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CCCXCV.

Les biens paraphernaux se doivent entendre des meubles servans à l’usage de la Femme, comme seroient lits, robes, linges & autres de pareille nature, desquels le Juge fera honnête distribution à la Veuve en essence, eu égard à la qualité d’elle & de son Mari, appellé néanmoins l’Héritier & Créancier, pourvu que lesdits biens n’excedent la moitié du tiers des meubles ; & néanmoins où le meuble seroit si petit, elle aura son lit, sa robe & son coffre.

Ces deux Articles déclarent ce qui appartient à la femme sur les meubles du mari, au cas qu’elle renonce ; & il est d’abord expliqué comment cette renonciation doit être faite. Le terme de peut mis au commencement de l’Article CCCXCIV, est impropre, d’autant qu’étant affirmatif, il ne s’en peut einduire aucune nécessité, soit qu’il soit employé dans une loi ou dans un contrat ; & qu’au contraire, lorsqu’il est mis négativement, importat necessi-tatem ; ceil vim precisant, que texcludin omnem putentiamjuris & facte, comme enseigne duMoulin , De feudis, Aric 2 : Glossa 7. Or laveuve doit néces-fairement renoncer : dans le temps. presorit par-là Loi yoou dans le délaiqui dui est donné par-le. Juge ; : aautrement i elles seroit réputée, ciéritiere, : & obligée aux dettes ; cû, moins quiulle. ne-ffileuséparte, constant le mariager, anquel cas elle, n’est point cobligée dec romancur, suivant rqu’il est autesté-par les Articles LXXXI & LXXXII dudit Réglement. On a relevé uneuveuve de ce défaut : de renonciation, à craisonede fa eminorité, parce que les mineurs sont facilement relevés contre. Lomission des formalités, : comme enseigneLouet , D. 68. L’Arrét fut donnée en la Grand Ghambre-en 2872i, & est rapporté parBasnage .1

Mais les délais que la Coûtume avoit marqués avec tant d’énadtitude, ont été changés par l’Ordonnance de 166ys qui dispose, que laveuve doit avoir les, êmêmes. délais qui sont donnés : Éitoutesirsortes : d’huritioes ; sçavoir, trois mois depuis lrouverture dela succession-pour faire l’Inventaine, & quarante jours depuis l’Inventaire : achevé paur ldélibéror rlusquels délais peuvent être prorogés par lesJuge, en cus qu’on lui fasse connoître que binventaire n’u pû être fait dans les trois-mois.

Mais ib nla rien été innoud quant àela forme de la renonciation, qui requiert larcomparence derla veuve en Jugement, parce qu’elle y doit faire un serment, le est régulièrement à l’Andience ve’est-ûediru, juner qu’elle n’a pris ni récelé aucune chose : Néanmoins si la veuve avoit quelqu’excuseilégitime, comme de mala-die ou d’absence nécessaire, ou si elle étoit d’une condition fort relevée, elle pourroit être dispensée de cette comparence, & être admise à renoncer par Progureur, mais il seroit nécessaire que sa procuration fût speciale pour cet acte.

Les effêts de la renonciation sont d’exclure la veuve de prendre part aux meubles. & aux acquisitions faires par le maet, & de l’exempter du payement des dettes de sonditmari, mêmer de ccolles coneractées pour les alimens & les autres choses nécessaires pour lentretien d’une famille comme les habits, puisque la femme qui renonce a les paraphernaux exempts de toutes dettes, par cet Article écexcrv.

Mais afin que la tenonciation soit valable, il faut qu’elle soit faite sans fraudei, ifans foustraction & sans récélé 2. car la veuve qui a soustrait ou recelé avant-fa tenonciation e ce que-l’on est admis à prouver, nonobstant le serment V est réputée héritière ; & de plus est privée d’avoir part aux choses soustridites ou recelées : que si elle a soustrait ou recelé depuis sa renonciation, alle est seulement tenue de rapporter les choses soustraites & recelées, sans qu’elle soirréputéehéritière, comme il’ostattesté par les Artieles LXXXIII & LXXXIV. dudit Réglement.

