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CCCXXIX.

La Femme après la, mort du Mari, a la moitié en propriété des Conquêts faits en Bourgage constant le Mariage ; & quant aux Conquêts faits hors Bourgage, la Femme a la moitié en propriété au Bailliage de Gisors, & en usufruit au Bailliage de Caux ; & le tiers par usufruit aux autres Bailliages & Vicomtes.

La quatrieme & derniere partie de ce Chapitre traite des conquêts, c’estâ-dire, des acquisitions d’immeubles, qui sont faites pendant que subsiste la société du mari & de la femme : elle est renfermée dans cet Article & les quatre suivans, comme il a été remarqué dans la division. Par les CCCxxIx, CCexxx & CCCXXXIII, le droit qu’à la femme dans les conquêts, est spécifié, limité & assuré, car il est déclaré par le CCCxxIx, quand, & quelle part elle doit avoir dans les conquêts : par le CCexxx, il est statué quelle ne peut avoir une plus grande part que celle qui lui est attribuée par la Coûtume, à laquelle on ne peut déroger à cet égard par aucune convention ; & enfin par le CCCXXXIII, ce droit lui est conservé, nonobstant que le mari perde sa part par la confiscation de ses biens.

Ce droit de conquêt est attribué à la femme, en conséquence de la société qui est établie par le mariage, & qui fait présumer que la femme a contribué par ses soins, par son assistance & par son conomie, à l’augmentation des biens du mari : car si la Coûtume rejette le communauté entre le mari & la femme, comme il paroit par l’Article CCC LXXVIN, ce n’est que par rapport aux effets que cette communauté produit daus la plûpart du Pays coûtumier, dans lequel la femme transmet à ses héritiers le droit de partager par moitié avec le mari survivant, tous les meubles, effets & conquêts, dont il étoit le maître pendant le mariage, les pouvant engager, vendre & donner sans le consentement de sa femme : mais par la disiolution du mariage, le mari perd cette puissance, & est obligé de souffrir le partage de tous les biens de la communauté, tant des meubles que des conquêts immeubles. Ce qui n’est pas recu en Normandie, parce que la femme prédécédée ne transmet à ses héritiers, non pas même à ses enfans, aucuns droits sur les meubles & effets qui se trouvent en la main du mari qui survit ; ce qui fait dire, suivant l’expression dudit Article OCCLXXXIX, que les personnes conjointes par mariage ne sont pas communes en biens, d’autant que la femme n’y a rien qu’aprés la mort du mari.1

Mais la femme survivante ayant des droits sur les biens, tant meubles qu’immeubles de la succession de son mari, on peut dire que le douaire lui appar-tient, comme un droit de viduité, que les Coûtumes donnent aux femmes : Et quant à la part qu’elle a aux meubles, la Coutume semble déclarer, que c’est par un droit de succession, & en qualité d’héritière de son mari, nonseulenent parce qu’elle est obligée de renoncer, mais parce qu’en prenant les meubles, elle s’oblige solidairement à toutes les dettes de la succession de son mari, ce qui est un effet propre de la qualité d’héritier. Mais quant aux conquets, on ne peut pas dire qu’ils appartiennent à la femme par un droit d’hérédité, puisqu’elle prémourante, le mari n’est plus le maître des conquêts faits en bourgage & au Bailliage de Gisors, dont la moitié appartient propriétairement aux héritiers de la femme, le mari n’en ayant que l’usufruit par l’Article CCCXXXI. Il faut donc conclure que ce droit de conquêt est attribué à la femme, en conséquence de la société conjugale, qui la rend parti-cipante des biens qui sont acquis pendant que cette société subsiste : ce qu’on doit même juger de la part qu’elle a aux meubles & aux effets de la succession de son mari, par rapport à la cause qui lui donne le droit d’y succéder aprés la mort naturelle ou civil du mari Mais aprés que la Coûtume a réglé ce qui appartient à la femme sur le conquet, elle explique dans les Articles CCCxxxI & CCCXXXII, les droits qui sont réservés au mari & à ses héritiers, sur la part que la femme ou ses héritiers ont sur ledit conquêt.

