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CHAPITRE TREIZIEME. DES SUCCESSIONS COLLATERALES, EN MEUBLES, ACQUETS ET CONQUETS.

C E Chapitre fe peut diviser en quatre parties : La premiere contient la représentation qui est admise en la succession collatérale des meubles & acquêts : La seconde renferme les principales maximes qui s’observent dans le partage de cette même succession, avec leurs exemples & leurs exceptions La troisieme est de ce qui doit être réputé acquet ; & la quatrieme est des conquêts, & des droits qu’y ont le mari & la femme aprés la mort de l’un ou de l’autre. La premiere partie est expliquée dans les quatre premiers Articles de ce Chapitre. La seconde dans dix-neuf Articles ; sçavoir, depuis & y compris le CCCIx, jusques & compris le CCCXXII, & depuis le CCCxxV y compris, jusques & y compris le CCexXVIII. La troisième partie est renfermée dans les Articles CCCXXXIII, CCCXXIV & CCexXXIV. Quant à la quatrieme, elle consiste en cind Articles ; c’est-à-dire, au CCCXXIx, & les quatre suivans.1


CCCIV.

En succession de Meubles, Acquêts & Conquêts immeubles en ligne collatérale, représentation a lieu entre les Oncles & Tantes, Neveux & Nieces au premier degré tant seulement.


CCCV.

Les Neveux & Nieces venans à la représentation de leur Pere ou Mere, succedent par souches avec leurs Oncles & Tantes & n’ont tous les représentans ensemble non plus que leur Pere ou Mere eût pu avoir.


CCCVI.

Et où il n’y aura qu’une ou plusieurs Soeurs du défunt survivantes, les Enfans des Freres décédés ne les exclueront de la succession, comme eussent fait leurs Peres s’ils étoient vivans ; mais succéderont par fouches avec leursdites Tantes : auquel cas les Enfans des Soeurs décédées succederont à la représentation de leurs Meres par souches, comme les Enfans des Freres.


CCCVII.

Les Enfans des Soeurs décédées ne succedent à la représentation de leurs Meres avec leurs Oncles, Freres du défunt ; mais bien succedent avec leurs Tantes, s’il n’y a Frere du défunt vivant.

Pour reprendre l’ordre de cette division, lequel est plutôt suivant l’arrangement fait par la Coûtume, que suivant la méthode, qui requiert qu’on com-mence par la définition, auparavant que de diviser, & qu’on propose les regles, auparavant que d’en déclarer les exceptions ; il faut expliquer la repre-sentation, qui, à proprement parler, est une exception de la maxime par laquelle le plus proche parent doit préférer dans les successions le plus éloigné.

Il faut done remarquer, que quoique ce soit une maxime recue par tous les Interpretes du Droit coutumier, qu’on ne peut représenter une personne vivante ; c’est-à-dire, qu’on ne peut être héritier par droit de représentation, si la personne qu’on prétend réprésenter n’est morte naturellement ou civilement,Louet , R. 41. il est néanmoins d’un usage certain dans la Coutume de Normandie, que cette maxime ne s’y observe point, & qu’il suffit pour succéder par droit de représentation, d’être habile à représenter le plus proche parent, qui ne veut point accepter la succession qui lus étoit échue ; & partant un frere répudiant la succession de son frère, son fils peut par le droit de représentation appréhender cette succession.

Or la représentation qui est admise en la succession des meubles & acquête en ligne collatérale, differe de la représentation qui a lieu en la succession tant directe que collatérale des propres ; car celle-ci n’est point limitée, & est admise jusques dans le septiene degré de parenté, dans lequel le droit de succéder se termine, suivant qu’il est attesté par les Articles XLI & XIII du Réglement de 166é, ( ce qui est contraire au Droit coûtumier, aussi-bien qu’au Droit Romain, par lesquels la représentation n’est admife que dans les successions en ligne directe, ) mais la représentation particulière à ce Chapitre, est bor-née dans le premier degré ; c’estâdire, lorsqu’il s’agit de la succession d’un frere ou d’une seur, qui est à partager entre un frere où une seur, & les enfans, soit d’un autre frère, soit d’une autre seur.2 Pour mieux entendre cela, il faut sçavoir, que bien que les freres excluent les seurs, & les descendans des freres excluent les defcendans des soeurs, quand ces descendans sont en pareil degré à l’égard du défunt, par l’Article CCCIX, néanmoins au cas de représentation dans la succession collatérale des meubles & acquêts, il faut user de distinction : car quand la succession d’un frere ou d’une seur est échue, où il y a un frère survivant, ou il n’y en a point ; s’il n’y en a, il est certain que non-seulement il exclut les descendans de ses seurs, mais ses seurs mêmes, suivant l’Article CCCIx ; mais il n’exclut pas les enfans de ses autres freres, ( qui sont au premier degré ; c’est-à-dire, fils des freres, & non pas les petits-fils des freres, ausquels la représentation ne s’étend point ) parce qu’ils représentent leur pere, par l’Article CCCIV, de sorte qu’ils partagent la succession par souches & non par tétes, par l’Article CCCV.

Que s’il n’y a point de frère survivant, mais quelque seur, elle n’exclue ni les neveux issus d’un frere, ni les neveux issus des seurs, parce que tous ces neveux du défunt viennent à sa succession par représentation, par l’Article CCCVI, dont il s’ensuit évidemment que les enfans des freres venant par représentation à la succession de leur oncle, n’ont pas les mêmes droits qu’auroit eu leur pere qu’ils représentent. Car non-seulement ils n’excluent point leurs tantes, mais ils n’excluent pas même les enfans de leurs tantes, parceque ces enfans, quand il n’y a point de frère du défunt qui lui ait survecu, sont admis à la succession, comme repréfentans leur mere, pour partager par souches, tant avec leurs tantes qu’avec les enfans des freres prédécédés ou répudians la succession. Ce qui fait voir que la représentation a lieu pour les enfans des seurs, quand quelqu’une de leurs tantes est appellée à la succession du défunt, qui n’a point laissé des freres qui soient ses héritiers. De plus, les enfans des freres succédans par représentation à leur oncle, n’auront aucun préciput tel qu’eût pu avoir leur pere, s’il eût été héritier ; ce qui est général, soit qu’ils partagent avec leurs oncles ou avec leurs tantes, par l’Article CCCVIII.3 Il ne faut pas omettre, que pour la représentation duplicitas vinculi non aitenditur : car tout ainsi que les frères de pere & de mere n’excluent pas les freres, qui ne le sont que de pere ou de mere seulement, par les Articles CCCXI & CCCXII, ainsi les enfans de celui qui étoit frère de pere seulement, sont admis à la succession d’un de leurs oncles avec leurs oncles, quoi-que freres du défunt, par le double lien des lignes paternelle & maternelle ce qu’il ne faut pas étendre par parité de raison aux enfans des frères de mere seulement, qu’on appelle freres utérins, qui ne concurrent point par droit de représentation, comme il sera expliqué sur l’Article CCCXII.4 Il faut en outre remarquer, que l’Article LXIV dudit Réglement, a attesté une espèce de représentation, par la préférence qui est donnée aux arriereneveux ou arrière-nièces du défunt, au préjudice des oncles & tantes de ce même défunt, en la succession de ses meubles & acquêts, puisque ces arrièreneveux & ces arrière-nieces sont d’un degré plus éloigné.

Pour faire paroître cela évidemment il est à propos de faire une Généalogie, qui représente les degrés où sont placés les oncles & les arrière-neveux,

ROBERT FRANçOIS Oncle de PIERRE.

JEAN LOUIS.

PIERRE, de la succession duquel, sest la question.

LAURENT MICHEL arriere-neveu de PIERREIl s’agit de la succession de Pierre, qui a pour oncle paternel François, frère de Jean, pere dudit Pierre, il a d’ailleurs pour arrière-neveu Michel, petit-fils de Louis, frère dudit défunt : il est évident que François oncle, est au second dégré à l’égard dudit défunt Pierre son neveu ; & qu’à l’opposite, Michel arrière-neveu dudit défunt, n’est à son égard qu’au troisieme ce-gré. Si donc l’arrière-neveu préfere l’oncle en cette succession de Pierre, c’est une exception à la maxime, par laquelle les plus proches parens excluent les plus éloignés, hors le cas de représentation, qui n’a lieu qu’au premier degré, en la succession collatérale des meubles & acquêts, par l’Article CCCIV, Or cette exception est fondée sur ce que cet arrière-neven eût préféré Iean son bisaieul, pere du défunt, en cette succession, par un autre regle, qui est, que les ascendans ne peuvent fuccéder à leurs descendans, tant qu’il y a quelques autres descendans d’eux, par l’Article CCXLI. Mais d’aillleurs ce pere du défunt eût exelu de cette méme succession François son frere, oncle du défunt, parce que le perc & la mere excluent les oncles & tantes de la succession de leurs enfans, par l’Article CCXLII, dont on a conclu, que puisque l’arrière-neveu préféroit le pere du défunt, il doit préférer l’oncle de ce même défunt, parce qu’il préfere celui qui indubitablement préfere l’oncle, sçavoir le pere du défunt, suivant le Proverbe, Si vinco vincentem ie, multé magis ie vinco.5 Mais tout ce raisonnement est plus subeil que solide, car quant à la conéquence, qui se tire du Proverbe Latin, elle ne peut être valable en la question dont il s’agit, parce que ce Proverbe n’est véritable que quand in eodem genere, & eodem jure vincitur,Louet , M. 5. & F. 22. Or si les petits-fils, quoique plus éloignés, vainquent ; c’est-à-dire, préferent leurs ascendans dans le droit de succéder, ce n’est pas par la raison de proximité, mais par une autre raison, qui se tire de la ligne directe ; la Coûtume ayant dispolé, que la succession ne peut remonter aux ascendans, tant qu’il y a des. descendans d’eux.

Or cette raison ne pouvant avoir lieu quand il s’agit des droits successifs entre collatéraux, comme entre les oncles & les arrière-neveux ; la préférence qu’elle donne en ligne directe descendante, ne doit pas avoir d’effet en la collatérale, en laquelle les droits de succéder ne se discernent que par la considération du degré, oude la représentation admise par la Coûtume.


CCCVIII.

Les Enfans des Freres aînés venans par représentation de leur pere, ne prendront aucun Préciput ou Droit d’aînesse en ladite succession de meubles, acquêts & conquêts en ligne collatérale, au préjudice de leurs Oncles ou Tantes.


CCCIX.

Les Freres excluent les Soeurs, & les descendans des Freres excluent les descendans des Soeurs, étant en pareil degré.


CCCX.

Les Paternels préferent les Maternels en parité de degré.


CCCXI.

Le Frere de Pere succede également avec le Frere de Pere & de Mere.


CCCXII.

Le Frere utérin succede également avec le Frere de Pere & de Mere.


CCCXIII.

Les Enfans du Frere utérin en premier degré, succedent avec les Enfans du Frere de Pere & de Mere.


CCCXIV.

Le Frere de Pere ou de Mere seulement, préfere les Soeurs de Pere & de Mere.


CCCXV.

La Soeur de Pere succede également avec la Soeur de Pere & de Mere.


CCCXVI.

La Soeur utérine succede également avec la Soeur de Pere & de Mere.


CCCXVII.

En ladite succession il y a représentation de Sexe, & les descendans des Freres, préféreront les descendans des Soeurs, étant en pareil degré.


CCCXVIII.

Les Freres partagent entr’eux également la succession des meubles, acquêts & conquêts immeubles, encore qu’elle soit située en Caux, & lieux tenans nature d’icelui : sauf toutefois le Droit de préciput appartenant à l’Aîné, où il y auroit un ou plusieurs Fiefs Nobles.


CCCXIX.

Et si en ladite succession il y a propres, qui soient partables entre mêmes héritiers, l’Aîné ne pourra prendre qu’un préciput sur toute la masse de la succession.


CCCXX.

Les Neveux, Arriere-Neveux & autres étant en semblable degré, succedent à leurs Oncles & Tantes par tête, & non par souches, tellement que l’un ne prend non plus que l’autre, sans que les Descendans des Aînés puissent avoir Droit de préciput à la représenta-tion de leurs Peres ; & font les Soeurs part au profit de leur Frere ou Freres, soient mariées ou non ; à la charge de les marier si elles ne le sont.


CCCXXI.

Et si les partages ne peuvent être faits également à la raison des Fiefs, qui de leur nature sont individus, estimation d’iceux doit être faite au denier vingt, & sera au choix des représentans l’Aîné, de prendre le Fief en payant aux autres leur part de l’estimation ; & où ils en seroient refusans, le Fief sera à celui qui fera la condition. des autres meilleure ; & s’il n’y a que des Filles, elles partageront le Fief selon la Coutume.


CCCXXII.

S’il n’y a qu’un Fief assis en Caux, l’Aîné, selon la Coutume générale, le peut prendre par préciput ; & s’il y a plusieurs Fiefs, les Freres partagent selon la Coutume générale.


CCCXXV.

Le Pere préfere la Mere en la succession des Meubles, Acquêts & Conquêts de leurs Fils ou Filles ; & la Mere préfere les Aïeuls ou Aïeules paternelles & maternelles.


CCCXXVI.

L’Aïeul paternel préfere le maternel en ladite succession.


CCCXXVII.

L’Aïeule paternelle préfere l’Aïeul & l’Aïeule maternelle.


CCCXXVIII.

Les Soeurs utérines du Pere, sont Tantes paternelles de leurs Neveux & Nieces, & en cette qualité, excluent les Oncles & Tantes maternels du Défunt, en la succession de Meubles, Acquêts & Conquêts immeubles.

