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CCCXCIX.
La propriété du tiers de l’immeuble destiné par la Coutume pour le Douaire de la Femme, est acquise aux Enfans du jour des épousailles ; & ce, pour les Contrats de Mariage qui se passeront par ci-aprés : & néanmoins la jouissance en demeure au Mari sa vie durant, sans toutefois qu’il le puisse vendre, engager ne hypothéquer ; comme en pareil cas, les Enfans ne pourront vendre, hypothéquer ou disposer dudit tiers avant la mort du Pere, & qu’ils ayent tous renoncé à sa succession.
Dans cet Article & les cinq suivans, il est disposé de la legitime que-la Coûtume a réservée aux enfans sur les biens des peres & des meres : Elle est appellée Douaire ou tiers légal, par le rapport qu’elle a au Doüaire des femmes, ou à la quantité des biens ausquels elle consiste : C’est une introduetion faite par la Coûtume réformée ; c’est pourquoi comme cette matière n’e-toit pas bien éclaircie par l’usage, il paroit qu’elle n’a été que comme cbauchée lors de cette réformation, ayant été nécessaire de la retoucher pour lui donner une forme plus complete qu’elle n’avoit, dans les principales expressions qui la représentent dans quelques-uns de ces Articles : Car il y est énon-cé que la propriété de ce tiers est acquise aux enfans du jour des epousailles, que la jouissance en appartient au pere pendant sa vie, que les enfans n’en ont la délivrance qu’aprés la mort du pere, & leur renonciation à sa succession, & que de plus, cette renonciation doit être faite par tous les en-sans ensemble : ce qui étant entendu suivant la signification littérale & ordinaire des paroles, causeroit de grandes erreurs dans l’esprit de ceux qui les lisent, & de grandes absurdités dans la pratique. Ce qui sera mis en évidence par les remarques qui seront faites sur un chacun de ces Articles.
Mais auparavant, il ne sera pas inutile de donner une notion générale de cette legitime coutumière : elle est bien différente de la legitime du Droit Romain, qui n’avoit été autorisée que pour limiter la puissance des testateurs, & pour conserver aux enfans héritiers par le droit naturel, quelque portion de biens dans les successions de leurs peres & meres, par préférence à des étrangers, ou institués héritiers ou légataires : de manière que par cette Jurisprudence, la liberté de disposer de ses biens par contrats faits entre per-sonnes vivantes, n’étoit point diminuée, ni le commerce, qui est si nécesfaire dans la vie civile, & qui se fait principalement par la vente & l’achat, par le pret, & par toutes les autres conventions qui emportent l’engagement ou l’aliénation des biens, n’étoit point rendu difficile, captieux & incertain.
Mais les Coutumes ne se sont pas contentées de donner des bornes tres-resserrées aux testamens, elles ont voulu restreindre le pouvoir de disposer des biens par les contrats entre vifs, & pour prévenir que les enfans ne tombassent dans la pauvreté, par la mauvaise conduite de leurs ascendans, elles ont privé les peres & les mères de la liberté de disposer de leurs biens, & ont si fort embarrassé le commerce, qu’on a raison de dire, qu’il est plus de faux acheteurs que de faux vendeurs : Outre que cette legitime coutumière a donté occasion à la tromperie & à la mauvaise foi des débiteurs, qui sous le prétexte du droit qu’ont leurs enfans sur leurs biens, font revivre leurs ancien-nes dettes, & reprennent la possession des biens qu’ils avoient vendus, cont ils jouissent impunément, apres en avoir dépouillé les possesseurs legitimes, qui en outre, par d’autres accidens, sont quelquefois dépossédés aprés une possession de plus de quarante années.1
Donc la légitime coutumiere ou le tiers légal consiste au tiers des biens que les peres & meres possedent lors de leurs épousailles, & qui leur échéent en ligne directe, & c’est la convenance qu’a ce droit avec le Doüaire coûtumier des femmes : Il a plus d’étenduë sur les biens des méres ; car il se prend généralement sur tous les biens qui leur échéent pendant leur mariage, sans distine-tion, si c’est par succession directe ou collatérale, ou par donation, ou par droit de conquêt.2
Ca ne peut pas dire, en parlant proprement, que la propriété de ce tiers soit acquile aux enfans absolument, car il faut qu’ils survivent à leurs peres & meres ; & s’ils prédécedent, le Douaire est aussi-bien éteint pour eux, que pour la mère mourante avant son mari, aux termes d’une apostille de duMoulin . De sorte que les contrats, par lesquels les peres & meres ont aliéné tous leurs biens, subfistent au cas de ce prédéces des enfans. On peut ajouter que ces mêmes contrats sont valables, au cas même que les enfans survivent, puisque les acquereurs sont maintenus en la propriéte & en la possession des biens faisant partie du tiers légal, qui leur ont été vendus par les peres & meres, en payant l’estimation des biens qu’ils ont acquis, suivant qu’il est expliqué par l’Article CCCCIII.
