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CCCLVI.

S’il n’y a qu’un Manoir roturier aux Champs, anciennement appelle Hébergement & Chef d’Héritage, en toute la succession, l’Aîné peut avant faire lots & partages, déclarer en Justice qu’il le retient avec la Cour, Clos & Jardin, en baillant récompense à ses Puînés des Héritages de la même succession ; en quoi faisant, le surplus sera entr’eux également partagé : & où ils ne pourroient s’accorder, l’estimation dudit Manoir, Cour & Jardin, sera faite sur la valeur du revenu de la terre & louage des Maisons.

On joint ces quatre Articles, parce qu’ils contiennent les autres avantages qu’ont les ainés dans les successions, outre les préciputs nobles. Le premier de ces avantages est, que l’ainé aprés le décës de celui & qui on succede, est saiside la totale succession, jusqu’à ce que le partage lui en soit demandé par ses frères, suivant-l’Article CCCI., qui paroit être une répétition de l’Article CCXXXVII. Voyez ce qui est remarqué sur l’Article CCCLXXX. Mais il a reçu une interprétation plus étenduë d’une part, & restreinte d’autre part ; en ce qu’on a jugé, que cet avantage de l’ainé avoit lieu, tant dans les successions directes que dans les collatérales, soit pour le propre, soit pour l’ac-quet, par un Arrêt du 14 de Février 1503, rapporté parBérault . Mais il est d’autre part certain, que l’ainé ne fait les fruits siens que dans les successions directes, qui sont les cas desdits Articles CCXXXVII & CCXXXVIII.

Un autre avantagé de l’ainé est, qu’il doit avoir la saisine ( c’est le terme dont la Coûtume s’est servie des lettres, meubles & écritures de la succession mais à la charge d’en faire un bon & loyal Inventaire suivant qu’il est prescrit par l’Article CCCII, que si l’ainé manque à faire cet Inventaire, comme il lui est ordonné, il sera condamnable aux dommages & intérêts de ses cohéritiers, suivant l’estimation qui en pourra être faite suivant la commune re-nommée, ou par le serment desdits cohéritiers, jurejurando in litem, suivant LaLoi 3. ff. De administratione & periculo Tutorum.1

L’ainé, de plus, à l’avantage de choisir, aprés que les lots ont égté faits & présentés dans toutes sortes de successions : outre qu’il demeure saisi du partage de ses puinés, qui ne sont pas présens à la choisie des-lots ; mais c’est à la charge de les garder, par l’Article CCCLV.

Mais un autre avantage plus utile pour l’airé, & qui mérite plus d’explication, est celui du préciput roturier que l’ainc peut prendre, tant dans la suc-cession de son peté, qu’en celle de sa mére. Il est proposé dans l’Article CCCLVI, qu’on peut ( pour l’expliquer plus nettement ) diviser en trois parties, dont la première est de la consistance & dépondance de ce préciput ; la seconde fait connoître ce qui en exclut l’aine, & la tr-, neme est de la récompense qui en est due aux puinés.

Quant à la première partie, la Coûtume semble l’avoir assez éclaircie, en disant, qu’il faut que ce préciput soit un Mianoir roturier, appellé anciennement Hcbergement & CheE-d’héritage : l’Article CCLXI dit en outre, que la Coutume l’appelloit ancienement Ménage ; ce qui fait entendre que ce doit être un logement destiné & propre pour l’habitation d’une famille ; on y ajoûte la cour, clos & jardin, comme des dépendances requises pour rendre une habitation commode :. & on a jugé par un Arrêt du 13 d’Auril rStay rapporté parBérault , que les brimens contenus dans la cour C l’enclos, quoique manifesiement destinésa un autre usuge que le domestique, comme les moulins à bled, hui-le oi papier, faisoient partie de ce préciput, pour éviter apparemment qu’il ne fut incommodé par les servitudes qu’il y faudroit établir, si des étrangers étoient propriétaires, de ces moulins. La regle, générale qu’on doit suivre pour juger quelles doivent être les appartenances de ce préciput, est la destination & l’usage qu’en a fait le pere de famille, pour rendre son habitation plus utile, plus commode & plus agréable.2

La seconde partie de l’Article, laquelle défigne les causes qui excluent l’ainé de ce préciput, s’examine par trois considérations : s’il y a un lieu propre pour l’habitation d’un pere de famille ; S’il n’y en a qu’un dans la succession, & s’il est véritablement roturier & aux champs. Pour les deux premieres considérations, elles dépendent d’un même principe, qui est, qu’il est nécessaire que le Manoir ou Chef-d’héritage qui est prétendu tel par l’ainé pour le pouvoir choisir, ou par les puinés pour empecher que l’ainé n’ait un préciput ro-turier, puisse servir d’habitation & de logement à un pere de famille. Ce prinEcipe a été éclairci par plusieurs Arrêts, qui ont jugé qu’il suffisoit pour exclu-re l’ainé de ce préciput, qu’il y eût quelque logement propre & suffifant pour l’habitation de ceux qui cultivent les terres.

