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CCCXXXVI.

Tous Fiefs nobles sont impartables & individus ; néanmoins quand il n’y a que des Filles héritieres, le Fief de Haubert peut être divisé jusqu’en huit parties, chacune desquelles huit parties peut avoir droit de Cour & Usage, Jurisdiction & Gage-Plege.

Quand la Coutume déclare que les Fiefs sont impartables, ce n’est qu’afin que les préciputs qu’elle attribue aux ainés des familles, soient de plus grande valeur, & les principaux biens des successions, car les Fiefs ne sont pas impartables de leur nature, puisqu’ils se peuvent partager entre les filles, lorsqu’elles sont seules héritieres, & jusqu’en huit portions, dont chacune peut avoit Cour & Usage, Jurisdiction & Gage-Plege, par les Article CCCXXXVI & CCCLx, ce qui est le fondement de la tenure par parage, par l’Art. CXXVII.

De plus, les Fiefs se peuvent partager entre les mâles cohéritiers, quand auc un d’eux ne les veut opter par préciput, comme il s’infère de l’Art. CCCXIII.

Le fisc même, ou les créanciers n’ayant pas l’option des préciputs, à la représentation des confisqués ou des debiteurs, aux droits desquels ils sont subro-gés, doivent partager également avec les héritiers, par l’Article CCCXLV.

Le qui fait conclure qu’en ce cas les Fiefs ne sont pas absolument impartables ; car quoique l’essentiel des Fiefs, qui consiste dans la Seigneurie & la Justice ne se partage point, sinon entre filles lorsqu’elles sont seules héritieres : néanmoins ce qui est le matériel & l’accident des Fiefs se peut partager, c’est-à-sçavoir, le domaine non-fieffé & les redevances annuelles, de la même manière que le propriétaire du Fief le peut desunir & comme dêmembrer, par l’Article CCIV. Ce nonobstant, il faut tenir que suivant l’intention de la Coutume, les Fiefs ne doivent pas être partagés, mais être maintenus dans leur intégrité, comme il paroit par les Articles DLXVII & DLXVIII, & les remarques qui y ont été faites ; & sur l’Article CCCXCIx, à l’égard du tiers légal, qui ne peut être prétendu en essence, quand toute la succession ne consiste qu’en un Fief.1


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Tant que les honneurs, les bénéfices ou les Fiefs demeurerent amovibles ou à vie, dit le célèbre M. de Sozzi ils furent réglés par les seules Loix politiques ; mais, suivant l’observation de l’Auteur de l’Esprit des Loix, Liv. 31, Chap. 33, dés qu’ils devinrent une espèce de biens que l’on put mettre dans le commerce, que l’on eut la liberté de donner ou de vendre, ils furent réglés par les Loix politiques & les Loix civil & féodales ; par cellesla en ce qui concerne le droit public, les obligations envers l’Etat, lesquelles appartiennent uniquement à la Souveraineté : par celles-ci, qui prirent alors naissance, en ce qui concerne le droit privé, le droit respectif du Seigneur au Vassal, les conventions, les usages, &c M.Renaudon , Traité hist. & prat. des Droits Seign. Liv. 2, Chap. 1, rapproche encore cette idée d’une manière plus analogue à nos usages : nLorsque les Fiefs furent devenus hén réditaires & patrimoniaux, la Couronne, qui étoit le Fief principal, le devint également, n il fut donc nécessaire d’imaginer des Loix pour régler la succession des Fiefs & de la Couy ronne : alors la Loi féodale, dit M. le President deMontesquieu , forca la loi politique & n la loi civil, il fallut, dans le partage des Fiefs, assurer le Service militaire, qui en déD pendoit ; on en chargea l’ainé de la famille : de-là les grands avantages que donnent les n différentes Coutumes a l’ainé sur cette sorte de biens n. Pajoute à la réflexion de l’Auteur, sans vouloir discuter les Loix qui concernent la succession à la Couronne, que de-là s’est établie parmi nous l’indivisibilité des Fiefs.

La division des Fiefs, dit l’Auteur du Journal du Palais, tome 1, diminue & affoiblit lesfamilles nobles, & les fait tomber dans l’indigence ; sans le secours des richesses il est im-possible que la Noblesse se soutienne dans cet eclat qui la rend si recommandable, ni qu’ellepuisse servir utilement dans la profession des Armes, qui la fait considérer comme une des plus fermes colonnes de l’Etat, & comme un rempart contre les entreprises & violences des ennemis : or, pour prévenir cet inconvénient, les droits des ainés & des mâles qui conservent les familles ont été établies dans toutes les Coûtumes de France yi & comme il n’y a point de Province où la Noblesse se soit acquis plus de consideration qu’en celle de Normandie, c’est aussi pour cela qu’on y a pris un soin particulier d’y étendre les droits d’ainesse sur les Terres nobles & de dignité.

D’Argentré , sur l’Article DXI III de sa Coutume, dit que l’indivisibilité des Fiefs des Chevaliers fut établie en Bretagne par une Assise tenue sous le Duc Gcoffroi, quo nomine intelligebant, les Fiefs des Chevaliers, ut hodiè quoque Normanni vocant, quibuseum multa de-Jure patrio conveniunt, les Fiefs de Haubert, un plein Fief de Chevatier, un tiers, un quart, un septieme additum ut solidum dominium talium in primogenitos veniret, neve in portionent ullunt secundo geniti vocarentur, nani feminei serûs prolem visum satis esse matrimonio elocari, de secundo genitis id tantum cautum ut primogeniti consulerent, quod quantumque illis fatis esset, pro facultatibus modus arbitrio primogeniti relictus.

La plupart des Coûtumes admettent la divisibilité des Fiefe avec une part avantagense pour Painé, on ne sçauroit croire combien il en résulte d’inconvéniens. Dans le second degré de succession la part du cadet se subdivisera, & dans trois ou quatre générations un Fief de peud’étenduë formera une multitude de petits Fiefs indépendans les uns des autres : car tous re-leveront du Seigneur dont relevoit le Fief étant en son intégrité ; les tenures seront également divisées, de sorte qu’il ne sera pas rare qu’une censire de quelque considération soit dans la mouvance de trois ou quatre Seigneurs : ce qui en rend la possession tres désagréable.

Ces principes s’écartent de la constitution des Fiefs ; on tache d’y remédier par des substitutions.

Il y a des biens indivisibles par convention. On peut fieffer un fondsà condition qu’il passera au fils ainé du fieffataire sans division & on ne peut regarder cette disposition comme un avantage indirect du preneur à fieffe en faveur de son ciné, d’autant que la convention dégend de la volonté d’un tiers ; on peut aussi donner sous la même condition.