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CCCC.

S’il y a Enfans de divers lits, tous ensemble n’auront qu’un tiers, demeurant à leur option de le prendre au regard des biens que leur Pere possédoit lors des premieres, secondes ou autres nôces ; & sans que ledit tiers diminue le Douaire de la seconde, tierce ou autre Femme, lesquelles auront plein Douaire sur le total bien que le Mari avoit lors de ses époufailles, si autrement n’est convenu.

Il fait connoître que le commencement de l’Article précédent, qui regle le Douaire des enfans par le Douaire coutumier de la femme, se doit entendre suivant le cas le plus ordinaire, qui est, quand le pere n’a marié qu’une fois : car alors le Douaire de la femme & celui des enfans, sont relatifs l’urs à l’autre, & consistent aux mêmes biens ; mais quand le pere a matié piusicer : fois, le Douaire & le tiers légal peuvent être fort différens, tarce que le ti-rdes enfans se peut prendre, eu égard aux biens que le pere possedoit au tenn. ou des premieres, ou des secondes & autres nôces, selon que les enfans jugei.

qu’il leur est plus avantageux ; mais le Doüaire de la femme ne se regle que par rapport aux biens que le mari possédoit lors de son mariage avec la Douairiere, lors duquel il fe peut faire que le mari aura plus ou moins de biens qu’il n’en avoit lors de les précédens mariages.1

L’Article LXXXVI dudit Réglement atteste qu’afin que les enfans puissent oprer leur tiers, par rapport aux premieres & aux subséquentes nôces de leur pere, il n’est pas nécessaire qu’il y ait des enfans vivans de tous les mariages, au temps de cette option ( ce que la Coûtume semble requérir par cet Artiele ) mais qu’il suffit que les enfans qui ont droit de demander le tiers, soient nés avant la mort des enfans des mariages précédens : encore qu’il n’en fût resté aucuns vivans ; on a même jugé par un Arrêt rendu en l’Audience de la Grand Chambre, le ro de Mars 1673, rapporté parBasnage , qu’il susfisoit que les enfans des dernieres noces fussent conçus avant la mort des enfans des précédens mariages, pour avoir acquis ce droit d’option ; ce qui fait entendre que ce droit d’option, quoiqu’il n’ait eû aucune existence, est transmiilible aux enfans des dernieres nôces, soit qu’ils soient nés, ou seulement conçus lors du décés des enfans nés des précédentes, quod mirandum : Il semble qu’il faudroit juger la même chose en faveur des enfans des premieres noces, si les enfans des mariages subséquens étoient décédés avant la mort du pere, dont la fortune auroit été plus opulente au temps de ses derniers mariages qu’au temps des premiers, vu que la raison est semblable, & que les premiers nés ne sont pas moins favorables que les puinés, à moins qu’on ne veuille dire, que ce qui a été jugé contre les regles, ne doit point être tiré à conséquence.

Ce qui est attesté par l’Articie LXXXVII dudit Réglement, a semblablement éclairci ce qui est mis à la fin de cet Article, sçavoir, que le tiers des enfans ne diminue point le Douaire de la femme qui doit avoir plein Douaire sur tout le bien que le mari avoit lors des épousailles ; en ajoutant, que la derniere femme ne peut avoir Douaire que sur les biens dont elle a trouvé son mari faisi lors de leur mariage, ou qui lui est depuis échu en ligne directe. Il faut voir les Articles CCLIII & CCLIV de la Coutume de Paris, qui sont contraires à la Coutume de Normandie, en tant que les enfans de divers lits ne peuvent avoir le Douaire que suivant celui de leurs meres.2