Cela supposé, & venant à l’explication de l’Article CCOxXIx, il faut remarquer, que beaucoup d’acquêts faits par le mari pendant le mariage, sont censés propres du mari à l’égard de la femme : car, comme enseigne duMoulin , le mot de piropre se prend en deux manieres fort différentes : Uno & principali modo pro obventis ex successione prédecessorum, alio & incidenti modo pro omnibus que non cadunt in societatem bonorum, que est inter virum G lrorem. Or par la Coûtume de Normandie, il y a plusieurs sortes d’acquisitions, sur lesquelles les femmes n’ont pas droit de conquêt : car premierement, elles ne le peuvent prétendre sur les choses données à leurs maris, par l’Article CCCXCVIII, lequel il faut entendre des immeubles & non des meubles ; car non-seulenient la femme auroit part aux meubles donnés à son mari, mais elle auroit même part aux immeubles qui seroient acquis par sondit mati des deniers provenus de ces meubles ; parce que la Coûtume n’ayant point fait de différence entre les meubles qui viennent de succession ou de donation, & ceux qui sont amassés par le bon ménage, les uns ni les autres n’obligeant à en faire aucun remplacement, comme il est artesté par l’Article LXVI du Réglement : la femme ne doit pas être privée du droit de conquêt que la Cou-tume lui accorde sur les acquisitions faites par son mari, sous prétexte que ces acquisitions auroient été faites des meubies provenus d’une succession o d’une donation : ce qui a été jugé par deux Arrêts rapportés par Basnave sur cer Article CCCXXIx, l’un du 2 de Juin 1603, à l’egard de deniers donnés à un mari ; & l’autre du 24 de Novembre 1633, à l’égard d’une succession échue à un mari, qui avoit déclaré en faisant une acquisition au nom de ses enfans, que le prix provenoit des effets de sadite succession.2 Secondement, les femmes ne peuvent prendre aucun droit de conquêt, à raison du racquit & amortissement des rentes ou charges ausquelles les héritages de leurs maris étoient obligés ; encore que ces racquits & amortissemens ayent été faits pendant leur mariage, & conséquemment dussent être réputés provenir du bon ménage & collaboration des deux conjoints : ce qui est décidé par l’Article CCCXCVI, qui n’attribue à la femme qu’un douaire déchargé de ces

rentes ou charges, avec la limitation toutefois de l’Article suivant CCCXCVII.3 En troifieme lieu, les femmes n’ont aucun droit de conquêt sur les héritages rétirés par leurs maris par droit de lignage, parce que ce qui est ainfi ac-quis, est réputé propre & non acquêt, par l’Article CCCCLXXXIII ; mais cette raison ne devroit pas paroître suffisante, puisqu’elle devroit avoir le même effet à l’égard des héritages que le mari retire au nom de sa femme, parente du vendeur ; & néanmoins, quoique les héritages ainsi retirés soient un propre de la femme & non un acquet, le mari ou ses héritiers peuvent répêter la moitié des deniers déboursés pour parvenir au rétrait, par l’Article CCCCXCV. Même si le mari pour faire le retrait au nom de sa femme a vendu ou hypothéqué son propre bien, la femme ni ses héritiers ne peuvent prétendre aucune chose à l’héritage retiré, que le propre du mari ne soit remplacé ou dégagé, par l’Article suivant CCCCXCVI.4 Par une raison semblable, on conclut, que ce que le mari rotire comme Seigneur de Fief, n’attribue aucun droit de conquêt à sa femme, parce que l’héritage ainsi rétiré, est censé propre du mari, quand le Fief auquel ce même héritage est réuni par le retrait féodal, tenoit nature du propre du mari, comme il est attesté par l’Article CVIII du Réglement de 1666. Ce qui fait dire indubitablement, que tout ce qui se réunit aux Fiefs, qui sont des propres, par confiscation, deshérence, bâtardise ou commise, ne doit pas être réputé conquêt, pour attribuer en conséquence de cette qualité aucun droit de propriété sur les héritages réunis par ces moyens, ni au mari ni à la femme.

