; & partant, que les pere & mere n’ont le pouvoir d’exclure leurs filles de ce qui leur appartient pour leur mariage avenant, qu’en les ayant mariées, solo adtu maritationis, par lequel acte ils sont presumés avoir brocuré à leurs filles des avantages qui leur tiennent lieu de leur légitime, sçavoir, un doüaire, & la part qu’elles ont à la fortune de leurs maris : les Arrêts en sont rapportés parBasnage . Ce qui est contraire à quelques Arrêts donnés précédemment, qui peuvent paroître plus conformes à l’intention de la Coûtume, tant à l’égard de l’autorité qu’elle avoit artribuée aux peres & meres, de disposer, suivant ce qu’ils jugeroient à propos, de la legitime des filles, qu’à l’égard de la conservation des biens des familles en la personne des mâles.61


CCLX.

Fille réservée à la succession de ses Pere ou Mere, doit rapporter ce qui lui a été donné ou avancé par celui à la succession duquel elle prend part, ou moins prendre.

Quand les filles ont été mariées comme héritieres, au cas qu’elles n’ont point de freres, elles sont obligées de rapporter ce qui leur a été donné par leurs pere ou mere qui les ont mariées, parce que ce qui leur a été donné est un en la ligne directe, entre lesquels l’égalité doit être gardée, par l’Article CCCCXXXIV ; ce qui a fait juger que le pere qui a promis garder sa succession à l’un de ses enfans, s’est engagé à la garder à tous les autres, quoique non compris dans la promesse, suivant qu’il est attesté par l’Article XLV du Réglement de 1688, comme il a été remarqué sur l’Article CCXLIV. Mais. quand les filles n’ont pas été mariées comme héritières, parce qu’elles avoient des freres qui les excluoient, elles peuvent se tenit à leur don, & renoncer à la succession de leur pere ou mere, quand elles sont devenues habiles à succéder par la mort de leurs freres ; & en ce cas, on doit juger qu’elles ne sont point obligées de rapporter, pour établir l’égalité entr’elles & leurs seurs ; sauf néanmoins la legitime des seurs sur les immeubles donnés.62


CCLXI.

Après le décès du Pere, les Filles demeurent en la garde du Fils aîné ; & si lors elles ont atteint l’âge de vingt ans, & demandent mariage, les Freres les peuvent garder par an & jour, pour les marier convenablement, & les pourvoir de mariage avenant.


CCLXIV.

Le Frere après l’an & jour ne peut plus différer le Mariage de sa soeeur, pourvu qu’il se présente personne idoine & convenable qui la demande ; & s’il est refusant d’y entendre sans cause légitime, elle aura partage à la succession de ses Pere & Mere.


CCLXV.

Si la Soeur ne veut accommoder son consentement selon l’avis de ses Freres & de ses Parens, sans cause raisonnable, quelqu’âge qu’elle puisse par après atteindre, elle ne pourra demander partage, ains mariage avenant seulement.


CCLXVI.

Le mariage de la Fille ne doit être différé pour la minorité de ses Freres, ains sera mariée par le conseil du Tuteur, & des plus prochains Parens & Amis, lesquels lui bailleront mariage avenant, sans qu’ils lui puissent bailler partage ; & au cas qu’ils l’eussent baillé, le Fils venant en âge le peut retirer, en baillant mariage avenant.


CCLXVII.

Si le Tuteur est négligent de marier la Soeur de son Pupille, étant parvenue en ses ans nubils, elle peut se marier par l’avis & délibération des autres Parens & Amis, encore que ce ne soit du consen-tement du Tuteur ; lesquels après avoir oui ledit Tuteur, peuvent arbitrer le mariage avenant.

On joint ces cinq Articles à cause de la convenance & connexité des cas qui y sont décidés. Depuis l’Article CCLXI jusqu’au COLXx, il est traité des soeurs, qui n’ayant pas été mariées du vivant de leurs pere ou mere, ni réservées à partage, ne peuvent prétendre ordinairement qu’un mariage avenant63. Il est d’abord déclaré par l’Article CCLXI, que les filles aprés la mort de leur pere sont en la garde de leur frere ainé, ce qui est une conséquence de la qualité de Tuteur naturel & legitime de ses frères & seurs, que la Coûtume lui donne par l’Article CCXXXVII.

Mais cette qualité a beaucoup plus d’étenduë à l’égard des seurs qu’à l’égard des frères parce que les freres qui ont atteint l’âge de vingt ans, ne sont plus à la garde de lainé, & peuvent librement disposer de leurs personnes & de leurs biens : mais les seurs, quoiqu’âgées de plus de vingt ans, demeurent toujours en la garde & sous la tutelle de leur frere, & ne peuvent avoir la propriété de leur légitime qu’apres qu’elles sont mariées, à moins qu’elles n’ayent été admises à partage, comme il est signifié par l’Article CCLXVIII.

Or quand la Coûtume donne la garde des filles au fils ainé, ce n’est qu’au défaut de la mere, qui doit toujours être préférée pour cette garde, à moins qu’elle ne soit remariée ; car en ce cas, lorsque les parens appréhendent que la mere ne veuille abuser de la garde de ses filles, pour les marier suivant la volonté & les intérêts de son mari, on ordonne assez souvent que les filles seront élevées dans quelque Maison de Religieuses.

Le même Article CCLXI ajoute, que les filles ayant atteint l’âge de vingt

Sans, peuvent demander mariage à leurs frères ; c’est-à-dire, qu’elles les peuvent poursuivre pour les obliger à les marier ; apres laquelle demande, les freres peuvent encore garder leurs seurs par an & jour, qui est un-temps que la Coutume aecorde aux freres, pour chercher des partis convenables, pour le Mariage de leurs seurs. Que si apres ce délai-les freres refusent sans cause légitime d’entendre ; c’est-à-dire, d’agréer une personne qui se présente, & qui soit jugée convenable pour le mariage de leur seur, alors la seur pourra letre admise au partage de la succession de ses perc ou mère : c’est ce qui est ordonné par l’Article CCLXIV.64 Les soeurs donc peuvent devenir héritières, en haine & pour punition du refus injuste de leurs freres. Mais comme les Mineurs ne sont pas capables de commettre cette injustice, les, réfuites & le refus-injuste de leurs Tuteurs, ne peuvent jamais donner ouverture au partage des filles : c’est pourquoi les leurs, au cas de la minorité de leurs freres, peuvent bien poursuivre les Tuteurs pour leur mariage parce qu’il ne doit point être différé pour ce cas-là : mais quand les Tuteurs different ou refusent de les pourvoir, elles ne peuvent pas con-clure d’être déclarées héritières ; mais elles peuvent s’adresser, à leurs autnés. parens & amis, par l’avis desquels elles pourront se marier, nonobstant la réz pugnance & la contradiction du Tuteur ; & leur mariage avenant sera arbitré aprés avoir oui le Tuteur ; c’est-à-dires apres que-les parons auront en-tendu ses raisons, & l’instruction qu’il leur pourra donner des biens dépendans. de sa tutelle : cela est ordonné par les Articles CCLXVI & CCLXVII3. mais. les Tuteurs ni les parens ne peuvent jamais bailler partage irrévocablement aux seurs ; car s’ils l’avoient baillé, les freres devenus majeurs le peuvent rextirer, en donnant à leurs seurs un mariage avenant, par l’Article CCLXVL3e. ce qu’ils peuvent jusqu’à trente-cinq ans accomplis, qui est le temps-aecordé

par les Ordonnances, pour se relever des Contrats & Actes faits pendant la minorité.65 Mais comme les freres refusant injustement de marier leurs seurs, sont condamnés à leur donner partage, de même les seurs, qui sans raison valable ne veulent pas donner leur consentement au parti qui leur est présenté, & qui est jugé convenable par leurs freres & par les parens, sont punies, parce qu’elles ne peuvent plus demander partage, quelqu’âge qu’elles puissent avoir, comme il est déclaré par l’Article CCLXV.66


CCLXII.

Mariage avenant doit être estimé par les Parens, eu égard aux biens & charges des successions des Pere & Mere, Aieul ou Aieule, ou autres Ascendans en ligne directe tant seulement, & non des successions échues d’ailleurs aux Freres ; & doivent ceux qui feront ladite estimation, faire en sorte que la maison demeure en son entier, tant qu’il sera possible.

Il y a plusieurs maximes à observer dans l’estimation ou arbitration du mariage avenant : la premiere est, que le mariage avenant de chaque fille ne doit point excéder la valeur du partage de celui des freres qui a eu le moins dans la succession : ce qui a été jugé ( suivant ce qui est disposé par l’Article CCLXIY, & encore plus expressément par l’Article CCXCVIII, ) par deux Arrêts, l’un du 18 de Mars 1642, & l’autre du 30 de Juin 1668, rapportés parBasnage .

Une autre maxime est, que la liquidation du mariage avenant, doit être faite sur le pied du revenu des héritages, sans mettre en considération les hauts bois & bâtimens, sinon en tant qu’ils augmentent le revenu ; & ne sont les terres nobles estimées qu’au denier vingt : de plus, les biens de bourgage & les meubles : ne sont considérés que comme les autres biens, daus cette arbitration : ce qui a été attesté par les Articles LI & LII du Réglement de 1666.

Une troisieme maxime est, que le préciput de Caux appartenant à l’ainé n’augmente point l’estimation du mariage avenant ; quoique le fils ainé soit obligé de contribuer à raison de la valeur de ce préciput, au payement du mariage avenant de ses seurs, aussi-bien qu’à toutes les autres dettes & charges de la succession, comme il est artesté par les Articles LVI & LVII dudit Réglement ; en quoi ce préciput différe de celui qui estattribué à l’ainé par l’Article CCCLVI, qui entre en l’arbitration du mariage avenant, suivant la regle prescrite par ledit Article CCCLVI. La raison de cette différence est, que ie preciput de Caux appartient à l’ainé, sans qu’il soit obligé d’en faire aucune, récompense à ses frères par l’Article CCLXXIx, mais le préciput rotu-rier n’appartient à l’ainé qu’à charge de recompense : dont on doit conclure que les seurs n’ayant pas un droit plus avantageux que celui de freres puinés, ne peuvent pas prétendre que le préciput de Caux doive augmenter leur mariage avenant, qui leur tient lieu de partage. Suivant ces mêmes principes, il paroit qu’on doit observer pour une quatrieme maxime, que quand il y a des biens ausquels consistent les partages des freres puinés, qui n’ont point de préciputs, les Fiefs qui sont pris par préciput par les ainés, entrent bien dans l’esti-mation du mariage avenant des filles ; mais ce n’est qu’en tant qu’il faut régler & faire porter la contribution que doivent les ainés au mariage avenant, proportionnément à la valeur des Fiefs qui font leurs partages, suivant l’Article CCCLXIV, qui ordonne que les freres doivent contribuer à la nourriture entreténement & mariage de leurs seurs, suivant qu’ils prennent plus ou moins en la succession de leurs ascendans. Or comme cette contribution des ainés ayant pris des préciputs, est cause que la contribution que doivent les puinés, est beaucoup moindre, elle augmente l’estimation du mariage avenant des seurs, comme il sera remarqué sur l’Article CCCLXI, en faisant voir que le mariage avenant est en quelque rencontre plus avantageux aux filles, que la réservation à partage : dont on peut conclure dans le cas proposé, que le mariage avenant ne doit être estimé, principalement que par rapport à la valeur des partages des puinés, d’autant que chaque fille ne doit avoir pour sa légitime, que la valeur d’un des partages de ses freres puinés, déduction faite des charges ausquelles ce partage doit contribuer, entre lesquelles est le mariage des loeurs.

C’est suivant ces mêmes principes qu’ont été rendus les deux Arrêts ci-dessus allégués, du 28 de Mars r642, qui est l’Arrêt du Vieux-pont, & du 30 de Juin 1668.

Que si dans la succession il n’y a point d’autres immeubles qu’un ou plusieurs Fiefs pris par préciput, de forte que les puinés se trouvent réduits à prendre l’usufruit du tiers pour leur part héréditaire : on ce cas, suivant ces mêmes principes ci-dessus expliqués ; c’est-à-sçavoir, que les Fiefs pris par préciput n’entrent point dans l’estimation du mariage avenant, & que néanmoins ils obligent ceux qui les ont pris à contribuer au payement du mariage avenant, par rapport & proportion à la valeur desdits Fiefs ; & que d’ailleurs, Ice qui est la principale magime ) le mariage de chaque fille ne doit point exceder la valeur de ce qu’un des freres puinés a pour son partage : Il semble qu’alors pour arbitrer le mariage des filles, il faut estimer la valeur de l’usufruit qui appartient à un des puinés, les charges déduites, & réduire suivant cette valeur, le mariage de chacune des seurs ; & en conséquence, ju-ger que l’ainé ou les ainés ayant pris préciput, doivent contribuer au payement du mariage avenant, proportionnément à la valeur de leurs Fiefs.

Or ces Fiefs doivent étant estimés valoir neuf fois plus que l’usufruit attribué aux puinés d’autant que les ainés ont les deux tiers de leurs Fiefs en pleine propriété, & qu’ils ont en outre la propiété de l’autre tiers, mais imparfaite, d’autant que l’usufruit en est séparé ; ils doivent donc être réputés avoir la valeur des deux tiers de cet autre tiers, parce que la valeur de l’usufruit n’est régulierement prisée que le tiers de la valeur de la pleine proprété.

Ce qui s’éclaircit par un exemple. Supposez qu’il y ait deux freres puinés & deux seurs, & que la valeur du Fief ou des Fiefs pris par préciput, soit de trente mille livres ; l’ainé ou les ainés qui ont pris ces préciputs, ont la valour de vingt mille livres pour la pleine propriété qu’ils ont des deux tiers de leurs Fiefs, & ils ont en outre la propriété de l’autre tiers, laquelle est imparfaite, Pusufruit en étant séparé : or cette propriété, ubsiracto usit fructit, est communément estimée valoir deux fois plus que l’usufruit séparé de cette propriété, dont il s’enfuit que la valeur de l’usufruit du tiers qu’ont les puinés, ne doit être régulierement estimée que le tiers de la somme de dix mille lvres ; c’est-àdire, trois mille trois cens trente-trois livres six sols huit deniers : ce qui est la neuvieme partie de ladite somme de trente mille livres. L’ainé donc ou les ainés ayant, au moyen de leurs préciputs, la valeur de vingt-six mille fix cens soixante-six livres treize sols quatre deniers Uqui sont huit parts, les neuf faisant le tout de ladite somme de trente mille livres ) doivent contribuer de huit parties, & les puinés d’une neuvieme partie au mariage avenant des seurs : il faut donc dans le cas proposé, diviser sen deux parties égales ladite somme de trois miile trois cens trente-trois livres R sols huit deniers, à laquelle l’usufruit des puinés a été évalué, pour en attribuer la moitié à chacune des deux seurs pour leur mariage avenant, qui égale la valeur de la moitié de l’usufruit, qui est la legitime de chacun des deux freres puinés. Or la moitié de trois mille trois cens trente-trois livres fix sols huit deniers, est seize cens foixante-six livres trcize sols quatre deniers, dont la moitié qui est huit cens trente-trois livres six fols huit deniers, est la légitime de chacune des deux seurs, & leur mariage avenant : dont il s’ensuit que les ainés ayant pris ledit préciput, doivent contribuer de huit parts, les neuf faisant le tout, au payement de ces deux mariages avenans, & que les puinés y doivent contribuer de la neuvieme partie. Or les huit parts, de seize cens soixante-fix livres treize sols quatre deniers, sont quinze cens trente-neuf livres six fols un denier ; & la neuvieme partie de la même somme, est cent vinge-sépt livres sept sols trois deniers. Et partant les ainés, dans l’espèce supposée, payeront pour le mariage de leurs seurs, ladite somme de quinze cens trente-neuf livres fix sols un denier ; & les puinés, celle de cent vingt sept livres sept sols trois deniers, & à ce moyen, auront pour leur part de la succession, l’usufruit du tiers des Fiefs pris par préciput par leurs ainés.

Une cinquième maxime est, que quoique les puinés ne puissent avoir qu’une provision à vie, quand toute la succession consiste en un Fief, que le frere ainé a pris par préciput, ou quand ils préferent la provision à vie à tous les autres biens qui pourroient leur appartenir aprés l’option faite par l’ainé d’un préciput : néanmoins les silles doivent avoir leur mariage avenant en propriété, suivant qu’il est expliqué par l’Article CCCLXI.

Mais sçavoir si cette propriété se doit estimer à raison de la propriété du tiers du Fief, ou seulement à raison de l’usufruit de ce tiers qui appartient aux puinés ; c’est ce qui n’apparoit point par les termes dudit Article COCLXI, lesquels ne sont que généraux, & signifient seulement que le Fief, à l’égard de la fille réservée à partage, est évalué en deniers pour ce qui lui en peut appartenir, pour en avoir une rente au denier vingt : ce qui semble devoit être interprété par ce qui vient d’être dit de la quatrieme maxime.

Il faut de plus remarquer, que l’arbitration du mariage avenant doit être faite par les parens, encore qu’elle se fasse entre les seurs, & les représentans les freres, comme les créanciers & acquereurs des freres : Que si pour quelque cause extraordinaire cette arbitration se faisoit par des Juges, elle se feruit aux dépens de cclui qui auroit mal à propos contesté, où les freres & les soears contribueroient aux frais,67


CCLXIII.

Le Fifc ou autre Créancier subrogé au droit des Freres, ou l’un d’eux, doit bailler partage aux Filles, & n’est reçu à leur bailler mariage avenant.

Les seurs ayant été excluses par la Coutume, des successions de leurs pere & mere, & autres ascendans, afin de conserver les biens dans les familles, lesquelles se perpétuent par les mâles, quand cette raison politique cesse, ou parce que les freres ont confisqué par leur crime, ou parce qu’ils ont dissipé par leur mauvaise conduite, les biens de ces successions, il n’est pas juste d’accorder au Fise ni aux Créanciers subrogés, les avantages qui appartenoient aux freres par un privilége personnel. C’est pourquoi il est statué par cet Article, que le fise & les créanciers subrogés doivent bailler partage aux filles & ne les peuvent pas réduire au mariage avenant : ce qui est conforme à la disposition de l’Article CCCXLV, qui exclut le fise & les créanciers subrogés, des Fiefs que les ainés avoient droit de prendre par préciput.

Mais quoique par le créancier subrogé, on entende régulièrement celui quipar des Lettres de la Chancellerie, a demandé la subrogation à tous les droits de son débiteur ; néanmoins la disposition de cet Article s’étend aussi au créancier qui fait décrêter les biens du frère, même pour les dettes du pere ou de la mere ; & en qualité de décrétant, exèrce les actions du décrété son debiteur.

On a même jugé, que l’acquereur qui a acquis le droit successif d’un-frère en général, sur la succession ou du pere ou de la mere, avec une clause de fiibrogation à tous les droits, ne pouvoit s’éjouir de la faculté qu’avoit son vendeur de bailler mariage avenant ; mais qu’il étoit obligé de bailler partage. aux seurs de sondit vendeur, encore que le mariage avenant eût été arbitré, mais qui n’avoit point encore été payé.

Ce que l’on a néanmoins limité, au cas qu’un frere unique ou tous les freres eussent vendu leurs droits successifs en général ; car quand il y a plusieurs freres, & que quelque-uns d’eux ont vendu leurs parts héréditaires en général, & que les autres freres sont entrés en possession de leurs parts, & veu-lent bailler mariage avenant à leurs seurs, conformément à la Coûtume, ces seurs ne pourront pas prétendre contre les acquereurs des droits fuccessifs-de quelques-uns de leurs freres, un partage en essence ; mais en ce cas, elles n’auront qu’un mariage avenant sur tous les biens de la succession : ce qui à été jugé par un Arrêt du 23 Juillet 1643.68 Il a été de plus jugé, que la soeur partageant avec les créanciers de son frere, n’étoit point obligée ni à prendre les dernieres aliénations, comme on est obligé dans la délivrance du tiers coutumier, ni à faire les lots, par n Arrêt donné en la Grand Chambre, le 7 d’Avril 1644. Ces deux Arrêts sont rap-portés parBasnage .


CCLXVIII.

Fille ayant atteint l’âge de vingt-cinq ans, aura provision sur ses Freres équipolente au Mariage avenant, dont elle jouira par usufruit attendant son Mariage ; & en se mariant, elle aura la propriété.

La fille qui n’est point réservée, ou qui n’a point été admise à partage, ayant atteint l’âge de vingt-cind ans ne peut rien demander à ses freres pour le-temps passé, sinon ses alimens & son entretien, ausquels les freres sont obligés de contribuer à proportion de la valeur du bien de leur succession, & du bien que peut posséder leur seur en vertu d’une autre succession ; encore que leur seur ait d’ailleurs, ou par quelque bonne fortune ou par son industrie, des biens suffisans pour se nourrir & entretenir : ce qui a été jugé par un Arrêt du 2 d’Avril 1659, rapporté parBasnage .

Mais quand la seur s’est fait adjuger la provision réglée par cet Article, elle ne peut disposer de son mariage avenant propriétairement, sinon en cas qu’elle se soit mariée ; car tant qu’elle est fille, elle n’en est qu’usufruitière, sans pouvoir aliéner la propriété pour quelque cause que ce soit : c’est en quoi sa con-dition ost bien différente d’une fille qui a été réservée ou admise à partage. laquelle endore qu’elle ne se marie point peut librement disposer des bions qui composent son partage, de la même manière que les mâles.69


CCLXIX.

Les Soeurs, quelque nombre qu’elles soient, ne peuvent demander à leurs Freres ne à leurs Hoirs, plus que le tiers de l’Héritage ; & néanmoins où il y aura plusieurs Freres puînés, & qu’il n’y aura qu’une Soeur ou plusieurs, lesdites Soeurs n’auront pas le tiers, mais partiront également avec leurs Freres puînés, & ne pourront contraindre les Freres de partager les Fiefs, ni leur bailler les principales pieces de la Maison, ains se contenteront des Rotures, si aucune y en a, & des autres biens qu’ils leur pourront bailler, revenans à la valeur de ce qu’il leur pourroit appartenir.