1

La Jurisprudence du Parlement de Paris n’a aucun rapport avec la nôtre, le Douaire des enfans est toujours à Paris le même que le Douaire de la veuve : les enfans y ont en propriété ce que la femme a par usufruit ; le Douaire coutumier de la premiere femme est la moitié des immeuvles que le mari possedoit au temps du mariage & de la moitié de ceux qui lui sont échus en ligne directe : le Douaire de la seconde femme comprend le quart des mêmes héritages dont le premier Douaire est composé, la moitié des immeubles qui sont venus au mari en ligne collatérale pendant son premier mariage, la moitié des conquêts de sa premiere communauté, si les héritiers de la premiere femme y ont renoncé, sinon la moitié de la part du mari, la moitié des propres qui lui sont échus par suc-cession entre les deux mariages, & des acquêts qu’il peut avoir faits dans cet intervalle, la moitié enfin des propres qui lui sont venus pendant ce second mariage par succession directe : voila quel sera le Douaire en propriété des enfans du second lit. Si les enfans du premier lit meurent pendant le second mariage avant le pere, le Douaire de la femme & des enfaus du second lit ne sera pas augmenté par leur déces il est toujours le même, & le bien du pere qui étoit sujet au premier Douaire devient libre jusqu’à la concurrence de ce premier Douaire. Si le pere avoit contracté des dettes depuis le premier mariage, les enfans du second lit n’ont rien à prétendre qu’aprés que les dettes contractées depuis le premier mariage ont été acquittées ; & si les dettes absorbent le surplus du bien, les enfans du second lit n’auront aucun Douaire, car ils ne peuvent rien prétendre sur le Douaire des enfans du premier lit. LeBrun , Liv. 2, Chap. 5, Sect. 1, dist. 1, n. 12.

Renusson , du Douaire, Chap. 11.

Le tiers coûtumier des enfans ne se regle point en Normandie sur le Douaire de la femme & l’un & l’autre peuvent être fort différens dans le cas où le pere a marié plusieurs fois. Le Douaire de la seconde ou troisieme femme n’a lieu que sur les biens dont le mari étoit saisi lorsqu’il l’épousa ou qui lui seroient échus depuis en ligne directe. Supposez que le mari n’ait des enfans que du premier mariage ; supposez enfuite que le mari fût fort riche quand il maria la premiere fois, qu’il ait dérangé sa fortune auparavant de former de nouveaux noeuds, le Douaire de la seconde femme étant chargé de toutes les dettes antérieures à son mariage, il sera beaucoup moins considérable que le tiers coutumier des enfans du premier mariage ; mais si depuis le premier mariage & dans l’inter-valle d’un second le mari a fait des acquisitions importantes, & qu’il n’ait dissipé que depuis son second engagement, le Douaire de la seconde femme aura l’avantage sur le tiers coutumier.

Nous ne suivons point la Coutume de Paris, nous regardons les enfans sortis d’un même pere, quoique de divers lits, d’un ceil égal ; & pour peu que les enfans du second mariage soient concus avant la mort de ceux du premier, les enfans du second lit peuvent opter leur tiers coutumier comme du temps du premier mariage : c’est encore dans cette espece qu’éclate plus sensiblement la différence du Douaire & du tiers coutumier, & il arrive journellement que la mere est traitée avec plus de rigueur que ses propres enfans.

Des considerations particulieres peuvent engager les enfans d’un premier lit à se porter licritiers de leur pere ; mais ce parti n’ôte point aux enfans du second lit la liberté d’opter, dans le cas de cet Article, leur part dans le tiers coutumier, comme du temps du premienr mariage du pere commun : car cette faculté est un bénéfice de la Loi.Basnage .

Le même Auteur observe que la séparation de biens d’une premiere femme ne prive point la seconde femme de son Douaire, sous le prêtere que la propriété du tiers seroit acquise aux enfans du premier lit des l’instant du déces de leur mere : Arrêt du 18 de Juin 1657.

Cet Arrét paroit avoir été rendu sur le fait particulier : la séparation étoit nulle, elle n’avoit jamais eu d’exécution, il n’y avoit point eu de lots à Douaire, les noms des mariés n’avoient point été inscrits au Tabellionnage.

La promesse du pere de garder sa succession à ses enfans ne forme aucun obstacle au Douaire d’une seconde femme mariée depuis ; mais elle n’a point de Douaire sur l’avancement antérieur d’un corps héréditaire qui opere une translation de propriété actuelle : Arrét du 16 Mars 1690.Basnage .