Sed quid Si le mari a été confisqué pour son crime, & que le Roi lui ayant depuis accordé une abolition, l’ait rétabli en la possession de tous ses biens, la femme pourra-t’elle prétendre quelque droit de conquêt sur ces biens, que son mari ne possede plus que par la grace & le bienfait du Prince, qui est un nouveau titre, & qui partant doit faire réputer ces biens un véritable acquet : Incunctanter respondendum, que ces biens ne peuvent être réputés conquets, puisqu’ils proviendroient de la grace du Prince, & seroient comne une donation ; outre que de même que l’abolition efface tellement le crime, que le condamné est remis au même état qu’il étoit auparavant le crime commis ; ainsi la confiscation, qui n’étoit que la suite & la dépendance du crime, eit tellement remise, que les biens semblent n’avoir jamais changé leur premierc qualité, ni la cause de leur ancienne possession. La question est plus douteuse à l’égard des héritiers, quand le crime ayant été puni, le Roi donne aux parens présomptifs héritiers les biens du confisqué : car alors les donataires ne possédant ces biens que par la libéralité du Roi, il sembleroit que ces mêmes. biens ne pourroient pas être réputés un propre, mais un pur acquet, vu qu’ils avoient été séparés de la famille par la confiscation executée, & nullement rétractée : Néanmoins la grace du Prince n’ayant autre fin que de con-server ces biens dans la famille du confisqué, il y à grande raison de les reputer propres & non acquets.

Quatriemement, les femmes ne peuvent demander de conquêt sur les héritages retirés par leurs maris à droit de lettre luc, quand ces héritages appar-tenoient à leurs maris par un titre antécédent à leur mariage : mais il a été jugé par un Arrêt du 22 de Mars 1682, rapporté parBasnage , que la femme auroit la moitié du prix, parce que l’héritage. ainsi rétiré étoit en bourgage.5 Quant aux héritages appartenans au mari par une cause antécédente, soit par succession, donation, droit de reméré où d’achat, & desquels il a acquitté le prix, où payé un supplément, ou transigé en baillant de l’argent pour se maintenir en sa possession, il semble que tous ces cas doivent être compris dans la décision dudit Article CCCXCVI, & que les femmes ne peuvent prétendre autre chose qu’un usufruit sur les héritages ainsi conservés & acquittés, semblable au douaire, encore que les deniers payés ayent été amassés pendant leur mariage.6 Ce qu’on dit ici du bourgage, se doit rapporter à ce qui a été dit sur l’Ar-

ticle CXXXVIII, sur lequel on doit en outre remarquer, que comme il y a des Villages où les femmes ont la moitié des conquêts ; de même, il y a des Bourgs & des Viiles où les femmes n’ont pas cette moitié, & que pour faire ce dilcernement, il faut avoir recours au Proces-verbal de la réformation de la Coûtume, dont on a extrait des Usages Locaux Mais comme il y a des biens qui ne sont pas proprement immeubles, & qui par conséquent ne sont pas contenus dans un certain licu, on a douté s’ils devoient être estimés comme biens de bourgage. Tels sont les Offices & les Rentes constituées à prix d’argent, qu’on appelle hypotheques.

Quant aux Offices, on faisoit autrefois distinction entre les domaniaux & héréditaires, & entre ceux de judicature & non vénaux : mais à present la valeur de toutes sortes d’Offices les ayant fait réputer les principaux biens des successions, on leur a donné la propriété des véritables immeubles, en les distinquant en propres & en acquets, & pour être partagés comme s’ils avoient réellement ces qualités. De sorte que, comme on a attribué aux femmes un douaire sur les Offices dont les maris étoient pourvus lors de leur mariage lequel douaire consiste au tiers de l’usufruit du prix ou du revenu de l’Office ainsi on leur a attribué un droit de conquêt sur les Offices acquis par leurs maris depuis le mariage, & ce droit de conquêt est réglé indistinctement autiers en usufruit, comme le doüaire, comme il est certihié par l’Article LXXII dudit Réglement. Ce qui a lieu non-seulement à l’égard du titre des Offices, mais même à l’égard de tous les droits qui en dépendent, & qui y ont été attribués par des Edits & Déclarations postérieurs à la création des Offices 3 quoique même ces droits se possedent séparément par d’autres que les Titulaires : car en tous ces cas on a jugé que les veuves ne pouvoient avoir aucun droit de propriété, mais seulement un tiers en usufruit, l’accesioire étant estimé devoir avoir les mêmes qualités, conditions & effets, que le principal suivant plusieurs Arrêts rapportés sur cet Article CCCXXIXx.