Apres que la Coûtume a déclaré les cas ausquels les filles sont regues au partage des biens de leurs ascendans, il a été nécessaire d’expliquer les regles qu’on doit observer dans leurs partages, en tant qu’elles different de celles qui se pratiquent dans les partages qui se font entre les freres. C’estce qui est éclairci par cet Article & les trois suivans : il est dit, premierement, que les soeurs, quelque nombre qu’elles soient, ne peuvent avoir que le tiers de l’héritage ; c’est-à-dire, des immeubles qui composent la succession ; & il est dit ensuite, qu’elles ne peuvent pas toujours avoir ce tiers, quand le nombte des freres étant plus grand que celui des soeurs, ce tiers étant partagé entr’elles, leur attribueroit à chacune une part plus grande que celle qu’un de leurs freres pourroit avoir dans la succession commune ; car c’est une maxime, qu’au-cune des seurs ne doit avoir une part plus grande dans les successions qu’elles partagent avec les freres, que celle qui peut appartenir à celui des freres qui a la moindre part dans lesdites successions, comme il a été remarqué sur l’Artiele CCLXII, & qu’il étoit déclaré par les termes de l’ancienne Coûtume, au Titre de Mariave encombré. C’est pourquoi lorsque les freres sont en plus grand nombre que les seurs, les seurs n’ont pas le tiers des immeubles, mais elles partagent par tête, & également avec les freres puinés ; cette qualité de puinés étant exprimée, pour faire entendre que ces partages ne peuvent diminuer les préciputs qui peuvent être pris par les ainés a quoi il faut ajouter, que les puinés ont l’avantage du choix, parce que les seurs ne peuvent prendre leurs parts qu’aprés que tous les freres ont opté celles qui leur peuvent appartenir : de plus, les seurs ont encore ce desavantage., qu’elles ne peuvent contraindre les frères à partager avec elles, ni les Fiefs ni les principales pièces ; c’estâ dire, les héritages les plus considérables de la maison ( suivant une autre expression de cet Article ; ) mais se doivent contenter des rotures & des autres biens moins importans de la succession pourvu que cela revienne, c’est-à-dire, soit égal à la valeur de la portion qui leur appartient.70


CCLXX.

Les Freres & les Soeurs partagent également les Héritages qui sont en Bourgage par toute la Normandie, même au Bailliage de Caux, au cas que les Filles fussent reçues à partage.

C’est une exception à l’Article précédent, par lequel toutes les seurs ne peuvent avoir qu’un tiers. Car si tous les biens d’une succession étoient en bourgage, même dans le Bailliage de Caux, les soeurs les partageroient par tête & également avec leurs freres, aussi-bien que les meubles ; encore que les biens de bourgage & les meubles, ne foient pas distingués des autres biens de la succession, quand il s’agit del’arbitration du mariage avenant, comme il a été remarqué sur l’Art. CCLXII.71


CCLXXI.

Les Soeurs ne peuvent rien demander aux Manoirs & Masures logées aux Champs, que la Coutume appelloit anciennement Ménages, s’il n’y a plus de Ménages que de Freres, pourront néanmoins prendre part ès Maisons assises és Villes & Bourgages.

Il déclare un autre avantage qu’ont les freres dans le partage qu’ils font avec les suurs, outre ceux qui ont été remarqués sur l’Article CCLXIx. Car comme la Coûtume a voulu donner un logement à l’ainé au préjudice des puinés, par l’Article CCCLVI, ainsi elle a voulu donner un logement à tous les freres au préjudice des seurs recues à partage, par cet Atticle CCLXXI.

Mais avec deux avantages plus grands que celui qui est fait à l’ainé par ledit Art. CCCLVI, par lequel l’ainé ne peut avoir ce préciput, quand il y a plusieurs Manoirs ou logemens dans la succession, & par lequel d’ailleurs l’ainé prenant ce préciput, est obligé d’en faire récompense à ses puines. Mais tout le contraire s’observe aux logemens que la Coutume donne aux freres par préférence aux seurs car ils n’en doivent aucune récompense à leurs seurs, par les termes de cet Article CCLXXI, & il a été de plus jugé, que quand il y a plus de logemens que de freres, les freres ne sont pas exclus de prendre par préciput chacun un logement, sans en faire aucune récompense aux seurs, qui de leur part ne prennent point les autres Manoirs ou logemens qui restent ; mais sont obligées de les employer dans les lots, pour être partagés comme les autres héritages, par un Arrêt de la Grand Chambre, du 18 de Juin 1670, rapporté parBasnage .72


CCLXXII.

Quand la succession tombe aux Filles par faute d’Hoirs mâles, elles partagent également ; & les Fiefs nobles, qui par la Coutume sont individus sont partis entre lesdites Filles & leurs représentans, encore qu’ils fussent mâles.

Il est général, & comprend les biens de Caux, qui se partagent également entre les filles, comme les Fiefs, n’y ayant aucune disposition particulière à cet égard, dans le Titre dés Suécessions en Caux : Quant à ce qui est dit specialement des Fiefs en cet Article, il faut rapporter ce qui a été exolioué de la tenure par parage, sur l’Article CXXVII & les suivans, jusqu’au CXXXVIII. outre l’Article CCCXXXVI.73


CCLXXIII.

Par Profession de Religion, l’Héritage du Religieux & Religieuse Profez, vient au plus prochain Parent habile à succéder, & deslors en avant, ils sont incapables de succéder, comme aussi est le Monastere à leur droit.

Il contient une maxime du Droit coutumier, ou plutôt une Loi du Royaume, par laquelle un Religieux, qui a fait profession dans un Ordre approuvé, aprés l’age de seize ans accomplis, & apres un an de probation ou de noviclat, est incapable de continuer la jouissance des biens qui lui appartenoient propriétairement, lesquels sont transferés à ses parens proches & plus habiles a lui succéder, & il devient de plus incapable de toutes successions, outre qu’il ne peut avoir d’autres héritiers que le Convent.74 C’est donc avec raison que les Religieux sont comparés aux fils de famille, ou plutôt aux esclaves, tant à l’égard de leurs biens, qui ne sont qu’un pécule, qu’à l’égard de la dépendance de leurs Supérieurs ; Nihil sibiacquirere possunt, nec-

Hipulari. Néanmoins ceux qui sont titulaires de Dénéfices, ont une libre administration de ce pécule ; c’est-à-dire, de leurs meubles & du revenu de leurs Bé-néfices : c’est pourquoi ils peuvent vendre & donner : mais ils ne peuvent faire de Testament pour frustrer l’Abbé ou le Monastere de leursdits biens.

On doutoit autrefois, si l’Abbé Commendataire pouvoit succéder aux dé pouilles des Religieux de son Abbaye : car quoique les Commendes soient des Titres perpétuels, & que les Commendataires de ce temps ne different en rien des vrais Titulaires, pour ce qui concerne le revenu du temporel des Bénéfices ; néanmoins ne laissant point leur succession au Monastere, mais à leurs parens, il sembleroit qu’ils devroient être exclus de la succession des Religieux : Quia reciproca debel esse hereditatis delatio, 1. penultima, S. ideo Sancimus, C. De adoptionibus. Mais c’est à présent un usage constant, que les Commendataires ont la dépouille & les biens des Religieux dépendans de leurs Abbayes.

Les Religieux de l’Ordre de Saint Augustin qu’on appelle Chanoines Réguliers, sont compris dans la regle de cet Article, quoiqu’ils ayent rang, & puissent vivre entre les Séculiers, comme étant in laxiors Regula, On en a excepté les Religieux faits Evéques, dont la succession a été déférée à leurs proches parens ; sur ce fondement, que la Dignité Episcopale les avoit émancipés, & délivrés de la servitude du Monastere : ce qui a été jugé par un Arrêt rappporté parLoüet , E. 54. quoique ces Evéques ne puissent pas succéder à leurs parens.75 Comme les Chevaliers de Malte sont de véritables Religieux, parce qu’ils font les trois veux solemnels, ils ne peuvent succéder, ni même posséder les biens qu’ils avoient avant leur Profession, nonobstant toutes les dispenses qu’ils pourroient obtenir de leur Grand-Maître ou du Pape, qui n’ont aucun pouvoir en France pour les choses temporelles. On leur a adjugé néanmoins quel-que pension par forme d’alimens, tant qu’ils n’ont point de Commanderie, parce que leur Ordre ne leur fournit rien pour leur subsistance, à moins qu’ils ne soient à Malte.

Il faut de plus remarquer, que les Religieux ne peuvent rien donner lors de leur Profession, ni auparavant, directement ou indirectement, aux Convens où ils sont reçus, par les Ordonnances d’Orléans, Article XIX, de Blois, en l’Article XXVIII, ce qui a été confirmé par plusieurs Arrêts du Parlement de Paris. Voyez Louet au lieu cité, & C. 8 & 18, & R. 42. Bérault rapporte quelques Arrêts semblables, & un, par lequel le Testament fait par un Capucin Novice fut cassé.76


CCLXXIV.

Celui qui est jugé & séparé pour maladie de Lepre, ne peut succéder ; & néanmoins il retient l’Héritage qu’il avoit lorsqu’il fut rendu, pour en jouir par usufruit tant qu’il est vivant, sans le pouvoir aliéner.

Il n’est plus en usage, parce qu’on ne juge, ( c’est ce que la Coûtume signifie par être rendu, en cet Article ) ni on ne connoit plus de Lépreux ; mais il sert à faire connoître, que la Coutume répute ceux qui sont réduits dans la nécessité de dépendre d’autrui, incapables d’aliéner leurs biens, leur volonté étant asservie à ceux qui les assistent.77


CCLXXV.

Bâtard ne peut succéder à Pere, Mere ou aucun, s’il n’est légitimé par Lettres du Prince, appellés ceux qui pour ce seront à appeller.

Les Bâtards sont ceux qui ont été engendrés, sans qu’il y ait eu un legitime mariage entre leur pere & leur mere. Quand donc un mariage est dé-claré nul, les enfans qui en sont nés, sont véritablement bâtards : mais quelquefois la bonne foi du pere ou de la mere, qui ont ignoré les empèche-mens qui causent la nullité de leur prétendu mariage, est cause que les enfans procrées pendant cette bonne foi, sont réputés legitimes, & jouissent des mêmes droits des personnes nées en légitime mariage.78

La Coutume ne propose qu’un moyen de légitimation, qui est celui des Lettres du Prince, & a omis celui du mariage subséquent ; quoique ce dernier ait le même effet que le premier, & qu’il soit plus considérable ; parce qu’il s’accomplit par la seule volonté du pere & de la mere, qui se peuvent marier sans le consentemont ou l’intervention de leurs parens.

Mais la légitimation qui se fait par les Lettres du Prince, requiert des formalités ; c’est-à-sçavoir, qu’il faut que ces Lettres soient homologuées & en-registrées du vivant du pere, ou apres sa mort du consentement de ses héritiers, appellés ceux qui pour ce sont à appeller, aux termes de cet Article c’est-à-dire, les plus proches parens. De manière que les Lettres de légitimation homologuées sans le consentement des parens, ne profitent aux Bâtards. que pour les rendre capables des Offices, Benéfices & Dignités, quantum ad honores, mais non pour les rendre capables de succéder à leurs parens, qui n’ont point consenti à leur légitimation, non quantum ad successiones,Bacquet , au Traité de Bâtardise, chap. 11 & 14. VoyezLouet , L. 7.

Or bien que les légitimations qui se font par ces deux moyens, fint restitutiones naturae, & antique ingenuitati ; & que conséquemment ceux qui ont été légitimés, perinde haberi debeant, ne si nunquam fuissent illegitimi, verè & non ficté nihil a legitimis filiis differentes, Authentica, Quibus modis naturales efficiuntur legitimi, §. si quis, & §. sit igitur : La legitimation néanmoins n’attri-buera pas le droit d’aînesse à celui qui étant né avant ses frères, procréés d’un mariage valablement contracté, a été depuis légitimé ; de forte que la légitimnation n’a pas un effet rétroactif au préjudice d’un tiers, & d’un droit qui est réputé lui être acquis.79

On a jugé en conséquence de ce principe, que les frères nés en légitime mariage ayant appréhendé une succession, ne devoient pas faire part de cette succession a leur frère depuis légitimé, par un Arrêt du 18 de Juillet 1614, rapporté parBérault .

Mais quoique les Bâtards ne puissent succéder ni à leur pere, ni à leur mere, ni à aucun, suivant l’expression de cet Article, ils ne sont pas exclus de la succession de leurs enfans procréés en légitime mariage, comme leurs enfans lé-gitimes ne sont pas incapables de leur succéder, parce que le Droit de bâtardise n’appartient point aux Seigneurs de Fief, au préjudice des enfans legitimes, par l’Article CXLVII, & que d’ailleurs reciproca debet esse hoereditatis delatio, suivant la Loi pénultieme, C. De adoplionibus citée sur l’Article CCLXXIII.

Il faut de plus remarquer, que les alimens ne peuvent être refusés aux Bâtards, & qu’on condamne les peres & les meres & leurs héritiers, à fournir aux Bâtards une pension viagere ; à moins qu’ils ne leur ayent fait apprendre quelque métier, & ne leur en ayent fait avoir la Maîtrise ; mais cette obligation ne passe point en la personne des autres parens, quoiqu’on ait jugé que les parens des pere & mere des Bâtards étoient recusables, & ne pouvoient connoître des causes des Bâtards, par deux Arrêts, l’un du 9 d’Avril 1631, & l’autre de l’année 1624, rapportés parBasnage . La veuve du pere du Bâtard, doit contribuer à la pension alimentaire qui est adjugée aux Bâtards, à moins qu’il ne soit procréé pendant son mariage ; car en ce cas elle en a été déchargée par un Arrêt du 11 de Février 1621, rapporté parBasnage .80

On remarque de plus sur cet Article, que les enfans exposés doivent être nourris & élevés par les Hopitaux des lieux ; ou quand il n’y a point d’Hôpitaux, par les Trésors des Eglises, suivant l’avis deBasnage , qui est fondé sur ce que les biens des Trésors étant provenus d’aumônes, ne peuvent pas être mieux employés qu’à une aumone, les enfans exposés devant être réputés pauvres de la Paroisse où ils ont été exposés ; que si les Trésors n’ont pas de biens suffisans, les Seigneurs de Fief & les Paroissiens doivent fournir la dépense, pour la nourriture & entretenement des enfans exposés : ce qui a été jugé par plusieurs Arrêts, cités par Bérault sur l’Article DCIV.


CCLXXVI.

Le Bâtard peut disposer de son Héritage comme personne libre.

On le doit interpréter par l’Article XCIV du Réglement de 1666, qui atteste que celui qui n’a point d’héritiers, ne peut donner, par Testament, ni entre-vifs, au-delà de ce que pourroit donner celui qui auroit des héritiers.81


CCLXXVII.

Les Enfans des Condamnés & Confisqués, ne laisseront de succéder à leurs Parens, tant en ligne directe que collatérale, pourvu qu’ils soient conçus lors de la succession échue.

Par l’ancienne Coutume, les enfans des condamnés & confisqués étoient incapables de succéder, tant en ligne directe qu’en la collatérale, quoique nés avant la condamnation ou le crime : c’est ce qui est changé par cet Article, qui ne se doit entendre que des enfans nés ou conçus avant la condamnation ; car ceux qui sont conçus depuis, sont exclus de toutes successions, comme nés d’esclaves, ex servis poena, qui sont privés des droits civil.82


CCLXXVIII.

Avenant que le Débiteur renonce, ou ne veuille accepter la succession qui lui est échue, ses Créanciers pourront se faire subroger en son lieu & droit pour l’accepter, & être payés sur ladite succession jusqu’à la concurrence de leur dû, selon l’ordre de priorité & postériorité, & s’il reste aucune chose, les dettes payées, il reviendra aux autres Héritiers plus prochains aprés celui qui a renoncé.

Cet Article s’observe, tant dans les successions directes que dans les collatérales : il est en faveur des Créanciers, & contre la disposition du Droit Romain. Mais la raison de la différence de ce Droit d’avec la Coutume est, que par le Droit Romain la possession des biens du défunt n’étoit point acquise de plein droit au plus proche habile à succéder, facto & additione opus erat : le débiteur donc repudians hoereditatem nolebat acquirere, sed pairimonium non diminuebat ; & partant l’Edit de revocandis quoe in fraudem creditorum alienata sunt, ne pouvoit pas avoir de lieu. C’est tout le contraire dans le Droit coutumier, par lequel de plein droit, le plus proche parent est présumé faisi & possesseur de la succession du défunt ; & conséquemment, en la répudiant imprudemment ou frauduleusement, diminuit patrimonium : de sorte que ses Créan-ciers fe peuvent faire subroger à son droit, pour être payés jusqu’à la concurrence de leur créance, sans qu’il leur soit nécessaire de prendre des Lettres Royaux de subrogation ; parce que c’est un remede préparé par la Loi, qu’il suffit de demander au Juge. On voit dansLouet , que les Ctéanciers qui se plaignoient de la renonciation faite par leur débiteur, à une succession qui lui étoit échue, concluoient contre lui qu’il se devoit porter héritier à leurs périls, risques & fortunes ; au moyen qu’ils lui bailleroient bonne & suffisante caution, qu’il ne souffriroit perte ni dommage de l’addition qu’il feroit de l’hérédité : ce qui avoit été jugé par les Arrêts rapportés par cet Auteur R. 19, 20 & 21, à l’égard des successions, tant de la ligne directe que de la collatérale : ensuite de quoi son Commentateur ajoute, que les Créanciers pourroient se faire subroger au droit de leur débiteur, pour accepter la succession qui lui seroit échue : par la même raison, qu’un débiteur étant négli-gent d’exercer les actions qui lui appartiennent, le Créancier peut se faire subroger pour les poursuivre inviro debitore, argumento legis penultimoe, C. De non numerata pecunia. Laquelle Loi déclare, que les exceptions quoe debitori competunt, competunt etiam ejus creditoribus qui iisdem exceptionibus uti possunt eo invito, à quoi est conforme cet Article de la Coutume, sur lequel il est à propos de remarquer, que les Créanciers qui se sont fait subroger, s’obligent au payement des dettes de la succession qu’ils appréhendent, au refus & tous le nom de leur débiteur, comme il se doit inférer des Arrêts rapportés parLouet , aux lieux cités : mais il faut en outre remarquer, que cette subrogation ne peut être demandée par le Créancier qui est postérieur à la renon-ciation faite par son débiteur, puisqu’elle n’a pu être faite pour le frustrer, & que par la renonciation, le droit étoit acquis avant celui du Créancier ; ce qui est entendu, dans le cas que la succession a été appréhendée par un parent ; car quand elle est encore jacente, le Créancier, quoique postérieur B l’échéance, trouvant le droit de succéder dans les biens de son débiteur, en peut demander la subrogation, qui ne seroit pas encore accordée ni au Seigneur du Fief, ni au Fise, en conséquence d’une confiscation jugée à leur pro-fit : car si la succession est échue aprés la condamnation, le condamné ayant été rendu incapable de succéder par la condamnation, n’y avoit point de droit ; que si elle est echue avant la condamnation, l’accusé y a pu renoncer valablement, au préjudice du Fisc ou Seigneur confiscataire, qui n’avoient point de droit acquis : ce qui a été jugé par un Arrêt de la Tournelle, du 21 de Juillet 1635, dont l’Article LIII du Reglement de 1666 a été formé.

Au reste, le Créancier subrogé n’a pas tous les mêmes droits que son débiteur avoit pu avoir dans la succession dont il s’agit ; car il ne peut bailler mariage avenant aux soeurs, par l’Article CCLXIII, il ne peut prendre les préciputs ni nobles ni roturiers, accordés aux freres par les Art. CCCXXXVII, CCCXXXIX, CCCLVI & CCLXXI, mais il aura seulement part égale avec les autres freres ou soeurs, suivant l’Article CCCXLV Il n’en est pas ainsi du préciput de Caux attribué à l’aîné par l’Article CCLXXIX, qui est acquis à l’aîné ipfo jure, sans aucun ministere de fait, de la même manière que les deux tiers de la succession de Caux : de sorte que s’il confisque ou décede avant que d’avoir fait partage avec ses frères, ses Créanciers subrogés ou le Fisc auront les mêmes avantages : ce qui a été jugé par un Arrêt du 20 de Novembre 1624, rapporté par Bérault sur l’Article CCCXIV.

Il a été jugé, qu’un aïeul ne pouvoit avancer son petit-fils des biens de sa succession, pour frustrer les Créanciers de son fils vivant : mais ce fils faisant Profession de Religion, ses enfans deviendront les plus prochains & les plus habiles pour succeder à leur aïeul, & par ce moyen les Créanciers se trouveront frustrés. Ce qui été jugé par un Arrêt de la Grand Chambre, du 6 de Fevrier 1643, rapporté parBasnage .83



1

Ce n’est point sur la Loi naturelle qu’il faut enter le Droit de succéder : un pere doit des alimens à son fils pendant la foiblesse de l’âge ; le fils, par un juste retour doit soulager la vieillesse & la caducité de son pere : voila la voix de la nature : elle se fait entendre beaucoup plus foiblement dans la ligne collatérale ; le Gouvernement civil a donc introduit l’ordre des successions pour prévenir les déréglemens d’une volonté corrompue par les passions : Bérault ; l’Auteur de l’Esprit des Loix.