Ces dix-neuf Articles contiennent, tant les maximes qui reglent les successions collatérales aux meubles & aux acquets, que l’application & les excep-tions de ces mêmes maximes, comme il a été dit dans la division des matieres de ce Chapitre.

Quant aux maximes, elles se réduisent à cinq ; dont la premiere est, que les plus proches parens préferent les plus éloignés, sinon au cas de représentation, qui ont été expliqués.

La seconde est établie par l’Article CCCx : sçavoir que les parens paternels préferent les maternels en parité de degré. Par l’application de cette maxi-me, 16. Le pere préfere la mere en la succession des enfans, par l’Article CCCXXV. 2S. L’aieul paternel préfere le maternel, par l’Article CCCXXVI. 90. L’aicule paternelle préfere l’aieul & l’aicule maternels, par l’Article CCCXXVII. Mais la mere préfere les aieuls & les aieules paternels ou maternels, par une application de la première maxime, parce qu’elle est plus pro-che du défunt, qui est son fils. 47. Les seurs utérines du pere de celui à qui on succede, étant tantes paternelles de ce défunt, excluent les oncles & tantes maternels de ce même défunt, par l’Article CCCXXVIII.6 Mais cette seconde maxime à plusieurs exceptions : car 1O. Le frere utérin succede également avec le frère de pere & de mère, par l’Article CCCXII. 2O. La soeur utérine succede également avec la seur de pere & de mêre, par l’Article CCCXVI. 30. Les enfans du frere utérin en premier degré, suecedent avec les enfans du frère de perc & de mére, par l’Article CCCXIII.

Mais les enfans de la seur utérine, ne succedent pas avec les enfans de la seur de pere, comme il est attesté par l’Article LXII dudit Réglement de 1666.7

Ce qui doit paroître avoir été jugé contre l’intention de la Coutume, qui ayant égalé les seurs utérines aux freres utérins, en tant qu’elle les a admises à succeder concurremment avec les seurs de pere & de mère, de la même manière qu’elle a admis les freres utérins à succéder concurremment avec les freres de pere & de mere, ne semble pas avoir voulu faire de différence entre les enfans de la seur utérine d’avec les enfans du frere utérin. Si donc les enfans du frere utérin en premier degré succedent avec les enfans du frère de pere & de mère, par ledit Article CCCXIII, on auroit dû juger, en suivant la méme comparaison, que les enfans de la seur utérine, en premier degré, de-vroient succéder avec les enfans des seurs de pere & de mère.

Mais là raison qu’on apporte de cette diversité est, que la maxime par laquelle les parens paternels préferent les maternels en parité de degré, établis-sant le droit général & commun, les exceptions qui y sont apportées par lesdits Articles CCexII, CCexIII & CCCXVI, ne sont pas réputées favo-rables : c’est pourquoi on n’a point dû faire extension du cas compris précisément dans l’exception, à un autre cas qui n’y est point compris, sous prétexte de similitude & de parité de raison. C’est par ce même principe, que quoiqu’il soit porté en termes généraux par l’Article CCCIV, que la représentation a lieu entre les oncles, tantes, neveux & nieces au premier degré, on a néanmoins jugé par plusieurs Arrêts rapportés sur ledit Article CCCIV, que les enfans du frere utérin ne pouvoient venir par droit de représentation au partage de la succession d’un de leurs oncles concurremment avec leurs autres oncles maternels, freres paternels du défunt ; & partant on doit juger, que les enfans de la soeur utérine ne doivent point succéder à leur oncle frère maternel de leur mere, concurremment avec leurs tantes, seurs paternelles du défunt.8 La troisieme maxime est, que les freres excluent toujours les seurs en la succession collatérale des meubles & acquêts, quoique les seurs, au cas de l’Article CCCxx, fassent part au profit des freres.9 La quatrieme maxime est, que les descendans des freres excluent les descendans des seurs en parité de degré, de sorte qu’il y à représentation de sexe, par les Articles CCCIX & CCCXVII. On ne distingue pas même si les descendans des freres sont mâles ou filles ; car les filles aussi-bien que les mâles, des-cendantes des freres préferent les descendans des seurs, comme il a été ditDe plus, par un autre effet plus étrange de cette représentation de sexe les filles descendantes des frères partagent également avec les mâles descendans d’autres freres, comme il a été jugé par un Arrêt du 12 Mai 1559, rap-porté parBérault .10 La cinquième maxime est, que la succession collatérale des meubles & acquêts, se partage également, encore que les biens soient en Caux ; réservé néanmoins aux ainés, le droit de prendre les terres nobles par préciput, par l’Article CCCXVIII.

Cette exception des préciputs, qui sont contraires au partage égal des biens de toutes sortes de successions, réquiert de l’explication ; car il faut considéren quels sunt les héritiers qui peuvent prendre des préciputs dans ces successions collatérales des acquêts, & quels sont les effets que produit l’option faite de ces préciputs. quant à la premiere question, il est certain que les enfans des freres ainés, succédans par représentation à leur oncle, n’ont aucun préciput, tel qu’eût pu avoir leur pere, s’il avoit été héritier : ce qui est genéral, soit que ces enfans représentans leur pere, partagent avec leurs oncles ou avec leurs tantes, freres ou seurs du défunt, par l’Article CCCVIII. Ce qui proure d’a-bondant, que la représentation n’attribue pas toujours aux representans tout le droit qu’auroit eu le représenté, comme il a été remarqué sur l’Article CCXE.

Il est de plus certain, qu’au cas de l’Article CCexx, il n’y a aucun pré-

ciput, mais que les représentans l’ainé, partagent également avec leurs coneritiers ; de sorte que tout l’avantage qu’iis ont, est, outre celui du choix, la faculté qui leur est donnée par l’Article CCCxxI, de prendre le Fief en payant l’estimation, qui est réglée au denier vingt du revenu du Fief : mais ils n’ont cette prérogative, que quand les lots & partages ne peuvent être faits également, à raison de l’individuité des Fiefs : ce qui a été jugé par un Arrêt, rap-porté parBérault , du S Juillet 16oy conformément à ce qui est dit au coimencement dudit Article CCCXXI, lequel déclarc de plus, que quand les représentans l’ainé ne veulent point s’éjouir de ce privilége alors le Fief doit être baillé à celui des cohéritiers qui offrira de faire la condition des autres meilleure ; c’est-à-dire, qui voudra faire valoir le Fief un plus grand prix. Il pa été jugé par plusieurs Arrêts rapportés parBérault , que cette estimation. du Fief au denier vingt doit être payée en argent ; & que les représentans l’ainé ne peuvent pas obliger leurs cohéritiers à prendre des terres de la succession au lieu dudit prix.11 Il faut donc déclarer quel est le cas dudit Article CCCxx. Il paroit par son expression, que c’est lorsque la succession d’un collatéral est à partager entre plusieurs neveux, arriere-neveux, ou autres parens étant en dégré pareil : mais Basnage est d’avis, qu’il faut en outre que ces parens en semblable degré soient de diverses fouches, & partant, que si une succession écheoit à plusieurs neveux ou cousins sortis d’une même souche, l’ainé de ces freres cone-ritiers n’est point exclu d’y prendre préciput, vû que l’Article CCCXVIII ne

faisant point de distinction de frere, oncle ou cousin, l’intention de la Coûtume est, que toute succession collatérale échue à des freres, soit partagée également, sans préjudice néanmoins du préciput appartenant à l’ainé. Mais on peut objecter contre cet avis, que les préciputs étant contraires à l’équité, qui requiert que les égaux ayent un partage égal, les autres Coûtumes ne les ont autorisés que dans les successiens directes : que si la Coûtume s’est éloignée à cet égard. des autres, en accordant le préciput dans quelques successions collatérales, il ne faut pas présumer qu’elle l’ait voulut accorder dans tous les de-trrés de la ligne coliatérale : ce qui paroit clairement par ce qu’elle a ordonne dans cet Article CCCXx, par lequel le préciput est exclugénéralement, quand une succession de meubles & d’acquêts est à partager entre des neveux, arriere-neyeux & cousins ; c’est-à-dire, entre parens qui sont hors du premier de-gré : de sorte qu’on doit insèrer que l’Article CCCXVIII ne se doit entendre que quand une succession est échue dans le premier degré de la collatérale, qui est celle d’un frere, & qui doit être partagée entre plusieurs freres du defunt : car quand elle se partage par droit de la représentation, qui est restrainte à ce premier degré, par l’Article CCCIV, le représentant l’ainé est exclu du préciput qu’auroit cu son pere, tant à l’égard de ses tantes que de ses oncles 2 par l’Article CCCVIII, dont on ne peut apporter d’autre raison, sinon que la Coûtume n’a point voulu admettre les préciputs en faveur des parens collater’aux, qui sont liors du premier defré, vû que dans ligne directe, les représentans l’einé ont les mêmes préciputs qu’auroient eu ceux qu’ils représentent.12 Que si c’est la succession d’un frère qui soit à partager entre ses freres survivans, alors s’il n’y a qu’un Fief, le frère ainé le pourra prendre par préciput, & s’il y a plusicues Fiefs, les rlus âgés des frères les pourront prendre semblablement par préciput, suivant l’ordre de leur âge, par l’Artiele CCCXXII, en tant qu’il déclarc, qu’ils partagent selon la Coûtume générale : ce qui se rapporte à ce qui est dit au Chapitre de Pariuge d’Hérilage, touchant les préciputs que les ainés ont droit de prendre chacun en leur rang, par l’Article CCCXXXIX.13

Aprés avoir expliqué qui sont les héritiers qui ont droit de préciput, il faut déclarer quelles sont les conséquences de l’option faite des préciputs. Premierement, celui qui prend un préciput dans les acquêts, n’en peut prendre un autre dans les propres, à moins que deux Fiefs, l’un propre & l’autre acquet, ne dépendissent l’un de la Coutume générale, & l’autre de la Coûtume de Caux : car c’est une maxime certaine, que quand les propres & les acquêts sont déférés aux mêmes héritiers, soit en ligne directe ou collatérale, un des héritiers ne peut prendre qu’un préciput dans la même Coûtume, par l’Article OCCXIXx, dont la raison est, que la succession des propres & des acquets audit cas, n’est réputée qu’une seule succession, & partant ne peut attribuer deux préciputs à une même personne, comme il semble ôtre supposé au Chapître de Pariage d’Héritage, par l’Article CCCXLVII.

Un second effet de cette option de préciput, est qu’elle exclut l’héritier qui l’a fait de prendre part aux autres biens de la même succession, tout ainsi qu’il fe pratique dans les successions directes ; dans lesquelles, en prenant précipue, on s’exclut du partage de tous les autres biens, par l’Art. CCCXXXVIII.

Basnage rapporte un Arrêt du 30 de Juillet r6yo, par lequel cela a été jugé à l’égard d’un ainé qui avoit pris un préciput au propre, & qui fut exelu de prendre part aux acquets. Cet Arrêt, qui paroit contraire à un autre du 20 de Mars r6z6, rapporté parBérault , ne l’est pas en effet, parce que les especes étoient différentes : car au cas de ce dernier Arrêt du 2o de Mars, les héritiers étoient différens : les uns au propre & aux acquêts & les autres aux acquets seulement, parce qu’ils étoient freres utdrins, suivant que Basnage le remarque. Ce n’étoient donc pas des propres partables entre les mé-mes héritiers, comme il est exprimé par l’Article CCCXIx. C’est pourquoi il ne paroit pas juste, qu’un frère de pere fût exclu de prendre part aux acquets, parce qu’il avoit pris un préciput au propre ; vû qu’en ce cas il y avoit deux sortes d’héritiers, & que le préciput pris par l’ainé ne diminuoit point les biens de la succession aux acquêts ; & partant en jugeant l’exclusion du frère ainé, à cause de son préciput cela n’auroit pas seulement profité à fes cohdritiers au propre, mais auroit été aussi à l’avantuge de ses freres utérins.

Il ne faut donc pas juger la même chose, quand il s’agit d’une même succession partable entre des héritiers d’une semblable qualité, car alors l’option d’un préciput, soit qu’il soit pris dans le propre ou dans les acquêts, exclut celui qui l’a fait de prondre part aux autres biens & immeubles de cctte successiont

a ce propos fait la question proposée par Basnage sur ledit Article CCCXIX.

Pour l’entendre, il faut se souvenr qu’un ainé qui a pris un préciput dans la succession des ascendans, est exelu de prendre part aux biens qui faisoient partie de la succession en laquelle il a pris ce préciput, quand un de ceux qui avoit partagé cette méme succession, vient à décéder sans enfans ; mais les autres heritiers & leurs descendans succedent à ces sortes de biens, qu’ils avoient partagés avec le défunt, à l’exclusion de l’ainé, comme il est décidé par l’Article CCCXII. Il y a une exception proposée par l’Article suivant CCCXLII, qui déclarc, que si néanmoins dans la succession il se trouve un Fief qui eût été partagé, & fit partie du lot du défunt : en ce cas, le fils ainé ou ses représentans, nonobstant l’exclusion portée par ledit Article CCCXII, peuvent pren-dre ce Fief par préciout. On demande donc, si au cas de cet Article CCCXIII, y ayant un Fief noble dans les biens acquis par le défunt, le frère ainé pourra prendre deux préciputs, l’un en vertu dudit Article CCCXLII, & l’autre en vertu de l’Article CCCXVIII, ou bien si cette espèce tombera dans la disposition de l’Article CCCXIx, qui statue que quand il y a dans la succession des propres partables entre mêmes héritiers, l’ainé ne peut prendre qu’un préciput sur toute la masse de la succession. Basnage soutient que ce cas ne tom-be point dans la décision dudit Article CCCXIX, qui ne se doit entendre que quand il y a des propres partables, & que ce sont des héritiers de même qualité. Or dans l’espece proposée, ce n’est point un propre partable, parce que l’ainé ne peut pas partager le propre, qui faisoit partie d’une succession dans laquelle il a pris un preciput : d’ailleurs cet ainé n’est pas un héritier de la même qualité que les autres, puisqu’il ne peut être héritier que d’une certaine sorte de bien, qui est un Fief, qui avoit été partagé avec la succession en laquelle il a pris préciput, dont il conclut que le frere ainé peut en ce cas pren-dre deux préciputs, un au propre, & l’autre aux acquets, & qu’en prenant préciput au propre, il ne doit pas être exclu de prendre part aux acquets, mais tout ce raisonnement n’est qu’un raffinement trop éloigné du sens commun car quand la Coûtume dans cet Article CCCXIz a dit des propres pariables, ce n’a pas été pour marquer de la différence entre les propres, ni pour en faire une distinction ; mais elle ne l’a dit que par rapport aux héritiers, & pour signifier seulement que quand le propre est partable avec les acquêts ( ce qui arrive quand, il n’y a point d’héritiers différens, les uns au propre & les aux acquêts ) la succession du défunt n’est réputée qu’une succession, en laquelle par conséquent l’ainé ne peut prendre qu’un préciput.14


CCCXXIII.