Quant aux rentes constituées, on les répute en Normandie avoir comme leur situation sur les biens des obligés & des débiteurs, de maniere que quand il s’agit de les partager entre des cohéritiers, ou de régler le conquêt des femmes, on regle ces partages & ce droit de conquêt, par rapport à la qualité & à la situation des biens des débiteurs, & proportionnément à l’estination. de tous & un chacun leurs biens immeubles, au nombre desquels entrent les Offices : & pour établir cette proportion suivant la qualité & la nature des biens des obligés, on a recours à la déclaration ou certificat qu’ils en baillent ; contre lequel certificat on n’est pas recu à faire preuve du contraire, ces obligés ne pouvant être contraints de produire les titres & enseignemens de leurs biens : ainsi il suffit au débiteur de la rente de déclarer en général, par exemple, que la troisieme partie de ses biens est en Caux ou en Bourgage sans qu’il soit obligé de spécifier ce qu’il y possede, pourvu qu’il soit prét de jurer & certifier que sa déclaration est véritable.7

C’est ce qui s’observe à l’égard des rentes constituées sur les particuliers, mais à l’égard de celles qui sont dues par le Roi, on considère le lieu où le Bureau est établi, pour faire le payement des arrérages de ces rentes, qui par conséquent sont réputées avoir leur situation en ces Bureaux, où le fonds destiné pour le payement est déposé.8.

Il est à propos de remarquer que les femmes ne peuvent prendre part aux conquêts, sans être réputées héritières de leurs maris, & partant qu’en prenant cette part, elles s’obligent au payement des dettes de la succession per-sonnellement & solidairement ; mais les héritiers des femmes, qui ont prédécede leurs maris, prenant part ausdits conquêts sans être censés héritiers du mari, ne s’obligent pas au payement de ses dettes, sinon à proportion de la valeur de la part qu’ils ont cue ausdits conquêts, lesquels rapportant ou abandonnant, ils ne peuvent être poursuivis en plus outre comme il a été jugé par un Arrêt donné en Février 16oy rapporté parBasnage 9. Il semble qu’il faudroit juger la même chose à l’égard d’une femme à qui on auroit délivre ses droits lur les meubles & conquêts, apres la séparation de corps & de biens

jugée à cause des mauvais traitemens de son mari ; & qu’en ce cas ne possedant point ces biens comme héritière, & de plus ne s’étant fait aucun mélange ni confusion, elle ne pourroit pas être tenue de payer les dettes de son mari, en plus avant que la valeur des choses qui lui auroient été adjugées en con-séquence du divorce.

Il faut encore remarquer, que quand il faut régler le droit de conquêt de la femme, sur les meubles & ies immeubles, qui se partagent suivant la Coutume du domicile, on ne le regle pas suivant la Loi du domicile qu’avoit la femme lors de la céicbration du mariage, mais suivant la Loi du domicile qu’ont eu depuis les conjoints : car des le temps que la femme est passée en la maison du mari, elle n’a plus d’autre domicile que celui de son mari, & elle est soumise à en suivre les Loix, comme dit Chassanée au Titre des droils appartenans à gens maries, S. 2 : ce qui est conforme à la Loi Exigere, ff. De udiciis, qui déclarc, que la femme pour la répétition de ses droits, doit agir au domicile de son mari : Nec enim id genus contradus esit, ut eum locum potiùs spectari oporieat in quo instrumentum factum est, quûm eum in cujus domi-ciliun ipsa mulier per conditionem mairimonii erût reditura : ce qui a été jugé contre une veuve née & mariée à Valenciennes, qui prétendoit tous les meubles de la succession de son mari, en vertu d’une clause de son contrat de mariage qui les lui attribuoit, & qui est autorisée par la Coutume de Valenciennes : l’Arrêt qui fut donné en l’Audience de la Grand Chambre, le 14 d’Août 16a6, rapporté parBasnage , sur l’Article CCCxxx, ordonna que les meubles seroient partagés suivant la Coutume de Normandie, où étoit le domicile des mariés Il faut enfin observer, que quand il est disposé par cet Article, de la part qu’ont les femmes aux conquêts du Bailliage de Caux, il le faut entendre comme on l’entend, du droit de succéder à ces sortes de biens ; lequel droit n’est pas limité par le district ou l’etenduë précise du Bailliage de Caux, mais à son extension dans les lieux qui tiennent la nature des biens de ce Bailliage, sçavoir en trois Sergenteries de la Vicomté de Rouen comme il est expliqué dans l’Article CCCXVIII : ce qui a été jugé par un Arrêt donné en Juillet 1630, rapporté parBérault , & qui réfout la difficulté qui pouvoit naître des dernieres paroles de cet Article CCCXXIx, qui sfont entendre que les femmes n’ont que le tiers en usufruit aux autres Bailliages ou Vicomtés, que de Gisors & de Caux.10


