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CCCLIV.

Aprés les lots faits & présentés par le Puîné, chacun des Freres en son rang, est reçu a les blâmer avant qu’être contraint de choisir.

Apres avoir discouru des avantages des ainés, il faut passer à déclarer. ce qu’ii faut observer dans les lots & partages : ce qui est la seconde partie de la division proposée des maticres de ce Chapitre, & qui est comprise dans ées trois Articles. Premièreinent, le frère ainé qui doit avoir été laisi des lettres, titres & enseignemens de la succession, par l’Article CCCLI, les doit remettre entre les mains du dernier des freres, que la Coûtume appelle le puiné, afin qu’il puisse prendre connoissance des biens qui composent la succession parce que c’est lui qui les doit distinguer en portions, suiyant le nombre de ses cohcritiers & la qualité & situation des immeubles : c’est cé qu’on appelle lots. En les faisant, le puiné doit avoif égard à la commodité de chacun d’iceux ; c’est-à-dire, qu’il ne doit point démembrer ni diviser les pièces d’héri-tages, s’il n’est nécessaire, pour rendre les partages égaux : il ne doit pas non plus séparer les rentes seigneuriales & foncieres d’avec les héritages qui y sont ujets, de-manière que le fonds de chaque lot porte sa charge ; c’est ce qui est prescrit par l’Article CCCLIil ; & faute d’avoir observé ce qui y. est ordonné les lots faits & présentés par le puiné, peuvent être blamés, & lui condamné à les réformer.1

Il y a plusieurs remarques à faire sur cet Article CCCIII. Bremièrement, l’égalité doit être gardée dans les lots : car ce n’est pas bienraisonner, que de comparer les héritiers partageans leur succession, aux vendeurs & aux acheteurs, sous prêtexte qu’il est dit dans quelque Loi, que le partage tient lieu de vente & d’échange : car il est requis une bonne foi-beaucoup plus exadte entre les cohcritiers, de maniere qu’une inégalité modique suffit, pour faire juger la rescision des partages : & d’ailleurs, celui qui a un lot trop avantageux, ne peut pas se défendre en offrant un supplément de prix, parce que chaque cohcritier doit avoir sa part en essence. Ce qu’on ne peut pas appliquer au vendeur, qui n’a pas droit de demander, à raison de la déception d’outre-moitié du juste prix dont il se plaint, la chose qu’il a vonduë, parce qu’il a voulu & choisi d’avoir le prix au lieu de cette-même chose qu’il aalienées Quand le demandeur en restitution contre les partages a mis hors de ses mains une partie de son lot, il semble qu’il en doit être évincé par une fin de non-recevoir, qui provient de son fait, les choses n’étant plus éntieres, & ne pouvant être remises au premier état, à cause des alienations qu’il afaites : ce qui est néanmoins requis dans les restitutions, l. quod si minor, 8. restitutio, ff. De minoribus, & I. unica, C. De reputationibus que fiunt, &c.

Mais il faut distinguer si les aliénations qu’il a faites, sont de la meilleureou d’une plus grande partie de son lot, auquel cas il seroit non-recevable ; mâis si les aliénations étoient peu importantes, il devroit être admis à les suppléer des autres biens de son partage.2

L’inégalité qui suffit pour donner ouverture à la rescision. des partages, est du quart au quint ; ( c’est-à-dire, un peu aurdesious de la cinquième partie ) par l’usage de Normandie. La bonne foi qu’on-rcquiert, eftre les cohéritiers est telle, que l’erreur en drois,, qui, régulièrement n’est pas. excusable, peut sorvir. de fondement auvrelevement pris, contre iles, partaggeé. ; comme si celui qui n’étoit héritier qu’aibapropre, avoit été, admis au partage des, meubles & acquêts avec les véritables héritiers de cette. sorte de biens : & qui a été jugé par un Arrêt du 18 de Juillet, 16i8, rapporté parBasnage . En second lieu cette, restitution contre les partages à raison de leur inégalité, se doit poursuivre dans les dix tans, ecomme, toutes les autres rescisions des Contrats. En troisieme liou, les partageans sont obligés à une garantie les, uns envers les autres, à l’égard des biens qu’ils ont partagés, & cette garantie ne se prescrit que par quarante ans.3 Il ne faut pas omettre, que quand les lots ont été faits & présentés par le puiné, chacun des freres peut les blamer en son rang, par l’Article CCCLIV, ce qui doit faire juger qu’un chacun des freres peut demander la communication des lettres & écritures mises par l’ainé aux mains du puiné. De plus, cet ordre établi par les l’Articles CCCLI & CCCLII, de mettre les titres & enseignemens de la succession aux mains de l’ainé, & consécutivement en celles du puiné, peut n’être pas exécuté, si cet ainé ou puiné étoient d’une mauvaise conduite, dissipateurs ou insolvables, comme étant séparés de biens d’avec leurs femmes, ou ayant été décretés ; ce qui dépend de l’arbitration & prudence du Juge, comme il a été jugé par plusieurs Arrêts rapportés parBasnage . sur ledit Artiele CCCLII.