Donation faite par un Frere aîné à ses Puînés en récompense de la provision à vie, qu’ils eussent pu demander sur la succession directe assise en Caux, est réputée propre & non acquêt.


CCCXXIV.

Donation faite par un Pere à son Fils puîné d’Héritage assis en Caux, est réputée propre & non acquêt.

Ces deux Articles se rapportent à la troisieme partie de la division, dans laquelle on doit expliquer ce qui doit être censé acquet. Il est donc nécessaire d’apporter une définition des acquêts : on la peut représenter par l’opposition que les acquêts ont au propre ; car comme le propre est le bien qu’on possede à droit successif ou de lignage, par les Art. CCXLVII, CCexXXIV. & CCCCLXXXIII, comme il a été remarqué sur le Chapitre de la Succession au Propre, on peut dire que les acquêts sont les biens acquis par travail, industrie, ou par bonne fortune, & que partant l’on a possédés autrement qu’à titre successif ou de lignage. Cette définition a plus d’étenduë que celle du Droit Romain : Queslus proprié dicitur, quod opera, solertia, vel indusiria alicujus queritur, & ejus appellatione non continetur hereditas, vel legatum, I. Quesius, & I. duo societaiem, S. duo coltiberti, ff. Pro socio. Car par cette définition legale, la donation n’est point réputée un acquet ; mais par l’autre définition, qui est du Droit coutumier, la donation est un acquet.

C’est pourquoi la Coûtume a voulu distinguer quelques actes qu’on appelle improprement donations, pour faire connoître qu’ils ne sont point acquets, mais propres. L’Article CCCXXIII déclare, que la donation faite par un frere ainé à ses puinés, en récompense de la provision à vie qu’ils eussent pu demander sur la succession directe assise en Caux est réputée propre & non acquet. Il faut dire la même chose de ce que le frere ainé donneroit à ses puinés au lieu de la provision à vie, qu’il leur devroit à cause du Fief qu’il auroit pris par préciput, au cas de l’Article CCCXLVI, parce qu’en ce dernier cas aussi-bien qu’au précédent, ce n’est pas une véritable donation, mais plutor une récompense, qui tient lieu de légitime, laquelle est toujours un propre provenant ex naiur & debito, & nullement ex liberalilate donantis.

Cest par une raison semblable que l’Article CCCXXIV décide, que la donation faite par le père à ses enfans puinés d’héritage en Caux, est propre & non acquêt : car le pere ne pouvant disposer du tiers de Caux qu’en faveur de tous ou de quelques-uns de ses enfans puinés, la donation qu’il en fait procede plutôt d’un devoir de nature, que d’une pure libéralité : il faut étendre cette décision à toutes les donations que font les ascendans à leurs des-cendans, qui sont toutes réputées un avancement de succession, par l’Article CCCCXXXIV.15

Mais que doit-on dire des donations qui sont faites aux parens collatéraux présomptifs héritiers : Quand le donateur n’a qu’un seul héritier ( qui est l’espece de l’Article CCCCXXXII ) il semble que la chose donnée est un pro-pre du donataire, car c’est comme une succession anticipée : mais liors de ce cas, l’option de Chassanée paroit fort équitable, qui est, que la donation doit être réputée un propre, quand le donataire n’a par la donation que la part qu’il auroit eue en la succession du donateur. Que si le donataire n’est point héritier présomptif du donateur, ou si la chose donnée excede la valeur de la portion héréditaire que le donataire auroit eue en la succession du donateur ; en ces cas la donation doit être censée un acquêt, ou en son inté-grité ou en partie, en tant que la donation excede la valeur de la part qui auroit appartenu par droit de succession.

Loüet , a. 2. rapporte qu’il a été jugé, que les donations faites au présomptif héritier collateral, sont des acquets, cum non ex nature debito, sed ex mera donantis liberalitaie procedant, in linea enim collaterali nullum nature debitum, ideqque in ea, nec falcidia, nec legitima locum habent. Get Auteur limite cette décision, & dit qu’elle n’a pas lieu quand le donateur par l’Acte de la donation, a déclaré que son intention est, que la chole par lui donnée soit propre du donataire, à l’exclusion de la communauté & des héritiers aux acquêts : il approuve de plus l’opinion de Chassanée ci-dessus expliquée : mais Brodeau son Commentateur attesse, que c’est une maxime suivie au Palais, qu’un propre donné à un parent de la ligne dont ce propre provient, est toujours cense propre en la personne du donataire, encore que cela ne soit point déclaré par la donation.16


CCCXXIX.

La Femme après la, mort du Mari, a la moitié en propriété des Conquêts faits en Bourgage constant le Mariage ; & quant aux Conquêts faits hors Bourgage, la Femme a la moitié en propriété au Bailliage de Gisors, & en usufruit au Bailliage de Caux ; & le tiers par usufruit aux autres Bailliages & Vicomtes.

La quatrieme & derniere partie de ce Chapitre traite des conquêts, c’estâ-dire, des acquisitions d’immeubles, qui sont faites pendant que subsiste la société du mari & de la femme : elle est renfermée dans cet Article & les quatre suivans, comme il a été remarqué dans la division. Par les CCCxxIx, CCexxx & CCCXXXIII, le droit qu’à la femme dans les conquêts, est spécifié, limité & assuré, car il est déclaré par le CCCxxIx, quand, & quelle part elle doit avoir dans les conquêts : par le CCexxx, il est statué quelle ne peut avoir une plus grande part que celle qui lui est attribuée par la Coûtume, à laquelle on ne peut déroger à cet égard par aucune convention ; & enfin par le CCCXXXIII, ce droit lui est conservé, nonobstant que le mari perde sa part par la confiscation de ses biens.

Ce droit de conquêt est attribué à la femme, en conséquence de la société qui est établie par le mariage, & qui fait présumer que la femme a contribué par ses soins, par son assistance & par son conomie, à l’augmentation des biens du mari : car si la Coûtume rejette le communauté entre le mari & la femme, comme il paroit par l’Article CCC LXXVIN, ce n’est que par rapport aux effets que cette communauté produit daus la plûpart du Pays coûtumier, dans lequel la femme transmet à ses héritiers le droit de partager par moitié avec le mari survivant, tous les meubles, effets & conquêts, dont il étoit le maître pendant le mariage, les pouvant engager, vendre & donner sans le consentement de sa femme : mais par la disiolution du mariage, le mari perd cette puissance, & est obligé de souffrir le partage de tous les biens de la communauté, tant des meubles que des conquêts immeubles. Ce qui n’est pas recu en Normandie, parce que la femme prédécédée ne transmet à ses héritiers, non pas même à ses enfans, aucuns droits sur les meubles & effets qui se trouvent en la main du mari qui survit ; ce qui fait dire, suivant l’expression dudit Article OCCLXXXIX, que les personnes conjointes par mariage ne sont pas communes en biens, d’autant que la femme n’y a rien qu’aprés la mort du mari.17

Mais la femme survivante ayant des droits sur les biens, tant meubles qu’immeubles de la succession de son mari, on peut dire que le douaire lui appar-tient, comme un droit de viduité, que les Coûtumes donnent aux femmes : Et quant à la part qu’elle a aux meubles, la Coutume semble déclarer, que c’est par un droit de succession, & en qualité d’héritière de son mari, nonseulenent parce qu’elle est obligée de renoncer, mais parce qu’en prenant les meubles, elle s’oblige solidairement à toutes les dettes de la succession de son mari, ce qui est un effet propre de la qualité d’héritier. Mais quant aux conquets, on ne peut pas dire qu’ils appartiennent à la femme par un droit d’hérédité, puisqu’elle prémourante, le mari n’est plus le maître des conquêts faits en bourgage & au Bailliage de Gisors, dont la moitié appartient propriétairement aux héritiers de la femme, le mari n’en ayant que l’usufruit par l’Article CCCXXXI. Il faut donc conclure que ce droit de conquêt est attribué à la femme, en conséquence de la société conjugale, qui la rend parti-cipante des biens qui sont acquis pendant que cette société subsiste : ce qu’on doit même juger de la part qu’elle a aux meubles & aux effets de la succession de son mari, par rapport à la cause qui lui donne le droit d’y succéder aprés la mort naturelle ou civil du mari Mais aprés que la Coûtume a réglé ce qui appartient à la femme sur le conquet, elle explique dans les Articles CCCxxxI & CCCXXXII, les droits qui sont réservés au mari & à ses héritiers, sur la part que la femme ou ses héritiers ont sur ledit conquêt.

Cela supposé, & venant à l’explication de l’Article CCOxXIx, il faut remarquer, que beaucoup d’acquêts faits par le mari pendant le mariage, sont censés propres du mari à l’égard de la femme : car, comme enseigne duMoulin , le mot de piropre se prend en deux manieres fort différentes : Uno & principali modo pro obventis ex successione prédecessorum, alio & incidenti modo pro omnibus que non cadunt in societatem bonorum, que est inter virum G lrorem. Or par la Coûtume de Normandie, il y a plusieurs sortes d’acquisitions, sur lesquelles les femmes n’ont pas droit de conquêt : car premierement, elles ne le peuvent prétendre sur les choses données à leurs maris, par l’Article CCCXCVIII, lequel il faut entendre des immeubles & non des meubles ; car non-seulenient la femme auroit part aux meubles donnés à son mari, mais elle auroit même part aux immeubles qui seroient acquis par sondit mati des deniers provenus de ces meubles ; parce que la Coûtume n’ayant point fait de différence entre les meubles qui viennent de succession ou de donation, & ceux qui sont amassés par le bon ménage, les uns ni les autres n’obligeant à en faire aucun remplacement, comme il est artesté par l’Article LXVI du Réglement : la femme ne doit pas être privée du droit de conquêt que la Cou-tume lui accorde sur les acquisitions faites par son mari, sous prétexte que ces acquisitions auroient été faites des meubies provenus d’une succession o d’une donation : ce qui a été jugé par deux Arrêts rapportés par Basnave sur cer Article CCCXXIx, l’un du 2 de Juin 1603, à l’egard de deniers donnés à un mari ; & l’autre du 24 de Novembre 1633, à l’égard d’une succession échue à un mari, qui avoit déclaré en faisant une acquisition au nom de ses enfans, que le prix provenoit des effets de sadite succession.18 Secondement, les femmes ne peuvent prendre aucun droit de conquêt, à raison du racquit & amortissement des rentes ou charges ausquelles les héritages de leurs maris étoient obligés ; encore que ces racquits & amortissemens ayent été faits pendant leur mariage, & conséquemment dussent être réputés provenir du bon ménage & collaboration des deux conjoints : ce qui est décidé par l’Article CCCXCVI, qui n’attribue à la femme qu’un douaire déchargé de ces

rentes ou charges, avec la limitation toutefois de l’Article suivant CCCXCVII.19 En troifieme lieu, les femmes n’ont aucun droit de conquêt sur les héritages rétirés par leurs maris par droit de lignage, parce que ce qui est ainfi ac-quis, est réputé propre & non acquêt, par l’Article CCCCLXXXIII ; mais cette raison ne devroit pas paroître suffisante, puisqu’elle devroit avoir le même effet à l’égard des héritages que le mari retire au nom de sa femme, parente du vendeur ; & néanmoins, quoique les héritages ainsi retirés soient un propre de la femme & non un acquet, le mari ou ses héritiers peuvent répêter la moitié des deniers déboursés pour parvenir au rétrait, par l’Article CCCCXCV. Même si le mari pour faire le retrait au nom de sa femme a vendu ou hypothéqué son propre bien, la femme ni ses héritiers ne peuvent prétendre aucune chose à l’héritage retiré, que le propre du mari ne soit remplacé ou dégagé, par l’Article suivant CCCCXCVI.20 Par une raison semblable, on conclut, que ce que le mari rotire comme Seigneur de Fief, n’attribue aucun droit de conquêt à sa femme, parce que l’héritage ainsi rétiré, est censé propre du mari, quand le Fief auquel ce même héritage est réuni par le retrait féodal, tenoit nature du propre du mari, comme il est attesté par l’Article CVIII du Réglement de 1666. Ce qui fait dire indubitablement, que tout ce qui se réunit aux Fiefs, qui sont des propres, par confiscation, deshérence, bâtardise ou commise, ne doit pas être réputé conquêt, pour attribuer en conséquence de cette qualité aucun droit de propriété sur les héritages réunis par ces moyens, ni au mari ni à la femme.