On’à sugé contre ls autres héritiers qu’ils ne pouvoient prétendre aucune chose à ce qu’ils avoient soustrait d’une succession ; & quoique ce soit une maxime de la Tournolle, qu’il ne peut y avoir de partage en matiere criminalle, parce ique miliors sententia sequenda est : on jugea néanmoins, qu’il yravoit eû partage à l’égard de cette question, d’autant que cette maxime ne idoit entendre que quand il s’agit de la peine publique, & non du droit héréditaire des parties. VoyezLouet , R. 48.

L’Action. de soustraction se peut poursuivre civilement ou criminellement,

Les aliment sont dus à la veuve pendant le delai de délibêrer, & si auparavant elle a vendu parmnécessité ou pour le bien de la succession des grains ou dentées, elle doit déclarer la vente en renoncant pour prévenir les contestations des héritiers du mari. Cette opinion est conforme à un Arnde du mois d’Aout r6o0 ; une femme qui avoit consommé le peu de provi-sions qui étoient dans la maison de son mari, au temps de son deces, & en avoit fait sa déclaration ; fut, par cet Arrêt, nonobstant la reclamation des heritiers du mari, admise à renoncer à sa fuccession. L’Art. COCCxxXV de la Coutume de Bretagne donne, en termes expres, cette liberté à la veuve : n Peut la femme prendre pour sa dépense des biens du n lieu & en user ; elle & ses gens accoutumés à y demeurer compétemment, sans vende n ni faire exces, jusqu’à ce qu’elle,,, : ait déclaré, dans les trente jours apres le déces du n mari, si elle prendra ou renoncera aux meubles. 2 contre les héritiers ; de sorte que la compétence du Juge civil ou criminel, à l’égard de cette action, dépend de la maniere dont elle a été intentée, devant être continuée devant le même Juge, encore que la procédure soit devenue de civile criminelle, aut é contra. Quand on accuse la veuve de soustraction, on traite cette action civilement ; & quand elle est convaincue, on la condumne de rapporter dans un certain temps : & faute d’y avoir satisfait, on la déclart prenable par corps : Arrêt en la Tournelle, du y de Fevrier 185o, rapporté parBasnage , par lequel de plus, sur l’appel de la veuve de tout ce qui avoit été fait devant le Juge criminel : l’appellation fut mise au néant : ce qui pourroit faire conclure, que la procédure criminelle pourroit être faite contre la veuve. Par le Droit Romain, la femme ne pouvoit être poursuivie criminellement par le mari ni par ses héritiers pour l’enlevement fait par elle des biens de son mari, quia socia erat divin & & humane domus, & ob honorem mairimonii, l. Adversus, De crimine expilate hoereditatis : C’est pourquoi on donnoit à l’action, qui s’intentoit contre la veuve, pour la faire condamner à la restitution des choses qu’elle avoit mal prises dans la succession de son mari, le nom de rerum amotarum ; c’est-à-dire, des choses foustraites. On n’avoit pas le même respect pour les femmes, qui aprés le divorce avoient souftrait les biens de leurs maris ; car on les pouvoit accuser, & les faire condam-ner comme de larcin, par la Loi 3. ff. De actione rerum amotarum. Voyez Louet & son Commentateur, C. 36, où sont rapportés plusieurs Arrêts par lesquels il a été jugé, que les veuves ne pouvoient être poursuivies criminellement pour cause de soustraction, par les héritiers & créanciers de leurs maris.

Idem judicatum, à l’égard des cohéritiers les uns envers les autres, suivant la Loi 3. C. Familie erciscunde.2

Or puisque la femme devoit être excluse par sa renonciation, d’avoir aucune part aux biens de son mari, il seroit d’une conséquence nécessaire qu’elle ne pût prétendre aucuns meubles dépendans de sa succession : Néanmoins la Coutume ne la voulant pas laisser dépourvuc de tout ce qui est le plus nécesfaire pour l’usage ordinaire d’une mailon, lui a accorde par grace un préci-put en exemption de toutes dettes, qu’elle appelle parapisternal, parce qu’il est outre la dot ; mais qui est bien différent de celui du Droit Romain, qui consistoit le plus souvent en de certains meubles appartenans à la femme avant le mariage, & qu’elle avoit voulu se réserver pour en disposer, ou pour les reprendre au cas de la dissolution du mariage : ce qui se faisoit au moyen d’un inventaire ou libelle, dans lequel ces meubles étoient spécifiés, lequel libelle étoit souscrit par le mari, & laissé aux mains de la femme, pour pouvoir établir son action pour la restitution du paraphernal, l. 9. 8. plane, ff. De jure dotium.