Quand les lots ont été communiqués à tous les cohéritiers, ils doivent être rebaillés au puiné qui les a faits, afin de les réformer en cas qu’ils ayent été blamés ; même pour y ajouter ou diminuer, en cas qu’il le juge convenable : à sesrintérets : ce qu’il peut faire ; mais il faut que ce soit avant qu’on fait procédé à la choisie : pour faire laquelle, le Juge ordonne un delai compétent : Que si Peiné ou quelqu’un des cohéritiers font trop de refuites, il peut ordonner que dles freres poursuivant la choisie, jouiront provisoirement un chacun d’un lots Or bien qu’il y ait des freres absens ou mineurs, cela n’empechera pas, qu’on ne fasse & qu’on ne choisisse des lots, par l’avis desparens de-l’absent ou du mineur, qui pourront faire les lors & les choisir sauf la restitutionen cas de lésion.


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C’est une regle certaine, que nul n’est tenu de rester en eommunauté contre son gré, & que l’engagement réciproque de ne jamais demander partage est inutile, quoiqu’il ait eu long-temps son ex écution.

Il est encorelune autre regle également sure, que l’on ne doit point ordonner la licitation quand un des cohéritiers s’yoppose & insiste à demander partage, à moins qu’il ne résulte une fres, grande incommodité, pour ne pas dire une impossibilité de la division des corps héréditaires : car les Loix & l’équité défendent de contraindre un cohéritier de recevoir sa part afférante en argent, quand elle peut sui être livrée en essence.

Il y a des Provinces où le cohétitier, avant que de faire les lors, est en droit d’exiger qu’il sera fait estimation des terres, des maisons, enfin des objets qui n’ont pas de prix déterminé, & où il ne peut être contrait de faire un partage conventionnel sans une estimation précésente ; cette précaution peut être utile, mais elle est dispendicuse depuis la création des Experts en titres : ainsi cette formalité préalable est parmi nous de conseil plûtût que de nécessité ; cependant-si Tomine pouvoit autrement procéder-au partape, l’estimationese fera, suivantGodefroy , à frais communs. L’ancien Coûtumier, Chap. 28, dit, n que si dans n les lots on apperçoit malice ou tricherie, les parties-doivent être faites également par le y serment de douze hommes loyaux & éréables. L’Ordonnance de 1560, Art. Iil ; celle de de 1567, Art. LXXXIII ; & la Coutume de Bretagne, Art. DlXVI, prescrivent de renvoyes les quostions, de partuge entre frères à des parens arbitres pour amiablement les ac-eorder si faire fe peut, sans forme de proces : il y en a cependant qui pensent que le proces est plutût fini de, ant le Juge que devant les arbitres.

Le pumne estchargé-de ln confection des lots sur la représentation des Titres & Enseignemens de la sucoession. L’ancien Coûtumier lui prescrit de tres-bonnes maximes : il ne doit point, en faisant les partages départir les Fiefs de haubert ni les-antres Fiefs où il y a garde yi nepeut pas confondre les héritages & revenus d’une Ville avec ceux d’une autre Ville, ni tétaillaer & corrompre les pièces de terre quand, sans les retailler les partages peuvent être faits également ; il doit joindre les pieces les plus proches ; il ne peut morcelen ni rétailler les moindres ; mais il a cette liberté sur les grandes, s’il est absolument nécessaire pour égaliser les partages entr’euxLes lors doivent être communiqués aux copartageans qui ont la liberté, ditBérault , de les garder pendant quinze jours, ou une Assise suivant le Tribunal où ils plaident.. V’uyer le Chap. 28 de l’ancienne Coûtume.