Les dispositions de nôtre Coutume sur la manière de succéder, sont en quelque sorte sacrées, un pere de famille a, sans doute, la prérogative de régler la fortune de ses Héritiers en changeant la qualité de ses biens, en vendant des Rotures pour acquérir des Fiefs, ou en remplacant des biens de la Coûtume générale sous celle de Caux ; mais la Coûtume ne lui confie point le pouvoir de géner les dispositions de son Successeur par des défenses d’aliener ou des substitutions : si un Héritier dissipe follement ses revenus, le Magistrat lui donne des entraves en connoissance de cause ; mais jusqu’alors les biens hérités sont l’objet de ses Créanciers. Basnage


2

La supputation Canonique que l’Auteur distingue clairement de la supputation civile, est d’un usage constant dans la succession des propres, mais hors le premier degré de repré entation, elle n’a point lieu dans la succession collatérale aux meubles & acquêts ; ainsi Poncle du défont exclut de cette succession le cousin germain du même défunt, quoique l’un & l’autre soient à son égard dans le second dégré, suivant la supputation Ganonique : cela se développera dans le Chapître qui régit les Successions aux acquets.


3

Le mort saisit le vif. L’utilité publique a fait naître cette regle. Autrefois dans presque tous le pays coutumier, soit en ligne directe, soit en ligne collatérale, le Seigneur ou ses Juges, aprés l’ouverture de la succession, y apposoient la main ; les Héritiers pour en obtenir la délivrance, étoient obligés de faire la foi & hommage, & payer les reliefs, s’il étoit question d’un fief, ou la saisine, s’il s’agissoit de fonds roturiers. En Bretagne la Justice est encore saisie e ligne collatérale, & cette disposition occasionne des exactions de la part des Officiers de Villages. Cette Jurisprudence est inconnue en Normandie, on y suppose généralement que le défunt a transuis un instant avant que de mourir ses biens a l’héritier que la loi lui donne : car Dieu seul, comme ditGlanville , peut faire un héritier.


4

Si un homme marié renonce à une succession collatérale qui lui est échue, & la prend au nom de ses enfans, & qu’il contracte ensuite un second mariage, les enfans sortis de ce mariage ne pourront reclamer aucune part dans la succession appréhendée auparavant : les secondes nôces du pere commun : Arrêt du 15 Mars 1762. Cet Arrêt a été rendu en Grand’Chambre, sur un partage à la seconde des Enquêtes, & sur un pourvoi au Conseil, il a été confirmé, le pere pour prendre cette succession, s’étoit auparavant fait autoriser par la famille. On cite un pareil Arrêt, rendu au rapport de M. de Ranville, le 1s Juin 1759.

On n’observeroit pas la même Jurisprudence, s’il étoit question d’une succession en ligne directe, parce que dins ce cas on ne régarde la renonciation du pere, que comme une précaution pour le ménager des arrangemens avec les éréanciers. Arrêt du 25 Février 1729.


5

L’absence de l’Héritier présomptif fait naître Souvent des difficultés ; il peut à cet égard y avoit plusieurs ordres de Parties intéressées & on fait une distinction entre les Heritiers les plus proches de cet absent & ses Créanciers : on fait valoir en faveur des premiers la présomption de mort, aprés un cettain temps mieux déterminé par les circonstan-ces. que-par toute autre regle s ; on leur donne le gouvernement, même une espèce de suisine de la Succession, sur caution cependant du prix des meubles & des revenus des im-meubles, pour, en cas de retour de l’absent, assurer la restitution des dépût & séquestre fait : par la Justice ; mais les Créanciers de l’absent peuvent soutenir, au contraire, que leur Débiteur n’est point mort opposer la présomption de la vie la plus longue, & condurs a la subronation d’ens ses Droits, en donnant des suretés pour le rapport, dens le cas où l’absent seroit décé lé avant l’echéance de la Succession :Decius , c. 575,Aufrerius , Décision 113.

Toutes les fois que l’absent est réputé mort il est réputé tel du jour qu’il n’a pas paru, dit le Président de Lamoignon dans ses Arrétés, & de la dernière nouvelle qui a été recue de lui. Vuyes les Observavions de Bretonnier surHenrys , Tome 2, Liv. 4. quest. 46.

Basnages, sous cet Article, rapporte un Arrêt du 11 Aout 1Sad, conforme à l’opinion de Bretonnier M. de Lamoignon & à celle de Bratonnier. En partant de ce principe, par Arrêt de ce Parlement du 13 Août 1736, on a déchargé des neveux de faire preuve du temps de la mort de leur oncle, & on leur a accordé le tiers coutumier dans la succession de leur pere sur les biens de cet oncle absent avant le mariage de son frere


6

La Jurisprudence proposée par l’Auteur en faveur des François nariés dans le pays étranger, & de leurs enfans qui reviennent en France, n’éprouve point de révolution ; elle a été confiimée par deux Arrêts, l’un du 12 Juin 1742, & l’autre du 3 Février 17s2 avec les tempéramens qu’il y apporte. On a encore jugé le 24 Juillet 178o, que la fille d’un François prétendu protestant, envoyé en Angieterre des sa tendre jeunesie, mariée depuis en Hollande avec un naturel Hollandois, sans le consentement de ses pere & mere, détenue en Hollande par ses infirmités actuelles, étoit habile à succéder a son pere mort en France, sous la condition de retour, & avec les clauses précautionnelles ordinaires.


7

Les questions de Mariage ont un rapport essentiel avec celles des Successions : le Mariage est un Contrat legitime, auquel est attachée la grace d’un Sacrement ; sa validité dépend de sa légirimité.

Les mariages clandestins sont enfin déclarés nuls par nos Ordonnances d’aprés le Concile de Trente ; on appelle mariage clandestin celui qui n’a point été célébré suivant les formalités prescrites par les Loix du pays : Ordonnances de Blois, Art. XL, du mois de Janvier 26ay, Art. XXXIX On a confirmé par un Arrét célèbre du 22 Mai 1749, un moriage célèbré en Allemagne. par un Officier François & majeur, avec une Allemande, suivant la loi du Concile de Trente, qui est la loi du pays ; Popinion contraire donneroit la facilité à un étranger de deshono-rer une famille, ou le forceroit à vivre loin de sa patrie pour conserver son état.

Le fils de famille ne peut se marier en France avant 30 ans, & les filles avant 25 ans, sans le consentement de leurs pere mere, tuteurs ou curateurs : un mariage contracté sans cette précaution est qualifié rapt de séduction, ou mariage clandestin : Ordonnance de 1830.

Art. Il : Les Canonistes François : Arrêt de ce Parlement du 7 Mars 1698. Dans le commencement du siecle passé, quand un fils de famille avoit, sans le consentement de ses parens contracté une alliance inégale, la pratique constante étoit de déclarer l’engagenient nul, de défendre aux parties de se fréquenter, de condamner la fille au fouer & au bannissement hors la Province, quelquefois à la mort, selon l’énormité de la violation des regles. L’oyezBérault , Godefroy &Basnage .

Nous donnons la même force à la puissance paternelle, lorsque les recherches & les engagemens d’un enfant de famille ont commencé dans la minorité, le temps ne doit pas en-fever à un pere les moyens de secourir un fils sur le penchent de l’abime creusé de longue main par la séduction habile à profiter de la foiblesse de l’ége. Telle est la décision de Barthole sur la Loi 3. D. de Min. si dolo adversarii negotium tracum est, dit il, ut in majori ctate persiciatur, si finis habet necessariam consequentiam ud principium. Les Auteurs sont pleins des décisions des Cours Souveraines, en faveur de ces peres infortunés que la tendresie à armé contre leurs enfans retenus dans les liens d’une folle passion ; le Parlement de cette P’ro-vince a toujours, dans de pareilles circonstances, veillé avec le plus grand zele à l’honneur des familles, & puni sévérement la révolte La mère, aprés le déces de son mari a, pour s’opposer au mariage de son enfant, un pouvoir égal à celui du pere ; mais il pourroit être d’une facheuse conséquence, qu’elle ariétât seule le mariage de ses enfans, sur-tout lorsqu’elle a convolé en secondes noces.Basnage .

Arrêts des 9Février 1742 & 4 Décembre 17ad, qui jugent ainsi ces deux questions.

Quand il y a de la malignité ou de l’injustice dans l’opposition des parens au mariage de leurs erfans, le Magistrat modere en connoissance de cause une rigueur déplacée ; mais le ces est tres-rare : Arrêts des 14 Février 1645 & 12 l’évrier 167o. Bainage.

Le Tuteur doit un compre exact de son pouvoir à la lois quand les motifs de son opposition ne sont pas évidemiment désintéresses, les Tribunaux suppléent le consentement du Tu-teur sur la délibération des parens de la tutelle ; mais le Tuteur & la famille ont qualité pour n’opposer au mariage du pupille aprés la majorité de 20 ans : Arrét du S Tevrier 1671. Did. Si dins les mariages des enfans de famille on relache une partie des formalités, les dispenses doivent être sollicitées par ceux qui ont un pouvoir sur le mariage ; autrement elles se-ront nulles & abusives : Ordonnance de Blois, Art. XI.

Les dispenses ne couvrent en aucun cas la fraude ni les démarches mystérieuses pour surprendre l’esprit de la Loi ; elles ne militent point contre l’honnéteté publique & les Canons recus dans les lieux de la célebration du mariage.

C’est une Loi de l’Eglise & de l’Etat que le mariage soit célébré à proprio Parocho. Un Domicile pris en fraude des Loix de l’Eglise & de l’Etat, en présentant l’idée d’une foumission apparente aux deux puissances, est l’ouvrage ordinaire de la corruption du coeur & de la seduction, & décele une espèce de révolte qui ne doit pas échapper au glaive vengeur de la Jus-tice dépositaire de l’honneur des familles : Journal du Palais, tome ; Conférences de Paris.

Les Canonistes modernes ont introduit la distinction des moyens d’abus absolus & relatifs ; il faut du bon sens pour placer cette distinction à propos : on s’en sert dans le langage. commun pour faire sentir la différence qu’il y a entre la puissance paternelle & l’intérét des collatéraux.

Les enfans ne prescrivent par aucun temps le respect du à leurs parens ; quelqu’âge qu’ils ayent atteints, ils doivent requérir leur consentement avant de se marier : la peine du mépris est l’exhérédation, qui étant déclarée, s’étend sur leur postérité, si les ascendans avant de mourir n’ont donné des preuves d’une véritable reconciliation : Ordonnance de Henri IE du mois de Fevrier 1556 ; Arrêt du 24 Fevrier 1736.

La population ou, ce qui signifie la même chose, la multiplication des Citoyens importe extrémement à la gloire & à la conservation des Etats ; c’est par une conséquence de cet intérét précieux qu’il est étroitement défendu, par nos Loix, aux naturels François de se marier dans les pays étrangers, & à leurs parens de consentir à leurs mariages ; c’est une autre conséquence que la sortie des peres, meres hors du Royaume, ne doit pas être un obsta-cle au mariage de leurs enfans, les plus proches parens remplacent alors leur autorité. Voyer les Déclarations des 16 Juin 168s & 6 Août 1686

Les mariages secrets different des mariages clandestins, en ce que ceux-là sont contractés suivant les regles de l’Eglise & de l’Etat ; mais les époux aussi-tôt abdiquent aux yeux du publie la qualité dont ils viennent d’être décorés, & affichent leur premiere liberté, un domicile separé, des impositions distinctes sur les registres publies la qualité prise par la fem-me dans des actes authentiques de fille usant de ses droits, le défaut de relation entre l’époux & la famille de l’épouse S vice versâ, ces traits caractérisent un mariage secret ; il faut cependant des monumens frapans pour enlever à des Citoyens des biens que la Loi leur défere, car les mariages secrets sont destituës en France des effets civil.

On les refuse encore, ces effets, aux mariages contractés in extremis & précédés de concubinage ; nous avons étendu la Loi, tant à l’égard des femmes qu’à celui des hommes, son motif se tire de la foiblesse d’un moribond, investi des horreurs du tombeau, il ne conservE pas assez d’égalité d’ame pour contracter un engagement sérieux : Edit du mois de Mars 1697.

Sur les empechemens dirimans, les formalités du Mariage, les questions de domicile, consultez les Auteurs cités sur cet Article

La nécessité d’un mariage conforme au voeu des Ordonnances, pour complêter l’être civil des enfans, conduit aux questions d’état : il n’est pas toujours facile de prouver individuellement son état, mille nuages formés par l’ambition ou le dérangement des affaires des pa-rens peuvent l’envelopper d’obscurité, la preuve la plus solide de l’état se tire de la possession publique, puisqu’il n’est autre chose que le rang que chacun occupe dans la société ci-vile des hommes, cette possession s’établit par les témoignages subsistans du pere & de la mere, les reconnoissances littérales d’une famille & celles des étrangers ; mais il seroit périlleux de faire toujours dépendre l’état d’un enfant des actes de célébration du pere & de la mère ; l’incertitude ne s’arrêteroit pas au premier dégré de succession ; le petit-fils seroit obligé de rapporter les Titres de son aieul On a jugé par Arrét du 26 Juin 1760, au rapport de M. du Possé, que la possession d’état suffisoit pour constater la légitimité ; l’Arrêt dispense ce fils de justifier de l’acte de célébration du mariage de ses pere & mere, il réunissoit tous les autres monumens propres à as-surer son état. On a débouté sur le même principe, en Grand’Chambre, par Arrêt du a8. Mars 176s, l’Héritier d’une femme de la demande en représentation de l’acte de celébration de son mariage, formée contre les Héritiers de son mari, dans la vue de les frustrer, par le défaut de représentation de cet acte, des droits acquis au mari par son contrat de manage : la possession de l’état des époux étoit constante.

Comme chaque siecle voit paroître sur la scene des imposteurs, quand on fe présente pour faire la conquête d’un état nouveau, avec des faits circonstanciés dont on demande à informer à témoins, la prétention est proscrite dans les Tribunaux instruits ; on n’admet les preuves testimoniales que quand les titres & la possession fe choquent, & pour former un corps de lumière des rayons qui commencent à partir de toutes parts.

Cette question a été ainsi jugée dans les deux espèces, par Arrêts des a6 anvies & 25 Juin 1730

Voyer Bérauit sous les Articles CCLxxy & CCcLXIx,Basnage , sous les Articles CeXXXV & CCCLxix, Traité des Dispenses ; Conférences de Paris ; Journal des Audiences, tome 1 & 3, Soefve ; Plaidoyers deCochin , tome I, 2, 3, 4 & 5 ; Lois Ecclesiastiques, tome z ;Duperray , du Mariage ; Traité de l’Abus, dern. Edit. Dict. de Brillon


8

Les Annotateurs de Duplessis posent, comme un point de Jurisprudence incontestable. que c’est du jour de l’exécution de la Sentence par contumace que courent les cinq ans accordes à l’accusé par l’Art. XXVIII de Moulins, & l’Art. XIX du Tit. 17 de l’Ordonnance de 1670. Si le condamné meurt sans s’être représenté dans les cinq ans aprés l’ex écution de li Sentence de contumace, il sera réputé mort civilement du jour de l’exécution : si la peine prononcée est telle qu’elle emporte mort civil ; l’exécution produit encore un autre effet, c’est que depuis ce temps le erimene peut s’effacer par une prescription moindre de 30 ans.

Cette décision donne lieu à deux questions : 10 Si le condamné à une peine emportant mort civil, décede dans les cinq ans, mourra-t’il integri status ) 20. Ce condamné est-il, apres trente ans, restitué à l’être civil ; La Jurisprudence du Parlement de Paris paroit différente de la nôtre sur la premiere question.Ricard , des Donat. part. 1, chap. 3, sect. 4, n. 255 & suiv. est d’avis que le condamné qui est mort dans les cinq ans, a pu recneillir toutes les successions qui lui sont échues dans l’intervalle entre la Sentence de condamnation, recevoir toutes donations & legs testamentaires, & les transmettre. LeBrun , des Success. liv. 1, chap. 1, sect. 2 & 3, adopte l’opinion deRicard . Basnage dit, sous cet Article, que nous ne tenons pas cette maxime, que la condamnation par contumace soit tout-à-fait éteinte par la seule mort du condamné, mais qu’on ne fait pas de difficulté de recevoir les parens & héritiers du défunt à purger sa mémoire.Richer , de la mort civil, chap. 3, paroit s’éloigner des Auteurs de Paris, & son fentiment se rapproche de celui deBasnage . L’Article XXIX du Tit. 17 de l’Ordonnance de 167o, donne à la mort naturelle du condamné, arrivée dans les cinq ans, le privilége de le faire déclarer mort integri status quoiqu’il ait vécu depuis la condamnation en état de mort civil, en sorte que cet article ne suspend pas entièrement pendant les cinq ans : car le privilége n’est point accordé au laps de cinq années, mais seulement à la mort naturelle de l’accusé, ce qu’il y a de certain c’est que l’Ordonnance de 16yo, Tit 2y, contient des difpositions pour purger la mémoire du condamné par contumace, qui rentrent dans les principes deBasnage . La seconde question n’est pas difficile : le condamné ayant laissé écouler trente ans depuis la Sentence de contumace & son exécution, prescrit bien contre la peine qui y étoit prononcée, mais la Sentence, par le lapy de temps, prescrit contre fui l’action qu’il avoit pour se-représenter ; ainsi ne s’étant point représenté dans les cinq ans de l’exécution du jugement, ni dans les trente ans, la mort civil est irrévocable, le condamné n’a plus d’être civil pour ester à droit. Arrêt du Parlement de Paris du 7 Septembre 1727.

On a jugé, sur le même princine, au même Parlement, au rapport de M. Severt, par Arrét du S Mars 1738, que la prescription de trente ans ne rehabilite pas le condamné à mort par contumace dans les effets civil, & qu’ainsi il est incapable de recueillir les successions échues depuis les trente ans. La Combe, Arrêts imp. en 1743.


9

Basnage rapporte un Arrêt du 6 Mars 1o83, qui appointe le Receveur du Domaine à prouver que le condamné avoit fait acte d’héritier dans une succession qui lui étoit échue depuis le crime, mais auparavant le decret de prise de corps. Richer de la mort civil chan. 1, sect. 1, combat cet Arrét par la maxime, le mort saisit le vif. Dans l’instant dû déës, dit cet Auteur, la propriété de tous les biens passe sur la tête de P’hoir le plus proche nay, le à succéder ; cette saisine s’opère de droit, par la seule force de la Loi, sans aucune appréhension de fait : or cette saisine de droit forme la possession la plus parfaite qu’on puisse imaginer ; on ne peut mieux la caractériser qu’en disant avec la plupart des Coutumes, qu’elle donne droit de former complainte, ce qui est le principal exercice de la possession. Le mosif qui a détermineBasnage , continue touiours M.Richer , ne paroit pas suffisant pour détruire une regle pénéralement adoptée ; une loi ne se détruit que par une loi postérieure & précise : je rénonds à ce raisonnenient, qui ne laisse pas de frapper, qu’il existe une regle aussi formelle que la regle le murt fuisit le vif., qui est celle-ci, il ne se porte léc-tier qui ne veut. Art.

CCexVI de la Coûtume de Paris.


10

Nous avons dans Bérault un exemple d’indignité que l’on ne lit point sans un frémissement d’horrent : un pere avoit épuisé sa tendresse & ses soins auprés de son fils atra-qué de la peste, les assiduités, les traitemens paternels lui procurerent la guérison : à peine ce fils a recouvré la santé que la contagion se communiqunnt, le pere éprouve la même maladie : ce fils ingrat prétexte le voeu d’un pélerinage & l’abandonne ; le pere meurt le fils est déclaré indigne de succéder par Arrêt du 1o Décembre ISro, le Comte de Soissons éant au Parlement. Il est vrai que le pere avoit, avant de n’ourir déchérité son fils, mais le seul fait suffisoit pour l’exciure de sa succession

Quoique nôtre Jurisprudence, conforme en cela aux Loix Romaines, punisse, par la privation de l’hérédité, ceux qui ne poursuivent pas la vengeance de la mort du défunt, on excepte les Mineurs & ceux que la pauvreté net dans l’impuissance d’agit Les Loix qui déferent la poursuite du crime sont uniformes parce qu’elles sont dictées par la nature ; l’accufation appartient à la proximité du degré de parenté, les parens dans’une distance égale ont le droit d’y concourir.

Plusieurs parens étant admis à la mé ne accusation contribuent aux frais par portion virile, & partagent de même les intéréts civil.

C’est s’égarer que d’adopter l’ordre des successions dans une matiere où l’on considère les noeuds du sang avant la capacité de succéder : nos deux Commentateurs rapportent des Arrêts qui paroissent opposés à cet égard, la maxime que je propose est sans équivoque.


11

On a suivi l’opinion de Pesnelle dans un Arrêt rendu en l’Audience de Grand Chambre le 14 Décembre 1758, dont je vais rapporter sommairement l’espece. Un pere avoit cédé à son fils en 1727 des fonds jusqu’à la concurrence d’une somme de r50o livres, dont il lui étoit redevable : l’acte étoit dirigé sous la signature du pere & de deux ténioins, mais il n’étoit point signé du fils il prédécéda son père ; apres le décis de ce pere on prétendit que les petits-enfans étoient héritiers de leur aieul, on attaqua l’acte de fraude, mais il avoit eu 22 ans d’exécution pendant la vie du cédant, lui-même en avoit reconnu l’existence dans un inventaire solemnel aprés le déces de son fils, & on disoit en fa-veur des perits, enfans que quand les Créanciers prendroient la voie hynothécaire, on leur établiroit la légitimité de la dette qui avoit donné lieu à la cession, par cet Arrét les Créanciers de Paieul furent déboutés de leur prétention,


12

La renonciation des enfans aux siccessions directes est reputée frauduleuse, quand il en jouissent dans la suite sans aucune liquidation de leurs Droits : Arrét du 8 Août 1749.