Mais le paraphernal de la Coutume est pris sur les meubles ayant appartenu au mari, & consiste aux habits & linges de la femme, en lits, vaisselles, coffres, & autres ustensiles dont l’usage est ordinaire & de tous les jours, tant pour la personne de la femme que pour sa maison, dont le Juge doit faire une distribution honnête à la femme, appellés les héritiers & créanciers du mari, & eu égard à la qualité de la femme & du mari ; mais néanmoins avec ce tempérament, qu’ils ne doivent pas excéder la valeur de la sixieme partie des meubles trou-vés apres le déces.3

Ce qui reçoit encore une autre limitation, car si le meuble qui se trouve est si petit, ( c’est l’expression de la Coutume ) c’est-àdire, de si petite valeur que la valeur de la sixieme partie ne pût pas subvenir aux nécessités les plus pressantes.

de la veuve, on ne lui peut pas refuser un lit, sa robe & son coffre. Toûteces particularités sont bien exprimées dans l’Article CCCXCV.

Ge qui fait entendre, qu’il faut qu’il y ait des meubles en-la succession du mari ; car s’il ne s’y en trouve point, la femme ne peut prétendre de paraphernaux, qui ne se baillent point autrement qu’en espèces, & lamais en de-niers par estimation, suivant qu’il est déclaré par ledit Article CCCXCV.

Cela fait entendre de plus, que les grains, les bestiaux, & enfin tous les instrumens qui fervent au ménage de la compagne, ne sont pas compris dans les paraphernaux : les carosses n’y ont pû être compris que par un abus manifeste ;. car les paraphernaux sont pour soulager la misere & la nécessité, & ne sont pas aecordés au puéjudices des créanciers, pour faire vivre dans le luxe & la supersluité.

Lesparaphernaux donc étant donnés par la providence de la Loi, qui voulueremédier à la misere d’uné femme, qui se trouveroit dénuée de touteles choses qui sont d’un usage le plus ordinaire & le plus nécessaire, ne doi-vontpas être accordés, quand le contrat de mariage a pouroù à cet inconvenient, pan une stipulation, qui porte, que la femme pourra remporter de odntains meubles, comme sa chambre garne, ses bagues & joyaux, & autrechoses lemblables, en exemption de toutes dettes ; car ce remport tient lies & paraphernaux : c’est pourquoi la femme ne peut avoir l’un & l’autre.

Mais ce remport est d’ordinaire beaucoup plus avantageux que les parapliernaux, principalement iparce qu’on y comprend non-seulement les meubles de llusage grdinaire, mais les pius précieux, comme les lits de parade, les tapisseries, les bagues & joyaux, les carosses avec les chevaux : De plus quand les meubles qui sont stipulés dans le remport, sont dissipés, & ne se trouvent plus en la possession du mari, la femme n’est pas privéc de son remport ; car au lieu de ces meubles, elle emporte la somme d’argent ausquels ils-ont été estimés par le contrat de mariage, pourvû que cela ait été employé dans la clause du remport. Elle a inême le privilége d’être préférée à cet égard à tous les créanciers, parce qu’elle emporté sun remport en exemption de toutes dettes ; mais ce privilege cit limite sur le prix qui provient de la vente des meubles : car sur le prix des imuieubles, la femme n’y est colloquée que par l’ordre nypothécaire ; c’est-à-dire, du jour de la reconnoiliance du contrat de mariage.

