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CCCVII.

Les Enfans des Soeurs décédées ne succedent à la représentation de leurs Meres avec leurs Oncles, Freres du défunt ; mais bien succedent avec leurs Tantes, s’il n’y a Frere du défunt vivant.

Pour reprendre l’ordre de cette division, lequel est plutôt suivant l’arrangement fait par la Coûtume, que suivant la méthode, qui requiert qu’on com-mence par la définition, auparavant que de diviser, & qu’on propose les regles, auparavant que d’en déclarer les exceptions ; il faut expliquer la repre-sentation, qui, à proprement parler, est une exception de la maxime par laquelle le plus proche parent doit préférer dans les successions le plus éloigné.

Il faut done remarquer, que quoique ce soit une maxime recue par tous les Interpretes du Droit coutumier, qu’on ne peut représenter une personne vivante ; c’est-à-dire, qu’on ne peut être héritier par droit de représentation, si la personne qu’on prétend réprésenter n’est morte naturellement ou civilement,Louet , R. 41. il est néanmoins d’un usage certain dans la Coutume de Normandie, que cette maxime ne s’y observe point, & qu’il suffit pour succéder par droit de représentation, d’être habile à représenter le plus proche parent, qui ne veut point accepter la succession qui lus étoit échue ; & partant un frere répudiant la succession de son frère, son fils peut par le droit de représentation appréhender cette succession.

Or la représentation qui est admise en la succession des meubles & acquête en ligne collatérale, differe de la représentation qui a lieu en la succession tant directe que collatérale des propres ; car celle-ci n’est point limitée, & est admise jusques dans le septiene degré de parenté, dans lequel le droit de succéder se termine, suivant qu’il est attesté par les Articles XLI & XIII du Réglement de 166é, ( ce qui est contraire au Droit coûtumier, aussi-bien qu’au Droit Romain, par lesquels la représentation n’est admife que dans les successions en ligne directe, ) mais la représentation particulière à ce Chapitre, est bor-née dans le premier degré ; c’estâdire, lorsqu’il s’agit de la succession d’un frere ou d’une seur, qui est à partager entre un frere où une seur, & les enfans, soit d’un autre frère, soit d’une autre seur.1 Pour mieux entendre cela, il faut sçavoir, que bien que les freres excluent les seurs, & les descendans des freres excluent les defcendans des soeurs, quand ces descendans sont en pareil degré à l’égard du défunt, par l’Article CCCIX, néanmoins au cas de représentation dans la succession collatérale des meubles & acquêts, il faut user de distinction : car quand la succession d’un frere ou d’une seur est échue, où il y a un frère survivant, ou il n’y en a point ; s’il n’y en a, il est certain que non-seulement il exclut les descendans de ses seurs, mais ses seurs mêmes, suivant l’Article CCCIx ; mais il n’exclut pas les enfans de ses autres freres, ( qui sont au premier degré ; c’est-à-dire, fils des freres, & non pas les petits-fils des freres, ausquels la représentation ne s’étend point ) parce qu’ils représentent leur pere, par l’Article CCCIV, de sorte qu’ils partagent la succession par souches & non par tétes, par l’Article CCCV.