Une jouissance toute de fait & sans autorisation de Justice fait présumer la fraude quand rien ne s’onpose à la présomption. On ne doit en effet avoir aucun égard à une renonciation qui n’ect point serienfe & qui ne tend qu’a tromper des Créanciers ; on s’empare de tous les biens, des titres & papiers, on en dispose comme maître absolu : alors la Loi ne veut pas qu’on s’arrête aux paroles ; elle n’appercoit point de renonciation où elle ne reneontre point un abandonnement effectif de l’hérédité, lex rebus non verbis dataest, ueritus potius quûm scriptura perspici debet, ( acta simulata subsiantiant rei mutare non possunt.


13

On ne peut opposer au mineur devenu majeur, qui veut renoncer à une succession acceptée par son Tuteur, les Actes d’administration qu’il auroit faits en majorité, comme une suite nécessaire d’une affaire commencée dans sa minorité : lournal du Balais, tome L La renonciation tacite, en s’abstenant de l’hérédité, a autant de force que la renonciation expresse, quand on ne veut point exiger le tiers coutumier. L’Héritier présomptif, qui a gardé le silence, peut se porter Héritier sans Lettres de Chancellerie, & son actionn’est point bornée par le temps ordinaire pour les obtenir, quand même l’Héritier plus éloigné auroit joui de la succession.


14

Quand un Héritier plus proche évince d’une succession un Héritier plus éloigné, il semble que pour décider la validité des Actes on fait attention à la bonne foi de toutes les Parties : Arrêt du 1o Juin 1739, en faveur des Actes passes par l’Héritier le plus éloigné, dans le cas où l’Héritier presomptif s’étoit abstenu, les circonstances entrent en con-sidération.

L’rIéritier évincé peut repêter la valeur de ses améliorations à la déduction des fruits.

Dans le concours d’Héritiers de diverse ligne, les Heritiers d’une ligne habiles à succéderaux meubles & acquêts, peuvent, afin d’éviter la charge de toutes les dettes contractées par le défunt, sien abstenir ou les répudier, & accepter la succession des propres de leur signe, d’autant que la succession des propres & celle des meubles & acquêts sont considérées généralement parlant comme deux successions distinctes & absolument indépendantes.


15

DuMoulin , sur Bourgogne, des Droits & Appartenances à gens mariés, Art.

XXIV verb. actions personnelles, potest tamen uxor intervenire enam invito natito authorata à judice in propriis suis ne colludatur ut dixi in Consuetud. Paris. 8. 113. Mais la femme qui par imprudence accepte une succession, ne peut engager les biens de son mari, pourvû qu’il n’ait point autorisé l’acceptation & qu’il n’ait rien touché. Arrêt du 18 Mars 17I8, entre le sieur de la Bunodière, Auditeur des Comptes, & un sieur AbbsLonguet, plaidant le Chapelain pour le sieur de la Bunodière.


16

Il y a trois ordres de successions legitimes, ditDomat , Préf. sur les Succes. n. 4. selon trois ordres de personnes que les Loix y appellent : Le premier, est celui des enfans & autres descendans : Le second, des peres & meres & autres ascendans : Et le troisieme des frères & seurs & des autres proches qu’on appelle collatéraux, parce qu’au lieu que les descendans & les ascendans sont dans une même ligne qui les lient successivement de l’un à l’autre, les freres & tous les autres plus éloignés sont entr’eux les uns à côté des autres, chacun dans sa ligne sous les ascendans qui leur sont communs fleureusement nous n’avons point à discuter les embarras qui naissent de l’Edit de l’an 1567, appelle vulgairement l’Edit des Meres, la Loi est égale parmi nous du côté du pere, comme de celui de la mere & des autres ascendans : les propres ne remontent point au-delâ de leur ligne ; le pere est exclus des propres maternels de son fils par les parens collatéraux de la mere, de même que les parens coslatéeaux du pere excluent la mère dans les propres paternels de son fils ; & les ascendans, lorsqu’il y a des deseendans d’eux, ne succedent point à leurs enfans ou petits. enfans : Art. CexLI & CexIII de la Coûtume


17

Cet Article est fondé sur Pidée de la subordination qui, dans une parfaite égalité, soumet le plus jeune au plus âgé, & il substitue un chef à la famille ; dans cette vue les dispositions du pere, en faveur d’un de ses enfans puinés, ne changent point l’ordre qu’il éta-blit, l’avancement par le déces du pere devient un bien commun, & le frère ainé est cependant saisi de la fuccession universeile : Arrêt du 30 Mai 1754.

L’absence du puiné n’empéche point le frère ainé de faire les fruits siens ; mais il est équitable d’examiner si l’absence du puiné a un motif nécessaire ou utile au bien public ; car le frère ainé ne doit pas profiter de l’ignorance & de l’inaction de son frere qui ont une cause legitime : Arrét du 5 Mers 1676.

De deux freres jumeaux celui qui le premier est sorti du ventre de la mère a le droit d’ainesse, cette prérogative est importante, s ainsi quand il nait deux enfans d’un n’ême accou-chement, il est d’une particuliere atréntion de bien désigner sur les Régistres de Baptêmes. lequel des deux a la priorité de la naissance ou bien on présumera que celui qui y est le premier inscrit est le premier né. Voyet du Moulin & les autres Commentateurs sous l’Arti-cle XIII de Paris ; leBrun , des Successions, Liv. 2, Chap. 2, Sect. prem.Godefroy , sous cet Article de notre Coûtume


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Bérault , dit simplement que le frere n’est supposé tuteur de ses frères mineurs qu’à l’effet de lui faire rondre compte des fruits de la succession, & que nous n’avons point en Normandie de tutelles légitimes. Voyer l’Art. 1, du Reglement du y Mars 16y3, sur le fait des Tutelles.


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Nous avons des preuves certaines que la représentation étoit inconnue dans l’ancien Droit François, soit dans la ligne directe, soit dans la ligne collatérale ; le fils excluoit le petit-fils dans la succession de son pere, aieul du petit-fils ; l’oncle excluoit son neveu en succession collatérale. Cela est ainsi décide dans lalLoi Salique, Tit. 62 de Alode, & résulte des Formules deMarculfe , Liv. 2, Chap. 10. Je remarque cependant avecPithou , lur Troyes, Art. XCII, que Childebert avoit porté un decret sur la loi Salique, qui appelloit les fils du frère & de la suur à la succession de leur aieul avec leurs oncles & tantes mais ce decret ne fut point suivi. In directâ tamen lined, dit du Moulin sur Boulenois, Art. LXXVII. omnes fere consuetudines à Parisiis trans Sequanum versus Belgiam 8 Aquilonem pares olim fuerunt, S hobent rationem in hoc, ne filii audeant contrahere matrimonium generare nepotes sine consensu parentumquipossunt eos habilitare ad succe dendum. Copendant l’ancien Coûtumier, Chap. 26, admet la représentation. Voyer les anciennes Coutumes de Dijon, publiées parPérard , les anciennes Coutumes notoires du Châtelet, Art. LXXxV.Bracton , Liv. 2, Chap. 22. n. 1. Pasquier, Recherches de la France, Chap. 18.

Quand une fois le fils ainé est incapable de succéder, soit pour crime ou pour veux de religion, exhérédation ou indignité, le droit de Primogéniture passe au premier puiné. Secunde genitus, dit duMoulin , S. 8, Gl. 2, n. 27, sive immediuté sequens filius obtinebit solidum c verum jus Primogeniture quia consuetudu loquens de primogenito intelligitur de habili ad succedendum

Par la renonciation du fils ainé à la succession, son droit passe aussi au premier puiné, non acerescit singalis, sed ex successorio edicto transmittitur folummodo in personam secundo geniti de capite in caput de si primogenitus qui precedebat in rerum natura non effet.


20

Nôtre Coûtume étend beaucoup plus la représentation que la plupart des autres Coutumes du Royaume ; la représentation parmi nous rapproche non seulement le parent le plus éloigné, mais elle donne souvent l’exclusion au parent le plus proche en faveur du plus éloigné : nous la recevons en ligne collatérale dans les propres jusqu’au septieme degré inclusi-vement ; elle attribue non seulement des prérogatives à la branche ainée ; mais, par une suite de la même doctrine, l’ainé de cette branche peut dépouiller les membres qui la composent, en prenant dans la première division un Fief qui vient ensuite à son fingulier profit. VoyezCujas , des Fiefs, Liv. prem. Chap. 11 ; duMoulin , 5. 8, Gl. 3, n. 5.


21

Propres ne remontent. On faisoit autrefois un étrange usage de cette regle, il en résu’toit que les ascendans étoient non-seulement exclus du droit de succéder par ceux à qui ils avoient donné le jour, mais par les collatéraux de ces ascendans : l’oncle du défunt excluoit son pere, purceo que, ditLittleton , est une maxime en le ley, que in her tance poet linearement discender, mes nemy ascender. L’Auteur des anciennes Loix Françoises dit que cet abus, qui subsistoit en Neustrie lorsque Raoul en prit possession, se perpétua en Angleterre, il ne fut réformé chez nous que vers le regne de Philippe Auguste, & notre ancien Coutumier adopta la réformation : le but de cette regle est maintenant d’empécher la confusion des héritages procédans de diverses lignes ; cette regle est plus clairement posée dans l’ancien Coûtumier, Chap. 25, que dans la Coutume réformée, on en jugera par comparaison. Voici comme elle est concue dans l’ancien Coutumier : n l’éritaige des enfans revient au pere quand il n’y a nul y qui soit descendu de lui, se l’éritaige est descendu de lui, aussi doit l’en dire de la necre de n l’ael, du besael, & du tiers-ael, & de l’aelle de la besaelle, & de la tierce-aelle. n On saisit dans le texte la fin que se propose la loi du pays.

Bérault prouve que cet article est bien placé sous la succession des propres : car les biens hérités de l’aieul par les petits-enfans à cause de la renonciation du pere, les fonds qu’ils ont retirés à droit lignager, ceux venus par avancement de succession, le tiers-coutumier délivré aux enfans à l’occasion du dérangement des affaires de leur pere : voilâ des propres dans la succession des enfans qui n’ont point de descendans.


22

Le droit de reversion en ligne directe est si favorable, que, suivant du Moulin sur l’Artiele LXXVIII de Valois, & LXXIV d’Artois, il a lieu dans toutes les Coûtumes qui n’en parlent point, hoc justum est & observandumt, dit cet Auteur, sur l’Art. I de Montargis, & quamvis in quibusdant consuetudinibus contrarium reperiatur hoc errore irrepsit S corrigendunt est. Du Moulin attaque ainsi l’ancienne Coûtume de Melun, qui depuis a été réformée.

La Coutume d’Anjou, Article CCLXVIII & CCLxx, & celle du Maine, Article CCLXXXVIII. Notre Coûtume n’a aucune disposition contraire à la reversion, & les ArtCexLI & CeXIII n’ont d’autre but, comme je l’ai observé, que de conserver les propres dans chaque ligne, cependant on oppose l’Arrét du 14Août 1857, cité par Pesnelle d’apresBasnage .

Trois puissans motifs déterminent contre cet Arrêt ; le premier de consoler un pere qui a vu troubler l’ordre naturel dans le prédéces de sa fille : le second, d’encourager les peres à doter leurs filles, en les assurant que si elles venoient à mourir ils rentreroient en ce cas dans les biens qu’ils auroient donné : enfin le troisieme, qui consiste à dire, qu’en mariant sa fille, le pere est presumé avoir voulu pourvoir non-seulement à sa fille, mais à sa postérité ; en sorte que la fille mourant sans enfans, on doit lui restituer ce qu’il a donné dans cette vue, sur le fondement de la préfomption de sa volonté. P’ajoute que l’Arrét de 1857 a pu être rendu à cause d’une prédilection marquée par le pere en faveur d’un de ses enfans. On ne peut pas opposer que le pere en dotant sa fille, acquitte une charge au nom de ses autres enfans, & pour eux ; car dans la vérité le pere ne préfere ici que sa fille à soi-même. Ainsi raisonne seBrun , des Successions, qui a épuisé cette matière. VoyezRenusson , des Propres, Chap. 2, sect. 19.Ricard , des Donat. part. 3, Chap. 7, sect. 4, n. 757. Journal du Palais, tome 2 Basnage conseille, pour prévenir cette difficulté, de stipuler le retour ; mais ce n’est qu’un demi-remede, c’est assujettir la reversion à un Tabellion plus ou moins éclairé, une pareille question mérite d’autant plus un Réglement, qu’elle concerne les Contrats les plus im-portans dans l’ordre de la société

La clause de retour, stipulée par le donateur en ligne directe, ne prive pas à Paris le donataire du droit d’angager & de vendre les choses données, d’autant que le donateur pouvoit ne donner que l’usufruit & se retenir la propriété.Renuss . des propres, Chap. 2, sect. 1o, n. 35. Ricard restraint cette décision aux Coûtumes qui considerent le droit de retour, comme un droit qui tient a celui de succéder ; & il ajoûte que la clause de retour étant nussi ancienne que l’acte de donation, elle opere généralement une espèce de fidei commis & qu’elle à un effet rétroactif au jour du Contrat.Ricard , part. 3, Chiap. 7, n. 798, & 799.


23

Tous nos Commentateurs ont observé que cet article est contraire à la Loi Pactum quod Dotali C. de Pactis. Les Romains n’admettoient pas les institutions contractuelles, & on rejette dans le pays coutumier l’institution testamentaire. Voyez, sur les Institutions contrac-tuelles,Ricard , part prem. LeBrun , des Success. Liv. 3 ;Henrys , tome ; & 2 ; Boucheul ;Coquille , sur Nivernois, Titre des Denations ;Fernand , des Success. convent. Catelan tome prem. avec les Observations de Vedel ;Domat , des Success. dans sa Préface ; Arnaule de la Rouviere.


24

Voyey les Observations sous l’Article CCCeXLVIII.


25

La promesse de garder fa siccession est d’un usage ancien en Normandie.Terrien , Live 6, Chap. 2, cite un Ariét du ta Février 15oy, qui prouve que de son temps elle avoit des regles certaines ; elle n’a recu cependant sa perfection que depuis la réformation de nôtre Coutume, de pême qu’on peut le comprendre aisément par la lecture deBasnage . Cette pro-messe ne change : éanmoins pas la condition des fonds ; elle n’interrompt point le cours de la prescription qui est de droit public ; elle re fait aucun préjudice à ceux qui avoient auparavant des droits acquis sur les immeubles pronis garder ; mais il est à propos qu’ils appellent les enfars aux Centestations, Compromis & Sentences arbitrales pour les terminer suivant l’avis de Godefroy ce même Auteur propose la question de sçavoir, si le fils par son consentement valide P’aliénation faite par son pere ; il semble que cette promesse, étant faite sur-tout en Contrat de mariage embrasse une postérité à naître, & concerne les enfans qui sortiront de ceux qui sont gratifiés : dans de parcilles circonstances le consentement du fils u’est pas d’une grande considération : Etiam si omnes viventes consentiant, postea nascituri revocabunt. Godefroy

L’institution contractuelle pratiquée dans plusieurs Coutumes, a beaucoup moins de force que la promesse de garder sa succession, elle n’ôte point la faculté de disposer soit à titre onéreux, soit à titre gratuit, de sorte que les dispositions testamentaires qui se font dans la suite sont seulement reductibles à la quotité disponible par derniere volonté. On ne concoit pas comment le Brun peut, aprés cela, contredireRicard , en assurant que l’institution contractuelle doit être considérée comme un acte entre vifs, sous prétexte qu’il n’est pas permit de faire une seconde institution qui déroge à la première, tandis que l’on a tous les moyens d’en éluder l’effet. Loyez Bourbonnois Cexx & CexxII, Paris CCLxix. Mais les Coutumes d’Anjou, du Maine, Touraine, & Lodanois donnent autant de force à la reconnoissance d’haritier que si on y avoit emplové les termes de garder succession. Notre Coûtume paroit exsfr dans le texte, que l’une & l’autre disposition se rencontrent cumulativement dans lacte, afin qu’il ait l’effet qu’elle y attache. Cependant nous convenons que l’état des aliénations faites par le promettant est attaché à la condition de predéces ou de survie de celui en fa-veur de qui la promesse a été faite.

La promesse de garder succession faite par un pere en faveur d’un de ses enfans, n’est point reduite à celui-là seul que le pere a principalement envisagé, si le pere aliénoit depuis la promesse, l’enfant à qui elle auroit été faite ne pourroit pas s’y arrêter au préjudice des autres, par la regle que le pere ne peut avantager un de ses enfans plus que l’attre la promesse deviendroit donc inutile ; il a fallu, pour remédier à cet inconvénient, décider que cette pro-messe faite à un des enfans opere autant que si elle avoit été faite singulièrement à chacun d’eux. Art. XLV du Reglement de 1686.

Les enfans, pour profiter de la disposition du pere, sont dans l’obligation de renoncer à sa succession, & d’en demander l’exécution ; mais il dépend d’eux de se déclarer ses héritiers, & de rétablir ainsi les choses dans le droit commun.


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Il a été jugé que le pere peut recevoir les capitaux des rentes qui lui sont dues & les remplacant, ou en donnant des suretés pour la restitution des deniers, si on n’admettosspes en ce cas des précautions, un pere dont la fortune consisteroit en rentes constituées conserveroit le pouvoir d’anéantir sa promesse au préjudice des tierces personnes mêmes qui sont in-teressées à son execution


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Basnage traite sur cet Artiele des démissions on avancemers de succession : il paroit résulter des Arrêts que cet Auteur rapporte que les démissions sont irrévocables, pourvu que-le démettant ait réservé ce qui lui est nécessaire pour vivre selon sa condition, & qu’il ne furvienne pas quelques-unes de ces causes suffisantes pour opérer la révocation des donations ; cette opinion n’est cependant pas suivie dans la plunart des Coûtumes du Royaume : on y croit que la démission peut se révoquer par la nature de l’acte, & voici la raison que l’on en donne : Comme il n’y a pas d’inclination plus naturelle que de donner ses biens à ceux qui en hériteront un jour, on a estimé qu’il étoit juste que dans une démarche si naturelle, mais si dangereuse, il y eût quelque lieu au repentir. On dit que la Jurisprudence, attestée parBasnage , fait plus d’honneur à l’homme, mais que la Jurisprudence contraire rend plus de justice à l’humanité. Quoiqu’il en soit, il est constant qu’apres la démission en forme, le Démissionnaire a le droit d’engager & hypothéquer les biens compris dans la démission, mais le pere ne pourroit pas opposer, aux Créanciers de son fils, le défaut d’insinuation. pour faire empécher l’effet de l’acte d’avancement.Bérault . Voyex, sur les Démissions de biens & avancemens, M.Boullenois .

L’avancement de succession, fait aux enfans par un pere qui contracte dans la suite un second mariage, ne peut préjudicier à ceux qui en naitront quand même il y auroit eu un degré de succession par le déces d’un des enfans du premier lit avant la naissance de ceux du second.

Le Démissionnaire non-seulement ne confisque point les biens qui lui ont été donnés par avancement, mais il ne peut pas même les affecter aux intéréts civil résultans du crime : Arrêt du 20 Juillet i8ay, qui enterine dans cette espèce des Lettres de rescision, obtenues par un pere contre l’avancement fait à son fils.

Cependant la démission, même générale, du pere en faveur de ses enfans ne fait point de préjudice à ses Créanciers antérieurs, on ne régarde point le fils revétu des dépouilles du pere comme un tiers-détenteur ; & ses Créanciers sont recevables à se pourvoir par simple saisie sur les biens compris dans la démission : Arrét du 31 Juillet 1736.


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Des Auteurs François ont tenté de prouver queJustinien , a le premier introduit la distinction des propres : efforts assez inutiles. Domiici & duMoulin , ont cru que li loi des propres étoit aussi ancienne que la Monarchie, du Moulin a même voulu que Charlemagne, usant du Droit de Conquete, l’ait fait recevoir par les Saxons, & predicta con-suetudo, dit cet Auteur, Conseil 7. n. ô8, quod heredia antiqua sint affecta linee seu gentilitati, & potissinum capiti, que fuit originalis Francorum, & Burgundiorum, per constitutio. nem Caroli Magni Principis Francie & imperatoris prorogata fuit olim ad Saxones, d’autres Auteurs ont prétendu que la loi des propres ne remonte pas au de-là de la fin de la seconde race, ou du commencement de la troisieme, on introduisit alors selon leur opinion, une espèce de substitution dans les Fiefs, de sorte que le possesseur des Fiefs décé-dant sans enfans, le Fief devoit retourner au plus proche parent du défunt du côté de la ligne du premier vassal. Nous avons des preuves plus anciennes de l’établissement des propres ; nous trouvons la distinction des propres & des acquêts dansMarculphe , Liv. 2.

Form. 7. Tam de alode, quam de comparato, & plus bas, tam de hereditate parentum quam de comparato nous en trouvons encore un exemple dans duCange , hoc est villam nostrant, : : : : : que mihi de parte genitoris mei nomine Adelhemi obvenit tam de alode quant de comparato ; Chron. Laurisham. an. 764. On peut dire pour concilier ces opinions, que la différence entre le partage du propre & celui des acquets, n’a été reglée qu’apres l’établissement de la propriété des Fiefs.

Nous mettons au rang des propres les fonds donnés à l’héritier présomptif en ligne directe ou collatérale, les immeubles confisqués & remis au profit des héritiers du condamné, les acquêts provenus du prix du propre vendu des l’instant du contrat d’acquisition, que suivent les améliorations, sans aucune récompense pour les héritiers aux acquêts ; les acquêts retirés à droit lignager les fonds réunis à titre féodal au Fief qui est propre, les héritages licités entre cohéritiers, &c.

L’effet de la licitation a été contesté, il y a quelques années, dans une espèce délicate.