Ce droit donc des enfans ne consiste pas dans une propriété, mais plutôt dans un engagement, par lequel le tiers des biens des peres & des meres est tellement hypothéqué, que les peres & les mèrcs ne les peuvent aliéner franc. & quittes de cette légitime coutumière, même du consentement de leurs enfans.
Mais comme il n’y a qu’une quotité de biens, c’est-àdire, un tiers qui doive porter cette charge, si les peres & meres n’ont aliéné que les deux tiers, les enfans ne peuvent pas prétendre leur droit sur ces biens aliénés, il faut qu’ils le prennent lur l’autre tiers qui est resté aux mains de leurs peres & meres : dont il s’ensuit, que si les peres & meres ont aliéné plus que les deux tiers, il n’y a que les dernieres aliénations qui soient révocables par les enfans, jusqu’à la concurrence de ce qu’il faut pour le parfournissement de leur Douaire, par l’Article CCCCIII.
Les enfans de leur part ne peuvent vendre ni engager leur tiers pendant que leurs peres & meres vivent : de sorte que tous les contrats qu’ils peuvent faire pour cette vente ou engagement, pendant la vie de leurs peres & méres méme conjointement avec eux, ne peuvent jamais être exécutés, ni sur les biens qui composent cette legitime, en quelques mains qu’ils soient passés ni même sur les personnes, bien que ces mêmes contrats soient exécutoires sur les autres biens desdits enfans, comme il est attesté par l’Article LXXXV dudit Réglement.3
Ce qui a été dit, que le Douaire des enfans consiste au tiers des biens que le pere possede lors de son mariage, doit être expliqué, car quand le pere a marié plusieurs fois, le tiers des enfans n’est pas limité sur les biens que possédoit le pere nors de la célébration du mariage dont ils sont sortis ; car il est à l’option des enfans de prendre leur Douaire, cu égard aux biens que possédoit le pere, ou lors des premieres noces, ou lors des subséquentes, suivant ce qui sera remarqué plus au long sur l’Article CCCC.
Il faut de plus sçavoir que le tiers legal, lorsqu’il se prend en essence, est partagé entre les freres, suivant la qualité & la situation des héritages qui y sont compris ; mais que s’il se prend par estimation, il se partage également, & qu’en ces deux cas, les filles ordinairement ne peuvent prétendre que mariage avenant par l’Article CCCCII.
Aprés une représentation sommaire de la consistance & des dépendances du tiers légal, il faut reprendre les Articles qui en disposent, suivant l’ordre de la Coûtume. On peut dire sur le CCOxOIx, qu’il n’y en a point dans la Coûtume où il se rencontre tant de paroles qui ayent besoin d’être interprétées.