Sed quid Si le mari a été confisqué pour son crime, & que le Roi lui ayant depuis accordé une abolition, l’ait rétabli en la possession de tous ses biens, la femme pourra-t’elle prétendre quelque droit de conquêt sur ces biens, que son mari ne possede plus que par la grace & le bienfait du Prince, qui est un nouveau titre, & qui partant doit faire réputer ces biens un véritable acquet : Incunctanter respondendum, que ces biens ne peuvent être réputés conquets, puisqu’ils proviendroient de la grace du Prince, & seroient comne une donation ; outre que de même que l’abolition efface tellement le crime, que le condamné est remis au même état qu’il étoit auparavant le crime commis ; ainsi la confiscation, qui n’étoit que la suite & la dépendance du crime, eit tellement remise, que les biens semblent n’avoir jamais changé leur premierc qualité, ni la cause de leur ancienne possession. La question est plus douteuse à l’égard des héritiers, quand le crime ayant été puni, le Roi donne aux parens présomptifs héritiers les biens du confisqué : car alors les donataires ne possédant ces biens que par la libéralité du Roi, il sembleroit que ces mêmes. biens ne pourroient pas être réputés un propre, mais un pur acquet, vu qu’ils avoient été séparés de la famille par la confiscation executée, & nullement rétractée : Néanmoins la grace du Prince n’ayant autre fin que de con-server ces biens dans la famille du confisqué, il y à grande raison de les reputer propres & non acquets.

Quatriemement, les femmes ne peuvent demander de conquêt sur les héritages retirés par leurs maris à droit de lettre luc, quand ces héritages appar-tenoient à leurs maris par un titre antécédent à leur mariage : mais il a été jugé par un Arrêt du 22 de Mars 1682, rapporté parBasnage , que la femme auroit la moitié du prix, parce que l’héritage. ainsi rétiré étoit en bourgage.21 Quant aux héritages appartenans au mari par une cause antécédente, soit par succession, donation, droit de reméré où d’achat, & desquels il a acquitté le prix, où payé un supplément, ou transigé en baillant de l’argent pour se maintenir en sa possession, il semble que tous ces cas doivent être compris dans la décision dudit Article CCCXCVI, & que les femmes ne peuvent prétendre autre chose qu’un usufruit sur les héritages ainsi conservés & acquittés, semblable au douaire, encore que les deniers payés ayent été amassés pendant leur mariage.22 Ce qu’on dit ici du bourgage, se doit rapporter à ce qui a été dit sur l’Ar-

ticle CXXXVIII, sur lequel on doit en outre remarquer, que comme il y a des Villages où les femmes ont la moitié des conquêts ; de même, il y a des Bourgs & des Viiles où les femmes n’ont pas cette moitié, & que pour faire ce dilcernement, il faut avoir recours au Proces-verbal de la réformation de la Coûtume, dont on a extrait des Usages Locaux Mais comme il y a des biens qui ne sont pas proprement immeubles, & qui par conséquent ne sont pas contenus dans un certain licu, on a douté s’ils devoient être estimés comme biens de bourgage. Tels sont les Offices & les Rentes constituées à prix d’argent, qu’on appelle hypotheques.

Quant aux Offices, on faisoit autrefois distinction entre les domaniaux & héréditaires, & entre ceux de judicature & non vénaux : mais à present la valeur de toutes sortes d’Offices les ayant fait réputer les principaux biens des successions, on leur a donné la propriété des véritables immeubles, en les distinquant en propres & en acquets, & pour être partagés comme s’ils avoient réellement ces qualités. De sorte que, comme on a attribué aux femmes un douaire sur les Offices dont les maris étoient pourvus lors de leur mariage lequel douaire consiste au tiers de l’usufruit du prix ou du revenu de l’Office ainsi on leur a attribué un droit de conquêt sur les Offices acquis par leurs maris depuis le mariage, & ce droit de conquêt est réglé indistinctement autiers en usufruit, comme le doüaire, comme il est certihié par l’Article LXXII dudit Réglement. Ce qui a lieu non-seulement à l’égard du titre des Offices, mais même à l’égard de tous les droits qui en dépendent, & qui y ont été attribués par des Edits & Déclarations postérieurs à la création des Offices 3 quoique même ces droits se possedent séparément par d’autres que les Titulaires : car en tous ces cas on a jugé que les veuves ne pouvoient avoir aucun droit de propriété, mais seulement un tiers en usufruit, l’accesioire étant estimé devoir avoir les mêmes qualités, conditions & effets, que le principal suivant plusieurs Arrêts rapportés sur cet Article CCCXXIXx.

Quant aux rentes constituées, on les répute en Normandie avoir comme leur situation sur les biens des obligés & des débiteurs, de maniere que quand il s’agit de les partager entre des cohéritiers, ou de régler le conquêt des femmes, on regle ces partages & ce droit de conquêt, par rapport à la qualité & à la situation des biens des débiteurs, & proportionnément à l’estination. de tous & un chacun leurs biens immeubles, au nombre desquels entrent les Offices : & pour établir cette proportion suivant la qualité & la nature des biens des obligés, on a recours à la déclaration ou certificat qu’ils en baillent ; contre lequel certificat on n’est pas recu à faire preuve du contraire, ces obligés ne pouvant être contraints de produire les titres & enseignemens de leurs biens : ainsi il suffit au débiteur de la rente de déclarer en général, par exemple, que la troisieme partie de ses biens est en Caux ou en Bourgage sans qu’il soit obligé de spécifier ce qu’il y possede, pourvu qu’il soit prét de jurer & certifier que sa déclaration est véritable.23

C’est ce qui s’observe à l’égard des rentes constituées sur les particuliers, mais à l’égard de celles qui sont dues par le Roi, on considère le lieu où le Bureau est établi, pour faire le payement des arrérages de ces rentes, qui par conséquent sont réputées avoir leur situation en ces Bureaux, où le fonds destiné pour le payement est déposé.24.

Il est à propos de remarquer que les femmes ne peuvent prendre part aux conquêts, sans être réputées héritières de leurs maris, & partant qu’en prenant cette part, elles s’obligent au payement des dettes de la succession per-sonnellement & solidairement ; mais les héritiers des femmes, qui ont prédécede leurs maris, prenant part ausdits conquêts sans être censés héritiers du mari, ne s’obligent pas au payement de ses dettes, sinon à proportion de la valeur de la part qu’ils ont cue ausdits conquêts, lesquels rapportant ou abandonnant, ils ne peuvent être poursuivis en plus outre comme il a été jugé par un Arrêt donné en Février 16oy rapporté parBasnage 25. Il semble qu’il faudroit juger la même chose à l’égard d’une femme à qui on auroit délivre ses droits lur les meubles & conquêts, apres la séparation de corps & de biens

jugée à cause des mauvais traitemens de son mari ; & qu’en ce cas ne possedant point ces biens comme héritière, & de plus ne s’étant fait aucun mélange ni confusion, elle ne pourroit pas être tenue de payer les dettes de son mari, en plus avant que la valeur des choses qui lui auroient été adjugées en con-séquence du divorce.

Il faut encore remarquer, que quand il faut régler le droit de conquêt de la femme, sur les meubles & ies immeubles, qui se partagent suivant la Coutume du domicile, on ne le regle pas suivant la Loi du domicile qu’avoit la femme lors de la céicbration du mariage, mais suivant la Loi du domicile qu’ont eu depuis les conjoints : car des le temps que la femme est passée en la maison du mari, elle n’a plus d’autre domicile que celui de son mari, & elle est soumise à en suivre les Loix, comme dit Chassanée au Titre des droils appartenans à gens maries, S. 2 : ce qui est conforme à la Loi Exigere, ff. De udiciis, qui déclarc, que la femme pour la répétition de ses droits, doit agir au domicile de son mari : Nec enim id genus contradus esit, ut eum locum potiùs spectari oporieat in quo instrumentum factum est, quûm eum in cujus domi-ciliun ipsa mulier per conditionem mairimonii erût reditura : ce qui a été jugé contre une veuve née & mariée à Valenciennes, qui prétendoit tous les meubles de la succession de son mari, en vertu d’une clause de son contrat de mariage qui les lui attribuoit, & qui est autorisée par la Coutume de Valenciennes : l’Arrêt qui fut donné en l’Audience de la Grand Chambre, le 14 d’Août 16a6, rapporté parBasnage , sur l’Article CCCxxx, ordonna que les meubles seroient partagés suivant la Coutume de Normandie, où étoit le domicile des mariés Il faut enfin observer, que quand il est disposé par cet Article, de la part qu’ont les femmes aux conquêts du Bailliage de Caux, il le faut entendre comme on l’entend, du droit de succéder à ces sortes de biens ; lequel droit n’est pas limité par le district ou l’etenduë précise du Bailliage de Caux, mais à son extension dans les lieux qui tiennent la nature des biens de ce Bailliage, sçavoir en trois Sergenteries de la Vicomté de Rouen comme il est expliqué dans l’Article CCCXVIII : ce qui a été jugé par un Arrêt donné en Juillet 1630, rapporté parBérault , & qui réfout la difficulté qui pouvoit naître des dernieres paroles de cet Article CCCXXIx, qui sfont entendre que les femmes n’ont que le tiers en usufruit aux autres Bailliages ou Vicomtés, que de Gisors & de Caux.26


CCCXXX.

Quelqu’accord ou convenant qui ait été fait par Contrat de mariage, & en faveur d’icelui, les Femmes ne peuvent avoir plus gran-de part aux Conquêts faits par le Mari, que ce qui leur appartient par la Coutume, à laquelle les Contractans ne peuvent déroger.

Puisque par cet Article il n’est pas au pouvoir des contractans de déroger. aux dispositions de la Coûtume, on ne doit pas s’étonner qu’on n’ait eu aucun égard aux clauses dérogatoires employées dans les contrats de mariage, afin d’établir la communauté, & donner à la femme des droits de doüaire & de conquêt prohibés par la Coûtume.

Mais les Auteurs qui ont écrit sur le Droit coutumier, foutiennent que la Coûtume de Normandie n’a pu imposer de loi qu’aux personnes qui sont domiciliées dans son district, & non à ceux qui habitent hors de l’étenduë de la Province, à qui on ne peut ôter la liberté qu’ils ont de contracter suivant l’usage de leur Pays, à l’égard des choses qui ne sont pas purement réelles, mais qui doivent être réputées personnelles ; comme sont les Sociétés qui s’éteblissent entre particuliers, avec les conditions dont ils sont convenus, entre les-quelles Sociétés, la plus fréquente & la plus importante est celle du Mariage.

Comme donc le partage des biens d’une Société ne se regle pas par une Loi générale, ni par la Coûtume des lieux où ces biens sont situes, mais se fait suivant la convention des Associés, ainsi le partage de la communauté qui est autorisée par la plûpart des Coutumes, doit être indépendant de la Loi qui est par-ticulière aux lieux dans lesquels sont les biens acquis par les mariés, parce que ce partage dépend d’un Contrat, & ne doit pas être réputé réel, comme celui d’une hérédité, qui est ordonnée par une regle générale, indépendamment de la volonté des particuliers27. Or la part que la femme a en Normandie, sur les acquets faits pendant le Mariage ; est un droit d’hérédité, vu qu’elle ne la peut avoir que comme héritière, & lans s’obliger solidairement à toutes les dettes de la succession, de la même maniere que les autres héritiers de son mari y sont obligés ; étant même obligée en cas qu’elle ne veuille pas accepter cette succession, d’y renoncer par un Acte solemnel fait en Justice, & dans les délais qui lur sont prescrits par l’Article CCCXCIV. Mais les Coutumes dans lesquelles la communauté est recue, les femmes partagent les biens de la communauté, non comme héritières, mais en vertu du Contrat de leur mariage, par lequel ce partage est réglé, non fuivant le plus commun usage du Pays, mais suivant la paction faite entre les futurs époux, qui ont pu stipuler valablement que leur part aux biens de la communauté seroit plus grande ou moindre que la moitié. Par la même raison que cela est permis dans les contrats des autres Sociétés, suivant la Loi si non fuerint ff. Pro socio, & qu’ilest expliqué dans les Institutes au S. De illa du Titre De societale, Outre qu’ils ont pu convenir, qu’ils ne seroient tenus des dettes l’un de l’autre, contractées avant le Mariage, comme il se doit conclure de l’Article CCXXII de la Coutume de Paris : ce qui ne préjudicie point au partage des biens de la Communauté, qui partant se fait, sans attribuer la qualité d’héritier. Mais en Normandie la veuve ne pouvant prendre part aux conquêts que comme héritière ce partage est absolument réel, & conséquemment doit être fait suivant qu’il est limité par la Coûtume du lieu, comme se font tous les partages des successions entre les héritiers.

Ce n’est pas déroger à la Coutume, que de stipuler que la femme aura moins de part aux conquêts ou aux meubles de son mari, que la Coûtume ne dui en attribue. De la même maniere qu’on peut stipuler utilement, que la femme n’aura point de doüaire, ou l’aura moindre que le tiers, qui est le douaire coutumier ; parce qu’en tous ces cas, la Coûtume n’a pas défendu le moins, mais seulement le plus, & ainsi on ne peut pas dire qu’en stipulant le moins, on déroge à la Coutume : dont on infere, que les conventions des particuliers peuvent empécher l’effet de la disposition ordinaire de la Loi, dans les choses qui dépendent du consentement des Contractans, pourvu que leurs stipulations ne soient point contraires aux loix de l’honnêteté, ou à celles qui sont faites par une cause publique, ou à ce qui est expressément défendu par la Loi municipale.28

Une femme peut valablement stipuler, que les meubles qu’elle apporte à son mari, seront remplacés en une certaine qualité de biens, ausquels elle aura un droit de conquêt le plus avantageux, parce qu’elie peut imposer telle condition qu’il lut plait à la chose par elle donnée. Mais la clause par laquelle une femme auroit stipulé généralement, que son mari seroit tenu de faire toutes ses acquisitions en bourgage, ou en un certain lieu, seroit réputée incivi-le, comme privant le mari de la liberté qu’il doit avoir de dispuser de son bien indépendamment de la volonté de sa femme.