Une femme conjointement avec son mari, avoit acquis par licitation de son oncle, son cohéritier le tiers d’une terre, & l’autre tiers de son cousin germain qui en étoit légataire, elle avoit hérité pour un tiers : le mari avoit payé la plupart des deniers ; aprés sa mort ses héritiers reclamoient les deux tiers de cette terre, comme une acquisition que le mari avoit faite ; le premier Juge avoit déclaré que le tiers appartenoit aux héritiers du mari, sur l’appel, les héritiers de la femme établissoient que les actes de licitation étoient valides, qu’il n’appartient de liciter qu’à celui qui a droit de partage, que la licitation peut avoir lieu entre mineurs, que le tuteur en fournissant les deniers, ne transmet pas moins aux mineurs la propriété des fonds licités, & que si le nom du mari a été employé dans l’acte de licitation, ce n’a été que pour habiliter la femme à contracter. Par Arrêt du 2 Août 1758, rendu au rapport de M. du Boseguerard, les fonds licités furent déclarés de la ligne de la femme.

Les Offices sont une sorte de biens qui a oecasionné beaucoup de contestations : mais nous avons maintenant des décisions sures. Les Offices domaniaux, sans aucune distinction. entre l’ancien & le nouveau Domaine, ne paroissent pas avoir en Normandie de regle particuliere, ils se gouvernent de même que les autres biens qui sont en commerce ; les Offices de udicature & de finance faisant aujourd’hui une portion considérable du patrimoine des familles ils sortissent la qualité de propres & d’acquêts, ainsi si le Titulaire les réfigne à son néritier présomptif, ou étant échus par succession, ils sont propres de la ligne dont ils procedent : bien plus, un Office rétiré des parties casuelles dans le temps fatal par l’héritier présomptif, est réputé propre dans sa succession : Arrêt du 2r Ianvier 1749. On a même par Arrêt du I2 lanvier 1751, jugé propre dans la succession d’un mineur le prix de la composition d’un Office, à charge de le relever des parties casuelles. Voyer le Brun de la Comm. les Arrêtés de Lamoignon, des Offices ;Renusson , des Propres, Chap. 5, Sect. d. n. 72. Il sera fait mention ailleurs des Offices de la maison du Roi-


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La distinction des acquêts en nouveaux & anciens, dont quelques Auteurs se servent, ne convient pas dans les Coûtumes qui disposent que les biens sont faits propres dans la personne qui les posséde à droit successif, & il semble repugner que l’on appelle acquet ce qui nous a été laissé à titre d’héritier. Il n’en est pas de même de la distinction des propres en anciens & naissans ; quoiqu’elle soit rejettée en Normandie, elle est recue dans beaucoup de Provinces du Royaume. On appelle propre naissant celui qui pour la premiere fois est échu à droit successif, & bien des Coutumes le déferent au parent le plus prochedu côté de l’acquereur, foit paternel où maternel.


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La regle paterna paternis, materna maternis, est différemment interprétée par les Coûtumes, je ne dirai rien ici des Coutumes que l’on appelle spécialement de representation, ni des Coutume de tronc commun. Je renvois sur cette matière au Traité des successions de le, Liv. 2, Chap. 1. le rappelle la théorie de Pesnelle, j’observe avec le Brun Brun ibid. n. 9 & 10, que suivant plusieurs Coutumes, & dans les Coûtumes muetes, il suffit pour succéder au propre, d’être le plus proche parent du côté de celui duquel il est échu à celui de cujus bonis agitur, & le plus proche parent exclura le parent descendu de l’acque-reur qui sera en degré plus éloigné. On ne succéde point en Coutume souchere, comme héritier des propres que l’on ne soit descendu de celui qui le premier les a mis dans la famille, Sil ne s’en trouve point de cette sorte, les anciens propres appartiennent à l’héritier des meubles & acquêts, c’est-à-dire, au plus proche parent. Le Brun ibid. n. 13, à Paris & en diverses Provinces du Royaume quoiqu’il soit nécessaire d’être parent du côté & ligne de l’Acquereur, il n’est pas besoin d’en descendre ; les descendans de l’Acquereur sont cependant toujours préférés, mais il ne suffit pas comme dans les Coutumes de la première espèce, d’être parent du défunt du côté du pere par-la succession de qui ce propre lui est echu, mais il faut lui être parent du côté & ligne de celui qui a mis le premier l’héritage dans la famille, soit du côté du pere, soit du côté de la mére de cet Acquereur ; que s’il ne se trouve point de parent de cette forte, P’héritage est considéré dans la succession comme un acquet & appartient au plus proche héritier.


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Quand on lit sans prévention l’Art. CCXIVI de notre Coutume, on conçoit qu’il n’est pas nécessaire qu’un bien ait souché pour devenir propre, & qu’il peut devenir tel par succession collatérale, même propre paternel ou maternel, parce qu’il sera échu au défunt par des parcns du côté de pere ou du côté de mère, mais il est difficile de tirer les consequences que nous avons déduites de cet Article. LeBrun , ibid, n’a pas fait de difficulté de mettre nôtre Coutume au rang de celles qui n’exigent, pour succéder au propre, que d’être parent du defunt du côté de celui qui le lui avoit transmis par sa mort. Notre Jurisprudence est cependant bien différente, nous ne suivons pas même celle de Paris. On tient à Paris. pour maxime, d’apres M. Talon, que quand les parens d’une ligne sont capables de succeder à des héritages comme acquets, les descendans de cette même ligne peuvent succéder aux mêmes. héritages comme propres. L’Arrêt de Graverel, cité par tous nos Commentateurs, est directement opposé à cette maxime, & l’Arrêt de Daireaux du 3 Juillet 17s3, en forme de Re-glement, confirme l’Arrét de Graverel. Voici l’espece : Thomas Daireaux eut deux enfans Thomas & Scholastique, de Thomas sortit Pierre, de Pierre, Richard, Avocat à Coutances : Scholastique épousa Adrien Colas, de ce mariage naquit Thomas, qui avoit acquis 7s liv. de rente foncière dans la mouvance du Fief de Ver ; Gilles son fils, lui succeda, & mourut sans enfans. On voit par ce tableau que Pierre Daireaux & Thomas Colas acquereur, étoient tousins germains, & que Richard Daireaux & Gilles Colas étoient cousins isius de germains.

Pierre, ou en cas de prédéces, Richard Daireaux, auroient été habiles à succéder en Normandie, suivant la proximité du degré, à la rente acquise par Thomas Colas, s’il fût mort sans enfans, Richard y auroit également pu succéder à Paris, quoiqu’elle fût devenue propre naissant dans la personne de Gilles Colas ; cependant en vertu de ce Reglement, la rente a été adjugée au Seigneur de Fief comme un bien vacant par deshérence. Voy es nes Notes sous d’Art. CXI. VI de la Coûtume.


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Il faut, pour opérer la confusion de dot, non-seulement deux degrés de succession mais deux degrés de génération : ainsi si une soeur a succedé à son frère, la dot de la mere commune n’est pas confonduë dans la succession de cette soeur. Arrêt du 8 Août 1732. On a même jugé par Arrêt du 28 Juin 1755, qu’il n’y a point de confusion quand la veuve a employé ses deniers dotaux à l’amortissement d’une rente due par son fils, & au payement des garrérages, avec stipulation de remplacement, & de subrogation. Il semble que la mers n’ayant point constituée la somme sur son fils, elle n’avoit eu contre lui qu’une action mobiliaire, & que si elle eût agi, on n’eût trouvé dans sa succession que des deniers ; mais la stipulation du remplacement avec subrogation, paroissoit être l’équivalent d’une constitution & il eût été injuste de priver les héritiers maternels de la répétition d’un bien dont l’emploi avoit conservé les propres paternels. On a encore jugé par Arrét du S Juillet 17ss, en la seconde des Enquêtes sur un partage de la premiere, qu’une femme ayant de ses deniers dotaux amorti des rentes dues sur la succession de son mari avec subrogation fa dot n’étoit point confonduë dans la succession de sa fille, laquelle avoit recueilli la succession de son père ; il est vrai que l’action avoit dormi pendant la vie de cette fille, qui réunissant la double qualité de débitrice & de créanciere, n’avoit pu l’exercer. Mais on en auroit mal conclu l’extinction.


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La subrogation n’a point lieu par les partages ou autres arrangemens de famille d’un bien d’une ligne à celui d’une autre ligne en forte que si, dans un partage entre cohéritiers, il tombe dans un lot des biens paternels pour remplir ce cohéritier de sa part dans la suc-cession maternelle, ces biens ne deviennent pas pour cela des biens maternels, ils conservent toujours leur nature de biens paternels pour retourner à la ligne paternelle, & vice versdi ainsi jugé par Arrêt du 21 Février 1759. La nature des biens ne doit point en effet dépendre des conventions : la Loi est certaine, & il resulteroit de son infraction beancoup d’inconvéniens, sur-tout dans notre Province, où par l’usage & suivant l’ancien Coûtumier, quand ses successions de pere & de mere sont échues en même temps on n’en fait qu’un partage.

On trouve dans la nouvelle édition du Traité des Propres deRenusson , un pareil Arrét du Parlement de Paris.


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Basnage prouve, sous cet Article, par des espèces délicates & nettement développées, qu’il est quelquefois trés. difficile de distinguer le propre paternel du propre maternel. Quand le Créancier d’une reversion de dot achete un fonds de celui qui la doit, dont il paye partie du prix, & tient quitte de la dot le débiteur pour le surplus, si ce créancier vient à décéder sans enfans, le débiteur qui lui succede dans le propre maternel peut demander le partage de la terre jusqu’à la concurrence de la dot, & l’héritier du propre parernel n’est pas recevable à qui offrir le remboursement de la dot en deniers : Arrêt du 30 Juin 1746. Mais un acquêt d’un fonds du beau-pere fait par le mari, qui cede sa dot pour partie du prix, sans que la femme accede an Contrat, n’est point un propre de la femme ; aprés la dissolution du mariage, il suffit qu’il rende la dot : ainsi jugé au mois de Juillet 1756. Dans le fait de l’Arrêt le mari avoit fourni une portion considérable du prix, & avoit donné une quittance de la dot séparées Un fonds acquis par un second mari des deniers de sa femme, au nom des enfans du premier lit, en exécution du Contrat de mariage, est un propre maternel dans leur succession Arrêt du 30 Juillet 1746.


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Les filles ne succédoient, suivant l’ancien droit François qu’au défaut des mâles, de terrû vero falicà nulla portio hereditatis mulieri venint, sed ad virilem sexum tota terra hereditas perveniut. Lex Salica, Art. LXIl, sed dum virilis sexus extiterit, femina in hereditatem aviaticam non succedat. Lex Ripuaria, Tit. 56, pater aut niater defundi filio non filie-hereditatem relinquant.. qui filium aut siliam habuerit, & filius uxure ducta filiunt genuerit, ( mortuus fuerit, horeditas patris ad filium filii, id est, nd nepotem non ad filiampertinet. Lex Saxon, Tit. 7, hereditatem defundi filius non filia suscipiat, si filium non ha-buit qui defundus est, ad filiam pecunia, vel mancipiu terra vero ad proxmium paterne generationis consunguineunt pertineat. Lex Angliorum seu Verinorum, Tit. 6, de Alodib. Cod.

Leg. Cent. ex Biblioth. Fréder.Lindenbrog . Si vero filium quis habuerit haredent & preterez filiam vel filias, in totum filius succedit quia generaliter verum est quod nulier nunquam partem capit in hareditare aliqud. Lex Regiam majestatem, Lib. 2, Cap. 30,Skenée , ibid.Glanville , Lib. 7. Chap. 3. Notre ancien Coutumier, chapitre 25, dispose que GUILLF les enfans qui GUILLF sont de par les femmes, ne les femmes mesmes n’auront pas l’éritage tant comme il y ait GUILLF aucun qui soit descendu des mâles. GUILLF Nous remarquons dans les autres Coutumes des traces de cet esprit différemment modifié : ici le pere peut doter sa fille sans qu’elle puisse rien de mander aux mâles ni à leurs descendans ; & dans quelques endroits, elle ne peut demander de supplément de legitime, à moins que les mâles n’ayent laissé pour héritiers des personnes de son fexe ; là le pere ne peut rappeller au droit de succéder sa fille dotée, s’il ne s’est reservé cette faculté en la mariant ; ailleurs on observe, dans la vue de soutenir les maisons, des dispositions les plus rigoureuses contre les filles nobles ; un chapeau de roses acquitte le pere envers sa fille qu’il mêrie. Loyer Nivernois des droits app. à gens mariés, XXIV ; Bourbonnois CCCV, Bourgogne LXXII : Auvergne, Chap. 12. Art. XXV, Sens, CCLXVII ; Poitou, Cexx ; Touraine, CCLXXXIV ; Anjou, CeXLI ; Maine, CCLVIII ; Bretagne, DLVII. Je parlerai bientôt d’une Jurisprudence genéralement établie en France, qui rentre dans le droit Normand.


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Il est de Jurisprudence, que l’intérét du mariage avenant est du par les freres à leurs soeurs : mais depuis quel temps 3 Est-ce du jour du déces du pere ) Nos Commentateurs fe réunissent à penser que les freres ne doivent à leurs soeurs que les alimens & l’entretien jusqu’à ce qu’elles eyent atteint l’âge de 25 ans ; c’est donc de ce temps que les intérêts de la dot commencent à courir ; tant qu’il n’est point révolu, l’obligation des freres n’est qu’une simple obligation de fait que les soeurs ou leurs tuteurs, peuvent, les forcer d’accomplir, quoique l’hypothéque du droit des soeurs remonte constamment au déces du pere,


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Bérault , sur cet Article, dit, qu’il semble d’abord que la Coutume se seroit expliquee plus clairement, en statuant que la fille se doit contenter de ce que son pere ou sa mere lui ont donné en mariage : & que s’ils ne lui ont rien donné, rien n’aura ; cette manière de s’exprimer paroit effectivement plus simple ; mais le même Commentateur a tres-bien remarqué que l’intention de la Coutume est de prévenir des contestations entre le frère & la soeur ; le frere auroit peut-être prétendu retirer l’héritage donné en dot à sa soeur, en lui en remboursant la valeur.


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La Cour se rapproche de l’opinion de Pesnelle, dans un Arrêt du 12 Juin 1750, une fille du vivant de son pere avoit été mariée de la libéralité de son oncle, le pere ne l’avoit pas dotée ; il n’avoit pas même signé au contrat de mariage ; il est vrai que l’oncle avoit fait employer dans le contrat la clause du consentement du père ; la fille, aprés la mort de son père, demanda mariage avenant sur sa succession ; par l’Arrêt elle en fut déboutée.

Quand la fille s’est mariée sans le consentement de son père, la réconciliation ne lui acquiert point une action en legitime sur sa succession, dit Basnage : cependant, par Arrêt du à Décembre 16yt, la Cour adjugea à une fille, qui s’étoit mariée apres 25 ans sans le consentement de son pere réconcilié depuis, une somme égale à celle promise à sa seur ; mais sans la qualifier de mariage avenant. Une fille ayant atteint zs ans pourroit faire faire des Réquisitions & Sommations respectueuses à son pere auparavant de se marier ; par cette dé-marche elle conserveroit ses prétentions.

Cependant comme les Sommations respectueuses n’annoncent pas un secours présent, elle peut implorer la justice qui l’autorise à se marier, & condamne les parens à lui assigner unedot proportionnee à leur fortune ; la question a été ainsi jugée par Arrêt du Io Décembre 1613, cité parGodefroy .


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Le pere, en s’obligeant à la garantie de la dot de sa fille, déroge, sans doute, à la Jurisprudence, mais cette dérogation n’a rien d’illicite Basnage rapporte un Arrêt du 8 Août 16oy, par lequel il a été jugé que le pere doit payer les dettes de sa fille contractées avant le mariage, quand il n’en est point fait expression dans les clauses du Traité de Mariage.

Si le pere est débiteur de sa fille, il est donc à propos, pour prévenir toute difficulté, qu’en Iui constituant une dot, il énonce que la fomme qu’il paye ou promet payer, est tant pour la dot de sa fille que pour la libération de la dette à sa charge.Basnage .

Une somme mobiliaire promise par le pere à sa fille en mariage faisant & en attendant sa succession, sans stipuler que cette somme tiendra nature de dot, appartient au mari en totalité : Arrét du 28 Roût 1751. Mais si le pere céde à sa fille la propriété d’un fonds, le tiers appartiendra : t’il au mari pour don mobil sans stipulation ; Basnage tient l’affirmative. N’est-il point naturel de présumer que le pere a plus de penchant à vouloir du bien à sa fille qu’à son gendre ; Cette préfomption ne doit elle pas valoir sur-tout contre des parens collatéraux du mari 1 C’est une grande prudence de disnoser de la portion destinée au don mobil en faveur des enfans à naître d’abord, & au défaut d’enfans, en faveur du mari ; car s’il nait des enfans du mariage, le don mobil sera affecté à la ligne maternelle, il ne pourra être aliéné, ni par le mari ni par la femme même devenue veuve. Il seroit bon dans le premier cas d’ajouter encore la clause d’usufruit au benéfice du survivant des conjoints, les enfans n’auroient pas lieu de se plaindre de cette disposition.


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Godefroy , sur l’Article CCCXXX, penfe que le mari peut disposer de ses conquête en bourgage sans le consentement de sa femme, pour doter leur fille ; ce n’est point précisément par la raison que le mari est, pendant le mariage, le maître des conquêts, en quelque lieu qu’ils soient situés, qu’il peut les aliéner & en dissiper le prix ; mais c’est que le devoir de doter leur fille, en abandonnant les subrilités du Droit Romain, est un devoir commun à la mere avec le pere. Il y a plus de difficulté s’il est question de doter une fille née d’un mariage précédent, on remarque que le mari ne peut, sans injustice, disposer des conquêts faits pendant un second mariage, au préjudice de sa seconde femme, en faveur d’une fille que sabelle-mere n’est pas tenue de doter. Le pere, dit la Coutume de Bretagne, Art. CCCexXII, peut faire assiette du mariage des filles en ses conquêts sans le consentement de sa femme, & sans qu’elle en puisse demander récompense, si les filles sont du mariage d’eux d’eux.

Ceux qui soutiennent que le pere peut disposer de ses conquêts en faveur d’une fille du premier mariage, argumentent du pouvoir indéfini que la Coutume lui donne sur cette sorte de biens


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La renonciation au droit de succéder qu’il est d’usage dans les Coutumes contraires à la nôtre, de faire faire aux filles en les mariant, n’a été introduite que quand on les ahabilitées à recueillir les successions par concours avec les mâles ; on a prétendu qu’elle a son fondement dans le Chapitre Guamvis 2 de pacis in sexto qui autorise les filles, en se mariant, à renoncer aux successions futures de leur pere & mère ; il est certain que cette conse titution ne tire pas sa force de son auteur, ni de la formule du serment superstitieux dont elle fait mention ; il n’est point de matière qui ait causé & cause journellement plus de systêmes dans les opinions, & plus de contrariétés dans les Arrêts des Cours de Parlement : de la renonciation sont suivies les questions de rappel, questions le plus souvent interminebles.

VoyerMorgues , sur les Statuts de Provence, duMoulin , sur le Chapitre Guamvis 2 de pactis, & sur Bourbonnois, CCCV ;Bouguier , R. n. 2, Brodeau surLouet , R. somm. 17Henrys , tome 1 & 2. Quest. deBretonnier .Renusson , des Propres. LeBrun , des Successions.

Le pere qui a marié & payé sa fille pendant la vie de sa femme ne peut employer aucune reprise dans le compte qu’il rend à son fils apres avoir remarié, sous prétexte de contribution à la dot du ches de sa mere : Arrét du 28 Mars. 1837.

Par le même principe, la fille mariée & payée par le pere pendant la vie de la mere, dont elle est devenue héritiere, peut demander aux enfans du second lit la dot de sa mère sans aucune récompense : Arrêt du 17 Juillet 16s8, suite de Bérault Si, apres un second mariage, le pere marie sa fille d’un premier lit pendant la minorité de son fils du même lit, il doit faire régler par les parens maternels de son fils la part dont les biens de sa mere peuvent être susceptibles ; il paroitra juste, aprés cette précaution, que le fils contribue à la dot de sa seur, car le pere a fait en ce cas la fonction de Tuteur ; mais c’est le soin du pere de faire intervenir son fils s’il est majeur, il faut encore bien prendre garde aux clauses du Contrat : car quand le frere fait un don particulier à sa suur, & qu’il ne paroit pas qu’il ait eu intention de s’obliger en plus outre, le pere demeure chargé du payement de la totalité de la dot.


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Il faut conclure, à contrario sensu, de l’Arrêt du 3 Avril 167z, rapporté par Basnage, que si le Contrat de mariage ne porte aucune exclusion expresse ni présumée, la fille partagera les immeubles réels situés fous des Coûtumes qui admettent indifféremment à la succession les personnes de l’un & l’autre sexe ; mais elle ne succédera pas aux rentes constituées sur des débiteurs domiciliés dans une Province étrangere : le motif de cette derniere décision est facile à saisir : si la fille veut suivre l’usage de Normandie, il faut qu’elle s’y conforme pour la capacité de succéder ; si elle veut observer la Couûtume du Débiteur, les Coûtumes paroissent décider généralement que les rentes se partagent suivant la Coûtume du Créancier.


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On a jugé, par Arrêt du 13 Maii 1729, que quand le pere a donné à sa fille, par le traité de mariage, une somme en dot, il nie peut, depuis le mariage, la convertir en don mobil


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Quoique l’ancien Coutumier, Chap. 26, permit aux filles de demander leurs mariages à leurs frères, la Jurisprudence étoit alors bien rigoureuse. La Glose sur ce Chapitre dit n que l’en doit sçavoit que ce texte doit être entendu que les freres doivent marier leurs seurs n sans déparagement à personne idoine, au regard de la ligne & à la puissance des personn nes,, : 2 : : & n’est pas à entendre qu’ils baillent a leurs seurs héritages 0 meubles, car Sils les pouvoient marier aveneaument, comme dit est sans rien leur donner, il sufm firoit, puisque le mari en seroit content. nTerrien , Liv. 6, Chap. 3, atteste que de son temps les freres pouvoient marier leurs soeurs sans rien leur donner en les nuriant à un homme idoine, selon son lignage & les possessions de la maison. Berault a combattu solidement sur cet Article cette extrême rigueur, & il a cité un Arrét conforme à son opi-nion adoptée par les Commentateurs.