Car premierement, le terme de propriété ne se doit pas entendre absolument, comme il a été prouvé, mais avec la condition de survie des enfans, non puré sed limirativé, si liberi supervixerini patri, parce que si les enfans meurent avant le perc, ils ne transmettent point à leurs héritiers collatéraux cette imaginaire propriété, encore même qu’ils eussent eu la délivrance de leurs tiers, aux cas qui seront spécifiés ci-aprés : de sorte que le prédéces des enfans confirme pleinement la véritable propriété du pere, puisque les créanciers du pere, & le fisc même, seroient préférés tant aux créanciers qu’aux héritiers collatéraux des enfans4. Mais il faut remarquer que par les héritiers collatéraux, on ne dait pas entendre en cette occasion les freres ni les seurs, sinon ceux qui ne sont pas procreés d’un même pere ou d’une même mère, d’autant quo les biens ne peuvent passer d’une ligne à l’autre : car quand ils sont freres ou seurs du défunt, le tiers leur appartient à l’égard des biens ausquels ils auroient droit de succéder, ou par représentation de leurs frères & seurs prédécédes sans avoir renoncé ni fait option, ou par un droit d’accroissement, comme il a été jugé par deux Arrêts des 9 d’Août 1és8, & 15 de Décembre 16yo, rapportés par Basnage sur cet Article.5 Secondement, quoique sous le mot d’immeubles, les rentes, tant foncieres qu’hypotheques, & même les Offices, y soient compris ; néanmoins la propriété qui est atcribuée par cet Article, ne s’étend point sur ces sortes d’immeubles, que quand ils sont encore en la possession du pere lors de son dé-ces : Carsil a reçu le racquit des rentes, même des Seigneuriales, & s’il a disposde son Office, les enfans n’ont aucune action contre les debiteurs qui se sonc acquittés, ni contre les nouveaux titulaires de l’Office, & ils perdent leur Douaire, à moins qu’il n’y ait d’autres biens dans la succession, sur lesquels ils puissent avoir leur récompense : de la même manière, que la veuve a son Douaire & sa récompense en ces mêmes cas, suivant qu’il est attesté par l’Article LXXVI dudit Réglement de 1606.6
De plus, bien qu’il soit évident que les Fiefs sont des immeubles : néanmoins quand tout le bien de la succession ne consiste qu’en un Fief la pro-priété du tiers n’appartient pas aux enfans pour leur Douaire : car les Fiefs ne fe pouvant partager sans en diminuer la valeur, & les créanciers d’ailleurs étant réputés comme des ainés, il a été convenable de juger, que les enfans ne peuvent demander leur tiers en essence, mais seulement en deniers, ou suivant l’estimation qui doit être faite par Experts du Fief en son intégrité, ou suivant l’adjudication qui en aura été faite par décret : auquel cas de décret les enfans ont leur tiers en exemption des frais, du treizieme & du droit de consignation ; mais ils sont tenus de payer le tiers des dettes antérieures à leur legitime ; avec cette condition, que si les deux autres tiers de ces dettes anciennes ne peuvent être payées sur les deux autres tiers du prix de l’adjudication s ce qui peut arriver, quand le prix de l’adjudication est moindre que l’estimation faite par Experts, ou que ces dettes se trouvent plus grandes qu’elles n’avoient paru ; ) en ce cas, le reste desdites dettes antérieures sera payé sur le tiers pris par lesdits enfans, qui contribueront aux frais du decret & au trcizième, comme il a été jugé par un Arrêt donné par rapport le y d’Août 1675, rapporté parBasnage . La difficulté est semblable, quand tout le bien consiste uniquement dans une chose qui ne se peut partager sans une grande vincommodité, comme en une maison, c’est pourquoi il seroit à propos de la liciter entre les créanciers & les enfans.7 En troisieme lieu, par enfans, on entend les descendans en quelque degré qu’ils soient.
En quatrieme lieu, la propriété étant déclarée acquise du jour des épousailles, il sembleroit que pour esumer le tiers, il faudroit avoir égard à l’état auquel les biens étoient en ce temps-là, & supposer en faisant l’estimation pour la liquidation. & délivrance du tiers, qu’ils seroient au même état, & partant, que les augmentations faites sur ces mêmes biens depuis le mariage, par le travail ou dépense des pere & mere, devroient être déduites en faisant ladite estimation ; & qu’au contraire, la diminution de la valeur desdits biens arrivée, ou par mauvais ménage, ou par la vente des bâtimens & des bois de haute-fûtaie, devroit être estimée pour en donner récompense aux enfans : mais par les Arrêts on a jugé différemment des améliorations & des dégrademens ; parce qu’on a déclaré, que les améliorations étoient au prosit des enfans, comme faisant partie du bien sur lequel leur Douaire se doit prendre ; & qu’au contraire, les dégrademens & détériorations ne pouvoient y apporter de la diminution : ce qui ne paroit paséquitable à l’égard des améliorations, qui devroient être déduites quand elles augmentent confidérablement la valeur & le revenu des biens ; car il semble qu’il auroit été juste d’avoir au moins égard aux distinctions référées dans le Titre