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Il s’est présenté, en 1691, une question finguliere, qui a beaucoup de rapport avec cet Article. Un Bourgeois de Rouen avoit été condamné par Arrêt, comme fou, à être rétrudé dans une maison de force le reste de sa vie, sa femme fut établie par les parens sa cura trice, & tutrice de leurs enfans ; toute la fortune des conjoints, au temps de l’Artét, consistoit en 25o0 liv. ; la femme fit des acquisitions jusqu’à la concurrence de 18000 liv., ma-ria deux filles, & donna à chacune d’elles 5000 liv. Le mari décéda aprés dix. neuf années de l’exécution de son Arrét. Ses héritiers demanderent à la veuve le partage des meubles & acquêts ; elle obéissoit de rendre compte de la somme de 2500 liv., & d’en payer les intérêts communs & pupillaires. Par Arrét du 23 Mars 1691, la veuve fut condamnée à souf-frir partage. Un Avocat célèbre de ce Parlement disoit, en plaidant en Grand’Chambre en 17ad, que la femme étant dans les liens du mariage, est incapable de faire aucune acquisition qui lui soit propre ; que tout ce qu’elle acquiert est à son mari, comme le fils de famille acquiert à son pere, & l’esclave à son maître. On trouve la même décision dans l’ancien Coutumier, Chap. 100. n L’en doit sçavoir que tant ceomme le mari vit, la femme ne peut re-n tenir d’héritage par achat ne par fieffement, qu’il ne convienne ramener aux hoirs de son p mari aprés sa mort ; nil excepte l’héritage donné à la femme pendant le mariage, si qua vero hareditus mulieri data fuerit post contractum natrimonium, eam bent poterit possidere. Cons. Lat.


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L’Auteur traite la même question sous l’Article CCCCLXXXII. LeBrun , de la Commun. Liv. 2, Chap. 2, sect. 1, n. 13, dit, aprés duMoulin , que quand on défend au mari de donner pour s’enrichir, lui ou ses hoirs, la défense est réduite aux hoirs particuliers du mari, tels que seroient les enfans d’un premier lit, des bâtards, des collatéraux que le mari, n’ayant point d’enfans, auroit pour ainsi dire adoptés, mais qu’elle n’a point lieu à l’égard des hoirs communs du mari & de la femme. Cet Auteur rapporte un Arrêt du Parlement de Paris du 15 Mars 17où, qui l’a ainsi jugé. Mais quand nous nous conformerions à cette opinion, qui est fort raisonnable & concerte avec le bien publie, il subsistera toujours une difficulté entre les enfans d’un premier lit & une seconde femme. Basnage rapporte Arrét du a8 Novembre 1652, favorable au fils du premier lit. Un pere, pendant un premier mariage, avoit acquis une maison située en bourgage, à charge d’une rente racquittable. Le pere, durant son second mariage, amortit la rente : aprés sa mort, sur une tontestation entre la belle-mere & le beau-fils, le premier Juge avoit accordé à la veuve un douaire libre sur la moitié de cette maison, & avoit condamné le beau-fils à tenir compte à sa belle mère de la moitié des deniers employés à l’amortissement de la rente ; par l’Arrêt il en fut décharge. I1 est vrai que ce même Commentateur rapporte un autre Arrét de l’année 1635, par lequel les enfans du premier lit furent condamnés envers leur belle-mere à lui rembourser moitié du prix d’un héritage clamé par le mari durant son premier mariage au nom de sa premiere femme : on considéra peut. être, lors du dernier Arrêt, qu’il étoit question d’une dette de la mere plutôt que des enfans. l’avoue qu’il est permis de douter si un pere peut, dans tous les cas, altérer les droits de sa femme en acquérant sous le nom de les enfans. La manière dontBasnage . s’explique sous l’article CCCCLXXXII semble autoriser le doute : n L’opinon la plus comn mune, dit-il, est que le mari peut faire ce préjudice à sa femme, parce qu’il est maître de n ses meubles, & qu’il peut disposer de son bien à sa volonté. On replique que cela est vrai, p quand le mari en a disposé de telle manière que le bien ne se trouve plus en sa succession y mais quand le bien a été employé en acquêts qui se trouvent en sa succession, la femme ne n doit pas être exclue de son droit, par cette raison, que le mari s’est servi du noin de ses n enfans ; n mais la faveur des enfans l’emporte sur ces raisons, quand il ne s’agit que de l’intéret d’une mere ou d’une seconde femme.

