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CCCLXI.

La Fille réservée à partage, aura sa part sur la Roture & autres biens, s’il y en a, sinon sur le Fief, lequel pour le regard de ladite Fille, est évalué en deniers pour ce qui lui peut appartenir, pour en avoir rente au denier vingt.

La réservation des filles à partage ne leur pouvant donner d’autre avantage, que de les rétablir dans le droit naturel, qui est de succéder également avec leurs freres ; il s’enfuit que pour sçavoir quel doit être le partage des seurs réservées, il faut considérer quel doit être le partage des freres qui n’ont point le droit d’ainesse ; c’est-à-dire, de ceux qui partagent également les biens héréditaires : car la condition des filles ne doit pas être meilleure que celle de ses puinés, suivant les Articles CCLXIX & & CCXCVIII, & partant si la succession consiste en des Fiefs & des Rotures, ou autres biens partables, si les Fiefs sont pris pour préciput par les ainés, les filles réservées n’y peuvent rien demander, mais partagent avec les puinés les Rotures & les autres biens partables ; ce qui a été jugé par un Arrêt du 29 d’Avril 1623, rapporté parBasnage . Ce qui fait connoître évidemment que la réservation à partage est queiquefois ordonnée contre l’intérét des filles, vu qu’elles ont moius d’avantage par la qualité d’héritieres, qu’elles n’en auroient par le mariage avenant, d’autant que le partage dans le cas proposé, se fait précisément sur une partie des biens, laquelle est divisée également entr’elles & leurs freres puinés, & que le mariage avenant au contraire, est arbitré suivant l’estimation de tous les biens de la succession ; c’est-à-dire, tant des Fiefs pris par préciput, que des autres immeubles délaissés par les ainés. Car quoique le mariage de chaque fille ne puisse être arbitré qu’à une valeur égale au partage du puiné, qui a la plus petite portion de l’hérédité, néanmoins étant pris proportionnément sur les préciputs des ainés, il est beaucoup plus ample, & conséquemment plus avantageux aux filles, que ne seroit le partage qui leur appartiendroit en vertu de leur réservation, qui diminueroit celui de leurs freres puinés. C’est pourquoi le Parlement a jugé ( comme il est attesté par l’Article XLVII dudit Re-glement, ) que les freres ne pouvoient pas obliger leurs soeurs de prendre partage au lieu de mariuge avenani, lorsqu’elles n’ont pas été réservées par le pgere où la mère : ce qui a ête remarqué sur l’Article CCCXI.

Il est vrai que si ces biens délaisses aux freres & aux seurs, par les ainés qui ont pris des préciputs, consistent en partie en quelques Fiefs qui ayent été mis en partage, suivant qu’il est proposé par l’Article CCCXIII ; en ce cas les soeurs ne pourront pas ob’iger les frères de partager avec elles ces Fiefs non pris par préciput ; mais en ce cas il faudroit qu’elles prissent pour leurs partages, des Rotures ou d’autres biens, s’il y en avoit ; sinon, une rente au denier vingt au lieu du Fief qui seroit évalué en deniers, suivant qu’il est déclaré par ledit Article CCLXIx, & par celui-ci encore plus expressément.

Mais en ces deux espèces ci-dessus représentées, les seurs ne peuvent pas faire une autre option, que celle que font les freres puinés ; c’est-à-dire, si les puinés ont accepté les Rotures & autres biens partables, au lieu de demander une provision à vie aux ainés, les soeurs ne peuvent pas renoncer à ces Rotures & autres biens abandonnés par les ainés, pour demander une rente sur l’évaluation des Fiefs pris par préciput, comme il a été jugé par l’Arrct du Vieux-pont, du 28 de Mars 164z, rapporté par Basnage sur l’Art. CCLXII, encore que les seurs allégassent, que l’option faite par les puinés n’avoit été faite que par collusion, pour favoriser l’ainé.

Reste le cas auquel il n’y à dans la succession que des Fiefs qui sont pris par préciput, sans d’autres biens, ou qui sont de si petite valeur, qu’il est plus avantageux aux puinés de demander une provision à vie. Sur cette espèce on a proposé deux opinions : la première, que les filles réservées à partage ont le tiers du Fief en propriété, mais qu’elles demeurent chargées de payer toute la provision à vie due à leurs freres puinés ; ce qui est conforme à l’ancienne Couûtume de Caux, par laquelle les filles réservées avoient le tiers en proprieté, mais étoient chargées de payer la provision des puinés, comme il a été remarqué sur les Articles CCXCVII, CCXCVIII & CCXCIN. L’autre opin’on est, que le tiers du Fier demeure en propriété aux siiles réservées, mais qu’elles ne sont obligées de payer que le tiers de la provilion, de sorte que les deux autres tiers doivent être payés par les ainés ayant pris préciput. Mais il peut y avoir une troisieme opinion plus convenable à l’esprit de la Coutume, qui ne souffre point ni que les Fiers soient divisés, sinon entre filles, ni que les seurs ayent plus d’avantage que les frères : suivant cette troisieme opinion, les a-nés ayant pris préciput, seroient quittes envers leurs freres & soeurs, en leur baillant une provision à vie du tiers de leurs Fiefs ; avec cette distinction toutefois, que la part qu’auroient les filles à cette provision, seroit évaluée en deniers, qui seroient constitués en rente au denier vingt, suivant les termes de cet Article.1

Au reste, quand on estime les Fiefs, soit pour régler le mariage avenant, soit pour donner partage aux filles, ils ne sont estimés que sur le pied du revenu, & non suivant leur valeur intrinseque, dans laquelle on considere les batimens & les bois de haute fûtaie & les autres ornemens, & d’ailleurs ce revenu n’est estimé qu’au denier vingt, comme il est attesté par l’Article du dit Réglement.