Dont on infere deux choses à l’avantage de ce remport : La premiere, que la femme qui l’a stipulé peut, encore qu’elle ne soit pas séparée, s’opposer à la venduë des meubles qu’elle a droit de remporter, parce qu’ils lui appartiennent & non à son mari, au cas qu’elle les veuille opter ; mais il seroit néces-faire qu’elle appuyât son opposition de Lettres de séparation, le remport ne pouvant être demandé qu’aux cas de mort ou séparation. L’autre conséquence qu’on peut tirer, est que la femme ayant une action pour demander ce remport, ou à son mari, en cas de séparation, ou aux héritiers en cas de mort, elle transmet cette action à ses propres héritiers, si elle mourt avant que d’avoir eu la dé-livrance ou des meubles ou de l’estimation, qui sont compris dans son remport.

C’est pourquoi on a demandé, si la femme étant décédée auparavant qu’on lui eût délivre les paraphernaux, ses héritiers en pouvoient poursuivre la délivrance.

Il semble, par les termes de la Coutume, que les paraphernaux ne sont dus à la femme que par la seule considération de sa personne, & pour la soulager dans sa miscre & dans sa nécessité, c’est-à-dire, par un motif de pure compassion, qui ne pouvant s’étendre sur les héritiers, qui ne méritent pas la même faveur, & qui d’ailleurs ne se trouvent dans aucune nécessité qui soit provenue de la part du mari, ces héritiers ne doivent pas profiter des meubles, au préjudice du droit légitime. & manifeste des créanciers du mari : On a néanmoins jugé l’affirmative, par deux Arrêts, l’un du 26 d’Août 1626, & l’autre du 30 de Juillet 16zy, rapportés parBasnage .

Ce Commentateur rapporte de plus un Arrêt donné en la Grand’Chambre sur un partage des Enquêtes en 1655, par lequel il a été jugé, qu’une femme qui avoit pris un legs qui lui avoit été fait par le testamont de son mari, ne pouvoit demander de paraphernaux.


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Le grand Coûtumier nous apprend que les femmes nobles avoient seules la faculté de renoncer à la succession de leur mari, la formalité de la renonciâtion étoit singulière, la femme jettoit sur le tombeau de son mari, ou sa représentation, ses clefs, pour marquer qu’elle n’avoit plus aucune administration domestique sa bourse pour : certifier la fidélité de fa renonciation & sa ceinture : ce qui est d’un anoien usagerdans la gessiont deibiant. c 2. c. 6.

Lesfemmes roturieres stipulerent dans la suite la fuculté de Nenoncerdans deur Contrat de mariage : on la soutint d’abord intransmisiible à ses heritiers ; mais elle a enfin tourné en droit, commun, tant par rapport aux femmes qu’à leurs héritiers.

Nous avons des preuves que dans les temps reculés cette faculte étoit commins fû Normandie aux femmes des roturiers avec les femmes des nobles.Basnage .

La femme ne peut abdiquer par son Contrat de mariage, foit pour elle ou pour sealhéritiurs ; la faculté de tenoncer ; la renonciation est souvent-le seul moyen qui reste-ila fem-me pour conserver sa dot ; le voeu delintérét public est la conservation. da-la dotodes. femmes, comme étant destinée à la subsistance des enfans & au soutien des familles : lesLoix qui s’occupent sur des objets aussi précieux coûtent trop à former pour permettre d’y déroger ; elles sont fondées sur l’experience des temps, & le Législateur, dont fa vié est bornée à quelques lustres, rappelle la tradition des siecles ; & sur les inconveniens dupassé pourvoit à l’avenir : Touvrage commerle nom-dii Législateur doit retunir dann uuress-pect eternel. LeBrun , Liv. 3, Chap. 2, Sect. 2, distinct. 1, n. 2.

Bérault rapporte un Arrêt du 18 Fevrier 1005, qui fait défenses au Bailli de Rquen, ou à son Lieutenant de recevoir aucune femme à renoncer à la luccession de son mari, sinon en jugement, la Jurisdiction séante, suivant la Coûtume. Les Coûtumes de Chaumont, Art. XXXVII, Châlons, Art. XXX, Bourbonnois, Art. CexLV, sont conformes à lanôtre ; mais à Paris il suffit à la veuve de renoncer aprés inventaire fait, par acte au Greffa qu’elle doit communiquer aux Créanciers quand elle esti ppursuivie, ou par acte devant Notaire, pourvu qu’il en reste minute, aux termes d’un Arrêt en forme de-Réglement du 14 Fevrier i7oi, rendu sur les Conclusions de M. l’Avocay Géneral, loly., de Fleury.