De impensis in res doiales fadis, au Digeste, & à ce qui est décidé par les Loix 5, 8, 15 & 16 de ce même Titre : d’autant plus que le tiers légal n’est pas assigné sur de certains héritages sur lesquels les améliorations peuvent avoir été faites, de maniere que ces héritages ayant été aliènés, ne sont point affectés au tiers, qui se doit prendre sur les biens non aliénés, s’ils sont suffisans de le porter, sinon sur les dernieres aliénations, dans lesquelles même les acquereurs se peuvent maintenir, en payant le prix de l’estimation réglée par l’Ar-ticle CCCCIII.8 En cinquième lieu, quand il est dit que la jouissance du tiers appartient au mari sa vie durant, il le faut interprêter & entendre, que quand le mari ou pere est mort civilement ou que quand même il est dépossédé de ses hiens par le décret, en ces cas, les enfans doivent avoir la jouissance du Douaire, sive consentiente, sive repugnante paire ; parce que cette légitime étant donnée par la providence de la Loi, afin d’empécher que les enfans ne soient pas privés des moyens de subsister, par le mauvais ménage de leur pere, & par la dissipation qu’il aura faite de ses biens ; cette précaution seroit inutile, si les créanciers comme subrogés au droit du pere, jouissoient à l’exclusion des enfans, sur quoi on peut rapporter ce qu’à dit duMoulin , sur l’Article VIII de l’ancienne Coutume de Paris, Glose 4, que quand de la signification ordinaire des paroles d’une Loi sc’est ce que cet Auteur appelle corticem verborum ) il s’ensuit quelque absurdité, il faut dans l’interprétation de cette Loi, s’éloigner de ces paroles, & s’attacher à l’intention de cette même Loi, suivant la raison & l’équité naturelle, qu’on doit estimer être la Loi vivante.9
Basnage a remarqué, que quand les enfans jouissent de ce tiers, ils sont obligés de donner une partie de cette jouissance à leur pere pour sa nourriture, ce qui se doit estimer arbitrio boni viri, selon la valeur du Douaire & la qualité de la personne : de maniere toutefois ( ajoute ce même Auteur que si ce revenu étoit si modique, qu’à peine il pût suffire au pere pour lui subvenir, il seroit convenable de le lui donner tout entier, s’il étoit dans l’impuissan-ce de gagner sa vie, suivant qu’il a été jugé par un Arrêt du 1o Octobre 1660.
Mlais ne seroit-il point plus convenable de dire, que les enfans qui jouissent du tiers, en conséquence de ce que leur pere en est dépossédé, ou prût d’en être dépossédé par les créanciers, sont tenus de fournir les alimens à leur pere, parce qu’ils y sont obligés absolument par un devoir naturel & de piété, quand ils ont des biens, de quelque cause que proviennent ces biens ; C’est pourquoi ils y doivent être condamnés officio Judicis : ce qui a fait dire à Ulpien dans la Lois, ff. De agnoscendis & alendis liberis, vel parentibus, &c. Iniquissimum quis méritâ dixerit pairem egere, cûm silius sit in faculiatibus, que de dire que les enfans doivent laisser le tout ou partie du tiers à leur pere pour sa subsistance : car ce tiers n’a pas été réservé par la providence de la Couûtume, pour remédier à la pauvreté en laquelle le pere de famille peut tomber par son imprudence, mais uniquement pour empécher que les enfans procréés en legitime mariage ne fussent réduits dans un état misérable, en se trouvant dénuës de tous les biens ausquels ils avoient dû prétendre par leur naissance, & la condition de leurs pere & mère : de manière que quand la Coûtume a déClaré en cet Article, que la jouissance doit demeurer au pere sa vie durant, ce n’a été que pour expliquer, que la propriété qu’elle attribuoit aux enfans, ne leur appartenoit pas pleinement pendant la vie de leur pere : mais ce n’a pas été pour signifier que la jouissance de quelque partie de ces biens devoit être réservée au pere de famille, quand il les avoit engagés ou dissipés entierement, vu qu’il est certain, que quand il n’y a point d’enfans rien ne peut empécher que les créanciers n’exéeutent leurs contrats contre leur débiteur, & ne le dépouillent non-seulement de la propriété, mais de la possession & jouissance de tous les biens qui lui appartenoient lors de son mariage, & qu’il a depuis hypothéqués.