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Cet Article est obseur la premiere partie a été interprétée par des Arrêts récens que j’ai cités sous l’Artic’e CCLXIz ; ces Arrêts, dans le cas de l’option de l’ainé par préciput, ont réduit le partage des filles au tiers des Rotures, quand les freres puinés ont déclaré s’en contenter. Comme ces Arrêts ne sont point rendus en forme de Réglement, la question n’est pas encore sans difficulté : car l’Article CCLxx suppose écidemment l’option d’un préciput ; il semule donc que le partage égal entre les freres puinés & les suurs n’y-soit prescrit que par forme d’accommodement, & pour dedommager les suurs de ce qu’elles n’ont rien sur le Fief opté par l’ainé, pourvu cependant que le partage de toutes les filles n’excede pus le tiers de la tot lité de la succession. Prenez une succession composée d’un Fief de 3000y liv. opté par l’ainé, & de 12777 liv. de Rotures. Supposez un puiné & trois filles : sera-t’il juste de donner, sur une succession de 420yy livres, 400y liv. seulement aux trois filles, tandis. qu’en pertageant les Rotures avec leurs freres, elles n’auront pas, à beaucoup pres, le tiers de la fuccession à Il ne faut pas, dans le vrai, considéter, par rapport aux filles, une successio, composé : d’un Fief & de Rotures, comme deux successions différentes : elles ont un d’oit sur le Fief com ie sur là Roture, pourvû que la part de chacune des filles ne soit pas plus forte que cel’e d’un puiné, ou que les filles n’emportent pas plus du tiers de la succession : ainsi si l’ainé a, par préciput, un Fief de 20000 liv. & qu’il y ait pour aoooo liv. de Rotures à partager entre un puiné & quatre filles, vous ne donnerez pas aux filles 16o0liv., vous les réduirez au tiers de la totalité de la succession : au surplus les Arrêts contrai-res forment un préjugé important, Mais lorsqu’il n’y a, dans la succession, qu’un seul Fief opté par préciput, quel sera le droit des seurs ; C’est iei l’objet de la seconde question. Terrien croyoit qu’il falloit donner aux siurs un tiers à fin d’héritage, & un autre tiers aux puinés à vie : que l’ainé devoit supporter les deux tiers de la provision à vie, & les seurs l’autre tiers. Bérault charge les suurs de la totalité de la provision des puinés. Basnage estime que cette seconde opinion est encore trop favorable aux seurs ; il croit que le tiers se divise en autant de portions qu’il y a de freres puinés & de suurs ; il donne aux soeurs la propriété de leurs portions, & celles des puinés retournent à l’ainé.

Terrien paroit suivre le Droit commun ; des que le frere ainé & les seurs, en vertu de la réserve, ont un droit de propriété, il est juste que la provision des puinés, qui en est une charge, soit supportée par les frères & les suurs, pro modo enolumenti.

Le sentiment de Bérault est plus avantageux à l’ainé, mais il n’est appuyé que sur un Article de l’ancienne Coûtume de Caux, totalement abrogé par la réformation de 1586.

Basnage auroit pour lui l’Arrét de 16o2, rendu sur une queston de liquidation de mariage. avenant ; mais, sans examiner la différence qui peut être entre la réserve & le mariage avenant, tout le monde sçait que les Juges flottoient dans la plus grande incertitude, & qu’ils ne se déterminerent qu’avec peine. Si l’intention des Réformateurs avoit été de faire partager par tête le tiers du Fief entre les painés & les soeurs, & d’accorder aux uns l’usufruit, & aux autres la propriété de leur part dans ce tiers la Coutume en auroit fait une disposition précise. L’ancienne Coutume de Bretagne, Art. DXL. VII, a bien exprimé cet usage : n En n succession noble, qui anciennement a été gouvernée comme dessus, dit elle, tous les jun veigneurs ( c’est-à dire tous les puinés ) auront seulement la tierce-partie des héritayes n nobles de ladite succession ; c’est-à. sçavoir, les mâles a viage, & les filles par héritage n Ce conflit d’opinions fait de plus en plus désirer un Régienient. Basnage se plaint de ce que les Réformateurs ont laisse la question indécise ; il faut espèrer que les progrés que nous avons faits dans la connoissance de nos Loix, procureront bieritôt a la Province l’avantage de la voir terminée d’une maniere juste & irrévocable. Ie me suis rapproché de l’opinion deBasnage , dans la liquidation du mariage avenant.