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CCCLXVII.

La Femme gagne son Douaire au coucher ; & consiste le Douaire en l’usufruit du tiers des choses immeubles, dont le Mari est saisi lors de leurs épousailles, & de ce qui lui est depuis échu, constant le mariage en ligne directe, encore que lesdits biens fussent échus à ses Pere & Mere, ou autre Ascendant, par succession collatérale, donation, acquêt ou autrement.

Par choses immeubles cet Article comprend les Offices & les rentes constituées à prix d’argent, sur lesquelles le Douaire s’étend aussi-bien que sur les he-ritages. Quelques questions qu’on propose touchant le Douaire qui se prend sur ces deux espèces d’immeubles, sont différées sur les Articles CCCCVI & CCCCVIII. Par la ligne directe, la Coutume n’entend que celle des ascendans, de sorte qu’on a jugé, qu’une veuve ne pouvoit avoir Douaire sur les biens de la succession du fils de son mari, échue à son mari pendant leur mariage, par un Arrêt du 18 de Juillet 16s 3, rapporté parBasnage .1 Il faut remarquer que la Douarière doit faire les lots à ses frais ; même quand il y plusieurs sortes d’héritiers du mari, elle est obligée de faire plusieurs sortes de lots, pour ne confondre point le propre paternel avec le maternel, ni le propre avec les acquêts : ce qui a été jugé par un Arrêt donné en l’Audience de la Grand Chambre le 27 de Mai 1637.2

Mais quoiqu’elle soit obligée de payer les charges foncieres, & même les

Bypothécaires créées avant son mariage, elle n’en doit pas les arrérages échus avant sa jouissance, car ces arrérages étant au nombre des dettes mobiliaires, doivent être acquittés par les héritiers : Quand donc la veuve n’est point héritière, elle a son recours contre lesdits héritiers, quand elle a payé ces anciens arrérages : que si elle est héritière, elle doit payer sa contribution à proportion de la part qu’elle a cue en la succession mobiliaire de son mari, & si elle a été obligée de payer plus que sa part, elle a pareillement son recours contre lesdits héritiers.34 Entre les dettes immobiliaires, ausquelles la Douairiere est tenue de contribuer, sont les mariages des soeurs de son mari ; encore que ces seurs étant devenues héritières du Mari, ayent confondu l’action qu’elles avoient pour demander leur mariage avenant : ce qui a été jugé par un Arrêt du 13 de Mars 168s, rapporté parBasnage , quod potesi videri male judicatum, par un argument qui se tire de l’Article CCCXCVI, puisque la dette ne subsistoit plus lorsque le Doüaire avoit commencé, & ayant de plus été acquittée sans diminution des biens du mari5. Il faut dire la même chose du mariage des filles du mari, nées d’un précédent mariage, c’est-à-dire, que le Douaire y doit contribuer, quoique ces filles ayent été mariées depuis le mariage de la Douai-rière ; c’est-à-dire, postérieurement à l’hypotheque qu’elle a pour son Douaire, parce que les promesses faites par le pere pour le mariage de ses filles, ont leur rapport à l’obligation naturelle qu’avoit le pere de les marier, & qui partant precede le second mariage du pere : ce qui a été jugé par un Arrêt du 23e jour d’Août 1656, qui paroit contraire à l’Article CCCC, par lequel le Douaire n’est point diminué pour la légitime ou tiers coutumier des enfans nés des précédens mariages.6 On a demandé, si le mari retirant en vertu de la faculté de rachat qu’il avoit retenue, un héritage qu’il avoit vendu avant le mariage, la femme pourra prétendre Douaire sur cet héritage I On a jugé que cette faculté de rachat faisant partie des biens du mari, lors de la célébration du mariage, la femme & les enfans pouvoient en demander le tiers, la femme pour l’usufruit, les enfans pour la propriété, en payant le tiers des deniers payés par le mari pour faire le rachat, par une Arrêt du 23 de Décembre 1658. Cependant il peu-