T’aurois encore un préjugé en faveur des enfans, de quelque mariage qu’ils fussent sortis, dans un Arrêt du 14 Février 16bd, si cet Arrét pouvoit leur être appliqué. Un oncle avoit donné à son neveu une somme modique, qui fut employée à l’acquisition, à Roüen, d’un terrein vuide : l’oncle éleva à grands frais, sur cet emplacement, une maison au profit de son neveu ; aprés le déces de l’oncle, le neveu fut inquiété par sa veuve, & l’Arrêt rejetta la prétention de la veuve. Blamera-tion aprés cela, un pere qui, pour dédomma-ger des enfans d’un premier lit des pertes que leur cause toujours un second mariage, fera quelques acquêts en leur nom ; Le cas est d’ailleurs tres-rare, & les caresses insidicuses d’une belle mère sçavent bien le prévenir.


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Les Coûtumes de Communauté sont contraires à notre Jurisprudence ; les unes réputent le rachat ou amortissement des rentes dues par le mari, un conqués de Communauté, à l’effer que le mari, ou ses héritiers, sont tenus de continuer la moitié de la rente à la femme ou à ses héritiers, & d’en payer les arrérages du iour de la dissulution de la communanté jusqu’à l’entier rachat : Paris, CeXLIV, CexiV ; Caleis, Art. XI. IV & XLV, les autres, en petit nombre, portent que la moitié de la fomne eniployée à la décharge du propre, sera renduë comme meuble par celui des conjomts ou ses hoirs dont l’héritage a été acquitté & déchargé : Bretagne, CCCeXIII. Il est enfin des Coûtumes qui donnent le choix du partage ou du remboursement, & elles contiennent, à cet égard, le principe le plus général des pays de communanté. Melun, Chap. 13. Cexx ; Anxerre, lit. 9, Art. CXCix ; Châlons, Tit. 6, Art. XXVIV, &c. L’Article CCexcVI de notre Coutume tranche la plupart de ces diffie-ltés, en difposant que les racquits faits par le mari, & décharges, ne sont point réputés conquêts pour y prendre droit par fa femme ou ses héritiers


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Pesnelle insinue que, comme le mari ou ses héritiers ont le droit de repêter la moitié des deniers employés à un retrait intenté au nom de la femme, la femme & ses héritiers devroient avoir un droit égal dans le cas d’un retrait exèrcé par le mari dans son nom. Je ne sçaurois croire que Pemnelle ait puisé cette réflexion dans un Arrét du 8Mai 1516 rapporté parTerrien , Liv. 7, Chap. 7. Une femme fut envoyée, par cet Arrêt, en possession de la moitié d’une maifon située en bourgage que son mari avoit clamée à droit lignager les enfans réservés à payer à leur mere, dans la l. uitaine de la signification de l’Arrêt la moitié du prix employé au retrait : cet Arrêt a été réfuté parBérault . La réfiexion contraire à celle de Pesnelle est véritable : c’est une grace singulière que l’on fait, selon nos moeurs, à la femme, quand on limite son remboursement à la moitié des deniers du retrair, & dont ses héririers profirent quand elle meurt avant son mari. Comment pourroit. on donc la tourner contre le mari ou ses héririers à Souvenons-nous que la femme n’a aucun droit sur les meubles de son mari qu’aprés sa mort.


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Je suis tenté de croire que l’Arrêt du 22 Mirs 1982 a été rendu sur des circontances garticulieres, & vraisemblablement sur les obèissances des héritiers du mari ; car si vous donnez au retrait à droit de lettre lue l’effet d’une nouvelle acquisition, la femme avoit droit de reclanier en essence la moitié de l’héritage en bourgage : mais si le titre du retrait à droit de lettre lue est un titre confirmatif d’une première acquisition, ce que l’on doit d’autant plus penser, que l’Artiele DIII de la Coûtume défend de déposseder, pendant le decret, le tiers acquisiteur qui ajoui par an & jour ; il n’y a pas plus lieu d’accorder la moitié des deniers employés au retrait à droit de le-tre lue d’un héritage acquis avant le mariage, quand il seroit en boursage, que dans le cas du retrait d’un héritage de pareille qualité vendu antérieurement à faculté de remere.