Le délai de renoncer court du jour que la mort du mari est connue à son domiefle ; car il meurt dans un voyage de long cours ou à la guerre, ce seroit une injustice de faire courir le delai des l’instant de son déces : Arrêt du 30 Juillet 1631. Bérault &Basnage . Gubstrahi debes impedimentum necessarium ut carceris, pestis, hostilitutis,, : : respondi infia ao dies post quant licuit exire,, : :. & toto hoc tempore pendente sumptibus Barediu rivet ; duMoulin , sur l’Art.

CeXLV deBourbonnois. netenelmvaiq iuon mSynour Comme nous n’avons aucune Loi qui oblige la femme de faire inventaire, le parti le plus Sur pour la fumme est de renoncer dans les quarante jours de la connoissance du déces de son mari, ou d’obtenir du Juge, dans ce temps, le delai pour faire inventaire, si elle estime cette précaution nécessaire pour se déterminer, sans attendre le terme de l’Ordonnance de 1667.

Quand l’acceptation de la veuve ou sa renonciation n’a d’autre fondement que l’ignorance de l’état de la succession, elle a la voie de restitution pour réparer le dommage de la surprise. bérault.


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La veuve ne se rend pas impunément coupable de recelé ou de soustraction : car si elle a récclé les effets de la succession, sa renonciation lui devient inutile, & elle est obligée à toutes les dettes indéfiniment, comme si elle n’avoit point renoncé ; c’est la peine du recelé : & quant à la soustraction, on fait une distinction établie par les Arréts. La femme qui est convaincue de soustraction avant la renonciation est censée héritière ; c’està dire, que la soustraction par elle commise rend la renonciation postérieure nulle & sans effet, & la Loi la répute héritière ; mais si la soustraction est commise apiés la renonciation, en ce cas la femme n’est tenue qu’au rapport des choses soustraites, elle n’est pas censée héritière de son mari, mais elle est privée des effets soustraits. Commentaire manuscrit sur le Réglement de 1666.

Godefroy trouvoit la peine de la soustraction trop legere il auroit voulu priver la femme de son douaire dans le cas de soustractions considérables & suivant la qualité du fait. Ie conviens que rien n’est plus commun parmi nous que les soustractions, elles se commertent le plus souvent avant l’ouverture de la succession : une femme abuse facilement de la foiblesse d’un vieux mari lui fait vendre ses héritages, se faisit du prix ; elle l’engage même à faire des obligations simulées, sous le nom de tierces personnes, & elle renonce comme on le dit vulgairement, les mains pleines ; les héritiers parviennent rarement à faire la preuve de toutes les soustractions : cependant il n’est pas permis d’étendre les Loix pénales au-delâ des bornes marquées par la Jurisprudence.

La femme ou la veuve qui a commis des recelés caractérises peut être poursuivie extraordinairement par les Créanciers du mari : Arrêt du premier Juillet 1v4y, contre une femme qui avoit enlevé frauduleusement les effets de son mari aprés la banqueroute ouverte : il semble qu’elle n’est pas plus exeusable apres la mort du mari quand, par ses déprédations, elle rend sa succession insolvable ; mais si la demande en soustraction étoit formée par les héritiers du mari, il y auroit plus lieu de douter si la femme pourroit être poursuivie extraordinairement. L’opinion la plus uniforme des Auteurs est que l’on doit prendre contre la veuve la voie civile ; cependant les preuves peuvent facilement déperir par les délais de la Procédure. Il seroit à propos de rendre une Plainte en termes généraux & sans designation ; on peut, aprés la preuve résultante de l’information, donner dans la suite à la Procé-dure l’état qui lui convient. M. Daguesseau pose un principe sur cette matière, ce Magistrat dit qu’à l’égard des complices on distingue le cas où ils ont pris à leur profit particu-lier les effets de la succession de celui où ils n’ont fait qu’exécuter les ordres de la veure au premier. cas, on confirme la Procédure criminelle contre les complices, & comme l’affaire ne peut se diviser, & qu’on ne peut instruire un même fait en deux Sieges, la Proce-dure criminelle attire la civile, au second cas, on civilise le tout : Iournal des Audiences, tom. 5. Gela suppofe qu’il n’est pas contre les regles de débuter par une information, sauf ensuite à civiliser l’instance, On prétend cependant en Normandie qu’on instruit civilement contre la veuve & extraordinairement contre les complices : la distinction de M.