paroître qu’une veuve ne doit pas avoir de Douaire sur les héritages que son mari a retirés, ou en vertu de la faculté de rachat stipulée par un contrat anterieur à leur mariage, ou en conséquence d’une rescision, parce que le Douaire ne se prend que sur les biuns don : le mati est saisi lors du mariage, & non sur ceux dont il acquiert la possession depuis, sur lesquels si la veuve a quelque droit, ce ne peut être que comme de conquet, dont on pourroit conclure que l’Arrêt du 23 Décembre 1658, a été donné contre les regles. Cet Arret suppose un cas, dans lequel la succession du mari étoit chargée de dettes puisque les enfans demandoient le tiers coutumier : si donc le mari avoit acquitté ce qu’il devoit payer pour faire le rachat, il semble que la femme devroit avoir son Douaire sur l’héritave rétiré, suivant qu’il est déclaré par les Articles CCCXCVI CCCXCVII.7 Il peut être dit qu’il faut juger la même chose à l’égard de l’action, en exécution de laquelle le mari s’est remis en possession d’un héritage qu’il avoit vendu avant le mariage, parce que cette action étoit in bonis lors uu mariage : ce qu’il ne faut pas tirer à conséquence pour les héritages que le mari a retirés comme parent ou Seigneur de Fief, sur lesquels la femme ni les enfans ne peuvent prétendre aucun Douaire, parce que lors du mariage il n’y avoit aucune action ni droit formé dans les biens du mari, pour faire ces retraits ; en quoi il y a différence entre l’accroissement qui arriveroit à un Fief par commise, confiscation, bâtardise ou deshérence, d’autant que ces droits appartiennent au mari sans débourser aucuns deniers, & précisément à cause du Fief dont on suppose qu’il étoit propriétaire avant le mariage, de forte que ce sont des accroissemens & des accessoires, dont il semble que la femme & les enfans doivent profiter, quand le mafi ou le pere ne les ont point mis hors de leurs mains.

On a jugé par les derniers Arrêts des premier Avril 1683, & 27 de 1S70, rapportés par Basnage sur cet Article : Que les femmes doivent prendre leur Douaire sur les biens bailles en contr échange à leurs maris, & ne peuvent inquiéier les possesseurs des biens que les maris ont aliénés par un contrat d’échange, d moins qu’il n’y eût une inégalité considérable.


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Le Douaire est artaché à un mariage valide & capable de produire les effets civils ainsi le mariage étant nul par le vice de clandestinité, la femme n’a pas de Douaire. Ferriere, Art. CCXLVII, S. 2, n. 1. Lorsqu’il y a eu un commerce illicite avant le mariage in extremis il ne produit à la femme aucun Douaire ; mais en ce dernier cas, par un motif d’humanité, on adjuge à la femme une pension alimentaire sur les biens du mari.Bou -cheul, Art. CCLIII, n. 9 & 11. Le même Rub. du Tit. 3, n. Ad.

Le Douaire ne dépend point du payement de la dot ; il peut cependant être stipulé que la femme n’aura point de Douaire si la dot n’a point été payée au temps de la dissolution du mariage.Renusson , du Douaire.

Selon plusieurs Coûtumes, la femme gagne son Douaire par la bénédiction nuptiale : en Normandie elle le gagne par le coucher ; de sorte que si le mari décede auparavant, la femme n’aura point de Douaire.

On adjugea, par Arrêt du ro Mars 1688 Douaire à la femme sur une somme de deniers, à laquelle avoit été évaluée la moitié d’un Office dont le frère de son mari avoit été pourvu en vertu de la Procuration ad resignandum du pere, & sur une somme d’argent jugée au profit de son mari depuis son mariage, pour dommage & intéret d’éviction contre la caution d’un Contrat de Fief fait au pere du mari avant le mariage de son fils, & qui ne fut annulle que depuis le déces du pere.

Le motif de l’Arrêt est que chaque des enfans, par le déces du pere commun, étoit saisi de droit de la moitié des corps héréditaires malgré l’avancement fait à l’un d’eux, & qu’on ne peut considérer au préjudice de la femme, comme un effet mobiliaire, la Fieffe d’héritage dont le pere étoit saisi lors de sa mort.

La femme ayant épousé un mineur, a Douaire sur les deniers des rentes rachetées pendant sa minorité & dont le tuteur n’a point fait d’emploi : Arrêt du premier d’Avril 1S97.

Il paroit même assez indifferent que le mari décede étant devenu majeur ; car la majorité survenue depuis le mariage ne privera pas la femme d’un droit qui lui étoit acquis. On a même adjugé, par Arrét du s’Août 1690, Douaire à la femme sur les deniers du rachat d’une rente du propre de son mari fait en sa minorité, quoique le mariage eût été célébré aprés sa majorité, mais avant la reddition de son compte.