Et quant à la troisieme considération non-seulement les maisons qui sont dans les Villes ne peuvent pas être un préciput ; mais on a même jugé, que les logemens qui sont dans l’etenduë des bourgages, encore qu’éloignés des Bourgs, & placés au milieu des terres de la Campagne, ne peuvent être prétendus par l’ainé comme un préciput, par un Arrêt du 22 de Juin 1622 ; rapû porté parBasnage . Les raisons sur lesquelles on a fondé cet Arrêt, sont que le partage des biens qui sont en bourgage, se fait par d’autres regles que celles qui s’observent au partage des biens des champs ; ceux-ci se partageant inégalement entre les freres & les seurs, & entre ies frères mêmes, au moyen des préciputs & de la situation en Caux ; mais les biens de bourgage se partagent également, même entre les frères & les seurs, ce qui exclut le préciput roturier, comme il paroit par l’Article CCLXXI, qui exclut les filles du précipat roturier, & les reserve néannioins à prendé part dux niaisons assises aux Villes & Bourgages.

Reste à expliquer là ttoisieme partie de cet Artiele CCCt-VI, touchant la récompense que doit l’ainé à les frer-s : elie dui ître Saiilée en héritage dépen-dant de la même succession, sinoa, en rents tenantes nature de fonds, ause quelles le préciput & la part de l’ainé deinc irent specialement affectés : Miiy pour esti, ner cett : récompense, on a égard seulemeeit au revenu que peut produire le préciput, tant par les fruits naturels que par les civil, comme sont l’usage ou le louaae des batimens, en quoi l’avantâge de l’ainé est important parce que dans l’eitimation qui se fait de la valeur du préciput, pour liquider la récompense qui en est due, on n’a point d’égard’à la valeur, qu’on appelle intrinseque ; c’est à-dire, qu’on n’estimé puint ce que les batimens & les bois de haute fût aie peuvent valoir par leur propre substance, Il ne faut pas ome-tre que l’ainé, pour avoir ce préciput, doit l’opter devant le partage fait ; c’est à-dire, devant la choisie des luts, suivant cet Articee CCCLVI, & que même il ne le peut vendre ni-eéder-avant que de lavoit opté : ce qui a été jugé par un Arrêt du mois de Juin 16z5, rapporté parBasnage , pir lequel Arrêt, un ainé ayant cédé à un de ses freres son droit suo-cessif, nommément avec celui de pouvoir prendre le préciput roturier ; le cessio naire fut déelaré non recevable à prendre ce préciput, & fut conda nné à le mettre dans les partages. Il faut voir ce qui a été remirqué sur l’Ar-ticle CCLXXI, touchant les ivlisures & Manoirs logés aux champs, que la Coûtume attribue aux freres à l’exclusion des seurs.


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La Coutume de Bretagne n’accorde qu’entre nobles la faisine à l’ainé, & le motif est de prévenir les différents, periculunt ne vi aut armis transigi contingeret ; elle n’y a point lieu parmi les gens du tiers état, nam paganorum non idem jus, illi enim jure communi utuntur és omnes dicunt se faisitos, cum nihil commune sit quou non cujusque sit pro eû purtione qua fundatus est in hareditate. Bretagne, Art. DlXIIl ; & d’Argentré , sur l’Art. Dxil de l’anc.

Cout.

La Contume de Normandie donne, sans distinction de naissance, la saisine à l’ainé ; mais il doit, incontinent apres le déces de ses pere & mière, faire un bon & loyal inventaire des titres, meubles & écritures en présence de ses freres ou eux appellés, & s’ils sont mineurs ou absens, en présence de deux parens ou voisins, & par le Tabeilion ou Notaire du lieule crois que l’on doit conclure, de la disposition de l’Art. CCCLt, que quand, au temps. de P’ouverture de la succession tous les freres sont majeurs & présens, & que l’un d’eux demande un inventaire des lettres, meubles & écritures cet inventaire doit être fait à l’amia-ble & par forme de mémoire ; cependant s’il veut étendre plus loin la précaution & désire un Officier public, il en doit seul porter les frais : car il seroit contre l’équité que la defiance d’un copartageant grévât la succession de frais sans aucune utilité : Arrêt d’audience du 9. Mars 1751.

On ne confie cependant pas toujours à l’ainé les titres de la succession ; quand il est dans un dérangement notoire de ses affaires, sa dissipation & son inconduite ne permettent pes de laisser à sa discrétion un dépût aussi important ; & il a été, dans cette esnèce, ordonné par Arrët du’à Août 1650, qu’il seroit fait une assemblée de créanciers pour convenir, au lieu da l’ainé, d’un dépositaire soivable, qui seroit saisi des titres de la succession.

Si l’ainé est d’une humeur violente, & qu’il y ait peu de Sureté d’aller à sa maison il est encore de la prudence du Juge d’ordonner que l’ainé déposera les titres de la succession à partager au Greffe de la Jurisdiction : Arrét des 1o Janvier & 24 Février 1652.Basnage , Loix civil, deuxieme part. Liv. 1, des Success. à partager.