Daguesseau est bien sage. hn fait de preuves de soustraction, le témoignage des parens est recu ; en rejettant les parens des informations, il seroit tres-difficile d’avoir la connoissance des soustractions : il peut même apriver que par la déposition des parens il se trouvera des charges contre des complices qui ne le sont point : Consulatur en la Grand Chambre par la Chambre des Enquêtes du 26 Fevrier 167s.Basnage .


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Notre Coûtume adopte ici une manière de s’exprimer trés impropre. On en end par biens paraphernaux les biens que peut avoir une femme mariée, outre ceux qui ont été donnés en dot à son mari, ces biens sont comme une espèce de pecule que la femme tient en téserve, elle en a la libre disposition ; elle peut les aliéner, soit à titre gratuit ou à titre onéreux, indépendamment du consentement & de l’autorité de son mari, elle a le choix d’en jouir par elle-même ou de lui en laisser l’administration : dans le doute cependant les biens sont présumés dotaux, & c’est le Contrat de mariage qui forme le titre de la distinetion. La Coûtume d’Auvergne, Chap. 14, Art. VIII & Ix mérite d’être remarquée : n Tous les biens que la femme a au temps des fiançailles, y est-il dit, sont tenus & reputés GUILLEF biens dotaux, s’il n’y a dot particulière constituée en traitant le mariage ; la femme constant GUILLEF son mariage peut disposer a son plaisir & volonté, sans le consentement de son mari, GUILLEF par quelque Contrat que ce soit, de ses biens paraphernaux & adventifs au profit de ses GUILLEF enfans & autres quelconque personnes, &c.Domat , des Loix civiles ; l’Auteur des Gains nupriaux, & mieux encore Bretonnier dans ses Questions alphab. nous ont donné des notions des biens paraphernaux de la femme. le n’ai garde de m engager dans le détail des questions épincuses qu’ils entrainent : je remarque seulement que le paraphernal Normand, loin d’être un bien particulier de la femme, se leve sur les biens du mari quand la femme a renoncé à sa succession. Il n’y a cependant que le terme hétéroclite : car dans toute la France coutumiere on n’a pas voulu priver la femme, qui a renoncé, des choses qui lui sont le plus nécessaires.Loysel , Instit. Gout. Liv. 3, Tit. 3, Regl. 21, pose, comme une maxime d’usage général, que la femme renonçant à la communauté,, : : : reprend ses propres & acquéts qu’elle avoit avant son mariage avec ses bons habita. Voyes Bourbonnois, Art. CexIV ; Ponthieu, XLV & XLVIII ; Chaunv, eXxxVIs Tours, CCXeIIl, Lodunois, Chap. 27. Art XXXIIl ; Bretagne, CecexxXyI ; Vermandois, XXVII.

Comme le paraphiernail de nôtre Coûtume suppose la succession du mari délabrée, comme il n’a été introduit que par un motif de commisération on ne peut assez s’étonner, suivant la remarque judicieuse de Pesnelle, qu’il ait été aussi étendu qu’il l’est par la Jurispru-dence : ce paraphernal devroit, d’aprés l’intention de la Loi, être personnel à la femme.

Cependant Basnage rapporte des Arrêts qui prouvent que la femme transinet la demande en parapliernal à ses héritiers, &, ce qui est encore moins supportable, à un second mari. Le paraphernal doit étre réduit au simple nécessaire, & on délivre journellement des meubles de luxe, d’aisante & de commodité. Il y en a qui pensent que les bagues & joyaux de la femme doivent entrer dans le paraphernal. le conviens qu’il y a des Coutumes qui le décident. ainsi en termes exprés. La Coûtume de Bretagne, Art. CCCCxxxVI, dit qu’on doit donner à la femme partie des joyaux & bagues ; je crois que nôtre Coutume n’en faifant aucune mention, on ne peut, à cet égard, user de trop de modération. Ecoutons duMoulin , S. 11s, n. 2, dixi quod hac renuncians non debet exire nuda, sed habere sua vestimenta ut vestes ordinarias secundum statum non autem que eadunt in modum peculil vel de cabinet.