Quand’in des éohéritiers pratique des délais pour éloigner la choisie, le Juge peut accorder à ceux qui ne sont point en retardement une possession provisoire de certains corps de sa fuccession, avec défenses de les-alidner & de les dégrader ; il peut encons, quand les chogeses : sont disposées, ordonner que le choix. des partages sera fait par le Proturcir du Roi ficause de-la contumace de l’ainé des cohéritiers : Iugement de l’Echiquier de Piques, tenu a Faluise l’an 12143.Terrien , Liv. 6, Chap. 3. Mais ce choix n’est pas définitif, si ce n’est apres un laps de temps qui en puisse faire présumer l’approbation : car le cohéritier negligent peut purger sa contumace, & alors il est rétabli dans les droits que lui donne la Cou-tume :Godefroy . Le meilleur parti est, en ce cas, d’accorder de fortes provisions en argent contre l’héritier qui occasionne le retard des lots par entétement. C’est ce que dif d’ Argentré : Soepè compertum est maligne hoc pretextu à primogeniuis spoliationes obtendi, & summo jure summas fieri injurias, sed tunc à judice celeriter occurri debet, & provisiones decerni.

Lorsque les partages sont consommés par la notification de l’acte de choisie signé, un cohéritier ne peut changer de volonté au préjudice de l’autre, quand le changement se seroit le même jour ; il n’y a d’autre voie pour se rétracter que celle de la rescision quand les moyens sont décisifs. La Justice a cependant quelquefois égard aux offres considérables de celui qui propose le changement ; & réfere au cohcritier, à qui elles sont faites, l’alternative d’abandonner son partage en acceptant les offres, on de le conserver en en remboursant le prix : Cette pratique a des inconveniens, car un cohéritier peut se ruiner par caprice, Les blames ordinaires des lots s’induisent de l’inégalité de leur valeur, de la distraction des charges d’avec les héritages assujettis du démembrement incommode & sans nécessité des pièces de la succession, & de l’omission de certaines stipulations nécessaires au bien des lots.


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On ne peut appliquer avec succes à des cohéritiers, qui traitent ensemble, les maximes qui reglent la cession des Droits universels faite à un étranger ; tous actes faits entr’eux pour éviter un partage sont des actes équivalens au partage, suscepribles de rescision pour lézion du quart au quint ; la transaction même passée sur un Proces pour parvenir au partage est sujette à restitution : etiant si per modum transactionis facta sit divisio, quia resiringieur ad causant, qualitatem, & titulum controversum super quibus transactum fuit : duMoulin , sur Paris, 9. 25, n. 15. On opposeroit même, sans fucces, au puiné demandeur en restitution contre les lors, que lui-même il les auroit faits apres une communication des titres & ensei-gnemens de la succession. Il suffit qu’il se rencontre, dans les partages, la lézion désignée par notre Jurisprudence, pour faire décider que la rescision a un fondement legitime. On cite vulgairement en preuve l’Arrét rendu entre les sieurs de Theville & de SainteCroix.

Quand al y a lieu à la rescision, on ne doit procéder à de nouveaux partages que lorsqu’il n’est pas possible de prendre une autre voie pour établir l’éqalité entre cohéritiers ; il est bien plus simple de suppléer de son partage en essence ; la Cour, dans certains cas, à admis des foutes en deniers.Bérault .

On ne peut pas contester la rescision d’un partage dans les dix ans, fondée sur une erreur de droit qui ait fait admettre à une succession une personne sans qualité, quelques uns pensent môme que ce défaut ne se couvre point par le laps de dix ans. Basnage rapporte, sous l’Article 31a, un Arrêt qui, apres dix-neuf ans, déclara non recevable le Demandeur en rescision sur un pareil fondement : c’étoit dans l’espèce des enfants d’un frere utérin qui avoient été admis à succeder aux meubles & acquêts avec un frère de pere & de mere du défunt.


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L’Hvpotheque tacite, pour la garantie respective des lots, a sieu sur tous les immeubles de la succession, quand les lots seroient sous signature privée, pourvu que les dettes acquittées soient constantes ; elle a même lieu sur les biens particul, ers de chaque héritier du jour de l’addition de l’hérédité : Arrêt du 25. Iuin 1686 : Journal du Palais,Basnage , Traité des Hypoth. Chap. 6.