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Je ne puis penser que lorsque le frere fait une promesse à sa soeur sans expression de don mobil, il appartienne de droit au mari : car, sans examiner quelle doit être l’intention du frère en mariant sa soeur, pour tolérer la donation d’un bien qui, dans le vrai, ne lu appartient point, il faut au moins un Acte qui en fasse mention ; aucun texte de la Coutume ne donne au mari sans convention le tiers de la dot de sa femme.


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Basnage rapporte deux Arrêts sous la fin de cet Articl, qui sont une suite des principes proposés par Pesnelle : Par le premier du 11 Avril 164s, il fut jugé que quand le frere a cédé à sa soeur pour sa dot une rente à prendre sur un tiers, cette soeur n’est obligée qu’à discuter les meubles de celui qui la doit, & que le frere est tenu de s’en recharger : Par l’autre du 23 lanvier 1683, il fut jugé dans une espece où le pere avoit, en mariant sa fille au Perche, transporté en dot des rentes que les débiteurs vouloient amortir, que le frere recevroit le rachat, si mieux il n’aimoit donner d’autres rentes, dont il demeureroit garant, ou continuer la rente, ou accepter la caution que son beau-frere lui proposoit au Perche.


47

On a demandé si la soeur civilement séparée de son mari pouvoit être forcée par son frere de prendre en payement de partie de sa dot constituée en rente par le pere commun & consignée sur les biens du mari, mais rachetée sans sa participation des fonds du mari à la garantie de son frere & il a été jugé par Arrét daté parBasnage , du 1o Décembre 2890, & à la fin de l’esprit de la Coûtume du Io du même mois 1é8s, que la prétention du frere n’étoit pas recevable, dans le fait, la fortune du mari étoit tellement délabrée que la seur avoit à craindre la dépossession, & les batimens situés sur le fonds étoient en une ruine totale.


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L’Article CexI. VIII décide indéfiniment que les filles & leurs descendans, ne pouvent tant qu’il y a mâles ou descendans des mâles, succéder, soit en ligne directe ou collatérale. On ne distingue donc point les successions des parens collatéraux des pere & mere, de celles des collatéraux des filles ; l’exclusion ne s’étend pas seulement sur les biens des pere & mere, des oncles & tantes, mais sur ceux des frères & soeurs, & de leurs descendans quand ils sont devenus propres ; cette distinction se remarque dars les pays où la renonciation des filles aux successions des pere & mere est requise pour les exclure3 car la renoneiation des Filles a ix successions directes ne les préjudicie pas régulierement au droit de recueillir les successions de leurs oncles & tantes, & on a mis en question si la renonciation aux successions tant directes que collatérales, excluoit la soeur renoncante de la fuccession de son freère néme, de quelqu’espece qu’elle fut.Louet , Ri Som. 17 ; Renusson des propres ; le Brun Bouguier : le Prêtre Henrys ; Bretonnier dans ses questions, déreloppent des questiens tres-intéressantes lur cette matiere, que notre Coutume rend inutiles.

L’objet de ces deux Articles n’est pas tant de prononcer une seconde fois contre les filles l’interdiction du droit de succé der, que de leur imposer silence quand elles auront été mariées convenablement par leurs freres & dotées de meubles ou d’héritages, j’excepte toujours le cas de fraude ; car quoiqu’il ne soit pas ici question d’un mariage avenant estimé par les parens, on n’excuse point la conduite des freres qui, pour se soustraire à une obligation formée par la nature & par la loi, diminuent aux yeux de leur seur les forces des suc-cessions directes ou en exagerent les charges, on ne peut pas dire que dans cet état d’ignorance la soeur ait valablement consenti à recevoir une dot modique, & qui n’a aucune pro-portion à la valeur des revenus ; ces questions de fait occasionnent quelquefois dans les Arrêts une diversité qui n’influe point sur les principes


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La donation d’immeubles que l’aieul maternel fait à sa petite fille par forme de supplément de légitime revient au profit commun de tous ses petits enfans, parce que ce supplé-ment étant considéré comme ue portion de la dot de la mere, est leur patrimoine commun.

Le pere & la mere ne peuvent donner de leurs immeubles à lers filles, ou à leurs descendans, au-dela de leur légitime, sous prétexte que ces personnes ne succedent point au dona-teur, qui a des héritiers mâles ou descendans d’eux ; les filles & leurs héritiers étant dans la ligne directe, cela suffit pour former une incapacité d’être donataires.


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La Coûtume prescrit par cet Article, que l’estimation du tiers donné par le pere à ses filles, se doit faire eu égard aux biens que le Donateur possédoit au temps de la donation, & où l’estimation seroit faite des biens présens & a venir, l’estimation sera faite eu égaid aux biens que le Donateur a laissés au temps de son déces. On prétend qu’il peut naître un incon vénient de l’exécution de la Loi, un pere, aprés avoir donné à sa fillu le tiers de son bien tombe dans la dissipation ; il a encore deux fils obligés de s’arrêter au tiers Coutumier ; ces deux freres seront, contre la Coutume, dans une condition plus désavantageufe que leurs surs : je réponds que l’inconvénient seroit beaucoup plus grand si la seur pouvoit être privée d’un don qui n’étoit pas excessif au temps de l’acte, il aura été peut être le motif d’un mariage, le gendre seroit la victime de la mauvaise économie de son beau pere, & sa postérité. On ne peut pas regarder le don fait par un père à sa fille comme un avancement d’hoi-rie, puisque le concours des mâles la rend inhabile à succéder C’est une opinion recue, que l’estimation des héritages sur une demande en réduction doit être renvoyée à faire par les parens communs, comme dans le cas de partage, ou de liquidation de nariage avenant.


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On les dans la Close sur l’ancien Coutumier, Chap. 26, que n se ladite soeur n’étoit D point saisie dudit don que on lui auroit fait, mais attendoit quatre ou cinq ans aprés la mort n du Donneur à le demander à ses freres, ils viendroient assez à temps à révoquer ou contren dire le don quand elle le demanderoit, en tant qu’il seroit excessif & contre Coûtume.


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Quand le pere & la mere ont promis conjointement mariage à leur fille qui n’est point acquitté, il ne suffit pas aux freres qui veulent agir en réduction de legitime de faire inventaire aprés le décés de leur pere, il faut qu’ils fassent encore faire inventaire aprés le déces de la mère, si elle survit à son mari : Arrét du 22 Avril 1722 Ce n’est pas assez, pour faire réussir l’action en réduction, que les freres ayent fait des inventaires, & y ayent obfervé toutes les formalités d’usage & de Jurisprudence, il est encore nécessaire qu’ils se soient préalablement abstenus de toucher auxechoses héréditaires ; car par Arrêt du 12 Décembre 1598, le ftere qui s’étoit, auparavant l’inventaire, saisi des meubles & vendu des rentes de la succession, fut déclaré non recevable dans fa demande en réduction. intentée contre sa soeur.

Le frere étant décédé en majorité & dans l’an de la mort de son père, l’an commencé pour mtenter l’action en réduction court contre ses enfans mineurs, fauf l’action subsidiaire contre leur Tuteur : Arrêt du 9 Mars 1656, suite deBérault . Cette décision tend à assurer le repos & la tranquillité dans les familles.


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Observez que le fils, héritier de son pere peut intenter l’action en révocation proposée par ces deux Articles ; car la qualité d’héritier n’oblige que d’entretenir les engagemens légitimement contractés par le défunt : le fils pourra même revendiquer contre un tiers acquereur la propriété des héritages compris dans une donation excessive, comme aliénés 4 non domino, & la bonne foi de l’acquereur ne peut réparer le défaut de capacité du vendeur telle est l’opinion deBasnage .

Bérault rapporte deux Arrêts des SAvril 1607 & dernier Mars 1620, par lesquels il fut jugé que l’avancement de succession, & une démission générale du pere en faveur de ses fils, ne donne point ouverture à la demande en réduction des donations que ce pere auroit faites à ses filles, parce qu’il ne peut pas venir contre son propre fait, qu’il feroit indirectement ce qu’il ne peut faire directement, & qu’il peut acquerir jusqu’au temps de son déces ; cette dernière raison est bonne, si la donation étoit faite des biens présens & à venir-


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On a jugé, conformément à l’opinion de Pesnelle, par Arrêt du a21 Juillet 1732, au rapport de M. Mouchard, que si le frère majeur a fait, en faveur de mariage, une promesse particulière à sa seur ; il ne lui suffit pas, pour se dégager de son obligation d’al-léguer vaguement la contrainte, il faut qu’il justifie de faits circonstanciés, & qui paroissent capables d’avoir géné sa liberté ; il ne peut pas même en droit demander la réduction. de ses promesses, parce qu’il contreviendroit à l’Article CeLII de la Coutume : Arrêt du 8 Mars 1693 ; mais il paroitroit juste qu’en cas de l’insolvabilité du mari, il ne fut garant que de ce qui appartient véritablement à sa seur pour sa légitime.


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Quand la soeur ainée est en possession du tiers des biens de pere & de mere, & qu’ilconsiste en maisons, les freres, si les autres soeurs sont mineures, doivent veiller à l’en-tretien & aux reparations de ces édifices ; car si par le mauvaie ménage du mari & de la sur donataire, les barimens tombent en ruine, & que les mariés ne soient pas solvables les freres doivent fournir aux autres soeurs un mariage avenant, sauf leur recours contre les mariés s’ils parviennent à une meilleure fortune.Godefroy .


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Plusieurs Coutumes disposent que la part de la fille mariée vient à l’ainé des nobles, quelque modique qu’ait été sa dot, pourvu qu’elle ne soit point déparagée : Il en est de mêmelorsqu’elle a fait profession folemnelle en religion ; mais l’ainé doit tenir compte de ce que le pere a donné en dot à sa fille ou des frais de profession, il doit en outre payer lapartie des dettes de la succession du pere, à quoi la fille eût été obligée si elle eût été héritière de son père ; ce Droit a lien au profit de l’ainé, soit que la sour survive son pere ou qu’elle le prédécede ; il a lieu au profit du premier puiné, quand le frere ainé vient à mourir aprés son père ; mais on prétend que si le pere survit à son fils ainé, cet avantage est confondu dans la succession paremelle. VoyesDuPineau , sur Anjou, Art. CCXLVIII, Louis, sur Maine, Arr-CCLXVI ; leBrun , des Successions,Basnage .


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Le rapport que le frere doit faire à la succession comme fondé dans le droit de ses soeurs qui font part à son profit, ne laisse pas d’embarrasser dans la pratique ; les principes posés par Pesnelle sont constamment suivis, la difficulté consiste à les appliquer. L’algebre est d’un grand secours, mais elle n’est pas encore connue de tout le monde : je vais rapporter la méthode deBasnage , sur l’Art. CCCLXII, & on peut s’en servir en attendant qu’on en trouve une meilleure, elle ne s’éloigne pas excessivement du but. Je suppose donc, d’aprés cet Auteur, qu’un pere ait laissé six enfans, un garcon & cinq filles ; trois filles ont été mariées & dotées par 507 liv. chacune ; la valeur de la succession monte à 45000 liv. on ne fait pas rapporter au frère la totalité des dots recues, mais je donne aux filles le tiers de cette somme ; je considère les filles mariées comme si elles ne l’étoient pas ; le résultat de la premiere opération est qu’il appartient la somme de 3000 liv. à chaque fille : je rapporte donc 9o0o liv. à la masse qui donne 54000 liv. la dot de chaque fille devient de 36oo liv. mais comme le frère benéficie de 1800 liv. je rapporte encore le tiers qui produit pour chaque fille 120 liv. le frere prenant encore au droit des soeurs mariées 36o liv. de rapporte 120 liv. pour le tiers qui, divisé entre cinq, est de 24 liv. pour chaque seur prenez encore 2d liv. pour le tiers de 72 liv. chaque soeur en emporte a liv. 16 sols, cherchez enfin le tiers de 14 liv. 8 sols, vous aurez à liv. 16 sols ; divisez-les en cind, cela composera 19 sols 2 den. ainsi la dot de chaque soeur à marier sera dans cette espèce de 37dy liv. 1s sols 2 den. & la dot de chaque soeur à marier est augmentée de 7ay liv. 1s sols tandis que le frere bénéficie au droit de ses seurs de 7500 liv. o sols 8 den. On trouve à la fin du premier volume deBasnage , Edit de 17oo, une méthode beaucoup plus facile si elle étoit toujours juste ; prenez le frere pour le double des soeurs tant mariées qu’à marier, cela donnera dans notre espèce le nombre dix ; joignez à ce nombre une seconde fois les filles à marier, & donnez à chaque des filles un douzieme de 450o0 liv. vous aurez. 3750 liv. ce qui ne differe de l’autre calcul que de 4 sols to den.


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Comme les filles qui ont fait des voux solemnels de Religion avant la mort de leur pere, ne sont pas comptées dans sa succession au nombre des enfans, si leur dot reste à payer au temps de l’échéance, il paroit juste de regarder cette dette comme une charge. commune de la succession à laquelle les Cohcritiers doivent contribuer entr’eux pro modo emolumenti, ainsi dans le temps qu’un pere avoit la liberté de constituer sur ses biens une rente à perpétuité pour l’admission de sa fille à la profession, la soeur réservée devoit en supporter le tiers, & contribuer également aux compositions mobiliaires & viageres ; tel paroit être l’esprit d’un Arrét du 30 Juin 1655, rapporté parBasnage . On a cependant voulu substituer une autre Jurisprudence ; on a dit que la fille réservée profitoit de la part de sa soeur professe, & qu’ainsi elle seule étoit tenue des frais de sa dotation, ubi emolumentum, ibi & onus ; la réflexion auroit fait appercevoir que la fille réservée ne succede pas, dans cette espece, au droit de sa seur professe qui n’a jamais rien eu dans la succession, mais jure suo, & au défaut d’une personne habile à concourir avec elle. Poyer mes Notes, sur l’Art. CCLXXIII.


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Cette réserve à partage est bien exprimée dans une formule deMarculfe , liv. 2, chap. 12, que les Auteurs etrangers appliquent mal à propos au rappel à partage des filles qui ont renoncé par Contrat de mariage : diuturna sed impia consuetudo inter nos tenetur ut de terra paternd sorores cum fratribus portionem nun habeant, sed ego perpendens hanc impietatem, sieut mihi à Domino equaliter donati estis ita S sitis â me qqualiter diligendi é de rebus meis post discessum meum gratulemini, ideoque per hanc epistolam meamt, dulcissima filia, contra germanos tuos, filios meos illos, in omni hereditate meû aequalent ( legitimam esse heredem meam ut tam de Alode paterno quam comparato, vel mancipiis, vel prasidio nostro, vel quodcumque ntorientes reliquerinuis gqui lance cum filiis meis dividere queas, Sc. Notre Coûtume exclusive de partage des filles, de même que la Loi Salique, dont parle, sans doute, ce bon pere dansMarculfe , ne permet pas que le pere réserve ses filles à partager. également les biens de Coutume générale, & c’est en cela qu’elle en differe. Puyey M. Af. flicti, liv. 3, Rub. 22, n. 163 duMoulin , sur l’Art. CXxxix de la Coutume de Blois, & à la fin de son Conseil, 55-

La réserve pure & simple à la succession du pere ou de la mère, renferme disertement une réserve à partage ; on a cependant soutenu avec beaucoup de chaleur, dans ces derniers temps, P’opinion contraire ; on tiroit des conséquences les moins vraisemblables des Articles CCLVII, CCCLVIII & CeeLXII de la Coutume, pour établir une différence entre deux termes, dont l’un pourroit être tout au plus considéré comme la cause, & l’autre comme l’effet : Comment a-t’on pu imaginer que la réserve à succession est une simple réserve à exercer des droits légitimaires ; La lecture de l’Article CeLI & de la Coûtume suffit pour démontrer la fausseté de ce lystême : cet Article porte, Que la mere, aprés le déces de son mari, peut, en mariant sa fille, la réserver à sa succession ; mais elle, ni pareillement le Tuteur ne peuvent bailler part à ladite fille, ni la réserver à la succession de feu son pere ains seulement lui peuvent bailler mariage avenant par l’avis des parens, à prendre sur ladite succession. Cet Article renferme trois dispositions relatives à la question : 16. La mere ni le tuteur ne peuvent, en mariant la fille, lui donner partage sur les fonds paternels, & cela est répété dans l’Article CCLXVI. 20. Ils ne peuvent pas la réserver à la succession paternelle. 30 Ils ont la liberté de lui donner sur cette méme succession un mariage avenant ; la réserve à succession & la réserve à exercer des droits legitimaires n’ont donc point une identité de force & de signification. La réserve à succession donne donc droit au partage, & le partage est la consommation de la réserve ; aussi cette nouveauté a été proserite par Arrét du 1S Décembre 1755.

Mais quand le pere ou la mère donne une somme à sa fille en la mariant, avec réserve à sa succession pour ce qui peut lui appartenir ces derniers termes fixent le sens de la clause au droit général de la Province ; c’est àdire, à une demande en légitime, par la raison que la Coutume n’accorde point d’autres droits aux filles : Arrêt du 19 lanvier 1735. Basnage rapporte un Arrêt du 1o Juillet 1680, dans une espèce à peu prés semblable.


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La femme n’a pas lieu de se plaindre de la réserve à partage dans sa succession que le mari fait sans son consentement, parce que cet acte ne lui ôte point la disposition de ses biens pendant son veuvage : on écouteroit bien moins la reclamation des enfans qui opposeroient à leurs seurs le défaut d’intervention de la mére commune dans l’Acte de réserve. n beau-pere ne peut réserver sa fille à la succession de sa mere, au préjudice d’un fils qu’elle a eu d’un premier lit ; cette réserve ne paroit point desintéressée, mais il réservera bien une fille d’un premier lit au préjudice de son propre fils, pourvu qu’il ne fasse point un trafic odieux de l’établissement de celle à qui il paroit faire du bien.Basnage .

Quoiqu’apres un premier mariage on ne puisse plus réserver les filles ; cependant si la mere n’a point signé dans le premier Contrat, elle peut, apres le décés de son mari, réserver sa fille lors d’un second mariage, à sa succession.

Tai toujours considéré l’Acte de réserve à partage, hors le cas où la fille se marie comme un Acte ambulatoire, & qui n’est pas moins révocable qu’un Testament : Arrêt du 22 Décembre 173o ; mais la révocation doit être clairement établie, & on ne la suppose point par induction.

Au surplus, comme la réserve est susceptible de conditions & de clauses, de même que les autres Actes. Un pere peut, par exemple, réserver sa fille à partager sa succession, en cas qu’il décede sans héritiers mâles, & quoique, par l’Article CeXI. de la Coûtume, la fille de l’ainé ait, par la représentation de son père la prérogative d’ainesse dans les successions au propre, si le fils meurt avant son père, sa fille n’empéchera pas l’exécution de la réserve conditionnée faite au profit de sa tante. Ainsi jugé par Arrêt du 14 Mars 1504, rapporté parTerrien , liv. 6, chap. 3.

Un pere de famille peut encore prendre un autre tempérament que la réserve pour le bien de la paix ; il peut arbitrer la légitime de ses filles, & en cas de refus des freres de s’y arréter les admettre à partage.Basnage .

On réserve sans fondement une fille sur une succession collatérale à échoir car on ne dispose point de la succession d’un homme vivant ; mais si ce parent intervient dans l’Acte, cet avancement de succession, qui est toujours sujet à rapport entre cohéritiers Acte validera comme un arrangement de famille toujours favorablement interpreté


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Ce n’est qu’avec circonspection que la Justice reçoit les plaintes des enfans contre les partages faits par leur pere ou les liquidations de dot ; on doit beaucoup de déférence à ce premier Légiflateur, à ce Magistrat domestique, quand il ne paroit point que les motifs de sa disposition ont été injustes, & le fruit des artifices insidieux de mauvais parens ou d’une belle-mere. Cette déférence ne doit pas fermer les yeux sur la lézion : car si elle est considerable, on doit en induire une prédilection que la Loi condamne.


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La fille qui n’a point été mariée comme héritiere, peut, aprés le déces de ses freres, s’arrêter au don qui lui a été fait par son pere en la mariant, & partager avec ses soeurs la succession de sa mère qui échoira dans la suire-Le rapport du mobilier donné par le Contrat de Mariage à la fille mariée par ses pere & mere, se doit rapporter à la succession paternelle.Basnage . LeBrun , des Suceess liv. 1, chapS, sect. 3, adopte une opinion entièrement opposée. Cet Auteur estime que la fille dotée par ses pere & mère doit, comme héritière de la mere renoncante à la communauté rapporter la moitié de sa dot prise sur la communauté ; il s’appuye d’abord sur l’Arrét du & Avril 1632, d’entre Marie Doujat & Françoise Boursin, & il ajoute que cessant cette considération, le pere & la mere ayant donné également, ils ont diminué leur communauté, dans laquelle la mere avoit jus ad rem : donation qui a pu rendre la Communauté infructueuse, & porter la mère à renoncer. Comme la communauté n’a point lieu parmi nous, & que les meubles appartiennent au mari, il suffit que la fille réservée rapporte à la succession paternelle les deniers qu’elle a recus en se mariant,


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La mort seule du pere, ou le decret de ses biens, donne ouverture à la demande en degitime des seurs ; car par l’avancement de succession au benéfice du frère, la suur n’acquiert point contre lui une action en mariage avenant : Arrêt du 14 Août 1238.

Par Arrét de l’an 1629, on avoit jugé que l’avancement de succession ne devoit point régler la légitime des filles, à l’effet que les filles décédées ou mortes civilement depuis l’avan-cement, mais avant le déces du pere, fissent part au profit des freres.Basnage .