En sixieme lieu, si la jouissance que doit avoir le pere pendant sa vie, 2 été interprétée par une fiction, qui fait réputer que le pere ne vit plus, quand Il est depossédé de ses biens, ou par des condamnations capitales, ou par un décret ; on ne peut pas étendre cette fiction à l’égard de la clause de cet Article, par laquelle il est déclaré que les enfans ne peuvent vendre ni hypothe-quer leur tiers qu’aprés la mort de leur pere : car à cet égard le terme de mort ne s’entend que de la naturelle, étant certain qu’il n’y a aucun cas ausquels les enfans puissent aliéner ni engager leur douaire, pendant que leur pere est in rerum natura, parce que pendant ce temps ce n’est pas leur bien, comme il a été remarqué, dont il résulte que le manque de pouvoir de vendre ou d’engager, ne procede pas de l’inhabileté des enfans, puisqu’ils peu-vent obliger valablement leurs autres biens, même en cautionnant leur pere mais provient de la chose que la Coutume a voulu être inaliénable : que si l’obligation des enfans, par laquelle ils ont vendu ou engagé nommément & généralement leur tiers, ou particulièrement, en désignant quelques biens sur Esquels le tiers étoit assigné, est valable & exécutoire sur leurs autres biens elle ne peut néanmoins être executée sur leur personne, quoiqu’elle contienre la clause de la soumission par corps, elle ne peut pas même être exécutée sur les héritiers desdits enfans, quand ils n’ont point eu d’autres biens de la succession de leur prédécesseur que ceux du Douaire, suivant qu’il est attesté par l’Article LXXXV dudit Réglement.
Il faut enfin observer, que ce qui a été dit, que les enfans doivent contribuer au payement des dettes anciennes, qui sont des charges de droit, il faut distinguer entre les dettes mobiliaires & les immobiliaires : car quant à celles-ci, le Douaire y doit absolument contribuer ; mais pour les mobiliaires dont les arrérages des rentes antérieures au mariage, échus pendant la jouissance du pere, font partie, le tiers n’en est pas chargé, pourvu qu’elles puissent être acquittées sur les deux autres tiers du bien : car si ces deux tierne sont pas suffisans, les créanciers doivent être payés sur le tiers délaissé par non choix aux enfans.
Notre ancien Coutumier réputoit le Douaire de la femme viager, & il s’éteignoit par sa mort ; le tiers coutumier n’a pas une époque plus reculée que celle de la réformation de nôtre Coutume, & les dispositions de la Loi prouvent assez que cet important objet ne fut pas alors assez sérieusement approfondi. Les Coûtumes sont divisées sur ce point de droit municipal les unes ont persiste à déclarer le Douaire un simple usufruit, les autres en ont transmis la propriété aux enfans & à leurs descendans. On met dans la premiere classe, Meaux, Chap. 2, Art. x ; Sens, Tit. 17, Art. ClXil ; Auxerre, Tit. 1o, Art. coxV ; Monfort, Chap. 12, Art. CXXXix ; Orléans, Tit. 12, Art. Cc7x ; Poitou, Tit. 4, Art. CCLVII, Vitry, Tit. 5, Art. Lxxxx : on peut encore y joindre Bretagne, Aniou & le Maine. On met dans la seconde classe, Paris 249 & suiv. Melun, Chap. 15, Art. CCXLI ; Mantes, Chap. 12, Art. CLXXVI, Senlis, Tit. 8, Art. CLXXVII ; Clermont, Tit. 13, Art. CLX. Valois, Tit. 8, Art. CII ; Nivernois, Chap. 2d. Art. VIII ; Chartres, Chap. 5, Art. LIII ; Dreux, Chap. 24. Art. LIII ; Dunois, Chap. 13, Art. LXX. Consultés la Conférence des Coûtumes parGuénois .
Les Coutumes citées en dernier lieu confondent le Douaire de la veuve avec celui des enfans ; ce que nous appellons tiers coutumier, ils l’appellent le Douaire des enfans, & cette dénomination n’est pas vaine, car elles en tirent des conséquences entiérement opposées à nos maximes, comme je le remarquerai dans son temps : elles conviennent cepen-dant avec nous, en ce qu’elles ont pour but d’assurer une subsistance aux enfans sur les débris de la fortune de leur pere.