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Les Arrêts de Gourfaleur & de Sassey, rapportés par Basnage sar cet Article, ne permettent pas de douter en cette Province, que quand le pere, auparavant de contracter un second ou un troisieme mariage, a aliéné tous ses biens, & que les enfans, tant du premier que des autres lits, n’ont d’autres ressources que dans le tiers coutumier comme du jour du premier mariage, la seconde ou la troisieme femme ne peut prétendre auc in Douaire. On a cependant jugé le contraire, par Arrét du Parlement de Paris du 18l in 1S9y, rapporté dans le cinquieme volume du Journal des Audiences. Dans le fait, Mi le Duc d’Elbeuf, troisieme du nom, avoit marié trois fois, & laissé au temps de son déces des enfans issus des trois mariages. Depuis son premier mariage jusqu’au troisieme il avoit contracté des dettes qui absorboient plus que la totalité de ses biens. Le S Juin 1o8â, il abandonna aux enfans du premier & du second lit le Duché d’Elbeuf & le Comté de Lissebonne, tant pour leur tiers coutumier que pour les deniers dotaux de leurs meres.

J’ai rapporté sous l’Article Ccoxeix l’Arrêt de 16o1, qui confirma l’abandonnemert.

Au mois d’Août 1W8a le Duc d’Elbeuf épousa en troisieme nôces la Dame de Montaule de Navailles ; la Dame de Montault prétendit, aprés sa mort, Donaire sur le tiers coutumier opté par les enfans, comme du jour du premier mariage & en exemption des de-tes que son mari avoit contractées depuis. Je ne ferai qu’indiquer les moyens respectifs de la Dame de Montault & des enfans du Duc d’Elbeuf, ils sont développés par l’Auteur du Journal. La Dame de Montiult disoit que le pere, au temps d’un troisieme mariage, possede le même tiers coûtumier qu’il possédoit au temps de son premier mariage, puisque les enfans, quoique de divers lits, prennent le tiers sur le pied du premier manage ; le pere ni les enfans n’ont pu en aucun temps vendre ni hypothéquer ce tiers : la Loi qui porte cette défense stpule en faveur de leur intéret commun. La troisieme femme a donc trouvé son mari saisi du tiers coutumier comme du jour de son premier mariage : elle doit donc y prendre Doüaire, aux termes de l’Art. CCOLXVII de la Coutume. L’Art. CCCC décide que le ters coutumier ie Ii niue point le Douaire de la seconde ou troisieme femme ; il doit en réulter que le pere a pu affectet au Douaire de cette seconde ou troisieme femme la tiers coutumier, de quelque temps qu’il foit opté par les enfans. Il seroit en effet absurde de donner part aux enfans du troisiene lit dans le tiers pris comme du jour du premier mariage & d’en priver leur mere. La Dame de Montault soutenoit encore que son Douaire devoit être exempt des dettes contractées par le Duc d’Elbeuf depuis son premier mariage, le tiers coutumier en est déchargé : son Douaire devoit donc avoir le même avan-tage. Elle ajoutoit qu’on ne pouvoit lui opposer l’acte d’abandonnement fait par son mari à ses enfans avant le troisieme mariage ; on ne peut, disoit elle, considérer cet abandonnement que comme une cession de fruits pour prévenir les saisies des Créanciers 3 c’étoit l’exécution d’un conseil de famille, entre un pere & ses enfans pour conserver au Duc d’Elbeuf, sous le nom de ses enfans, la jouissance du Duché d’Elbeuf puisque par l’abandonnement les enfans n’avoient pas acquis la liberté de disposer, pendant la vie du Duc d’Elbeuf, des objets cédes ; elle s’aidoit de l’opinion deGodefroy , de l’Arrêt de Halard, cité parBasnage , & de plusieurs consultations des Avocats de Normandie. Les enfans du Duc d’Elbeuf répondoient que le Douaire de la femme, est l’usufruit du tiers des choses immeubles dont le mari est saisi lors de leurs épousailles, & de ce qui lui est depuis échu constant le mariage en ligne directe. Le Duc d’Elbeuf, au temps de son troisieme mariage, n’étoit faisi d’aucuns immeubles, puisque pour s’acquitter des deniers dotaux des femmes qu’il avoit précédemment épousées & du tiers coutumier il avoit abandonné à ses enfans le Duché d’Elbeuf & le Comté de Lissebonne. Si M. le Duc d’Elbeuf les avoit alieénés au profit d’un étranger, la Dame de Montault n’auroit aucun pré-texte pour y demander Douaire, l’abandonnement fait à ses enfans, Créanciers, en verte de la Loi & des conventions de leurs meres, devoit produire le même effet. Le Douaire de la femme ne se regle pas par l’Artiele CCexelx, mais par l’Article CCCLXVIr de la Coûtume. Quand la Loi permet aux enfans d’un second ou troisieme lit d’opter le tiers coutumier sur le pied du premier mariage, la faveur est personnelle & incommunicable, la Loi se proposant uniquement d’établir l’égalité entre les enfans d’un même pere.