Que s’il n’y a point de frère survivant, mais quelque seur, elle n’exclue ni les neveux issus d’un frere, ni les neveux issus des seurs, parce que tous ces neveux du défunt viennent à sa succession par représentation, par l’Article CCCVI, dont il s’ensuit évidemment que les enfans des freres venant par représentation à la succession de leur oncle, n’ont pas les mêmes droits qu’auroit eu leur pere qu’ils représentent. Car non-seulement ils n’excluent point leurs tantes, mais ils n’excluent pas même les enfans de leurs tantes, parceque ces enfans, quand il n’y a point de frère du défunt qui lui ait survecu, sont admis à la succession, comme repréfentans leur mere, pour partager par souches, tant avec leurs tantes qu’avec les enfans des freres prédécédés ou répudians la succession. Ce qui fait voir que la représentation a lieu pour les enfans des seurs, quand quelqu’une de leurs tantes est appellée à la succession du défunt, qui n’a point laissé des freres qui soient ses héritiers. De plus, les enfans des freres succédans par représentation à leur oncle, n’auront aucun préciput tel qu’eût pu avoir leur pere, s’il eût été héritier ; ce qui est général, soit qu’ils partagent avec leurs oncles ou avec leurs tantes, par l’Article CCCVIII.2 Il ne faut pas omettre, que pour la représentation duplicitas vinculi non aitenditur : car tout ainsi que les frères de pere & de mere n’excluent pas les freres, qui ne le sont que de pere ou de mere seulement, par les Articles CCCXI & CCCXII, ainsi les enfans de celui qui étoit frère de pere seulement, sont admis à la succession d’un de leurs oncles avec leurs oncles, quoi-que freres du défunt, par le double lien des lignes paternelle & maternelle ce qu’il ne faut pas étendre par parité de raison aux enfans des frères de mere seulement, qu’on appelle freres utérins, qui ne concurrent point par droit de représentation, comme il sera expliqué sur l’Article CCCXII.3 Il faut en outre remarquer, que l’Article LXIV dudit Réglement, a attesté une espèce de représentation, par la préférence qui est donnée aux arriereneveux ou arrière-nièces du défunt, au préjudice des oncles & tantes de ce même défunt, en la succession de ses meubles & acquêts, puisque ces arrièreneveux & ces arrière-nieces sont d’un degré plus éloigné.

Pour faire paroître cela évidemment il est à propos de faire une Généalogie, qui représente les degrés où sont placés les oncles & les arrière-neveux,

ROBERT FRANçOIS Oncle de PIERRE.

JEAN LOUIS.

PIERRE, de la succession duquel, sest la question.

LAURENT MICHEL arriere-neveu de PIERREIl s’agit de la succession de Pierre, qui a pour oncle paternel François, frère de Jean, pere dudit Pierre, il a d’ailleurs pour arrière-neveu Michel, petit-fils de Louis, frère dudit défunt : il est évident que François oncle, est au second dégré à l’égard dudit défunt Pierre son neveu ; & qu’à l’opposite, Michel arrière-neveu dudit défunt, n’est à son égard qu’au troisieme ce-gré. Si donc l’arrière-neveu préfere l’oncle en cette succession de Pierre, c’est une exception à la maxime, par laquelle les plus proches parens excluent les plus éloignés, hors le cas de représentation, qui n’a lieu qu’au premier degré, en la succession collatérale des meubles & acquêts, par l’Article CCCIV, Or cette exception est fondée sur ce que cet arrière-neven eût préféré Iean son bisaieul, pere du défunt, en cette succession, par un autre regle, qui est, que les ascendans ne peuvent fuccéder à leurs descendans, tant qu’il y a quelques autres descendans d’eux, par l’Article CCXLI. Mais d’aillleurs ce pere du défunt eût exelu de cette méme succession François son frere, oncle du défunt, parce que le perc & la mere excluent les oncles & tantes de la succession de leurs enfans, par l’Article CCXLII, dont on a conclu, que puisque l’arrière-neveu préféroit le pere du défunt, il doit préférer l’oncle de ce même défunt, parce qu’il préfere celui qui indubitablement préfere l’oncle, sçavoir le pere du défunt, suivant le Proverbe, Si vinco vincentem ie, multé magis ie vinco.4 Mais tout ce raisonnement est plus subeil que solide, car quant à la conéquence, qui se tire du Proverbe Latin, elle ne peut être valable en la question dont il s’agit, parce que ce Proverbe n’est véritable que quand in eodem genere, & eodem jure vincitur,Louet , M. 5. & F. 22. Or si les petits-fils, quoique plus éloignés, vainquent ; c’est-à-dire, préferent leurs ascendans dans le droit de succéder, ce n’est pas par la raison de proximité, mais par une autre raison, qui se tire de la ligne directe ; la Coûtume ayant dispolé, que la succession ne peut remonter aux ascendans, tant qu’il y a des. descendans d’eux.

Or cette raison ne pouvant avoir lieu quand il s’agit des droits successifs entre collatéraux, comme entre les oncles & les arrière-neveux ; la préférence qu’elle donne en ligne directe descendante, ne doit pas avoir d’effet en la collatérale, en laquelle les droits de succéder ne se discernent que par la considération du degré, oude la représentation admise par la Coûtume.