Ce n’étoit pas assez, ditBerault , d’avoit défendu l’institution d’héritier, d’avoir proserit ce chef-d’oeuvre de la Jurisprudence Romaine, on a cru devoir mettre des bornes à la liberté indéfinie d’aliéner des afcendans, pour ne pas réduire des citoyens à devenir par leur indigence un poids accablant pour la société. L’homme en se mariant ne devroit plus se considérer que comme l’administrateur de son bien ; la Loi lui en rétranche une portion, dont il ne peut plus abuser : heureuse impuissance, dont le bien public est la fin principale l Basnage se plaint de ce que nos peres ont été trop économes, en limitant au tiers des immeubles en faveur des enfans, l’interdiction de disposer : belle lecon pour ceux qui se récrient contre un si sage établissement & qui y remarquent au piége continuellement tendu à la vigilance des Créanciers, comme si les Créanciers pouvoient ou devoient ignorer l’état d’un pere qui a des enfans
Au surplus, le tiers coutumier n’a rien de commun, ni avec la légitime du Droit écrit, ni avec celle qui est usitée en différentes Coutumes, la légitime est un préservatif contre des dispositions gratuites, inofficieuses, elle suppose la qualité d’héritier dans la personne de celui qui la reclame : la quotité n’est pas par-tout uniforme, elle varie ; quel rapport auroit-elle donc avec le tiers-coutumier,
Quoique le tiers coutumier soit un présent de la Loi, il se prend sur les biens du pere ainsi un fils légitimement déshérité ne peut en former la demande, l’intention de la Coutume n’est pas de conserver la légitime à des enfans ingrats qui ont violé les droits les plus facrés de la nature :Basnage . Ils ne sont pas même comptés au rang des enfans pour diminuer le tiers contumier.
Régulièrement le tiers coutumier se leve sur les immeubles ; cependant, par convention, il se peut prendre sur les meubles au défaut d’immeubles : Arrét du 28 Juin 1619 ;Terrien , sur l’ancienne Coutume, de Bref de Douaire à femme, Chap. 5.Bérault .
Les petits-fils qui ont renoncé à la succession de leur pere décédé avant leur aieul, & à celle de leur aieul, peuvent demander le tiers coutumier que leur pere auroit pu prétendre sur la succession de cet aieul, s’ilme l’eûr pas prédécédé à l’hypotheque du Contrat de mariage dudit aieul : Arrêt en Réglement du a Mars 1733. 6 etiam nepotibus ex eis parente pramortuo, duMoulin , sur Senlis, Art. CLXXVII.
Mais si le pere avoit survéeu l’aieul & qu’il eût accepté sa succession, les petits enfans n’auroient leur tiers coutumier sur les biens de leur nieul, que du jour du Contrat de mariage de leur pere, agréé & consenti par leur aieul, conformément à l’Article CCCLxix de la Coûtume, à l’Arrét du Conseil du 3o Août 1687, & à un Arrét de Réglement du 11 Juillet 1707.
Quand il est arrété par le Contrat de mariage que la femme aura moins que le tiers en Douaire, ce qui peut seul s’appeller parmi nous le Douaire préfix, cette clause ne préjudicie point au droit des enfans, ils n’en ont pas moins le tiers coutumier en son inté-grité, la clause n’opere que contre la femme. Il n’en est pas de mê-ne à Paris, si la femme a préféré le Douaire préfix, quoique moins avantageux, dans le cas où elle a l’optionDuplessis , du Douaire, Chap. 2, Sect. 2, dit que les enfans même aprés le décés de leur mere, ne peuvent debattre l’option qu’elle aura faite ni reclamer le Douaire coûtumier.
L’Auteur des additions sur leBrun , des Succes. Liv. 2, Chap. 5, Sect. 1, dist ;, n. l2, estime que si la veuve étoit mineure lors de son option, elle est restituable même au préjudice de ses enfans ; mais la voie de restitution lui est fermée, si elle étoit majeure, nonobs-tant que les enfans eussent un intéret qu’elle fût restituée, quand il y a des Créanciers qui s’opposent, parce que l’option du Douaire préfix, ou coutumier est de celles qui emportent exécution : c’est expliquer l’opinion deDuplessis . Voyer cependant le Traité des Pro-pres deRenusson .
Les enfans, pendant le cours de la vie de leur pere, ne peuvent engager leur tiers pour des dettes même que le droit naturel autorise, comme pour rendre la liberté à un pere detenu dans les prisons : Arrét du 3o Juillet 163y, qui entérina les Lettres de rescision des enfans contre une obligation de cette espèce, & le tiers fut déclaré exempt du eautionnement : Traité des Hypotheques ; ainsi la soeur, venant à succéder a son frere, aura le tiers entier sans être assujettie aux dettes qu’il aura contractées pendant lavie du pere : iArrêt du11 Août 1655.Basnage .Renusson , du Douaire, Chap. 10, n. 10, dit, aprésBacquet , des Droits de Justice, n. 48, que les enfans, même mineurs, peuvent pendant la vie de leur pere renoncer au Douaire pour faciliter la vente de ses biens, à l’effet de le délivrer de prison, & il-cite l’Arrêt de Boisconville du 11 Avril 1571. L’autenth. Si capti alicujus liberi cod. de Episc. & Cleric. & la Loi, Si ideo de folut. matrim. Dans le fait, le pere étoit détenu en prison, & son bien étoit saisi réellement pour le pavement de condamnations résultantes de crime ; le fils n’étoit âgé que de dix-sent ans il consentit que le bien de son pere fût rendu : par l’Arrét rendu sur les Conclusions de M. le Procureur-Géneral il fut ordonne qu’il seroit procé lé à l’Adjudication, sans espoir de restitution pour le fils mineur : cette décision est pleine d’humanité ; mais aprés l’Arrét de ce Parlement, que je viens de citer, je doute si l’Arrét du Parlement de Paris seroit suivi en Normandie.