Il est vrai que suivant l’Article CCCC, le tiers des enfans ne diminue pas le Douaire de la seconde ou troisieme femme ; mais ce Douaire est en même-temps limité au tiers de l’usufruit du bien que le pere possédoit au temps des épousailles. Si M. le Duc d’Elbeuf, auparavant son troisieme mariage, n’avoit aliéné que les deux tiers de son bien, la Dame de Montault auroit certainement Douaire sur le tiers non vendu au préjudice de tous les enfans : & c’est ainsi qu’il faut entendre Godefroy : ce qui fait dire àBasnage , qu’il n’importe à la seconde ou troisieme femme que le mari ait des enfans d’un ou de différens mariages ou qu’il n’y en ait que d’un, ou qu’il n’y en ait point du tout, la femme a toujours son Douaire acquis sur les immeubles possedes par le mari au temps du Econd on troisieme mariage : voils, dit ce Commentateur, le point fixe & inaltérable.

Il est donc vrai, en dernière analyse, que des que le Duc d’Elbeuf n’avoit aucuns immeubles au temps de son troisieme mariage, & qu’il est constant qu’il avoit dissipé son bien depuis son premier mariage, la Dame de Montault ne peut prétendre aucun Douaire sur le tiers coutumier des enfans. Comment ose-t-elle le prétendre en exemption de dettes, tandis qu’il est de principe que les femmes, à raison de leur Douaire, contribuent aux dettes antérieures à leur mariage même aux dettes mobiliaires, si elles ne peuvent être supportées par les deux autres tiers du bien de leur mari ; Les anfans du Duc d’Elbeuf établissoient au surplus qu’ils n’étoient pas dans l’espèce de l’Arrét de Halard, ils s’aidoient des Arrêts de Gourfaleur & de Sassey, & de plusieurs consultations ; cependant par l’Arrêt, il fut accordé à la Dame de Montault l’usufruit de la troisieme partie du tiers coutumier en exemption des dettes contractées par le Duc d’Elbeuf depuis son premier mariage. Voyer dans Basnage l’Arrêt de Chourses qui est encore plus singulier. Loyes encore les Consultations deDuplessis .

L’Arrét que je viens de citer ne seroit pas suivi en Normandie ; mais si la Dame de Montault n’eût pas eu de bien pour subsister, on auroit condamné les enfans sortis de son mariage à lui payer une pension sur leur part dans le tiers coutumier : cer il n’y a point de Loi plus forte que celle qui oblige les enfans à noutrir leurs pere & nère.

Voyer la Dissertation de Laurière dans le Glossaire du Droit François, terb. tiers coutumier vous y remarquerez encore des principes opposés aux nôtres.

Bérault , sur cet Article, forme la question de sçavoir si le fils peut proroquer l’interdiction de son père ; la personne d’un pere est, sans doute, facrée, il ne semble pas que le fils puisijouer le principal rûle dans une aussi triste scene ; le Ministere public, sur les avis qu’il en re-coit, recueille le suffrage des parens ; la Justice discute elle-même la conduite du pere, & selon les cas on peut lui appliquer, comme aux autres, cette maxime précieese à la vie civile, publice interest ne quis re sud male utatur ; mais on doit réprimer sevérement un enfant que la cupidité arme contre l’auteur de ses jours, nous avons un exemple mémorable d’une Justice exacte dans un Arrêt du 3o Juillet 1751, rendu contre un fils qui, par des trames odieuses avoit scu mettre sa mère dans les liens de l’interdiction : le fils, par cet Arrêt, a été condamné par corps à remettre à sa mere ses effets, & de lui demander pardon devant telles personnes qu’elle voudroit choisir.