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Rien de plus fragile que le sexe dans l’âge tendre : notre Coûtume a préun lesécueils ; une fille ne peut se marier avant vingt-un ans accomplis contre le gré de son frère, encore faut il supposer qu’elle ait formé sa demande en Justice à vingt ans, & que le frere soit dins le tort, suivant l’avis des proches parens revétu de ses formalités ; car un frere qui combat les caprices de sa soeur mérite des éloges, il peut même intenter action en rapt contre son suborneur.Basnage , sous l’Article CexxXV. Par Arrét du premier Décembre 16y3, la Cour a recu l’opposition du frère contre le mariage de sa seur âgée de vinge-trois ans. Le même Auteur, sous l’Article CCCLXIX.

Cependant cet Article entendu secundum corticem verborum, comme dit duMoulin , ne seroit pas équitable, & contrarieroit les intéréts politiques, une fille est nubile bien avant vingt-un ans un parti convenable peut se présenter avant cet âge, & peut être sans retour ; si la cupidité du frère s’oppose au bonheur de la soeur, la Iustice peut abréger le delai de la Loi, & autoriser un établissement au gré des parens ; c’est remplir l’esprit & le vou de la Coutume dans cet Article, dont les dispositions ne sont point faites au profit d’un frere avarc mais pour précautionner un jeune coeur contre un aveugle penchant, Mais une fille qui se marie avant vingt cinq aus aprés le déces de ses pere & mère, sans le consenterent de sa famille, pourra-telle, dans la suite, demander mariage avenant ; Si cette fille n’a point flétri l’honneur de sa famille par une ailiance indigne de son sang, si les parent intéressés n’ont point formé d’opposition, on ne le lui refuse point, quoique dans la rigueut des Ordonnances une fille n’acquiert la liberté de se marie sans le consentement du Tuteur & des plus proches parens, tant paternels que maternels, qu’aprés l’age de vingt-cinq ans accomplis.


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Quand le frère est sous le lien de la minorité, le soin d’établir li suur concerne le Tu teur & les Parens déliberans de la tutelle ; mais Basnage borne mal-à propos à dix ans du jour de sa majorité, l’action que le mineur a pour recouvrer les immeubles cédes par ses parens en mariage faisant ; car étant question d’un Contrat onéreux, il a un pourvoi ouvert jusqu’à l’an 5e de sonâge : Bérault & Pesuelle. Bien plus, les parens délibérans ne sont point gerans de l’éviction des fonds revendiqués par le mineur, qu’ils ont abandonnés par le Traité de mariage.Bérault .


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L’ancien Coutumier, chap. 26, punissoit bien p’us séverement le refus injuste que la sur avoit fait d’un mariage sortable proposé par sun frère : n Et si elle ne veut tel mariage, n y est il dit, soit laissée sans conseil & sans aide, tant de terre que de meubles n. L’interprétation de la Glose va jusqu’à priver, en ce cas, la soeur de tout espoir de provision ali-mentaire. Quand je réfléchis sur une Jurisprudence aussi dure, j’avoue que les anciens Normands avoient une confiance excessive dans la vertu de leurs filles livrees sans pitié au dé-sespoir, ou qu’ils en faisoient peu de cas.


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J’ai cru que les maximes, que l’on explique sous cet Article, étoient trop liées pour les détacher. Je ne dirai cependant rien de ce qui regarde la liquidation du mariage avenant des filles en la Coûtume de Caux, afin d’éviter la confusion, l’ordre amenera les regles sous le chapitre 12 de la Coutume.

Le mariage avenant n’est point cette promesse que le frere fait à sa seur de gré à gré, un établissement qei plait, une alliance honorable peuvent mettre de l’inégalité dans la dot des siurs sans blesser la Justice : le mariage avenant est cette portion de biens dans les lignes directes, destinée à la subsistance des filles & à les marier, qui tient lieu de partage, & qui, si elle n’en a pas les agrêmens n’en a pas les incommodités ; le mariage avenant s’étend aussi sar les successions cullatérales aux acquêts en proportion que les filles à marier font part au profit de leurs freres, conformément à l’Article CCexx, qui est de Coutume nouvelle.

Texpliquerai en son temps la disposition que cet Article contient en faveur des filles.

Il faut, pour être instruit des principes essentiels de la liquidation du mariage avenant, distinguer les personnes que la Coûtume appelle à cette operation, les forces & charges des successions qui doivent le mariage, la nature des biens, leur situation, la manière d’en fixer le prix, l’état des partages entre mâles, de quel temps les filles prétendent avoir leur mariage, & de quel temps se fait l’estimation des fonds qui y sont assujettis.

La Coûtume se propose le maintien de l’union & de la paix dans les familles ; c’est dans cette vue qu’elle charge les parens communs des frères & suurs de la liquidation du marlage avenant. Mais comme, suivant la même Loi, le mariage des seurs doit être estimé, eu égard aux forces & charges des successions ; c’est devant eux que le frère doit en fournir l’état ; & par Arrêt du ro Décembre 1723, on a cassé une Sentence qui avoit ordonné au frere de donner judiciairement un état à sa seur, & de produire les pieces justificatives.

La nature des biens est intéressante à découvrir, parce qu’une succession peut être composée de biens meubles, de fonds nobles ou roturiers, de rentes foncieres ou constituées, &c.

Vous passez de là à leur situation : ils sont situés en Bourgage ou en Coutume générale, en Normandie ou hors la Province ; on ne distingue point, dans les biens Normands, les meubles d’avec les immeubles, & les héritages roturiers, quoique situés en Bourgage ; car l’Ar-ticle LI du Reglement de 16bs porte, que les meubles & biens de Bourgage ne sont considérés que comme les autres biens situés hors Bourgage dans la liquidation du mariage ave-nant, les héritages & les rentes foncieres qui en tiennent lieu étant hors la Province, n’entrent point dans la liquidation du mariage avenant que l’on arbitre en Normandie ; les filles y prennent part, suivant la Coutume de leur situation, les meubles suivent le domicile du défunt, en quelque lieu qu’ils se trouvent, & la Jurisprudence ne donne aux filles que mariage avenant dans les rentes constituées sur des biens d’une Coûtume étrangere. Arrêt des Houdebours du 2o Février 1652. La manière d’estimer les biens devroit, ce semble, varier suivant leur nature ; cependant dans la liquidation du mariage avenant, les Terres nobles ne sont estimées qu’au denier 2o, & sur le pied du revenu, sans mettre en considération les hauts bois & birimens sinon en tant qu’ils augmentent le revenu, Art. LII du Reglement de 1686. Mais si un père de famille a destiné un bois de haute-fûtaie en coupe, & S’il l’a réduit à cet état depuis long-temps ce bois entre dans l’estimation du mariage avenant, il fait alors partie de l’utile plutôt que de l’agréable & de la décoration.

L’état des partages entre mâles fait varier le mariage avenant des filles, & cet état depend de la nature des biens dont les successions dependent. Quand les freres partagent égale-ment entr’eux, il est de regle générale que les soeurs ne peuvent jamais avoir plus que le tiers des successions, quelque nombre qu’elles soient ; mais elles ne l’ont pes toujours ce tiers : car si le nombre des freres excede celui des soeurs, on donne à cleacune des seurs autant qu’elles auroient si elles étoient recues à partage avec les freres, pourvû que le mariage avenant de toutes les soeurs n’excede pas le tiers des biens auquel il est toujours reductible. Il y a beaucoup plus de difficulté lorsqu’il y a des fonds nobles pris par préciput : ce cas se subdivise : car il arrive qu’il n’y a qu’unFief dans une succession, ou qu’il y a un Fief & des Rotures. Au premier cas, on donne en propriété à chacune des seurs autant que chaque puiné peut avoir en usufruit fa contribution au mariage levée, bien entendu qu’aprés le calcul tous les mariages des seurs n’excedent pas le tiers de la succession entière. Au second cas, le mariage de chacuné des soeurs ne peut être plus fort que la part de chaque frere puiné dans les Rotures déduction faite de sa contribution, & la seur est tenue de s’y fixer quoique les pui-nés ne se soient arrétés aux Rotures que par intelligence avec le frère ainé, pourvu que la détermination des puinés soit réelle & effective. On a même raison de dire que dans cette espèce le sort de la fille légitimaire est plus heureux que celui de la fille réservée à partage d’autant que sa contribution des puinés étant au sol la livre du préciput, le mariage des filles devient, sur les immeubles, pius considérable que l’effet de la réserve. Voyez l’Art.

XXVII du Reglement de 16686.

Il est indispensable de sçavoir de quel temps les filles demandent leur mariage avenant.

Elles peuvent en effet le demander comme du jour du déces de leur pere, & je les ai jusqu’ici confidérées sous cet aspect ; mais elles ont aussi la liberté de le demander comme du jour de son mariage & leur légitime ne peut en these genérale être portée au-dela du neuvieme des immeubles, mais on ne déduit que les dettes immobiliaires antérieures à cette époque, & on suit les maximes du tiers Coûtumier.

Quand la liquidation se fait comme du jour du déces du pere, l’estimation du mariage avenant s’opère comme du même temps ; la seur ne souffre aucun préjudice des dégrademens occasionnés sur les fonds depuis la mort du pere, & elle ne profite point des augmentations : Arrét du 11 Juillet 1738.

Quand il y a des contestations qui retardent l’opération, le Juge accorde par intervalle des provisions & quand elles sont décidées, il renvoie devant les Arbitres ; ils rendent leur Jugement, la partie qui veut l’exécuter en poursuit l’homologation, mais il est susceptible de reforme & d’appel.

La liquidation du mariage avenant se fait à frais communs, chaque partie porte les dépens des instances qui la traversent, & dans lesquelles elle succombe.

Régulierement on ne devroit tolérer dans la liquidation du mariage avenant, que la lézion causée par une simple erreur & l’embarras de la discussion des affaires d’une famille ; mais l’abus a long-temps prévalu contre l’équité. Voyez nos Commentateurs. On prétend que le mariage. avenant doit être fixé un peu au-dessous du taux de la Coutume, mais sans fondement. Aussi cette opinion a été rejettée par Arrêt du 28 Février 178i, les freres opposoient à la soeur les frais de l’entretien & réparations des batimens de la succession, & citoient les Commentateurs ; la Cour n’y a point fait droit ; l’augmentation qui peut survenir dans la valeur des biens y balance les frais qui tombent à la charge des Propriétaires, & les charges fortuites de la succession, comme la vocation aux tutelles, regardent les seurs ou leurs maris, ainsi que les freres


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La Cour accorda partage aux soeurs, dans le cas de decret par Arrét du 2 Août 1S4z, & prononça pour elles contre le Roi par autre Arrét de 1563, Charles L & féant au Parlement à Rouen.

Dans l’espèce d’une aliénation générale des biens qui sont l’obiet de la légitime des filles quand elles s’arrétent au mariage avenant, elles peuvent demander que l’arbitration en soit faite par leurs parens contre les Acquereurs ou Créanciers des freres.

Quand les filles cedent leurs droits à un tiers, les Créanciers ou Acquereurs des freres peuvent rembourser le cessionnaire, parce qu’il n’est pas moins qu’eux étranger à la famille.

La question a été ainsi décidée par Arrét rapporté parBerault .


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( 1 ). Ces termes, fille ayant atteint l’age de vingt-cinq ans, ont embarrasseGodefroy , il a pensé qu’il suffisoit que la fille eût plus de vingt-quatre ans pour s’aider de cet Article, car dans les choses favorables, comme cette provision, aussi-tôt qu’on est parvenu au premier jour de l’année fatale, on est réputé avoir l’âge requis, annus inceptus habetur pro completo mais Basnage dit qu’aprés vingt-cinq ans les filles ont une provision qui équipolle à l’intéret de la somme qui leur appartient pour leur mariage avenant ; c’est bien décider que, pour en former la demande, l’age de vingt-cinq ans doit être accompli. Il y a en effer une grande différence entre cette provision, qui exige l’opération d’une liquidation de mariage avenant, & une simple pension alimentaire, qui est susceptible de variations suivant les circonstances.

La fille n’acquiert la propriété de sa dot qu’en se mariant ; elle ne peut auparavant l’engager ni P’aliéner, soit pour crime ou par contrat civil ; le lien de l’interdiction est si puissant qu’il n’est pas possible de le relacher par transaction, quelqu’en soit le motif : Arrêt du 26 Avril 1742. Idem.Basnage .

Il n’en est pas de même du partage en essence, la soeur peut en user ainsi qu’elle juge à propos, mais si, apres une réserve, elle siarrange par une somme avec son frère il faut examiner les clauses de l’acte ; car en renoncant purement à la grace qui lui a été faite, elle retomberoit dans le droit municipal La seur devient encore, sans se marier, propriétaire de sa légitime, lorsqu’elle renonce à la succession de son frère, & que cette succession est acceptée par les enfans d’une autre sur : l’Article CCLXVIII a été introduit en faveur des frères & de leurs descendans. La question aété ainsi décidée par Arrêt du a7 Mars 1760 au rapport de M. de Gouy, en la première des Enquêtes : il est vrai que la soeur non mariée s’étant fait envoyer en possession des fonds de la succession du consentement de ses neveux, l’on avoit inséré dans la Sentence la clause ordinaire, pour par la demanderesse en jouir par forme d’usufruit ; mais le cessionnaire étoit appellant de la Sentence du premier Juge dans ce chef, elle fut cassée, & le cession-naire autorisé de jouir propriétairement.


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L’Article CCLXII a été rédigé pour tégler les droits des filles qui ne partagent point ayec les frères ; cet Article CCLxix & le suivant traitent des partages & portions des seurs cependant l’Article CCLXIX peut avoir son application dans la liquidation du mariage avenant lorsqu’il y a plus de freres que de soeurs.

Bérault rapporte en cet endroit, une singuliere opinion de son temps ; il y en a, dit-il, qui pensent que les freres puinés partagent avec les soeurs le tiers des rotures, & qu’ensuite ils font un second partage avec leur frere ainé pour rendre leur condition égale ; cette opinion étoit fondée sur ces termes de la Coutume, mis partageront également avec leurs fre-res puinés. Bérault fait connoître que cette opinon est sans fondement, & que cet Article suppose que le frere ainé a opté un préciput noble.

Basnage observe que la part de la fille ne peut jamais excéder celle d’un de ses freres puinés, mdis sa condition est meisleure dans un seul cas, quand il n’y a qu’un Fief, ajoute-til, dans la succession directe, le partage de la fille n’est pas plus foit que celui du puiné, mais la fille en a la propriété, il faut consulter cet Auteur sous les ArticlesCCLXIl & CCCLXI. Ne peuton pas conclure avec lui, que chaque soeur partageante a en propriété une part égale à celle que chaque puiné a en provision ou en usufruit ; L’opinion de Pesnelle, qui tend à évaluer l’usufruit des puinés en propriété, pour en faire la regle du partage des filles, semble trop dure.

Béfault éroit que le tiers du Fief appartient aux filles réfervées, ( en évaluation sans doute ) mals aprés que sous l’Article CCexLVI de la Coutume il ne les a chargées que du tiers de la provision des puinés, comme d’une dette de la succestion, il la leur fait supporter en intégrité sous l’Article CCCLXI. Voyer mes Observations sous l’Article CCCLXI.

De même qu’apres l’option faite par le frere ainé d’un préciput noble, & quand les freres puines s’arrétoient aux Rotures, le mariage de la fille étoit, suivait l’Arret de Saint Saen, Iiquidé sur le partage du puiné, on a jugé que la filie rése-vée devoit, dans la même supposition, partager les Rotures par têtes avec lui. On cite cependans des Arrets contraires des ré Août 172s & 29 Août 1748, par lesquels le partage des soeeurs a été réduit au tiers des Rotures.


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Get Artiele est tiré du Chapitre a6 de l’ancienne Coutume ; il semble que la décision a pris sa fource dans la Loi des Fiefs ; les biens de bourgage, appellés Bona Burgérisatica, étoient originairement moins distingués que les biens de la campagne ; c’est par cette raison que les filles pouvoient facilement être admises à les partager, elles qui étoient autrefois incapables de posseder des Fiefs.Terrien , Liv. 6, Chap. 3, dit que quelques-uns ont été de cette opinion, que les filles, par le partage des biens de bourgage avec leurs freres, n’avoient rien à prétendre sur les biens de Coûtume générale ; mais il réfute cette opinion par Arret du iù lanvier 1521. Godefroy a traité la même question, & il l’a réfolue comme Ter-rien.

Par Arrêt du ao Juillet 17rs, il a été déclaré que les Paroisses du Boisgnillaume, de Saint Etienne, & celles de la Banlieue ne sont point en bourgage, & que les héritages qui y sont situés se partagent suivant la Coûtume générale, à la réferve de ceux tenus en Franc-aleu.

Pareil Arrêt du 1é Mars 1697, pour la Paroisse de Belbeufs Vovey le Proces-verbal de la Coutume.

Les héritages de Francaleu se gouvernent dans le partage, comme ceux tenus en bourgage.

Les places de Barbier-Perruquier sont immeubles de bourgage, & se partagent de même : Arrêt rendu, les Chambres assemblées, le 23 Janvier 173o.

Le bourgage se justifie par des déclarations, des partages, des contrats de vente, des transactions, & des dépositions même de témoins de ce qu’ils ont oui dire de l’état des fonde comme d’une chose alors notoire : Arrét du 2o Juillet 1684.Basnage , sous l’Art. CCCXXIz.

Le dernier genre de preuve éprouve de la difficulté. l’Arrêt de 168a fut rendu en la seconde Chambre des Enquêtes, sur un partage en la première ; l’avis du Rapporteur étoit qu’il n’étoit point permis d’alléguer d’autres usages locaux que ceux qui avoient été recus & approuvés lors de la réformation de la Coûtûme ; il passa à l’avis du Comparti-teur. L’offre de la preuve de l’usage de temps immémorial étoit appuyée de partages égaux entre freres, quoique l’on prétendit que les fonds étoient situés en Caux.

Les rentes dues par le Roi, par le Clergé & les Provinces, ont toujours été regardées comme ayant une assiette certaine ; il a été cependant jugé par Arrét du 4Août 1681 rapporté par Basnage sous cet Article, que les rentes dues par le Roi se partagent entre freres & suurs comme biens de notre Coûtume générale : Arrét singulier, qui par cela même mérite d’être observé. Il a été aussi jugé par Arrét du 2o Juillet 1756, que les rentes nouvelles dues à un homme de cette Province par le Clergé, avec stipulation d’emploi, mais sans aucune affectation spéciale, devoient se partager comme un héritage de Normandie, tenuen censive & en roture, quoique le créancier de la rente fût domicilié en Bourgage.


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La Jurisprudence du préciput roturier de l’Article CCCLVI, a lieu en faveur de chaque frere contre les seurs : Arrét du a Juin 1704. Quoiqu’il y ait plus de manoirs que de freres, cette circonstance n’est point un obstacle au droit que la Coûtume defere aux mâles, quand les freres auroient donné à leur seur une déclaration des biens à partager sans aucune réserve, il suffit qu’ils reclament le préciput avant la choi ie des lots : Arrêt du ; Décembr. 1715.


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Godefroy remarque tres-bien que l’exclusion des successions des pere & miere, prononcée par la Coutume contre les filles en faveur des mâles, a pour objet unique la conserva-tion des familles, puifque des que les filles succedent au défaut des mâles non extantibus masculis, la même Coûtume les admet à des partages égaux, sans que l’une puisse prétendre au-cun avantage sur l’autre, si on excepte la prérogarive du choix déférée à l’ainée, dit rault, & la saisine des lettres & écritures de la succession à partager, si on excepte encore la qualité d’ainée paragere.

Le préciput n’étant aceordé qu’à l’ainé des mâles, il ne peut pas être étendu par interprétation à l’ainée des filles contre ses seurs, hoc verbam, dit duMoulin , sur l’Artiele XIV de Tours, non potest concipere femininum nisi per interpretationem extensivan quia cuen consuetudu inducens inoequalitatem inter liberos sit exorbitans non patitur nunc interpretationent exten-sivans.

Les représentans d’une fille ayant partagé un Fief avec les représentans d’une autre fille la portion échue à une branche ne peut être subdivisée entre mâles, elle ce le au profit de l’aité de chaque branche : Arrêt du mois de JIuin 1645, rapporté parBasnage . Voyez, du Broit d’Ainesse en subdivision, leBrun , des Successions, Liv. 2 ;.Auzanet , sur Paris, Art. XIX.


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Rien ne devroit être plus libre & plus reflechi que l’engagement à la vie monastique, l’état de la jeunesse n’est pas plus à l’abri des écueils de la fauile dévotion que de ceux de la dissipation & des plaisirs ; les plus grands ressorts sont souvent mis en oeuvre pour s’emparer de l’imagination si propre alors à s’enflammer, & pour enlever à la vie civil des mem-bres précieux & des soutiens aux familles ; mais des que le premier coup est porté à la victime, le joug s’adoucit, & on la conduit par une route facile à la consommation de son fa-crifice. Si des parens reclament, on oppose à leur reclamation les conseils évangéliques, les dispositions des Conciles & de l’Ordonnance, comme si Dieu acceptoit un facrifice qui est le fruit de l’obsession, comme si l’Ordonnance qui abrege le temps des voux, ne supposoit pas pour baze le consentement des parens : le Parlement de Paris a donné dans tous les temps de grands exemples de sevérité pour réprimer cet abus toujours renaissant ; il seroit à souhaiter qu’on renouvellat l’Ordonnance d’Orléans, on obvieroit aux dangereux effets de la molle condescendance de certains parens, & on ne verroit pas par des voeux solemnels, émis à l’âge de I6 ans, naître des désordres causés par un engagement prématuré.

Il est vrai que nous avons des Ordres religieux qui suivent littéralement leur constitution, dont la sagesse met l’autorité des parens & les intérêts des enfaus en sûreté, il est encore constant que quand le pere a conduit le nouvel Isaac au pied des Autels, il ne peut plus changer. de résolation sans des motifs extraordinaires, & une surprise évidente qui auroit capté son consentement.