CCCXXXI.

Le Mari doit jouir par usufruit sa vie durant, de la part que sa Femme a eue en propriété aux Conquêts par lui faits constant le Mariage, encore qu’il se remarie.


CCCXXXII.

Le Mari & ses héritiers peuvent retirer la part des Conquêts ayant appartenu en propriété à sa Femme, en rendant le prix de ce qu’elle à couté, ensemble des augmentations, dans trois ans du jour du décès de ladite Femme.

Ces deux Articles font connoître, que la propriété que la femme a sur les conquêts, n’est pas pleine ni irrévocable, puisqu’elle cit sujette à l’usufruit du mari survivant, & que d’ailleurs elle est retrayall. par le mari & ses héritiers.29 On a demandé si l’Article CCCXXXII, qui semble proposer le cas du prédéces de la femme, se doit étendre au cas contraire du prédéces du mari ; c’est-à-dire, si la femme survivante peut être dépossédée du conquêt pendant savie, par le retrait qu’en feroient les héritiers du mari, dans les trois ans ensuivans la dissolution du mariage. Cette question peut être faite & en faveur de la femme & contre son intérêt, parce que la femme peut prétendr & que son droit de conquêt lui étant attribué comme un effet de la société conjugale, elle ne doit pas être frustrée pendant sa vie de la jouissance de ce qui doit être présumé acquis par la contribution de son industrie & de son bon ménage : Par-la même raison que le mari a cette jouissance à titre d’ufufruit, par l’Article CCCXXXI, dont on concluroit, que les héritiers du mari ne pourroient exercer la faculté qu’ils ont de retirer la part de la femme, qu’aprés son déces. Mais d’ailleurs, si l’on dit que ces héritiers peuvent absolument & sans distinction user de ce droit de retrait, trois ans aprés le décés de la femme il s’enfuit que pendant tout le temps de la vie de la femme ( qui peut être longy & même trois ans aprés ce temps, la propriété de la femme demeure incertaine & en suspens : de sorte qu’elle ni ses héritiers ne pourront non-seulement vendre ni engager le fonds, mais même y faire tous les changemens qu’ils pourroient désirer pour leur utilité, ou pour leur divertissement : ce qui est fort répugnant au droit de propriété que la Coûtume donne à la femme.

Pour concilier ces difficultés, il semble qu’on pourroit répondre que la femme ne doit point être dépossédée, contre sa volonté, des conquêts, & qu’elle en doit jouir pendant sa vic ; mais que si elle veut s’assurer irrévocablement la propriété, elle doit sommer les héritiers de son mari, & faire juger, que faute par eux de mêttre à exécution leur droit de retrait dans les trois ans prochainement venant, ils n’y seront plus recevables. Mais on peut dire, avec une raison plus vraisemblable, que le retrait accordé aux héritiers du mari, de la part des conquêts appartenans à la femme, n’est qu’au cas de prédéces de la femme ; car quand elle survit à son mari, la propriété de sa part est pleinnement confirmée, de forte qu’elle n’en peut être privée de la jouissance, ni ses héritiers aprés sa mort. Ce qui paroit plus équitable, & plus conforme à l’Article de la Coûtume, qui n’attribue ce retrait au mari & à ses heritiers, que dans le cas de la femme prédécédée.30 Au reste, le mari ou ses héritiers usant de cette faculté, doivent retirer étoute la part des conquêts échue à la femme ou à ses héritiers, & ne peuvent pas en retirer une partie & laisser l’autre ; ce qui a été jugé par s Arrêt du 19 de Juillet 1652.

Le mari retirant doit rendre tout le prix qu’à couté la part de l’héritage qu’il retire, sans pouvoir en faire aucune diminution, sous prétexte de l’usufruit qui lur en appartient, comme il a été jugé par plusieurs Arrêts : il doit même rendre ce prix dans le délai de trois ans, & il ne suffit pas qu’il ait intenté son action dans les trois ans, par un Arrêt du 26 de Février 1819.

Tous ces Arrêts sont rapportés parBasnage .31 Il en rapporte un autre du 3 d’Avril 1635, par lequel il a été jugé que ce droit de retrait se transféroit à tous les représentans les héritiers du mari, en quelque degré qu’ils soient parens, sans considérer l’ordre de succeder qui s’obferve aux retraits lignagers : de sorte que les descendans de ces héritiers, quoiqué plus éloignés, & du sexe. féminin, concurrent avec les héritiers mâles à faire ce retrait, qui n’est pas accordé par le droit de lignage, mais par un droit particulier & propre des conquêts : car il ne suffit pour faire le rétrait, d’être parent du mari, il faut être son héritier, de sorte que les parens n’ont

pas un droit semblable à celui qui leur est attribué par l’Article CCCCLXXIII pour le retrait de lettre-lue ; il faut qu’ils soient héritiers, & partant que la succession du mari leur soit échue : Quod videri potesi male judicatum ; parce que ce que le mari retire à droit de conquêt, les héritiers ou leurs représentans, ne le retirent que comme une dépendance de sa succession, en laquelle conséquemment on doit observer l’ordre établi par la Coutume, pour les retraits lignagers & pour les successions.

Sed quid ; Siil y a divers héritiers, les uns au propre, & les autres aux accquets, pourront-ils concurrer à ce rétrait : Videlur quod non, & que les héritiers aux acquêts y doivent être préférés, parce que ce droit de conquêt est une dépendance de la succession aux acquêts : car même quand le mari use de ce retrait, l’héritage qu’il retire est un acquet à l’égard de ses héritiers, non toutefois à l’égard de la femme qu’il auroit épousée en secondes nôces, parce que cette acquisition doit être considérée comme faite ex aniecedente causa, de ce second mariage ; & partant il sembleroit, que cette femme ne pourroit avoir aucun droit propriétaire ou foncier sur l’héritage ainsi retiré, mais seulement une action pour répêter la moitié du prix. Ce nonobstant, Basnage rapporte un Arrêt du 22 de Février 16yd, qui adjugea à la femme, droit de conquêt sur l’héritage.

Mais quand les héritiers du mari retirent la part du conquêt de la femme estce un propre, comme censé faire une part de la succession du mari, & être déféré aux héritiers par un droit successif : Il y a raison de douter, d’autant que ces héritiers, à parler proprement ne posséderoient pas ces conquêts par droit successif, aux termes de l’Article CCCXXXIV ; mais par droit de l’acquisition qu’ils en auroient faite, sans y être engagés par l’addition de l’hérédité : mais on dit au contraire, que retirant comme héritiers, & par con-séquent à droit de lignage, l’héritage retiré est réputé un propre, par l’Article CCCCLXXXIII.32


CCCXXXIII.

Avenant que le Mari confisque, la Femme ne laisse d’avoir sa part aux meubles & conquêts, telle que la Coutume lui donne, comme si le Mari n’avoit confisqué.

La femme est préférée au fise pour ses droits de conquêt, comme les enfans le sont pour leur légitime. Ce qui a été jugé en la Coutume de Paris, conformément à l’avis & aux raisons de duMoulin , qui se donne la gloire d’avoir fait autoriser cette décision : Injustum est ut mulier perdat mediam partem mobilium & conquestum, quam extraneus socius non perderet,Louet , C. 35 & S2 ; mais cela ne se doit entendre, qu’au cas de la confiscation générale jugée pour crime, lorsque le mari est devenu esclave de la peine, & est privé des effets de la société civil & conjugale. Car si les héritages du mari étoient réunis au Fief du Seigneur, pour commise, en ce cas, la part qu’auroit pu prétendre la femme en ces héritages, seroit perdue pour elle, parce que le mari peut, par sa mauvaise conduite & son imprudence, perdre tous ses meubles & toutes ses acquisitions : cûm hoc procedat magis ex natura & conditione rei huic oneri affecle quûm ex punitione delicti, du Moulin sur l’Article XLIII de la Coutume de Paris, nomb. 88.33


CCCXXXIV.

Tous Acquêts sont faits propres à la personne de l’Héritier qui premier les possede à droit successif.

C’est une répétition de l’Article CCXLVII.



1

Nous appellons acquêts les biens qui n’ont point leur origine dans les droits de succéder ou de lignage, & qu’on ne peut considérer comme ue dépendance nécessaire des biens que nous possedons à ces Titres.

Les conquêts sont des immeubles provenus de la collaboration de deux époux pendant la durée du mariage.

Terrien , Liv. 6, Chap. 2, rapporte bien des maximes consacrées par une Jurisprudence constante en cette matiere : on ne fuit point en la ligne directe, dans la succession des acquêts la proximité du degré & une petite-fille issue d’un frère, exclue de la succession des acquêts de son aieul sa tante, fille du défunt : Arrét de l’Echiquier de Paques, tenu à Rouen en 1486. L’oncle maternel préfere le cousin germain du défunt du côté du pere : Arrét du 23 Décembre 1519. Le frère de pere préfere la soeur de pere & de mére : Arrét du 17 Janvier 1518. Le frere utérin préfere la seur de pere & de mere : Arrêt du 24 Février 1520. Les enfans du frere utérin concourent avec les enfans du frère de pere & de mère : Arrêt du 23 Dé-cembre 1516. Les acquêts en collatérale se partagent au pays de Caux également entre freres : Arrét du 23 Décembre 1516, rendu sur une Enquête par Turbes dans les Bailliages de la Province. La donation faite par le frère à ses puinés pour leur tenir lieu de leur provision à vie est propre dans leur succession ; les acquêts, dans le second degré, sont propres de ligne, ainsi la moitié des conquêts de bourgage sont propres maternels dans la succession du fils.


2

La représentation en collatérale étoit autrefois inconnue parmi nous dans la succession aux acquêts ; la tante, soit paternelle ou maternelle, excluoit ses neveux sortis du frère du défunt. L’ancien Coutumier, Chap. 25, porte en plusieurs endroits, que le conquét vient au plus prochain du lignage, ou, comme disent d’autres Coutumes, au plus proche du ventre. La Coutume réformée admet la représentation, pourvu que le re présenté soit au premier degré de parenté avec le défunt dont la succession est ouverte ; plusieurs Coutumes ont la même disposition : mais il y en a qui l’appliquent à la succession au propre, comme à celle des acquets.

L’explication de cet Article fait naître une question importante : Une succession mobiliaire de 50000 livres est à partager entre le frère du défunt & son neveu ; ce frere, qui a quatre enfans, renonce à la succession : on demande si ce frere renoncant, ses enfans succederont par souche ou par téte. On dit que sa renonciation est frauduleuse, dans la vue de procurer à ses enfans 15000 liv. plus qu’il n’auroit eu en partageant avec son neveu ; que les enfans viennent au droit de leur pere en Normandie, ou représentation a lieu, même d’une personne vivante. On répond qu’on ne peut forcer personne à se porter héritier, que par la renonciation le pere n’a fait qu’écarter l’obstacle qui les cloignoit ; que les enfans deviennent alors ha-biles à succéder, quasi persona patris subducta è medio, qu’ils n’ont point besoin du secours de la représentation, étant en parité de degré avec le neveu du défunt de l’autre branche, que le cas de représentation auroit lieu si le pere du neveu étoit vivant, & qu’ainsi ils doivent partager par têtes, nemo tenetur de dolo cum suo jure utitur.


3

La tante succédant avec ses neveux sortis de son frère, fait les partages, & les enfans de l’ainé peuvent prendre un Fief lorsqu’il y en a un dans la succession, en payant aux copartageans l’estimation du Fief au denier vingt : Arrét du 20 Mars 1587, cité par Bérault sous cet Article. La fille de la fille ainée a le choix sur sa tante, d’autant que le benéfice de la représentation subsiste à l’exclusion du préciput.


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Plusieurs Coutumes préferent le frère de pere & de mere au frere consanguin, ou utérin, & on les appelle Coutumes de double lien. Voye ; Troyes Art. XCIII ; Chaumont, LXXX ; Orléans, CCexx ; Tours, CClXxxix ; Freux, XC ; Perche, CLIII ; xaintonge, LXXXVIII, la Rochelle, Il, Bar-le-Duc, CxxIx ; Saint. Quentin, Li Péronne, CLXXxix.

Le double lien n’a plus lieu à Troyes, apres le cas de représentation : Arrêt du 1é Avril 1622, rapporté parPithou . Beaucoup d’autres Coûtumes rejettent le double lien, comme Sens LXXXIV ; Châlons, LXXXIY ; Melun, Cel. IX ; Etampes, CXXVI ; Paris, CcexI, &c.

Notre Coutume est évidemment de ce nombre ; & on ne peut pas douter, comme l’a remarqué Pesnelle, que le fils d’un frère de pere ne succede par représentation avec son oncle frère de pere & de mére du défunt. Voyer la Note sous l’Article CCCXII.


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Il semble d’abord que l’on peut donner cette explication à l’Article LXIV du Reglement de 1o86. Ie laisse un arrière-neveu, petit fils de mon frere, & un oncle frère de mon pere ; nous descendons, mon arrière neveu & moi, d’une souche commune qui est mon pere & mon oncle & moi nous descendons l’un & l’autre de mon aieul ; ainsi notre fouche commune est plus éloignée, d’où l’on pourroit conclure que mon arrière neveu doit me succéder de préférence sur mon oncle ; mais cela ne détruit pas la difficulté : car dans la succession aux ncquêts on succede régulièrement, hors le cas de représentation, selon la proximité du degre.Pithou , sur l’Art. CIV de Troyes, a eu recours à la regle, si vinco uincentem te. Guia opus Roc adjicere,, :. Si quidemt è hie illa regula obtinet, si vincovinetntem te, &c & il n’est point d’autre moyen de justifier l’Article du Reglement.