1

La représentation en collatérale étoit autrefois inconnue parmi nous dans la succession aux acquêts ; la tante, soit paternelle ou maternelle, excluoit ses neveux sortis du frère du défunt. L’ancien Coutumier, Chap. 25, porte en plusieurs endroits, que le conquét vient au plus prochain du lignage, ou, comme disent d’autres Coutumes, au plus proche du ventre. La Coutume réformée admet la représentation, pourvu que le re présenté soit au premier degré de parenté avec le défunt dont la succession est ouverte ; plusieurs Coutumes ont la même disposition : mais il y en a qui l’appliquent à la succession au propre, comme à celle des acquets.

L’explication de cet Article fait naître une question importante : Une succession mobiliaire de 50000 livres est à partager entre le frère du défunt & son neveu ; ce frere, qui a quatre enfans, renonce à la succession : on demande si ce frere renoncant, ses enfans succederont par souche ou par téte. On dit que sa renonciation est frauduleuse, dans la vue de procurer à ses enfans 15000 liv. plus qu’il n’auroit eu en partageant avec son neveu ; que les enfans viennent au droit de leur pere en Normandie, ou représentation a lieu, même d’une personne vivante. On répond qu’on ne peut forcer personne à se porter héritier, que par la renonciation le pere n’a fait qu’écarter l’obstacle qui les cloignoit ; que les enfans deviennent alors ha-biles à succéder, quasi persona patris subducta è medio, qu’ils n’ont point besoin du secours de la représentation, étant en parité de degré avec le neveu du défunt de l’autre branche, que le cas de représentation auroit lieu si le pere du neveu étoit vivant, & qu’ainsi ils doivent partager par têtes, nemo tenetur de dolo cum suo jure utitur.


2

La tante succédant avec ses neveux sortis de son frère, fait les partages, & les enfans de l’ainé peuvent prendre un Fief lorsqu’il y en a un dans la succession, en payant aux copartageans l’estimation du Fief au denier vingt : Arrét du 20 Mars 1587, cité par Bérault sous cet Article. La fille de la fille ainée a le choix sur sa tante, d’autant que le benéfice de la représentation subsiste à l’exclusion du préciput.


3

Plusieurs Coutumes préferent le frère de pere & de mere au frere consanguin, ou utérin, & on les appelle Coutumes de double lien. Voye ; Troyes Art. XCIII ; Chaumont, LXXX ; Orléans, CCexx ; Tours, CClXxxix ; Freux, XC ; Perche, CLIII ; xaintonge, LXXXVIII, la Rochelle, Il, Bar-le-Duc, CxxIx ; Saint. Quentin, Li Péronne, CLXXxix.

Le double lien n’a plus lieu à Troyes, apres le cas de représentation : Arrêt du 1é Avril 1622, rapporté parPithou . Beaucoup d’autres Coûtumes rejettent le double lien, comme Sens LXXXIV ; Châlons, LXXXIY ; Melun, Cel. IX ; Etampes, CXXVI ; Paris, CcexI, &c.

Notre Coutume est évidemment de ce nombre ; & on ne peut pas douter, comme l’a remarqué Pesnelle, que le fils d’un frère de pere ne succede par représentation avec son oncle frère de pere & de mére du défunt. Voyer la Note sous l’Article CCCXII.


4

Il semble d’abord que l’on peut donner cette explication à l’Article LXIV du Reglement de 1o86. Ie laisse un arrière-neveu, petit fils de mon frere, & un oncle frère de mon pere ; nous descendons, mon arrière neveu & moi, d’une souche commune qui est mon pere & mon oncle & moi nous descendons l’un & l’autre de mon aieul ; ainsi notre fouche commune est plus éloignée, d’où l’on pourroit conclure que mon arrière neveu doit me succéder de préférence sur mon oncle ; mais cela ne détruit pas la difficulté : car dans la succession aux ncquêts on succede régulièrement, hors le cas de représentation, selon la proximité du degre.Pithou , sur l’Art. CIV de Troyes, a eu recours à la regle, si vinco uincentem te. Guia opus Roc adjicere,, :. Si quidemt è hie illa regula obtinet, si vincovinetntem te, &c & il n’est point d’autre moyen de justifier l’Article du Reglement.