Voyer les Ordonnances d’Orléans, Art. 2 ; de Blois, Art. XXVIII, de Moulins, Art. LV, de 1é67, Tit. 27, Art. XV, du 9 Avril 1736, Art. XXV, XXVI, XXVII ; la Déclaration du 1O Mai 17ad ; un Arrêt du 20 Mars 1586, dans la Somme rurale ;Chopin , dans son Monasticon, duMoulin , sur l’Edit des Perites Dates,Bérault , sous cet Article ;Brodeau , sur Erard M.Louet , Lett. C. Som. 8 ;Loysel , Liv. 2, Tit. 5, Reg. 303 leMaître , Plaidoyer sixieme ; Journal des Audiences, tome 2, Liv. 1, Chap. 23 ; Plaidoyers d’Etard & deGillet .

Par Edit du mois de Mars 1768, l’âge des voux est fixé pour les mâles à 2r ans, & pour les filles à 18 ans ; le Roi se réserve, aprés 1o ans, à pourvoir de nouveau sur cette matière, si intéressante pour l’ordre publie, Il y a plusieurs causes qui peuvent rendre nulle la Profession religieuse les plus ordinaires sont que la Profession ait été faite avant le temps prescrit par la Loi, qu’elle n’ait point été précédée d’un Noviciat complet, que le Novice ait prononcé ses voux par crainte, par violence ou dans un temps où il n’avoit pas son bon sens, pourvu qu’il ne les ait point ensuite ratifiés vodontairement ; les veux sont encore nuls s’ils n’ont point été recus par un Supérieur légitime, ou faits dans un Ordre approuvé par l’Eglise & par les Loix de l’Etat ; en un mot la Profession est un Traité synnall agmatique assujetti aux regles desContrats :Fevret , Traité del’abus.

Le temps de reclamer est de cinq ans : Ordonnance de Loüis XIII, Art. Ix. Mais la prescription est interrompue par des protestations en temps de droit, & par une impossibilité d’agir, dans les cinq ans bien justifiée : Loix Ecclesiastiques, tome 2, de la Translation d’Ordre & de la Reclamation contre les voux de religion. On recoit dans quelques Parlemens des Rescrits de grace émanés du Pape contre le laps de cinq ans : d’Olive , Liv. 1, Chap. 53Boniface , tome 1, Liv. 2, Tit. 31, Chap. 135Dunod , Traité des Prescriptions, Part a, Chap. 7 ; Gauses célebres & int éressantes ; Mémoires du Clergé de le Merre.

Un Religieux qui prétend reclamer contre ses voux, doit se pourvoir devant l’Official du lieu du Monastere où il a fait profession ; mais pour être restitué, il n’est point nécessaire, dans l’usage général, d’un Rescrit de Cour de Rome : Journal des Audiences, tome s, Liv. 7, Chap. 28. Il réfulte d’un Arrêt du 1o Avril 1783, qu’un Religieux qui reclame apres les cinq ans de sa profession, n’a pas besoin, dans la forme, d’un Rescrit émané de la Cour de Rome, relevatoire du laps du temps ; il lui suffit, comme au Religieux qui reclame dans les cinq ans, de s’adresser à l’Official.


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Par Arrêt du à Fevrier 161o, le Parlement de Paris adjugea la dépouille d’un PrieurCuré aux Pauvres & a la Fabrique de sa Paroisse :Chopin , de la Police Ecclesiastique, Liv. 3.

Titre 1 ;Louet , Lett. R. Chap. d2 ;Bardet , Liv. 4, Chap. 1 ; Soëfve ; Traité du Pécule des Religieux. Ceux qui soutiennent que le Pécule des Religieux-Curés doit appartenir au Monastere, disent que les Religieux-hénéficiers ne laissent pas d’appartenir à ieurs Convents, le Convent est le Curé primitif, il doit succéder au Religieux-Curé comme un pere succede a son fils. Il paroit cependant plus vrai que depuis que les Congrégations réguiieres sont obligées de mettre des Curés en titre, on ne peut plus considèrer la manse du Curé comme une emanation de celle du Convent, elle lui est devenue totalement étrangere, aussi les Auteurs modernes pensent que l’Arrêt de 17r0 doit faire le droit général de la France quoique le Grand. Conseil ait jugé autrement depuis. Cet Arrét est bien rapporté dans les Instit. Cout. de Bretagne, par M. de Perchambault, il se trouve aussi dans le Traité de la Mort civil.

Nous aurions besoin d’un Reglement sur cette matière.


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La dot des Religieuses a donné lieu, dans tous les Parlemens, à nombre d’Arrêts qui ont déclaré nulles & simoniaques les conventions à prix d’argent pour l’admission aux voeux de Religion ; la Déclaration du 28 Avril 1693 a mis des bornes à la cupidité des Maisons religieuses, en adoptant des tempéramens sages ; on y est entré dans la distinction entre les Maisons dotées & celles qui, erant de fondition nouvelle, ne sont pas cenfées l’être ; on a même distribué les Villes en différentes classes pour étendre la dotation ou la resserrer dans une juste proportion. Comme cette Déclaration est dans les mains de tout le monde, je ne Panaliserai pas ; j’observerai seulement qu’au lieu qu’elle permettoit de donner des immeubles par estimation, ou de constituer des rentes à perpétuité, une Déclaration du 20 Juiller 1762, Art. VII, fait défenses aux Communautés Religieuses d’acquérir, sous prêtexte de défaut de payement de la dot ou sous aucun autre, la propriété, ou se faire envoyer en possession d’aucun immeuble pour l’acquittement des dots, à l’exception des rentes de la nature de celles qu’il est permis aux Gens de main-morte d’acquerir par l’Article XVIII de l’Edit du mois d’Août 1749.

Les Religieux n’ont plus la liberté de s’écarter directement de la disposition des Loix, mais on prepare le proselyte à vendre ou aliéner ses biens auparavant de commencer son sacrifice ; cette pratique a lieu le plus souvent dans les Monasteres de Filles : un tuteur y place sa pupille, on rédouble d’obsestion en proportion que la tutelle est proche d’expirer : la pupille devenue majeure aliene son bien & en fait passer le prix au Monastere. Quand les heritiers reclament contre ces manoeuvres on condamne le Monastere à restituer les fommes reçues au-dela de celles qui sont limitées par la Déclaration du mois d’Avril 1693 : Arrêt rendu en Grand’Chambre le 17 Août 1751, contre les Religieuses de la Visitation de Rouen. Le Parlement porte la prévoyance plus loin, il a égard à l’état des lieux de la situation du Monastere ; & quoique, par la Déclaration que je viens de citer, il soit permis aux Religieuses non-fondées de recevoir pour dot dans les Villes où il n’y a point d’établissement de Parlement, jusqu’à la concurrence de 6000 liv. cependant quand, dans la Ville où le Monastere est placé, les denrées sont à vil prix, il modere, en connoissance de cause, la donation ; aussi par Arrét du 8 Mars 1699, une donation qu’une fille avoit faite aux Ursulines de Bayeux pour être admise à faire profession, fut limitée à une somme de 4000 liv. offerte par les parens, ou à une rente viagere de 200 liv., qu’ils confentoient d’augmenter de 100 liv. aprés la mort de la mère de la donatrice


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Comme dans les temps d’ignorance la compétence de la Jurisdiction Ecclesiastique étoit sans bornes, il n’y avoit pas, dit M. Fleury 7me Discours sur l’Histoire Eccléfiastique, jusqu’aux Lépreux qui ne fussent du ressort de la Jurisdiction de l’Eglise, comme sé-parés du reste des hommes par son autorité.Terrien , Liv. 6, arteste que telle étoit la pratique en Normandie : il prétend de plus que si le Lépreux est dans l’incaparité de disposer de son héritage, c’est qu’étant attaqué d’une maladie incurable, il ne pourroit, par exemple, donner qu’en contemplation de la mort, & par ordonnance de derniere volonté.


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Les Tribunaux doivent être en garde contre la surprise dans les accusations formées par les filles, pour les décharger du fruit de leur incontinence & obtenir des intérêts.

La déclaration d’une fille peut bien attirer de légeres condamnations par provision, une déclaration réitérée dans les douleurs de l’enfantement mérite quelque créance ; mais l’imposture de ces déclarations tant de fois découverte, a montré qu’on ne leur doit point une pleine soi, il faut constater l’auteur du délit ; & comme l’incontinence se cache, on doit à la Justice, au défaut de preuves, des présomptions qui puissent tenir lieu de la vérité : car proposer à des Magistrats éclairés d’asseoir une condamnation sur des fréquentations, sur de sim-ples assiduités, c’est vouloir que, contre leur état, ils encouragent le libertinage à la perte des moeurs : Arrêts des 15 Mars 1723 & 22 Décembre 1733.

Quand on croit avoir découvert l’auteur de la grossesse, on ne le condamne pas toujours.

Des filles célebres par leur déréglement, dans l’habitude de tendre des piéges à des enfans de famille : des filles dont les parens ont favorisé les rendez vous d’un jeune homme contre les défenses de sa famille bien connues, sont-elles dignes des regards favorables de la Justice ? Dans l’ancienne Jurisprudence, lorsqu’elles osoient conclure au mariage, la pratique de la Cour étoit de les condamner en des peines afflictives.

Si les circonstances portent à adjuger des intérêts, on balance l’âge, l’expérience & les qualités personnelles des Parties ; la naissance & le rang viennent en ordre accessoire : sixième Plaidoyer d’Erard . Une fille, par exemple, qui a eu un enfant n’a point d’action en dommages & intérêts contre celui qu’elle prétend l’auteur d’une seconde grossesse : Arrêt du 28 Fé-vrier 1755. Mais dans le cas où il est juste d’accorder des intérêts, ils emportent la contrainte par corps, quoique hors le cas de rapt ou de complicité d’autres crimes, la procédure doit être civilement intentée : Arrêts des 21 l’anvier & 1er Août 1749.

Il y a des cas qui provoquent avec raison toute la sévérité de la Justice ; ainsi si malgré les defenses formelles & réitérées du pere, un homme fréquente sa fille, s’il la rend grosse si apres lui avoir ravi son honneur il ose faire un contrat de mariage avec elle, il peut être poursuivi extraordinairement, & même décrété de prise de corps : l’autorité paternelle a été vengée de cette manière par Arrêt rendu en Grand’Chambre le 22 Février 1759. Le contrat de mariage souscrit par la mère de la fille & cinq Gentilshommes de ses parens, la qualité du parti qui paroissoit sortable, la dissipation notoire du pere, ces moyens furent considérés comme propres à recourir à la Justice pour obtenir le consentement du pere, mais comme impuissans pour justifier le mépris de l’autorité paternelle.

Voyez la Déclaration concernant le rapt de séduction, adressée au Parlement de Bretagne le 3o Novembre 1730, & remarquez, avec les Auteurs, que ce crime n’est pas toujours facile. à prouver

On ne peut assoz souvent rappeller l’Edit du mois de Février 1556, contre les femmes qui ont celé leur grossesse & enfantement : cet Edit a eu pour motif de protéger la vie des enfans nés d’un commerce illégitime, attaquée par les cris parricides du faux honneur ; il n’é-toit, dans le temps de l’Edit, comme de nos jours, que trop ordinaire de trouver des filles qui, seduites d’abord & devenues meres, sacrifioient ensuite leur fruit aux intérêts de leur réputation. L’Edit punit du dernier fupplice les femmes qui auront celé leur grossesse & en fantement, & dont les enfans auront été privés du Sacrement de Baptême & de sepulture publique & accoutumée ; elles sont, suivant l’Edit, dans le concours de ces circonstances tenues & réputées avoir homicidé leur fruit. Par un autre Edit de l’an 1586, il fut enjoint aux Curés de publier celui de 1556 aux Prônes de leurs Paroisses de trois mois en trois mois ; le Parlement de Paris renouvella la nécessité de cette publication par Arrét du 19 Mars 1698.

Une Déclaration du Roi du 25 Fevrier 1708, enregistrée en ce Parlement le 15 Mars, donnée en interprétation de l’Art. XXII de l’Edit du mois d’Avril 1695, & de la Déclaration du 16 Décembre 1608, en ordonne de nouveau la publication aux Prônes de trois mois en trois mois, à peine de saisie du temporel des Curés à la requête du ministere public.


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Souvent un homme éloigné de son domicile, fier de secouer le joug d’un premier engagement qui subsiste encore, se fait un perfide jeu d’élever un fantôme de mariage. L’état de cette femme qu’il place sur les débris d’un premier noeud, & des enfans qu’elle lui donne, me paroit dépendre absolument des circonstances de ce second engagement. a-t’il été en effet précédé des informations capables de faire présumer la liberté de celui qui est sur le point de le contracter ? a-t’il été accompli avec les formalites prescrites dans le lieu de la célébration du mariage ? Enfin, remarque-t’on dans les démarches & dans l’exécution toutes les précautions que sa prudence ordinaire conseille ? Il ne sembleroit pas alors juste que cette femme & ses enfans fussent les victimes infortunées d’un suborneur adroit ; cependant quoique la manière de décider soit en elle-même tres-difficile, la difficulté s’accroît encore lors-qu’il y a des enfans nés du premier & véritable mariage. Il me seroit inutile de citer des Arrêts, il en a été rendu en cette espèce dans tous les Tribunaux du Royaume ; mais la di-versité qui regne fouvent à cet égard entre les décisions du même Parlement, répandroit peut-être par les citations un nuage encore plus épais sur la question.

Des parens assemblés, qui marient une fille comme legitime qui ne l’est pas, ne peuvent dans la suite lui reprocher le vice de sa naissance & lui opposer son incapacité, lorsqu’il lui écheoit une succession ; le mari seroit trompé par la mauvaise foi d’une famille convoquée pour la sureté du Traité le plus important & le plus solemnel : aussi par Arrêt du 15 Mai 163I, rapporté par Basnage sous l’Article CCXXXV, on adjugea dans cette espece, pour intérêts au mari & à la femme, le partage qui lui eût appartenu dans la succession ouverte, si elle eût été légitime. Pareil Arrêt en faveur d’un fils bâtard marié comme légitime, prononcé en Robe rouge au Parlement de Paris, par M. le Président de Morsans, le 14 Juillet 1582 : AnneRobert , Liv. 2, Chap. 18

Observez que le Prince peut bien habiliter le bâtard à posseder des Offices séculiers ; mais les Canonistes prétendent que les Lettres de légitimation qu’on obtient de lui, ne suffisent pas pour recevoir des Ordres ou tenir des Bénéfices, le bâtard doit être dispensé par l’Evéque ou le Pape, suivant le degré de l’Ordre ou la qualité du Benéfice.


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D’état des bâtards est souvent exposé à l’incertitude ; on suit à leur égard les principales maximes que j’ai observées sous l’Art. CCXXXV : on argumente de la cohabitation, de l’accouchement, de l’Extrait des Registres de Baptême quoique déguisé du tractatus, de la reconnoissance des pere & mere, & de la notoriété au lieu de leur domicile : troisieme Plaidoyer d’Erard .

On peut dire que le pere est plus étroitement obligé de procurer la subsistance à son fils naturel qu’à celui qui est le fruit de l’union conjugale ; l’un en naissant trouve une seconde mére qui est la Loi, elle l’adopte, elle lui administre mille secours ; l’autre, exclu des Offices des Bénéfices, des Successions de ses proches, n’a pour azile que la maison paternelle :Erard .

On donne ordinairement la premiere éducation du bâtard à la mère ; & l’Auteur des Maximes da Palais dit, qu’il a été jugé qu’un fils bâtard resteroit chez sa mere jusqu’a l’âge de dix ans : on condamna, par le même Arrêt, son père à lui payer pension.

On a jugé au Parlement de Paris sur les Conclusions de M. l’Avocat-l. énéral Cilhert, le 28 Mai 173I, que les alimens étoient dûs aux enfans naturels jusqu’à l’âge de 20 ans, & qu’alors le pere étoit obligé de leur faire apprendre un métier ou de leur donner un état convenable : je me persuade aussi que la mere n’est pas moins obligée de remplir ce devoir que le pere, suivant ses facultés. De Freminville, dans son Dictionnaire de la Police verb. Grossesse, rapporte un Arrêt du mois de Février 172d, qui a condamné le pere & la mère du batard à sa nourriture, entretien & éducation.

La légitimation par le mariage subséquent a été long-temps inconnue en France ; on trouve le fondement de cet usage dans une Loi de Constantin : mais comme nous n’avions jus-qu’à la troisieme Race que le Code Théodosien, & que la décision de Constantin ne s’y trouve point, ce n’a été qu’en étudiant Justinien & vers la fin de l’onzieme siecle, que cette ma-nière de légitimer les bâtards s’est établie ; quelques Auteurs ont prétendu qu’elle n’a d’effet que pour la promotion aux Ordres, mais qu’elle n’habilite point à succéder. Voyez Fleta Chap. 39, §. 4. Notre ancien Coutumier rejette cette distinction il répute pour legitimes les enfans nés avant le mariage quand le pere épouse leur mere. Voyez l’ancienne Coutume, Chap. des empêchemens de Succession, &Terrien , Liv. 2, Chap. 3.

Quoique le bâtard légitimé par Lettres du Prince ne succede point aux parens qui n’y ont point consenti, les parens lui succedent néanmoins contre la regle si vis mihi succedere fac ut tibi succedam : aussi dit-on que le fife en changeant l’état des bâtards, abandonne son droit & per legitimationem nothus censetur factus de familia, non ut succedat familie, sed ut fami lia et succedat.Bacquet , du Droit de Bâtardise, Chap. 14, n. 18. LeBrun , des Successions, Liv. 1, sect. 4, n. 3.


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On comparoit autrefois, dans plusieurs Provinces du Royaume, les bâtards aux serfs ils n’avoient, ni les uns ni les autres, la liberté d’acquérir : comment auroient-ils pu disposer ? Notre ancien Coutumier, en donnant aux bâtards le pouvoir de contracter comme les autres citoyens, s’éloigne de ces Loix, qui ne sembloient faites que pour grossir les émolumens du Prince ou des Seigneurs particuliers. Lisez la Somme rurale deBouteiller , avec les Observations deCharondas , depuis la page 921 jusqu’à la page 93o, édit. de 1622.

La Coutume du Maine est conforme à la Jurisprudence attestée par l’Article XCIV du Reglement de 1666, cité par Pesnelle : qui n’a qu’acquêt, y est-il dit, Art. CCCLII & CCCLV, n’en peut donner que le tiers ; qui n’a que meubles n’en peut donner que la moitié ; comme bâtards qui n’ont propres, mais s’ils ont immeubles, peuvent donner tous leurs meubles : Sommaire de Bodreau. Perchambault, sur l’Article CCCCLXXIX de Bretagne, demande combien le bâtard peut donner ; M.Louet , D. 37, &Chopin , répond-il croyent que cette liberté est sans limite, & que les restrictions portées par la Coutume, ne regardent que les heritiers du sang ; mais leur pensée n’est pas raisonnable dans cette Coutume, qui veut conserver à chaque hérédité sa légitime, ainsi le batard ne peut donner que le tiers de ses immeubles.


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L’Article VI de l’Ordonnance de 1639, prononce cette incapacité de succéder contre les enfans procréés par ceux qui se marient aprés avoir été condamnés à mort ; mais il faut tenir, ditBasnage , dans le Traité des Hypotéques, Chap. 13, que le crime commis avant le mariage, dont le mari n’étoit pas encore soupçonné, n’exclut point la femme, qui étoit en bonne foi, d’avoir un donaire sur ses biens, ni les enfans leur tiers coutumier. Le Texte même de l’Ordonnance de 1639 conduit à cette distinction.


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La subrogation est entierement opposée à la contumace des héritiers en général ; par la Contumace on tente de découvrir l’héritier de son débiteur, & dans la subrogation on soutient que le débiteur est habile à succéder à une succession ouverte, & le créancier conclut à être autorisé d’user de son droit.

DuMoulin , sur Paris, §. 1, Gl. 3, n. 15, a été de cette opinion, que quand un débiteur, en haine de ses créanciers, renonce à une succession opulente moyennant un prix mo-dique, ses créanciers n’ont que la faculté de saisir ce qui lui a été promis. LeBrun , des Success. Liv. 3, Chap. 8, sect. 2. n. 27, dit que l’usage a réprouvé cette opinion. Ce même Auteur ajoute que, quoique les créanciers du débiteur renoncant puissent le contraindre de leur céder ses actions, il est mieux qu’il les laisse subroger à ses droits par défaut, & qu’il ne prête point de consentement ; il cite l’Art. CCLXXVIII de notre Coutume.

Régulièrement un créancier peut exercer tous les droits de son débiteur, & s’y faire subroger à cet effet, quand le débiteur refuse de les exercer lui-même, parce que ce refus passe pour une fraude manifeste, personne n’étant présumé abandonner ses droits à plaisir : il y a cependant de certains droits tellement attachés à la personne, qu’un créancier ne pourroit pas les exercer ; ainsi un créancier subrogé n’a pas le droit, comme les freres, de réduire les filles au simple mariage avenant.

Si un pere renonce a une succession qui lui est échue, & la prend sous le nom de son fils mineur, le créancier peut demander la subrogation au lieu & droit du pere son débiteur, quand même cette demande auroit été précédée d’autres diligences ; & dans le cas même où cet enfant articuleroit des jouissances depuis plusieurs années : Arrêt au rapport de M. d’Agis, du 2o Juillet 1722 ; c’est que le droit du créancier est ouvert par la renonciation de son débiteur, & qu’une possession contraire, fût elle de vingt ans, ne peut pas lui être opposée Si l’aïeul vend ses héritages & les retire au nom de ses petits-enfans, les créanciers du pere seront privés de la voie de subrogation sur les héritages clamés ; mais ils se feront subroger à sa demande en tiers coutumier.Bérault .