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Notre Coûtume ne fixe point l’ordre dans lequel les ascendans viennent à la succession des meubles & acquêts ; il faut le puiser dans la regle générale, qui n’admet les ascendans à succéder qu’au défaut de postérité descenduë d’eux, d’où il fuit que les freres ou même les suurs du défunt excluent le pere & la mere, les aieux & aieules : cet ordre n’est pas suivi dans la plupart des Coûtumes ; le plus grand nombre admet les ascendans à succeder aux meubles & acquêts de leurs descedans par préference aux frères, soeurs & cousins germains du défunt. Paris, CCexI : Troyes, CIII & CIV, Senlis, exLIl ; Nivernois, des Success.

Art. IV ; Auxerre, Art. CexI. I ; Reims, CCexIII, Blois, CxlIX, &c. Quelques-unes, comme Bourbonnois, Art. CCexIV, appellent suivant les Novelles CXVIII & CXXVII, les freres germains & leurs enfans à la succession des meubles & acquêts avec les peres & meres, & excluent tous autres ascendens. La Coûtume d’Anjou, Art. CCLXx, défere les meubles aux pere & mere, & l’usufruit des immeubles, mais les aieux n’y ont rien. le ne parcourrai point les differentes dispositions des Coûtumes, j’observerai seulement qu’à Paris les meubles & acquêts se partagent par tête entre aseendans, de sorte que si le défunt a laissé un aieul paternel & un aieul & aieule du côté de sa mere, les meubles & acquêts se partagent par tiers entr’eux ; mais il y a des Coûtumes qui adinettent entre les ascendans le partage par souches, & elles donnent la moitié des acquêts aux plus proches parens du côté paternel, & l’autre moitié aux plus proches parens du côté maternel. Luves Bourbonnois, CCexV ; Bretagne, DxeIII ; Auxerre, CoxiII ; leBrun , des Success. Liv. 1. Chap. 5, sect. 1. Auzanet &Duplessis . Parmi nous, les ascendans succedent suivant la proximité du degré, & en parité de degré : nous avons égard à la dignité de la ligne, ou’à la prérogative du sexe.


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L’ordre de succéder aux acquets établi par les Articles CCoxI CCexII & suivans, peroit à l’Auteur des anciennes Loix des François, tom. 1 sect. 2, contraire à la législation primitive des Normands ; il prétend que cette décision insérée dans l’ancien Coûtumier, Chap. 25 : n Si aucuns enfans sont procréés d’un même pere & de diverses méres ; se l’un n d’eux se trépasse, sa succession retournera au frere ainé, qui en fera aux autres portion n comme il devra, n’est l’ouvrage de quelques copistes ignorans ; & il cite Rouillé aux Notes sur ces mots : Il est à sçavuir, Gc. Additio nova ab incerto s forté suspecio auctore inserta, cûm in antiquissimis verisimilibus exemplaribus quorue magnant copiam ud’hoc perqu sivi, non inveniatur. Etenim predicta verba non presuntuntur ex vero, & primo originali entain asse attentd eorum ineptitudine, de tenebrosâ materia que etiam videtur contradicere antécedentibus, la préférence étoit accordée, chez les anciens Normands, surtous autres parens, à ceux qui l’étoient au défunt au même temps par son pere & par sa mere, & cette préférence avoit lieu chez les premiers François, Saxones germani fratris pusteros omnes anteponunt descendentibus ab uterinis vel consangaineis quibuseunque : ce n’a donc été que par abus que l’on a, en Normandie, admis les consanguins & utérins avec les germains. C’est ainsi que l’Auteur Bérault défend la cause du double lien, dont j’ai fait observation sous les Articles précédens. Pérault rend sensible le résultat nécessaire de nos maximes actuelles : Un pere ayant un fils & une fille, laisse en mourant un mobilier considérable ; la mère se remarie, de ce second mariage. nait un fils ; l’enfant mâle du premier lit vient à décéder, le sils du second lit héritera au préjudice du défunt, de la soeur de pere & mère des meubles de son frere utérin quand même ils auroient été convertis en acquets, & la fortune du pere des enfans du premier mariage passera à un étranger, à un homme auquel il n’avoit jamais pu être attaché d’aucun lien de parenté ; c’est ce qui a sans doute fait dire àBasnage , sous l’Art. CCcxiI, que le droit des utérins a toujours fort déplu aux Normands ; mais enfin la Coutume réformée avoit épuisé toutes les ressources pour conserver les propres dans les familles, il n’est pas étonnant que son attention fatiguée ait omis de prendre en considération des biens dont ses voisins répétoient sans cesse qu’ils :’avoient ni côté ni ligne : ces dispositions ont cet avantage malgré leur bisarrerie d’avertir les peres de familles de ne pas différer à colloquer leurs deniers. Voyer la Note sous les Articles CCIV, CCV, CCVI & CCVII.


8

Une difficulté semblable à celles proposées & résolues par Pesnelle, a été portée à la Cour il y a quelques années : Des enfans d’une soeur utérine reclanoient la success’on d’un oncle utérin par droit de représentation contre une suur de pere & de mére du défunt, & une soeur utérine survivante ; ils s’appuyoient sur l’Article CCCVII de la Coutume, & disoient que la représentation n’avoit été interdite aux enfans des utérins qu’en faveur des mâ-les ou descendans des mâles : par Arrêt, au rapport de M. d’Ectot, du 13 Mai 17542. la succession a été adjugée par moitié à la soeur germaine du défunt, & à la soeur utérine.


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On peut citer, sur le droit des mâles, un Arrét remarquable da 3 Février 172ç. Un pere ayant des enfans issus de deux mariages, un tiers donna 9000 liv. constituées en 5c0 liv. de rente, aux enfans du second lit, pour être partagées entr eux, à l’exclusion d’un fils da premier lit ; le fils du second lit mourut & ne laissa que des soeurs ; le frere du premier lit reclama la part que son frere avoit eue dans la donation ; les soeurs argumentoient contre lui de l’exclusion contenue dans leur titre : par cet Arrêt on adjugea au frère du premier lit la part que celui du second avoit eue dans la donation.


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La représentation de sexe autorisée par l’Article CCCXVII, qui confere autant de droit à la fille du frère qu’à son fils & un droit exclusif dans le concours des enfans mâles sortis des seurs, désire absolument la parité de degré : car le neveu sorti d’une fille préfere Partière-neveu issu d’un frere,


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Une foute peu considérable ne donne point lieu à l’Article ; elle ne fournit point un moyen légitime de blame ; la décision est soumise aux circonstances : Arrét du 18 Juillet 1607.

Bérault . La question a été ainsi jugée par un Arrêt récent.

L’estimation du Fief lorsque l’aivé le prend à charge de remboursement, se fait sur le pied de la valeur intrinseque ; c’est assez pour lui de pouvoir acquerir un Fief au denier vingt, sans y joindre le bénéfice d’une évaluation sur le taux du revenu : on débute donc par l’estimation pour trouver ce denier vingt qui, de Iui-même, paroit relatif au produit.Basnage , contre le sentiment deGodefroy , L’Article CCExx n’a point été jusqu’ici véritablement interpreté par rapport au droit des filles : il est cependant possible d’en fixer le sens. La raison pour laquelle les seurs succedent, ainsi que leur frere, avec leur cousin d’une autre branche en parité de degré, c’est que, quand les soeurs seroient seules, étant sorties d’un mâle, leur cousin ne pourroit pas les exclure cause de la représentation de sexe ; mais comme leur propre frère les exclut, il est conséquent qu’elles fassent part à son profit, il est vrai que la Coutume ajoute : à charge de les marier si elles ne le sunt. Cette charge a paru d’une discussion pénible, parce qu’on n’a pas voulu envisager l’objet avec assez de réflexion. Le voeu de la Coutume est d’obliger les freres à marier les seurs sur la part dont ils profitent à cause d’elles ; mais la Coutume ne déroge point aux regles générales du mariage avenant ; il faut donc trouver d’abord la part dont les soeurs font benéficier leurs freres, & fixer sur cette part le mariage avenant des filles, comme sur les biens de ligne directe, en observant qu’il ne leur est rien du quand les freres ne profitent de rien à cause d’elles. Deux exemples rendront sensible une vérité qui eut du être plutôt developpée. Je suppose une succession en meubles & acquêts de valeur de 12000 liv. ; d’un côté se présentent pour héritiers un frere & quatre soeurs non mariées, de l’autre un seul cousin : le frère, de son chef & de celui de ses seurs, aura ro00o liv., qui composent cinq sixiemes, & le cousin un sixième ; les soeurs benéficient pour le frère de duo livres ; vous donnerez le tiers de cette somme à toutes les soeurs pour leur mariage. Mais supposez que de chaque côté il y ait deux seurs, alors comme elles ne font profit à aucune des branches, il ne sera point du mariage sur cette succession.


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L’opinon de Basnage doit être préférée à celle de Pesnelle, jusqu’à ce que l’on ait une décision certaine sur la question : Quand une succession aux meubles & acquéts tombe à plusieurs neveux ou arriere neveux d’une seule & unique branche, il ne faut point considérer le dégré de parenté qui les lioit avec le défunt, qu’ils ayent été avec lui au premier au second, au troisieme degré, cela est indifférent ; il ne faut faire attention qu’à la qualité respective qui subsiste entr’eux : ils sont tous freres, voila leur titre commun ; voila le fondement de leurs droits ; l’un est ainé, les autres sont puinés : pourquoi le frère ainé n’auroit-il pas le droit de choisir un précipur ; La Coutume n’a pas voulu autoriser cette faculté dans le concours d’hiéritiers de différentes branches afin que la branchie airét n’eportât pas seule la totalité de la fucce sion ; mais cet Article est contraire à la Loi générale, & son exécution peut caufer de grands emibarras. Lorsqu’une exception n’a plus aucun motif raisonnable, pourquoi l’étendre hors de son cas ; Si on prive le frère ainé du préciput, on le force à une licitation dont l’événement le dépouillera peut-être d’une des plus beiles prérogatives du droit d’ainesses


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Les termes de l’Artiele CCexI & prouvent que s’il y a un Fief dans les propres & un dans les acq-ées, Painé peut indifferemment opter celui des deux qui sera de plus grand revetiu, ou qui aura le plus d’attraits peur lui-

Basnage explique l’Arrét du 2o Mars 1628, cité trop vaguement par Bérault sur l’Article CCeXVIII : il en résulte que, dans le cas de l’ouverture de la succession d’un frère ayant laissé des frères de pere & de mere, & un frere utérin, le frère ainé qui a pris par préciput un Fief sur le propre paternel, peut prendre un second préciput ou un partage sur les acquêts, parce que l’exclusion du frère ainé de la succession aux acquets, profiteroit au frore utérin, qui n’a ancun droit sur les propres paternels, comme aux frères de pere & de mere. Nous quivons cette Jurisprudence ; cependant elle a quelquefois des conséquences dures. le suppose en effût trois frores de pere & de mere & un frere utérin : l’un des freres gormains meurt ; sa succession est composée d’un Fief de propre paternel de 20000 liv., d’un Fief d’acquet de 16000 liv., & de 8o00 liv. en roture, aussi provenus d’acquisition : ne doit-il pas paroître singulier que le sort du frere puiné de pere & de mere soit déterminé par celui du frere utérin, & que son partage, comme celui de l’utérin, soit réduit à 4000 liv. ; mais y ayant di-vers héritiers, continueBasnage , les propres & les acquêts ne forment point une même succession.


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Pesnelle réfute tres-bienBasnage . Le frère ainé prenant, aux termes de l’Article CCCXIII, dans la succession d’un des puines un Fief originairement partagé avec les autres biens de la succession sur laquelle ce frère ainé avoit pris un préciput, contracte tous les engagemens inséparables de la qualité d’héritier, il devient solidairement obligé aux dettes de la succession, & le sentiment de Basnage ne peut se concilier avec l’équité, que dans le cas où, par une disposition de la loi, le Fief retourneroit à l’ainé, citra nomen & qualitatem haredis, & comme la provision à vie de ses puinés lui retourne aprés leur déces.


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Dans le temps que Terrien écrivoit, la donation faite par le pere à son fils puiné d’leritage assis en Caux, étoit réputée acquet & non propre ; & nous trouvons le motif de cette décision dans le style de procéder de cette Province ; il y est dit : n Item, les succesn sions des héritages non nobles sont de semblables usages des lieux où l’usage de Caux a n lieu, l’ainé a tout, & a la charge de marier ses soeurs, li aucunes en a, & de la provision m des freres puinés : n’ainsi le tiers datif n’a été considéré comme hérédital & venant de succession, que depuis la Coûtume réformée

Mais on a jugé, par Arrét du 29 Avril 1693, en la seconde Chambre des Enquêtes, sur un partage de la premiere, qu’un fonds en Caux rétiré par l’ainé aprés le délai de la Coutume, sur une prorogation accordée par ses puinés, étoit un acquet dans sa succession, parce que ce retrait n’avoit point été fait en vertu de l’Article CeXCVI de la Coutume.