La femme a Douaire sur des fonds que le mari a pris par emphytéose, & à plusieurs générations quand le bail emphytéotique a pré-édé le marage : Arrét du Parlement de Paris du 2o Juillet 1527, rapporté par Pithou sur Troyes, Art. LXXXVI. Cet Auteur observe qu’on ne peut pas opposer à la veuve que les héritiers du mari continuent le bail en vertu du contrat, & qu’ils n’y entrent pas en qualité de ses héritiers. On n’eut point d’égard, au temps de l’Arrêt, à cette objection.


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Depuis que le controle est devenu une charge tres-onéreuse, & qu’il exerce son empire sur les conventions les plus facrées dans l’ordre de la société, le payement de ce droit a excité des contestations entre la douairière & les héritiers du mari. Il est certain que la veuve doit les frais des lots à douaire, & quoique le douaire soit dû en vertu de la loi, & qu’il soit même limité à une certaine quotité des biens du mari, la femme n’en peut pouir qu’en vertu d’un partage auquel elle donne lieu, & qui est inutile aux héritiers.

La question a été appointée pour être fait reglement par Arrét du 18 Mars 1743 ; elle a été préjugée contre la veuve, par Arrêt du 3 Mars 1753, en refusant au tuteur de lui allouer les deux tiers du controle des lots à douaire.


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La veuve n’est point chargée de la collocation des capitaux des rentes amorties, ce soin concerne les héritiers du mari ; si ce n’est que la veuve ne veuille accepter les deniers en donnant caution.Basnage .



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( 4 ) il me semble que l’Arrêt du 13 Mars 168s est exact, on ne doit appliquer l’Article CCCXCVI qu’aux décharges de propres faites pendant le mariage, d’autant que l’on présume que le prix provient de l’économie mutuelle du mari & de la femme ; dans l’espèce de l’Arrét il ne se trouve du fait ni du mari, ni de la femme ; & jusqu’au moment de la mort du pere, la fille a été créancière de la dot sur ses biens.


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La seconde femme ne doit, dans aucun cas, être obligée de contribuer, à raison de son douaire, au mariage des filles du premier lit, si ces filles demandent leur légitime comme du jour du déces du pere, le douaire de la seconde femme sera préférable, puisqu’il a une hypotheque antérieure, si elles l’exigent comme du jour du premier mériage, cette légitire, suivant l’Article CCCC de la Coutume, ne pourra pas diminuer le douaire de la secondfemme. Il ne faut pas, comme le ditBasnage , argumenter contre la seconde femme en faveur des filles de ce que leur droit étoit acquis avant le second mariage : car ciles n’ont pas un droit différent de celui des mâles, qui s’arrêtent à leur tiers coûtumier.


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L’espèce de l’Arrét du 23 Décembre 1658, mérite d’être examinée : on convient que la femme n’a aucun droit de conquét sur un héritage retiré en vertu d’une faculté de rachat stipulée par un contrat antérieur au mariage ; le point de difficulté consiste à sçavoir si elle y aura douaire. Ie ne vois aucun motif de l’en priver : la faculté de rachat fait partie du fonds, elle produit une action immobiliaire qui ne se prescrit que par 40 ans. Le fonds étoit, il est vrai, aliéné avant le mariage, mais il ne l’étoit pas tellement, qu’en vertu de l’acte méme d’alienation le mari n’en pût recouvrer la propriété, si le mari étoit mort pendant la durée de la faculté de rachat, la femme auroit pu demander aux héritiers du mari de concourir au rachat, en remboursant sur le pied du douaire qu’elle y auroit pris ; elle doit donc y avoir le douaire à plus forte raison quand le mari l’a exercé pendant le mariage. Dans le pays de comiunauté le mari ou ses héritiers doivent, en ce cas, rembourser à la femme ou a ses héritiers, le mi-denier. Pourquoi lui enléverions, nous le douaire, lorsque notre Coûtume n’a aucune disposition précisément contraire ; Le remboursement auquel la femme & les enfans furent assujettis par l’Arrêt de 1658, n’a été ordonné que sur des circonstances particu-lieres du proces ; il paroissoit, sans doute, que le mari n’avoit fait ce rachat qu’aux dépens des créanciers de sa succession.