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Plusieurs des décisions de Pesnelle s’observent dans le pays de communauté ; ainsi les choses acquises constant le mariage par retrait féodal, ou retrait censucl, &c. n’entrent point en communauté, & demeurent propres au conjoint au nom duquel l’héritage a été rétiré mais sous cette condition, qu’il remboursera à l’autre conjoint la moitié du prix aprés la dissolution de la communauté.


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Notre Jurisprudence, sur le partage des rentes constituées, est contraire au droit commun du Royaume. Le débiteur est l’arbitre du partage des biens de son créancier, sa déclara-tion fait loi ; cette déclaration est relative au temps du partage, & non pas au temps de la constitution : nous ignorons encore si on doit y faire entrer les rentes dont le débiteur est gréancier, si cela est il faudra remonter à la déclaration du second debiteur, & de suite à l’infini : systême absurde, mais nécessaire, puisque ces rentes sont affectées à la sureté du premier créancier ; d’ailleurs, si la rente constituée fut autrefois, en Normandie, une espece d’impignoration d’un fonds assimilée par l’estimation à une vente, cette manière de constituen a depuis long-temps cesse d’être en usage ; aussi la Province demanda au Roi, dans ses caliiers de Remontrances aux Etats de 164y, que les rentes constituées se partageassent suivant la Coutume du domicile du éréancier, pour ôter, disoit-elle, les occalions de discordes resultantes du partage relatif à la situation des biens du débiteur : cet article important a été né-gligé. Oa ne peut tirer aucune induction, en faveur de notre Jurifprudence actuelle, de l’Article CXxxIz du Reglement de 16b8 ; il n’a pour objet que le cas du decret des rentes constituées, & il tend uniquement à faire connoître la sureté de l’objet exposé en venteQuoiqu’il en soit, la Cour a le pouvoir d’y déroger. M. l’Avocat. Giénéral silbert, portent la parole au Parlement de Paris en 1733, njoutoit à toutes ces réflexions, qu’il étoit possible de donnor des deniers en constitution de rente à un homme qui n’auroit aucuns immeu-bles, ou de constituer sous seing privé, ce qui ne pourroit affecter les héritages ; tout le monde apperçoit la conséquence d’une observation aussi judicieuse.


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Comment reglera-t’on les drois de la femme sur le conquêt d’un Fief situé dans l’etenduë du Bailliage de Gisors à Bérault dit qu’il a vu un Arrét par lequel la Cour avoit adjugé à la femme la moitié du prix de l’acquisition : mais il est d’avis que la femme peut demander la licitation du Pief : cette opinion me paroit tres-équitable, car puisque la femme a un droit incontestable de propriété sur la moitié du Fief, il n’y a point de motif de lui interdire la participation d’un bon marché que son mari aura fait.

La femme ne peut prérendre que le tiers par usufruit des rentes hypotheques dues horsla Province à son mari, qui réside en Normandie.


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Quand il est question de liquider le mariage avenant de la fille sur le bien paternel, il semble que la femme devroit y contribuer comme héritière de son meri, & à raison des aequêts dont elle prend une part, puisque ce mariage est une dette de la succession paternel. le : Cependant on pense le contraire : la fille à marier n’a aucun droit sur les conquêts de sa mère tant qu’elle vit, non plus que ses freres ; & comme la mere n’a rien à efpèrer sur la dégitime paternelle de sa fille, il n’y a aucun motif d’y faire contribuer la part qu’elle a cue dans la succession de son mari. Il est vrai que si la mere étoit fort riche, le Juge en connoissance de cause pourroit la forcer d’aider de son propre bien à marier sa fille ; mais ce n’est plus l’état de la question.

L’obligation solidaire & indéfinie de la femme aux dettes de son mari, quand elle a accepté sa succession, ne doit point charger ses héritiers des arrérages des rentes dues sur les biens du mari, & échus depuis le déces de sa veuve, quand elle n’a hérité de ses acquêts que par usufruit : Arrêt du 21 Février 1750.


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On prétend que dans les lieux où la femme n’a, dans les conquêts qu’uue part en usufruit, elle ne peut pas forcer les héritiers de son mari d’y faire des réparations : il n’en est pas du conquêt comme du douaire : la femme prenant part aux conquêts par usufruit, est à cet égard comme la femme qui y prend part en propriété ; mais auparavant d’on-trer en jouissance elle doit faire constater l’état des biens pour la sureté de ses héritiers.