DuMoulin , sur l’Article ClxxVII de Senlis, suppose aussi la cond’tion de survie des enfans : ntellige, dit-il, in casum quo supervivant patri, non autem quod morientes sine liberis ante patrem pssint transouttere ad alios quûmt ad alios ejusdem matrimonii liberos, aut nenutes ex iis dic, quod vivo patre nun possant alienare vel hypoihecare. Le même sur l’Article LV de Chartres ; sed si omnes fili mr’untur sine liberis naturalibus & legitimis ante patrent dourium peritus extinguitur, sieut surerviverent, & adirent hereditatem. Du Moulin s’explique encore de même sur l’Article CXV de la Coutume de Valois. De sorte que le sort des alienations que le pere fait de son bien, dépend de l’événement de la mort prématurée des enfans ou de leur survie.
La Jurisprudence, atrestée par Pesnelle étoit en usage des le temps que Béranlt écrivoit ; il rapporte un Arrét du Is Décembre Ioië qui décide la question in terminis : Un pere, aprés avoir vendu presque tous ses héritages, meurr, & laisse deux filles, alors mineures ; on néglige de leur établir un tuteur, elles jouissent des débris de la succession de leur pere, & décedent étant encore en minorité : un cousin-germain leur succede, il renonce a la succession de leur pere, & prétend exercer à leur droit le tiers coutumier de l’Article CCoxClx, il obtient même incidemment des Lettres de restitution contre les actes d’héritier que ces filles auroient pu faire. Le Bailli de Mortain l’avoit débouté de ses demandes principales & incidentes : par l’Arrêt, la Sentence fut confirmée. Nous avons un Arrêt du 2S Juillet 175z, qui paroit être en plus forts termes : Un partièulier ayant renoncé solemnellement a la succession de son pere, avec déclaration de poursuivre ses droits & les actions qui lui étoient acquises par notre Coutume contre les acquercurs des biens paternels, décéda sans avoir formé aucune demande en tiers coutumier ; ses Cousins-germains en ayant fait la demande apres sa mort, y furent déclarés non recevables par cet Arrét. Gependant, quand nous disons que l’option du tiers n’est pas transmissible aux héritiers collatéraux, nous excepions les freres & les sours du défunt qui sont de l ligne : car si un des enfans vient à mourir, soit qu’il ait formé la demande du tiers ou qu’il n’ait point passé de déclaration, sa part dans le tiers accroit aux autres enfans : ainsi jugé par l’Arrêt de Belhôtel.Basnage .
La décision de l’Article LXXVI du Réglement de 166è me paroit trop étenduë, & quelque faveur que mérite la libération, si vous la portez à l’exces, elle devient facilement une in-justice. le voudrois donc que l’amortissement d’une rente foncière non rachétable de sa nature, ne fût toléré pendant le mariage, que quand le pere a d’autres biens sur lesquels le tiers coutumier peut être levé, j’ai cité lous l’Article CCCCVI de la CoûtumeRenusson , du Douai-re, Chap. 3, n. 75 ; qu’il me soit permis de le citer une seconde fois. Est-il bien possible de ne pas convenir, avec cet Auteur, que la rente fonciere, dont le Créancier ne peut être forcé de recevoir le capital, a les qualités nécessaires pour représenter le fonds qui la doit, & que l’aliénation d’une pareille rente, purement volontaire, a les caracteres de P’aliénation d’un héritage. Un pere, en se mariant, a pour tout patrimoine une rente considérable de cette espece : pourquoi lui avoir permis d’en dissiper follement le prix, au pre-judice Souvent d’un enfant, dans les liens de la minorité, & qui n’a d’autre protccteur que la Loi contre un danger qu’il ne peut prévenir
Les Créanciers antérieurs au tiers coutumier peuvent, sans difficulté, faire décréter tout le Fief, puisqu’il est liypothéqué à des dettes qui précedent le droit des enfans ; mais les enfans auroient le droit de demander la délivrance de leur tiers en essence contre les Créanciers postérieurs, cessant l’indivisibilité du Fief ; c’est ce qui fait dire àBasnage , que ce tiers est décrété au péril des Créanciers, & qu’il peut arriver qu’ils éprouveront une perte effective, si l’estimation du tiers est plus considérable que celle de l’Ad-judication.
