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CCXCVI.

L’Aîné pourra retirer ledit tiers un an aprés le décès de son Pere, s’il est Majeur, ou s’il est Mineur, un an après sa majorité, en payant le denier vingt pour les Terres Roturieres, & le denier vingt-cinq pour les Fiefs Nobles : ce que pareillement pourront faire les Tuteurs des Enfans de l’Aîné, s’il décede devant son Pere, ou aupara-vant que d’avoir fait ladite déclaration, sans pour ce payer Reliefs ni Treiziemes.

Ces deux Articles & le CCCII, reglent comment la succession des biens de Caux en ligne directe doit être partagée entre les freres, quand les ascendans n’ont fait aucun Acte de derniere volonté, touchant leurs biens immeu-bles situés au Pays de Caux ; car l’Article CCXCVI, ne se doit entendre que quand les puinés ont le tiers par la disposition de la Loi ; car quand ils l’ont par la volonté de leurs pere ou mere, l’ainé ne le peut retirer, suivant qu’il est attesté par l’Article LVIII dudit Réglement, ce qui fait voir qu’il est quelquefois plus avantageux d’avoir le tiers de Caux par la volonté des ascendans que par la disposition de la Loi.1

On a demandé, si les Tuteurs des enfans de l’ainé peuvent retirer ce tiers apres l’an & jour ; c’est-à-dire, si les Mineurs auront encore la faculté de retirer dans l’an de leur majorité. Il y a grande raison pour répondre, que ce droit de retirer est de la même condition que les autres retraits, dont le temps. court aussi-bien contre les Mineurs que contre les Majeurs, sans espèrance de restitution, par l’Article CCCCLVII, que si la Coutume a accordé aux ainés.

Mineurs le droit de retirer dans l’an de leur majorité, c’est un cas particulier qui ne doit pas être tiré à conséquence ; parce que quand l’ainé est Mineur il est nécessaire que ses puinés soient Mineurs : c’est pourquoi il n’y a point d’inconvénient à proroger le temps de ce retrait jusqu’apres l’an de la majorité de l’ainé. Mais quand les enfans de l’ainé sont Mineurs, il peut arriver que leurs oncles sont Majeurs auparavant le déces de leur frere ainé, & partant si on prorogeoit le temps du retrait jusqu’à la majorité de leurs neveux, ils demeureroient trop long-temps dans l’incertitude de leur partage. C’est pour-quoi la Coûtume, en l’Article CCXCVI, a expressément déclaré, que les Tuteurs des enfans de l’ainé peuvent faire ce retrait.


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L’ainé peut, en Caux comme en Coûtume générale, choisir un Fief par préciput Noble ; & S’il y a plusieurs Fiefs, le premier puiné d’aprés lui a la même liberté, & les Rotu-res demeurent aux autres puinés sans aucune prérogative entr’eux ; mais ils ont cet avantage, que l’ainé n’est pas recevable à les rembourser des Rotures : Arrêt de ce Parlement, y présidant M. le Chancelier Séguier.

Quand on ne s’arrête qu’au texte de la Coutume, on est tenté de penser que si une succession de Caux est composée de Fiefs & de Rotures, les Fiefs se divisent entre l’ainé & les puinés, comme entre filles, à l’exception néanmoins que l’ainé seul en a les deux tiers. Les étrangers entrainés par leur Jurisprudence, doivent naturellement adopter cette idée ; cependant ce n’est pas l’intention de la Coutume, même de Caux. Quand les Auteurs disent que les Fiefs y sont mis en partage ils veulent signifier qu’ils ne sont pas choifis comme préciput Noble, les puinés peuvent bien avoir, dans leur partage, un Fief noble s’il s’en trouve plusieurs, partie du Domaine non fieffé, & des Rotures ; mais quand il n’y a qu’un seul Fief & des Rotures, ils ne peuvent démembrer le Fiefi

Des Coûtumes qui, comme la nôtre, donnent à l’ainé le droit de rembourser les puinés de leur part héréditaire, ne font commencer le delai que du jour du partage : cette précaution est juste ; car des puinés peuvent, sur des incidens, tenir long-temps leur frere aine dans les entraves d’un proces. Cependant les termes de notre Coutume sont précis, & il n’est pas permis de les étendre : on peut dire qu’il suffit, parmi nous, que l’ainé intente son action dans le délai de la Loi, sfur l’action on liquidera les sommes à rembourser, & en cas de refus la consignation aura lieu.

Les baux du pere commun paroissent être d’un grand poids quand on ne peut les soupconner d’avoir été concertés par quelque motif particulier ; ils ne suffisent cependant pas pour fixer l’estimation des fonds. Un Auteur célèbre a proposé de s’arrêter aux trois derniers baux : méthode qui n’est point assez exacte ; la convention d’Experts dans le doute peut seule fixer’incertitude, & il seroit à souhaiter qu’elle pût être déterminée par les parens. L’estimation. doit se faire, ditBasnage , sur la véritable & ordinaire valeur des fonds. EtRicard , sur Amiens, ajoute que l’intention de la Coûtume n’est pas de rien ôter aux puinés de leur portion, mais de les récompenser de ce qu’ils quitrent suivant sa juste valeur, en leur donnant moyen d’acheter un autre héritage de pareille qualité

La plupart des Auteurs étrangers prorogent le délai de rembourser les puines, àcause de la minoriré du fils de l’ainé mort, dans le temps de droitRicard , sur les Art. LXXIII, LXXIV LXXV d’Amiens ; la Villette, sur l’Art. CLXXl de Péronne. Ils invoquert l’autorité de duMoulin , sur l’Art. CCXV de Bourbonnois : Si non plenè S pefecie jus quesitum, & medium inhabile interveniat, quod impediet extremoram conjunctionemt, tute extrema non conjunge, & ils disent que le cours des délais statutaires est intetrompu quand il vient à tomber en lapersonne d’un mineur héritier de celui avec lequel la prescription avoit commence de courir.

Notre Jurisprudence est plus équitable, en accordant ur temps meins long pour enlever aux puinés une propriété qui leur est acquise en vertu de la Contume.

Bérault remarque que le frere ainé ne peut céder & transporter le droit qu’il a de retirer le tiers des puinés : car la Coutume, en accordant à l’ainé cette façulté, n’a eu d’autre vue que celle de réunir sur sa tête la totalité des héritages de ses pere & mére ; c’est encore l’opiniont de cet Auteur, que la portion des puinés retirée par le frère aire, est un propre dans sa succession, d’autant que le retrait dérive de la Coûrume qui déferoit, avant la réformation, à l’ainé la propriété universelle des biens de ligne directe.