VoyerCoquille , sur Nivernois Tit. 23. Art. XVI ;Boucheul , Art. CCEII, n. 69 & suiv. M.Bouhier , sur Bourg. Chap. 13, n. 7.

Il semble que le paraphernal doit dépendre de l’état de la succession du mari, de sa qualité, de la condition même de la femme, & de la nature des événemens qui ont dérangé sa fortune, si on peut s’attendrir sur le sort d’une femme d’une honnéte famille, dont la conduite a été sage, on ne doit pas de semblables égards à la femme d’un failli, qui a causé fa déroute & feandalisé par le rafinement de ses sépersluités.

Un Arrêt célèbre du 23 Juillet 155y, nous prouve que dans tous les temps l’intention de la Cout a été que la délivrance du paraphernal se fit fommairement. Les meubles suriesquels le paraphernal est prétendu doivent, suivant cet Arrêt, être appréciées dans la hui-taine de la demande ; la veuve dans trois jours est obligée de coter en marge de l’appreciation les meubles qu’elle reclame, & trois iours aprés la cote doit être contestée par un écrit ; & au défaut de cet écrit, le Juge passe à l’adjudication du paraphernal.Terrien , Liv. 7, Chap. 7

Le remport mobilier, stipulé par le Contrat de mariage, est un autre droit de la femme renoncante : on distingue le remport en deux classes ; le remport gratuit, quand le mari, qui n’a rien recu, consent que sa femme aprés son déces prenne tels objets sur son mobilier ; & le remport qu’on peut appeller à titre onéreux, quand il est prouvé, par le Traité de mariage, que la femme a apporté les effets dont le remport est stipulé ; le premier ne s’étend que sar les meubles du mari & sur le don mobil, & exclut le paraphernal ; le second affecte sans distinction tous les biens du mari comme toute autre dette, quand même la femme n’auroit fait aucun don mobil à son marit Arrêts des 25 Avril 1693 & ar Juillet 1733. Et on prétend que le-paraphernal & ce remport ne sont pas incompatibles, ayant des causes differen-tes, cependant on peut observer que si le remport, tel qu’il soit, tombe sur des meubles sujets auparaphernal, il est dun que des Créanciers en perte payent à la veuve l’estimatior des choses qu’elle prendra en essence.

Le rempont gratuit a cet inconvénient, qu’il peut servir à tromper les Créanciers du mari ainsi si dans le Traité de mariage il est stipule que la femme aura le choix de prendre sa chambre garnie, ses joyaux, ou une somme raisonnable en apparence, en outre, ses habits & lin-ges, un Marchand, par exemple, ou un Receveur d’une grande maison, qui prepare ine faillite, achete à sa femme des bijoux, un ameublement & des hardes du plus grand prix & bien au-dessus de leur condition, dans la pensée qu’aprés la faillite déclarée sa femme & lui en profiteront au moyen de la séparation civile ; l’intéret public exige que l’on sevisse contre ces fraudes ; aussi par Arrêt du 23 Août 1757, la Cour a réduit dans de seniblables. eirconstances un remport conventionnel, mais gratuit, au simple paraphernal coutumier, sur la poursuite d’un Créancier postérieur à la reconnoissance du Contrat de mariage, de sorte qu’il faut tenir d’apres cet Arrêt, que le remport mobilier gratuit n’a lieu que contre les héritiers du mari ; l’espèce d’un pareil Arrêt ne devroit-il point faire douter de la sincerité même des apports détaillés dans un Contrat de mariage à Rien n’est plus aisé aux Parties contractantes que de faire une énumération imaginaire suivie d’un prix sans objet : il faudroit bien moins s’attacher aux subtilités du droit qu’à la qualité des deux époux & à la recherche de leur fortune au temps de la célébration de leur mariage.