Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


CCCXXIV.

Donation faite par un Pere à son Fils puîné d’Héritage assis en Caux, est réputée propre & non acquêt.

Ces deux Articles se rapportent à la troisieme partie de la division, dans laquelle on doit expliquer ce qui doit être censé acquet. Il est donc nécessaire d’apporter une définition des acquêts : on la peut représenter par l’opposition que les acquêts ont au propre ; car comme le propre est le bien qu’on possede à droit successif ou de lignage, par les Art. CCXLVII, CCexXXIV. & CCCCLXXXIII, comme il a été remarqué sur le Chapitre de la Succession au Propre, on peut dire que les acquêts sont les biens acquis par travail, industrie, ou par bonne fortune, & que partant l’on a possédés autrement qu’à titre successif ou de lignage. Cette définition a plus d’étenduë que celle du Droit Romain : Queslus proprié dicitur, quod opera, solertia, vel indusiria alicujus queritur, & ejus appellatione non continetur hereditas, vel legatum, I. Quesius, & I. duo societaiem, S. duo coltiberti, ff. Pro socio. Car par cette définition legale, la donation n’est point réputée un acquet ; mais par l’autre définition, qui est du Droit coutumier, la donation est un acquet.

C’est pourquoi la Coûtume a voulu distinguer quelques actes qu’on appelle improprement donations, pour faire connoître qu’ils ne sont point acquets, mais propres. L’Article CCCXXIII déclare, que la donation faite par un frere ainé à ses puinés, en récompense de la provision à vie qu’ils eussent pu demander sur la succession directe assise en Caux est réputée propre & non acquet. Il faut dire la même chose de ce que le frere ainé donneroit à ses puinés au lieu de la provision à vie, qu’il leur devroit à cause du Fief qu’il auroit pris par préciput, au cas de l’Article CCCXLVI, parce qu’en ce dernier cas aussi-bien qu’au précédent, ce n’est pas une véritable donation, mais plutor une récompense, qui tient lieu de légitime, laquelle est toujours un propre provenant ex naiur & debito, & nullement ex liberalilate donantis.

Cest par une raison semblable que l’Article CCCXXIV décide, que la donation faite par le père à ses enfans puinés d’héritage en Caux, est propre & non acquêt : car le pere ne pouvant disposer du tiers de Caux qu’en faveur de tous ou de quelques-uns de ses enfans puinés, la donation qu’il en fait procede plutôt d’un devoir de nature, que d’une pure libéralité : il faut étendre cette décision à toutes les donations que font les ascendans à leurs des-cendans, qui sont toutes réputées un avancement de succession, par l’Article CCCCXXXIV.1

Mais que doit-on dire des donations qui sont faites aux parens collatéraux présomptifs héritiers : Quand le donateur n’a qu’un seul héritier ( qui est l’espece de l’Article CCCCXXXII ) il semble que la chose donnée est un pro-pre du donataire, car c’est comme une succession anticipée : mais liors de ce cas, l’option de Chassanée paroit fort équitable, qui est, que la donation doit être réputée un propre, quand le donataire n’a par la donation que la part qu’il auroit eue en la succession du donateur. Que si le donataire n’est point héritier présomptif du donateur, ou si la chose donnée excede la valeur de la portion héréditaire que le donataire auroit eue en la succession du donateur ; en ces cas la donation doit être censée un acquêt, ou en son inté-grité ou en partie, en tant que la donation excede la valeur de la part qui auroit appartenu par droit de succession.

Loüet , a. 2. rapporte qu’il a été jugé, que les donations faites au présomptif héritier collateral, sont des acquets, cum non ex nature debito, sed ex mera donantis liberalitaie procedant, in linea enim collaterali nullum nature debitum, ideqque in ea, nec falcidia, nec legitima locum habent. Get Auteur limite cette décision, & dit qu’elle n’a pas lieu quand le donateur par l’Acte de la donation, a déclaré que son intention est, que la chole par lui donnée soit propre du donataire, à l’exclusion de la communauté & des héritiers aux acquêts : il approuve de plus l’opinion de Chassanée ci-dessus expliquée : mais Brodeau son Commentateur attesse, que c’est une maxime suivie au Palais, qu’un propre donné à un parent de la ligne dont ce propre provient, est toujours cense propre en la personne du donataire, encore que cela ne soit point déclaré par la donation.2


1

Dans le temps que Terrien écrivoit, la donation faite par le pere à son fils puiné d’leritage assis en Caux, étoit réputée acquet & non propre ; & nous trouvons le motif de cette décision dans le style de procéder de cette Province ; il y est dit : n Item, les succesn sions des héritages non nobles sont de semblables usages des lieux où l’usage de Caux a n lieu, l’ainé a tout, & a la charge de marier ses soeurs, li aucunes en a, & de la provision m des freres puinés : n’ainsi le tiers datif n’a été considéré comme hérédital & venant de succession, que depuis la Coûtume réformée

Mais on a jugé, par Arrét du 29 Avril 1693, en la seconde Chambre des Enquêtes, sur un partage de la premiere, qu’un fonds en Caux rétiré par l’ainé aprés le délai de la Coutume, sur une prorogation accordée par ses puinés, étoit un acquet dans sa succession, parce que ce retrait n’avoit point été fait en vertu de l’Article CeXCVI de la Coutume.

Les deniers de la composition, pour la provision des puinés, ayant été colloqués en fonds ou en rente, cette rente ou ce fonds est au rang des propres ; on les rapproche ainsi de la qualité de la légitime des filles dans le cas de l’Article DXI. Voyez nos Commentateurs,


2

Nous avons une raison particulière de décider généralement que les héritages & immeubles donnés en ligne collatérale à l’héritier présomptif sont propres, elle se tire de l’Ar-ticle CCCeXXXIII de la Coutume, qui décide que, dans le coneours de plusieurs héritiers le donateur peut donner à tous ensemble, mais qu’il ne peut avantager l’un plus que l’autre. Les successions collatérales ne sont pas moins déférées par le droit du sang & du degré que les successions directes, dit d’Argentré sur Bretagne, Art. CCCeXVIII, Gl. 1, n. 11. Même nécessité de rapport, même loi, même autorité, même expectative, même défense d’avantager. Je saifis avec peine le motif que nos Commentateurs ont eu de citer aprés M.Louet .Chassanée , Rub. 4. 5. 2, verb. 6 acquêts ; cet Auteur dit simplament que, si de trois freres l’un fait une donation de tous ses biens à l’autre, à l’exclusion du troisieme, la moitié des fonds donnés sera réputée acquets. Comment pouvoir faire, dans nos moeurs, une application de la doctrine de Chassanée