Les deniers de la composition, pour la provision des puinés, ayant été colloqués en fonds ou en rente, cette rente ou ce fonds est au rang des propres ; on les rapproche ainsi de la qualité de la légitime des filles dans le cas de l’Article DXI. Voyez nos Commentateurs,


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Nous avons une raison particulière de décider généralement que les héritages & immeubles donnés en ligne collatérale à l’héritier présomptif sont propres, elle se tire de l’Ar-ticle CCCeXXXIII de la Coutume, qui décide que, dans le coneours de plusieurs héritiers le donateur peut donner à tous ensemble, mais qu’il ne peut avantager l’un plus que l’autre. Les successions collatérales ne sont pas moins déférées par le droit du sang & du degré que les successions directes, dit d’Argentré sur Bretagne, Art. CCCeXVIII, Gl. 1, n. 11. Même nécessité de rapport, même loi, même autorité, même expectative, même défense d’avantager. Je saifis avec peine le motif que nos Commentateurs ont eu de citer aprés M.Louet .Chassanée , Rub. 4. 5. 2, verb. 6 acquêts ; cet Auteur dit simplament que, si de trois freres l’un fait une donation de tous ses biens à l’autre, à l’exclusion du troisieme, la moitié des fonds donnés sera réputée acquets. Comment pouvoir faire, dans nos moeurs, une application de la doctrine de Chassanée


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Il s’est présenté, en 1691, une question finguliere, qui a beaucoup de rapport avec cet Article. Un Bourgeois de Rouen avoit été condamné par Arrêt, comme fou, à être rétrudé dans une maison de force le reste de sa vie, sa femme fut établie par les parens sa cura trice, & tutrice de leurs enfans ; toute la fortune des conjoints, au temps de l’Artét, consistoit en 25o0 liv. ; la femme fit des acquisitions jusqu’à la concurrence de 18000 liv., ma-ria deux filles, & donna à chacune d’elles 5000 liv. Le mari décéda aprés dix. neuf années de l’exécution de son Arrét. Ses héritiers demanderent à la veuve le partage des meubles & acquêts ; elle obéissoit de rendre compte de la somme de 2500 liv., & d’en payer les intérêts communs & pupillaires. Par Arrét du 23 Mars 1691, la veuve fut condamnée à souf-frir partage. Un Avocat célèbre de ce Parlement disoit, en plaidant en Grand’Chambre en 17ad, que la femme étant dans les liens du mariage, est incapable de faire aucune acquisition qui lui soit propre ; que tout ce qu’elle acquiert est à son mari, comme le fils de famille acquiert à son pere, & l’esclave à son maître. On trouve la même décision dans l’ancien Coutumier, Chap. 100. n L’en doit sçavoir que tant ceomme le mari vit, la femme ne peut re-n tenir d’héritage par achat ne par fieffement, qu’il ne convienne ramener aux hoirs de son p mari aprés sa mort ; nil excepte l’héritage donné à la femme pendant le mariage, si qua vero hareditus mulieri data fuerit post contractum natrimonium, eam bent poterit possidere. Cons. Lat.


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L’Auteur traite la même question sous l’Article CCCCLXXXII. LeBrun , de la Commun. Liv. 2, Chap. 2, sect. 1, n. 13, dit, aprés duMoulin , que quand on défend au mari de donner pour s’enrichir, lui ou ses hoirs, la défense est réduite aux hoirs particuliers du mari, tels que seroient les enfans d’un premier lit, des bâtards, des collatéraux que le mari, n’ayant point d’enfans, auroit pour ainsi dire adoptés, mais qu’elle n’a point lieu à l’égard des hoirs communs du mari & de la femme. Cet Auteur rapporte un Arrêt du Parlement de Paris du 15 Mars 17où, qui l’a ainsi jugé. Mais quand nous nous conformerions à cette opinion, qui est fort raisonnable & concerte avec le bien publie, il subsistera toujours une difficulté entre les enfans d’un premier lit & une seconde femme. Basnage rapporte Arrét du a8 Novembre 1652, favorable au fils du premier lit. Un pere, pendant un premier mariage, avoit acquis une maison située en bourgage, à charge d’une rente racquittable. Le pere, durant son second mariage, amortit la rente : aprés sa mort, sur une tontestation entre la belle-mere & le beau-fils, le premier Juge avoit accordé à la veuve un douaire libre sur la moitié de cette maison, & avoit condamné le beau-fils à tenir compte à sa belle mère de la moitié des deniers employés à l’amortissement de la rente ; par l’Arrêt il en fut décharge. I1 est vrai que ce même Commentateur rapporte un autre Arrét de l’année 1635, par lequel les enfans du premier lit furent condamnés envers leur belle-mere à lui rembourser moitié du prix d’un héritage clamé par le mari durant son premier mariage au nom de sa premiere femme : on considéra peut. être, lors du dernier Arrêt, qu’il étoit question d’une dette de la mere plutôt que des enfans. l’avoue qu’il est permis de douter si un pere peut, dans tous les cas, altérer les droits de sa femme en acquérant sous le nom de les enfans. La manière dontBasnage . s’explique sous l’article CCCCLXXXII semble autoriser le doute : n L’opinon la plus comn mune, dit-il, est que le mari peut faire ce préjudice à sa femme, parce qu’il est maître de n ses meubles, & qu’il peut disposer de son bien à sa volonté. On replique que cela est vrai, p quand le mari en a disposé de telle manière que le bien ne se trouve plus en sa succession y mais quand le bien a été employé en acquêts qui se trouvent en sa succession, la femme ne n doit pas être exclue de son droit, par cette raison, que le mari s’est servi du noin de ses n enfans ; n mais la faveur des enfans l’emporte sur ces raisons, quand il ne s’agit que de l’intéret d’une mere ou d’une seconde femme.

T’aurois encore un préjugé en faveur des enfans, de quelque mariage qu’ils fussent sortis, dans un Arrêt du 14 Février 16bd, si cet Arrét pouvoit leur être appliqué. Un oncle avoit donné à son neveu une somme modique, qui fut employée à l’acquisition, à Roüen, d’un terrein vuide : l’oncle éleva à grands frais, sur cet emplacement, une maison au profit de son neveu ; aprés le déces de l’oncle, le neveu fut inquiété par sa veuve, & l’Arrêt rejetta la prétention de la veuve. Blamera-tion aprés cela, un pere qui, pour dédomma-ger des enfans d’un premier lit des pertes que leur cause toujours un second mariage, fera quelques acquêts en leur nom ; Le cas est d’ailleurs tres-rare, & les caresses insidicuses d’une belle mère sçavent bien le prévenir.


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Les Coûtumes de Communauté sont contraires à notre Jurisprudence ; les unes réputent le rachat ou amortissement des rentes dues par le mari, un conqués de Communauté, à l’effer que le mari, ou ses héritiers, sont tenus de continuer la moitié de la rente à la femme ou à ses héritiers, & d’en payer les arrérages du iour de la dissulution de la communanté jusqu’à l’entier rachat : Paris, CeXLIV, CexiV ; Caleis, Art. XI. IV & XLV, les autres, en petit nombre, portent que la moitié de la fomne eniployée à la décharge du propre, sera renduë comme meuble par celui des conjomts ou ses hoirs dont l’héritage a été acquitté & déchargé : Bretagne, CCCeXIII. Il est enfin des Coûtumes qui donnent le choix du partage ou du remboursement, & elles contiennent, à cet égard, le principe le plus général des pays de communanté. Melun, Chap. 13. Cexx ; Anxerre, lit. 9, Art. CXCix ; Châlons, Tit. 6, Art. XXVIV, &c. L’Article CCexcVI de notre Coutume tranche la plupart de ces diffie-ltés, en difposant que les racquits faits par le mari, & décharges, ne sont point réputés conquêts pour y prendre droit par fa femme ou ses héritiers


20

Pesnelle insinue que, comme le mari ou ses héritiers ont le droit de repêter la moitié des deniers employés à un retrait intenté au nom de la femme, la femme & ses héritiers devroient avoir un droit égal dans le cas d’un retrait exèrcé par le mari dans son nom. Je ne sçaurois croire que Pemnelle ait puisé cette réflexion dans un Arrét du 8Mai 1516 rapporté parTerrien , Liv. 7, Chap. 7. Une femme fut envoyée, par cet Arrêt, en possession de la moitié d’une maifon située en bourgage que son mari avoit clamée à droit lignager les enfans réservés à payer à leur mere, dans la l. uitaine de la signification de l’Arrêt la moitié du prix employé au retrait : cet Arrêt a été réfuté parBérault . La réfiexion contraire à celle de Pesnelle est véritable : c’est une grace singulière que l’on fait, selon nos moeurs, à la femme, quand on limite son remboursement à la moitié des deniers du retrair, & dont ses héririers profirent quand elle meurt avant son mari. Comment pourroit. on donc la tourner contre le mari ou ses héririers à Souvenons-nous que la femme n’a aucun droit sur les meubles de son mari qu’aprés sa mort.


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Je suis tenté de croire que l’Arrêt du 22 Mirs 1982 a été rendu sur des circontances garticulieres, & vraisemblablement sur les obèissances des héritiers du mari ; car si vous donnez au retrait à droit de lettre lue l’effet d’une nouvelle acquisition, la femme avoit droit de reclanier en essence la moitié de l’héritage en bourgage : mais si le titre du retrait à droit de lettre lue est un titre confirmatif d’une première acquisition, ce que l’on doit d’autant plus penser, que l’Artiele DIII de la Coûtume défend de déposseder, pendant le decret, le tiers acquisiteur qui ajoui par an & jour ; il n’y a pas plus lieu d’accorder la moitié des deniers employés au retrait à droit de le-tre lue d’un héritage acquis avant le mariage, quand il seroit en boursage, que dans le cas du retrait d’un héritage de pareille qualité vendu antérieurement à faculté de remere.


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Plusieurs des décisions de Pesnelle s’observent dans le pays de communauté ; ainsi les choses acquises constant le mariage par retrait féodal, ou retrait censucl, &c. n’entrent point en communauté, & demeurent propres au conjoint au nom duquel l’héritage a été rétiré mais sous cette condition, qu’il remboursera à l’autre conjoint la moitié du prix aprés la dissolution de la communauté.


23

Notre Jurisprudence, sur le partage des rentes constituées, est contraire au droit commun du Royaume. Le débiteur est l’arbitre du partage des biens de son créancier, sa déclara-tion fait loi ; cette déclaration est relative au temps du partage, & non pas au temps de la constitution : nous ignorons encore si on doit y faire entrer les rentes dont le débiteur est gréancier, si cela est il faudra remonter à la déclaration du second debiteur, & de suite à l’infini : systême absurde, mais nécessaire, puisque ces rentes sont affectées à la sureté du premier créancier ; d’ailleurs, si la rente constituée fut autrefois, en Normandie, une espece d’impignoration d’un fonds assimilée par l’estimation à une vente, cette manière de constituen a depuis long-temps cesse d’être en usage ; aussi la Province demanda au Roi, dans ses caliiers de Remontrances aux Etats de 164y, que les rentes constituées se partageassent suivant la Coutume du domicile du éréancier, pour ôter, disoit-elle, les occalions de discordes resultantes du partage relatif à la situation des biens du débiteur : cet article important a été né-gligé. Oa ne peut tirer aucune induction, en faveur de notre Jurifprudence actuelle, de l’Article CXxxIz du Reglement de 16b8 ; il n’a pour objet que le cas du decret des rentes constituées, & il tend uniquement à faire connoître la sureté de l’objet exposé en venteQuoiqu’il en soit, la Cour a le pouvoir d’y déroger. M. l’Avocat. Giénéral silbert, portent la parole au Parlement de Paris en 1733, njoutoit à toutes ces réflexions, qu’il étoit possible de donnor des deniers en constitution de rente à un homme qui n’auroit aucuns immeu-bles, ou de constituer sous seing privé, ce qui ne pourroit affecter les héritages ; tout le monde apperçoit la conséquence d’une observation aussi judicieuse.


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Comment reglera-t’on les drois de la femme sur le conquêt d’un Fief situé dans l’etenduë du Bailliage de Gisors à Bérault dit qu’il a vu un Arrét par lequel la Cour avoit adjugé à la femme la moitié du prix de l’acquisition : mais il est d’avis que la femme peut demander la licitation du Pief : cette opinion me paroit tres-équitable, car puisque la femme a un droit incontestable de propriété sur la moitié du Fief, il n’y a point de motif de lui interdire la participation d’un bon marché que son mari aura fait.

La femme ne peut prérendre que le tiers par usufruit des rentes hypotheques dues horsla Province à son mari, qui réside en Normandie.


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Quand il est question de liquider le mariage avenant de la fille sur le bien paternel, il semble que la femme devroit y contribuer comme héritière de son meri, & à raison des aequêts dont elle prend une part, puisque ce mariage est une dette de la succession paternel. le : Cependant on pense le contraire : la fille à marier n’a aucun droit sur les conquêts de sa mère tant qu’elle vit, non plus que ses freres ; & comme la mere n’a rien à efpèrer sur la dégitime paternelle de sa fille, il n’y a aucun motif d’y faire contribuer la part qu’elle a cue dans la succession de son mari. Il est vrai que si la mere étoit fort riche, le Juge en connoissance de cause pourroit la forcer d’aider de son propre bien à marier sa fille ; mais ce n’est plus l’état de la question.

L’obligation solidaire & indéfinie de la femme aux dettes de son mari, quand elle a accepté sa succession, ne doit point charger ses héritiers des arrérages des rentes dues sur les biens du mari, & échus depuis le déces de sa veuve, quand elle n’a hérité de ses acquêts que par usufruit : Arrêt du 21 Février 1750.


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On prétend que dans les lieux où la femme n’a, dans les conquêts qu’uue part en usufruit, elle ne peut pas forcer les héritiers de son mari d’y faire des réparations : il n’en est pas du conquêt comme du douaire : la femme prenant part aux conquêts par usufruit, est à cet égard comme la femme qui y prend part en propriété ; mais auparavant d’on-trer en jouissance elle doit faire constater l’état des biens pour la sureté de ses héritiers.