Renusson , du Douaire, Chap. 3, n. 80, rapporte différens Arrêts d’apresMontholon Bacquet , des Droits de Just,Bouguier , D, n. 18 ;Auzanet , sur Paris 247, d’où l’on doit conclure que les augmentations que le pere a faites sur l’héritage sujet au tiers coutumier, cedent au profit des enfans sans aucun remboursement : cette Jurisprudence ne plait pes àRenusson , si des Créanciers privilégiés ont prété les sommes employées à faire ces augmentations, il est juste, dit-il, qu’ils en soient récompensés, en tant que l’héritage est de plus grande valeur ;Mornac , sur la Loi. Quib. mod. usufi. dit, que si le pere a conservé, par exemple, quelque chose de la fondation des anciens batimens, les demandeurs en tiers coutumier profitent des augmentations ; mais qu’il n’en est pas de même, si le pere a pendant le mariage élev & le batiment depuis les fondemens. Toutes ces considérations. se sont présentées aux Juges qui ont rendu les Arrêts cités parRenusson , & ils n’y ont en aucun égard. Il est une maxime genérale, superficies solo cedit, d’ailleurs si vous obligés les enfans à rembourser ces sortes d’impenses, vous les contraindrez, contre le cc de la Loi, d’aliéner le tiers coutomier. Nous suivons la même Jurisprudence, & la questic : s’étant présentée en la Chambre de l’Edit, elle fut décidée en faveur des enfans, par 1ri è1 du S lanvier 1652.Basnage .
Les dégrademens commis par le pere ne diminuent point le tiers des enfans ; cette maxime proposée par Pesnelle est bien établie par deux Arrêts des premier & 9Août 1646 18S59, & il fut jugé que pour le Douaire de la femme & le tiers des enfans, on seroit estimation de quinze cens chénes que le mari avoit abattus sur ses fonds, & on réserva la question des autres dégrademens ; il est à propos cependant de faire la distinction des arbres qu’un mari abat pour son profit faire, & de ceux qu’il emploie à son usage.Basnage .
, du Douaire, Chap. 3, n. 78, décide que quand Renusson estime les démolitions & dégradations, l’estimation ne doit pas se régler sur la diminution de la valeur du revenu, mais sur la moins valeur du fonds.
La Coutume de Paris semble déterminer par le texte même, à ne départir aux enfans la jouissanco du Douaire qu’apres la mort naturelle du pere : on ne s’attache pas cr Normandie aux termes de la Loi, mais à la raison & à la fin principale de la Loi. Tant que le pere peut jouir du tiers coûtumier pour la subsistance de sa famille, nous lui en conservons la jouissance ; mais aussi tût qu’il est sur le point d’être dépouillé par ses Créanciers, comme il ne peut plus remplir l’intention de la Loi, les enfans qui ont un droit acquis du jour du Contrat de mariage, peuvent le revendiquer & ils sont écoutés, ainsi le pere a la liberté d’abandonner le tiersà ses enfans, ou si les Créanciers ont prévenu par une saisie réelle, les enfans en peuvent demander distraction même contre les Créanciers antérieurs en payant le tiers des dettes & en donnant caution que les deux autres tiers seront acquittés sur le surplus des biens saisis en exemption de tous frais. On aainsi jugé, dans le cas de l’abandonnement du tiers, au Parlement de Paris, par Arrét du oMai 1S91, rapporté dans le cinquieme tome du Journal des Audiences : il étoit question d’un abandonnement que le Duc d’Elbeuf avoit fait à ses enfans du premier & second lit, des terres d’Elbeuf & de Lislebonne pour leur tiers coutumier & les deniers dotaux de leurs meres ; il fut confirmé par cet Arrét. C’est par une suite de cette Jurisprudence que si la femme separée, qui a obtenu délivrance de son Douaire, vient mourir, les enfans jouissent du tiers coutumier pendant la vie du pere, l’usufruit se consolide à la propriété, suivant l’Arrêt célèbre de Desobaux, rapporté parBérault .