Quand le frere n’a que des soeurs, il semble qu’il n’est pas dispensé de faire un inventaire des meubles & titres d’une succession directe, car, sans cette précaution, il se rendra facilement maître des effets les plus précieux. L’usage est néanmoins contraire ; mais les seurs sur la déclaration des biens fournie par leur frere, & aprés la communication des titres, sont admises à prouver les soustractions & recellés qu’il auroit pu faire à leur préju-dice.


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Le préciput roturier de cet Article est d’un usage trés-ancien : la Loi Regiam majestotem, Liv. 2, de Success. silior. Chap. 27, n. 3 & 4. ne permet pas d’en douter. Si fuerit li-ber Soeco-mannus dividieur hareditas inter onines filios.,. Saluo tamen Capitali Messuagio primogenito suo pro dignitate primugeniture suc, ita quod in aliis rebus fatis faeint fratribus suis ud ralentiam. n. Le chief de l’éritaige remaindra à l’aisné si comme le hebergement, le clos py & le jardin, pourtant qu’il en face à ses freres loyal échange à la value. Anc. Cont. b’Argentré , sur l’Article DLXVI de la Coutume de Bretagne, qui est le DExXXVIIIde. la nouvelle, prétend que le préciput ne devroit avoir lieu que sur les maisons fituées dans les Villes cu gros Gourge. Quod hie de domibus in Grbibus intellign aut vicis, nam in agradriis vix est ut sit sepairanda illa tdomusy S apotièce qua fructuurs caufa habentur alioquin portiones multo infructunsiures siurt cum fundus villui desiderat aut è contrâ, sed Roeillis tribuitur qui in Urhibus habitant u’t a potheces ( tabersas ad merces disurahendus puter comniunis Rabuit. Nous suivons une luriseru-ience contraire ; & par Arrêt de ce Parlement du 20 Juin 1622, il fut ordonné, en cassee : les Sentences du Bailli & du Vicomte, que les freres partageroient également, & suns précipit, un fonds situé en bout gage ; mais d’Argentré a raison de dire que la récompense doit se faire par héritage, tec quisquam suum vendere cogitur.

Terrien , Liv. 6, Chap. 3, a pense que si le manoir fe trouve dans un autre lot que celui que l’ainé a choisi, il peut, aprés la choifie, reclumer le manoir à droit de preémmence, en récompensant sur son lor celui auquel il seroit échu, & il appuie cette opinion d’un Arrét seans date. Lfais la Coutute réformée dispofe que l’ainé doit, avant le partage, déclarer judiciairement qu’il le rerient.

L’Articie IV, des Usages Locaux de la Vicomté de Eayeux, répand beancoup de jour Ee l’étenduë & les bornes du préciput roturier, eu reste, ces questions étant toutes de fait, le principe est de ne point morceler des batimens qui se tiennent & qui ont une mutuelle dépendance.Brodeau , sur Paris, XV, Bretagne, DLXXXVIII.

On a adjugé, sur le même fondement, à l’ainé, par Arrét du 2 Août 1602, comme faisant partie du préciput roturier, un grand enclos attenant à la masure oû étoient situës les bâtimens, quoique cet enclos servit à labourage, & fût entouré de haies ; mais il y avoit une porte de communication entre l’enclos & la masure. On a encore jugé de même par Arrét du 2o Août 1697 : il sagissoit d’un herbage planté en pommiers, fermé de murs, & qui régnoit autour de la maison paternelle ; mais parce qu’il y avoit, comme dans la première espece, une porte de communication dans la cour, on déclara que l’herbage devoit faire partie du préciput. Ie ne trouve rien de plus intéressant en cette matière, que ce que dit du Moulin sur l’Art. XIII de Paris : Destinatione pat-is familias ce sont ses termes, fundi constituuntur, dilatantur, S lintitantur, S utra res cedat alteri & ejus sit accessio judicurdum ex visu atque usu rei é consuetudine patris familias, etiant si aliter non expresserit.

Cependant quand l’ainé reclame des fonds qui ne sont pas dans la dépendance naturelle de son préciput, mais qui en forment l’ornement & la commodité on les lui accorde en remboursant à ses puines leur véritable valeur. Voyez Paris, Art. XIII ; Angoumois, Art. LXVIII

Remarquez que, dans l’espèce de l’Arrêt du 13 Avril 1S12, rapporté par Bérault & dont il est fait mention dans Pesnelle, les deux moulins qui furent declarés faire partie du préciput roturier n’avoient ni droiture, ni bannalité

La Glose. sur l’ancien Coutumier donne à entendre que ce préciput n’a lieu que dans le cas où il n’y a qu’un manoir en la succession, c’est aussi notre Iurispeudence ; mais s’il se trouve dans l’enceinte du manoir quelques bâtimens où il seroit absolunent possible de résider, sans cependant aucune des commodités or dinaires ; cette circonstance ne suffi : pas pour exclure de frère ainé du droit d’exercer le précipat de cet Article. On dit que la question a été aiusi gugée par Arrét en l’Audience de Grand Chambre du 19 Mai 17dd.