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Comme la disposition de notre Coutume est réelle, si un mari domicilié en pays de communanté, fait des acquisitions en Normandie, la femme ne peut aprés la dissolution du mariage, y prendre plus grande part que celle que notre Coutume lui donne. LeBrun , de la Commun. dit au contraire que la communauté doit s’étendre à tous les conquêts, en quelques endroits qu’ils soient situés, ne illudatur alterutri conjugun, un mari feroit tous ses conquêts en Normandie ; ce même Auteur, Liv. 1, Chap. 2, soutient que le mari ne peut, en transférant son domicile, faire que la communauté soit régie, pour sa dissolution, par la loi du nouveau domicile acquis où la communauté se rompt ; la convention de la communauté a toujours le partage pour objet & pour fin ; ceux qui la contractent le font dans la vue qu’elle doit être partagée un jour ; par conséquent la clause qui a établi la manière dont ce partage doit se faire ne peut varier, c’est un droit acquis & fixe des l’instant du mariage. De la le Brun tire une conséquence, que si le mari domicilié à Lyon vient demeurer à Paris & y meurt, la femme ne pourra pas reclamer les dispositions de la Cou-tume de Paris. Nous pensons que les droits de la femme sur les meubles de son mari sont réglés par le domicile des conjoints au temps de la dissolution du mariage, & ses droits sur les conquêts par la Coutume de leur situation : aussi par Arrêt du 3 Avril 1730, au rapport de M. d’Ectot, une femme dont le mari étoit mort domicilié en Normandie, fut autorisée à partager ses meubles, & eut une portion dans ses conquêts faits en cette Province, quoique le mariage eût été célébré dans le pays de droit écrit, où la communauté n’est point re-cue. Un Arrêt du 9’Août 1743, au rapport de M. l’Abbé Chevalier, répand un nouveau lour sur nos maximes : voici l’espece. Un Normand s’étoit marié à une veuve à Tpres, les conioints avoie : t stipulé, dans le contrat de mariage, une soumission à la Coutume de Paris, avec dérog-tion à toute autre ; il y étoit convenu que, dans le cas où le mari seroit des acquisitions sous des Coûtumes qui auroient des dispositions contraires, le mari ou ses héritiers seroient tenus de paver à la femme on à ses héritiers, la moitié de leur juste valeur ou de leur céder la moitié des acquisitions ; le mari avoit, pendant le mariage, fait des acquêts en Normandie ; & dix ans aprés le décés de sa femme, morte à Tpres, le mari étoit retourné dans notre Province : une fille de cette femme, issue du premier mariage, yforma la demande en exécution du second contrat de mariage de sa mere ; le mari lui offroit la restitution des deniers apportés par sa femme en communauté, avec les intérets du jour de son déces : par l’Arrét les offres du mari furent jugées valables.


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La femme peut se réserver, par le traité de mariage, la faculté de disposer d’une portion de ses immeubles, comme d’un tiers à titre gratuit ou à titre onéreux, & cette réserre est licite, parce qu’elle ne diminue point le patrimoine du mari.

La femme peut stipuler que le mari employera une somme de deniers, qu’elle lui apporte, dans une acquisition en bourgage ; mais si le mari acquiert sous la Coûtume générale, la femme ne peut demander que la moitié des deniers de l’apport fait a son mari, avec les inté éts du jour de la dissolution du mariage. Dans l’espèce de l’Arrêt du co Mars 1820, cité parBérault , les héritiers de la femme y avoient limité leurs conclusions, & elles furent saivies.

Il est permis de stipuler en se mariant, que la femme ne prendra aucune part dans les meubles & acquêts de son mari, la clause est tres sage quand le mari, qui convole en secondes nôces, a des enfans, mais elle doit être précise & expresse.Basnage .

Le mari, par la même raison, peut stipuler que la femme aura, sur les meubles & acquêts, des droits moins étendus que ceux que la Coutume lui défère ; mais cette restriction n’assusiettit pas la femme à des charges que la Coûtume ne lui impose point ; & si le mari a limité la part de sa femme à celle d’un de ses enfans mâles on ne doit pas conclure, pour établir l’égalité, que la femme doive contribuer à la légitime des filles arbitrée sur le bien paternel : Arrét du s’Août 1730, sur un renvoi du Conseil.

Il a encore été jugé, par Arrêt du 17 lanvier 4731, au rapport de M. de Saint Gervais, que la renonciation de la femme à prendre part aux meubles, aprés le décés de son mari, n’entraine pas la privation de sa part dans les conquêts. On opposera peut-être conctre cet Ariét, que la femme, en portant son mari à faire des conquêts en bourgage, rendra l’effet de la clause inutile, & que le mari, en stipulant l’exclusion du mobilier, a stipulé sur l’objet le plus present & le plus ordinaire : minus dictum quam cogitatum ; mais on n’étend point, par induction, une clause dérogatoire à une autre. Le mari pouvoit, en se mariant, ne retrancher à sa femme aucuns de ses droits coutumiers, si la femme exclue des meubles, a une part dans les conquêts, c’est que le mari n’a pas voulu la lui ôter.

Au surplus, la restriction par contrat de mariage des droits coutumiers de la femme, ne nous est pas particulière ; il est permis, dans le pays de communauté, en contractant mariage, de réduire la femme à une certaine somme pour tout droit de communauté, un pere, en se mariant, peut à plus forte raison, réduire sa seconde femme à une certaine part dans la communauté qui soit au-dessous de la moitié. Voyey AnneRobert , Liv. 4, Chap. 1.Troncon , sur l’Art. CCLXVII de Paris ; Dufresne, Liv. 2. Chap. 40.Renusson , dern. édit. page 73.


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La Coûtume semble se repentir d’avoir accordé à la femme un droit de propriété dins les conquêts de bourgage, & en quelques autres endroits de la Province ; ansii rend-elle cette propriété révocable à la volonté du mari & de ses héritiers, & elle proroge le temps de la révoquer bien au-dela du délai prescrit à tout autre retrait légal : ce qui surprend davantage, ce n’est pas que le mari retire la part des conquêts sur les hériciers de sa femme, c’est qu’il domine encore étant au tombeau, & qu’il transmette à des héririers collatéraux, & même éloignés, le droit hétéroclite & singulier de dépossé der sa femme d’un bien qu’elle tient de la Coutume, en sorte qu’elle trouve dans la même loi un titre qui fonde & qui détruit, pour ainsi dire, ses prétentions On ne peut avoir une preuve plus certaine de l’etendne du pouvoir du mari sur les conquéts


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Le retrait demi-denier introduit par l’Article CLV de la Coutume de Paris, n’a aucun rapport avec les dispositions de nôtre Coutume, que par le remboursement nécessaire de la moitié du prix des acquets & des frais & loyaux couts : Louet &Brodeau , Lett. R. Chap. qu, duMoulin , sur l’Art. CCeX1. de la Coutume de Poitou, de L’hommeau , Liv. 3, Max. 241.

Ainsi nous n’admettons point, comme à Paris & dans plusieurs Coutumes, une faculté, en faveur de la femme, de pouvoir retirer les conquêts faits dans sa ligne ou dans la mouvance de son Fief. Nous rejettons l’opinion deTerrien , Liv. 6, Chap. 2, qui confond avec la donation faite d’un immeuble à son présomptif heritier, l’acquisition qu’il en auroit pu faire : prix d’argent, si la donation est considérée comme un avancement d’hoirie, le prix, qui est Timage du fonds, écarte absolument cette idée La femme, par des sommations, ne peut abréger le temps qui est donné aux héritiers du mari pour saire le retrait de l’Article CCCXXXII ; mais les héritiers du mari ne peuvent deposséder la femme pendant sa vie, sa jouissance doit être égale en durée à celle que son niari a de sa portion : Arrêts des 24 Janvier 1692 & 21 Août 1724.

Le texte de la Coutume nous fait comprendre qu’il ne suffit pas d’intenter cette action dans les trois ans du jour du déces de la femme ; mais que le remboursement doit être fait dans le même temps. Bérault dit que la question a été ainsi jugée par Arrêt du s ou 28 Fevrier 1619.


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On comprend, sous le nom des augmentations dont, au temps du retrait, on peut demander récompense, suivant nos maximes, les décorations, les embellissemens que le mari, pendant la durée de son mariage, ou la femme aprés sa mort, auroit fait sur les fonde de sorte qu’ils en seroient plus précieux.Bérault . Le mari ou ses héritiers doivent, aprés le retrait, entretenir les Baux faits par la femme sans fraude.


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Il paroit que Pesnelle critique mal-à propos l’opinion deBasnage , & l’Arrét que ce Commentateur rapporte : rien de plus facile à comprendre. Le retrait que le mari fait de la part de sa femme dans les conquêts, est une nouvelle acquisition ; lorsque ce retrait est exercé pendant un second mariage, la femme y prend part, si le mari meurt sans l’avoir exercé, & dans les délais de la Coutume, la faculté s’unit à sa succession aux acquêts, dont elle est une portion & une dépendance nécessaire ; quand, aprés un premier dégré de succession, le temps prescrit pour en faire usage n’est point encore épuisé, l’héritier de celui qui a partagé la succession aux acquêts du mari l’exercera par proportion avec la part dont son auteur a hérité aux acquêts, & on ne doit avoir aucun égard à la proximité du degré ; l’exemple qu’en donne Basnage est frappant : Une nièce, fille d’un frere, avoit succédé aux acquêts du mari avec ses oncles, freres du défunt ; aprés sa mort le fils de cette niece voulut intenter cette espèce de retrait concurremment avec ses cousins issus des oncles ; ils soutenoient qu’il étoit plus éloigné qu’eux du défunt d’un degré, & qu’il ne pouvoit venir au retrait ni de son chef, ni par représentation ; il repliquoit qu’il avoit trouvé cette faculté dans la succession de sa mere, & qu’elle la lui avoit transmise : par Arrêt du 3 Avril 163s, il futadmis avec eux au retrait.

Cependant l’espèce de l’Arrêt du 22 Février 16ya, cité par Pesnelle, mérite d’être remarqué. Une veuve ayant un fils de son premier mariage, convola en secondes nôces ; le second mari acquit, étant marié, des biens de bourgage, où la femme eut part : apres la mort de la femme, les enfans du second lit partagerent cette part avec leur frere utérin, mais ils retirerent ce qui lui en étoit échu. Un des freres de pere & de mére mourut, & le frere utérin prétendit succéder dans la portion des conquêts que ce frere avoit retiré : les freres de pere & de mére sur-vivans soutinrent que cette part étoit un bien paternel, & qu’elle avoit été rétirée sur le frere utérin au droit du pere : par l’Arrêt le frere utérin fut admis à succéder seulement à la part des conquêts que le frère de perc & de mére avoit héritée du chef de sa mère.


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La Glose, sur notre ancien Coûtumier, qui présente le tableau des usages de nos peres, pose, Chap. 23, comme une maxime reconnue, que la confiscation du mari fait dé-cheoir la femme de ses droits coutumiers. nItem sur ce Chapitre on peut faire une telle quesn tion, dit la Glose, sçavoir, se ceux qui sont condamnés de condamnation capitale, forfont n tous leurs meubles, & se leurs femmes & leurs enfans étant en leur pouvoir paternel en n doivent avoir leur part, l’en doit répondre qu’ils forfont tout. )Pithou , sur l’Art. CXXXIII de la Coutume de Troyes, dit que cette Jurisprudence a été abolie chez les Parisiens par privilége spécial accordé par le Roi Charles VII le as Décembre 14y1, vérifié en Parlement le 23 Décembre 1434. n Si aulcun homme marié, ce sont les termes du privilége, demeurant en n ladite Ville ( de Paris ), confisque pour crime aultre que leze-Majesté, dont la confiscation n appartienne au Roi, la moitié des meubles, debts & conquêts demeure à la femme avec son n douaire. Reg. 7, fol. 25. n LeBrun , de la Comm. Liv. 2, Chap. 2, sect. 3, n. 2, dit que ce privilége a été accordé au Prevôt des Marchands, & aux Echevins de Paris par Henri VI, soi-disant Roi de France & d’Angleterre, & qu’il est enrégistré au Registre du Parlement intitulé : Barbines. C’est aussi ce que dit Lauriere sur Loisel. Quoiqu’il en soit, ce privilége n’avoit point été enrégistré en l’Echiquior, comme ne concernant que la ville de Paris, où il ne l’étoit pas au temps de la rédaction de la Glose sur notre ancien Coûtumier ; il ne fut pas même pratiqué à Paris, parce qu’il ne paroissoit porter que contre le Domaine du Roi, & non pas contre les Seigneurs particuliers, nous l’apprenons de duMoulin . Cet Auteur a’exprime ainsi sur Bourgogne, des Confiscations, Art. X, verb. ou par Coûtume, scilices etiam, la moitié de la Communauté, & quamvis aliter practicaretur Parisiis, tamen morem illunt corrigi fecit & contra fiscales etiam per arreftum judicari, anno 1532.

Basnage rapporte un Arrêt du 2r Mars 1656, qui décharge la femme ayant pris part aux meubles & acquêts des intéréts jugés pour le crime de son mari. Bérault penfe que la part de la femme héritière n’est pas susceptible de l’amende, mais qu’elle l’est de l’intéret civil, qui prend hypotheque du jour de l’action, ou du moins du temps des Procédures, que l’on regarde comme la contestation en cause en matière criminelle ; il n’en est pas de même des pa-raphernaux de la femme renoncante.

La femme qui confisque ne peut envelopper dans la confiscation la part qu’elle auroit eue en propriété dans les conquêts, parce que, de droit commun les femmes n’ont rien aux conquets qu’aprés le décés de leurs maris ; & que la transmission accordée aux héritiers de la temme, est une faveur qui ne s’étend point au fisc.