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CCCCI.

Et ne pourront les Enfans accepter ledit tiers, si tous ensemble ne renoncent à la succession paternelle, & rapportent toutes donations & autres avantages qu’ils pourroient avoir de lui.

Cet Article est une continuation de ce que la Coutume a ordonné touchant la légitime des enfans, qui est appellée le Tiers legal, ou le Douaire coûtumier des enfans. Et quoique les paroles dont cet Article est composé, paroissent claires & sans aucune ambiguité, on a cru qu’il les falloir interpréter contre leur propre signification, afin de leur donner un sens qui ne répugne point à la pensée de justice & d’équité, dont on est prévenu.

Les Commentateurs & les Juges ont eu en vue deux cas, qui peuvent vraisemblablement arriver. Le premier est de plusieurs enfans, dont quelques-uns voudront accepter la succession de leur pere, que les autres voudront répudier. Le second cas est d’un ou de plusieurs enfans avancés par leur pere, qui pour n’être point obligés de rapporter les dons qui leur auroient été faits, renonceroient à la succession de leur donateur.

Dans ces cas, on ne pouvoit comprendre comment il étoit possible d’accorder le Douaire aux enfans, si pour l’obtenir il étoit nécessaire que tous les enfans ensemble renonçassent à la succession, & de plus rapportasient toutes les donations & les avantages qui leur auroient été faits, comme il est pre-cisément & absolument prescrit par cet Article CCCCI, vu que dans le premier cas, quelques-uns des enfans voudroient être héritiers, & partant ne re-noncer point ; & que dans l’autre on voudroit renoncer, pour n’être pas tenu au rapport.

Ce qui semble ne pouvoir être empèché raisonnablement ni équitablement, soit par les enfans, soit par les créanciers, d’autant que la faculté d’accepter une succession ou de la répudier, est donnée à un chacun des heritiers présomprifs, & ne doit point dépendre de la volonté d’un autre, de sorte qu’on ne peut point dire sans absurdité, qu’un frere foit obligé d’accepter ou de répudier la succession de son pere, parce que son frère la veut accepter ou ré-pudier : d’ailleurs, on a supposé comme un principe indubitable, qu’un enfant ayant été avancé par son pere, pouvoit renoncer en retenant l’avancement. qui lui avoit été fait, parce que cela se pouvoit faire en conservant l’hypotheque des éréanciers, & la légitime des autres enfans. Ce qui est expressément diéclaré par la Coutume de Paris, en l’Article CCCVII en ces termes : Neanmoins où celui auquel on auroit donné, se voudroit tenirà son don, faire le peut, en s’absienant de l’hérédité, la legitime réservée aux auires enfans. a quoi sont conformes plusieurs Coûtumes, comme il paroit par la conférence qui en est faite sur ledit Article CCCVII, ce qui semble être fondé en trés-honne raison, vu que suivant l’Article CCCXVI de ladite Coutume de Paris, ne se porte. héritier qui ne veut ; c’est-à-dire, que l’addition d’une hérédité doit être purement volontaire ; & que d’autre part, celui qui n’est point héritier, n’est point obligé de rapporter : Non tenetur ad collationem.

Ces considérations ont fait juger que les enfans pouvoient demander la délivrance du tiers coûtumier, encore qu’ils n’eussent pas tous ensemble renoncé à la succession de l’ascendant ; & qu’en ce cas, ils ne pouvoient pas prétendre tout le tiers, par un Droit d’accroissement ; mais seulement la part qui leur pouvoit appartenir dans le cas opposé, qui est quand tous les freres ayant renoncé, se sont fait adjuger le tiers dans son intégrite, conformément à l’intention de la Coûtume qui ordonne que le tiers soit partagé entre les enfans, par les Articles CCCCII & CCCCIII.

C’est pourquoi le Parlement, pour empécher que les particuliers & les Juges, étant prevenus par les termes dudit Article CCCCI, ne tombassent dans des erreurs qui seroient contraires à la justice & à l’équité, a déclaré, conformément à ses anciens Arrêts, par l’Article LXXXIx de son Réglement de 1666, que les enfans n’auront pas le tiers entier, si tous n’ont renoncé, mais que celui qui aura renoncé aura la part audit tiers qu’il auroit cue, si tous avoient renoncé.

Il est manifeste que dans cet Article LXXXIx du Réglement, on a affecté une circonlocution, afin que biaisant ssi on le peut ainsi dire ) la contravention qui étoit faite à la Coutume, fût moins apparente. Car y ayant une contradiction évidente entre dire, que les enfans ne pourront accepter le tiers, si tous ensemble ne renoncent ; & entre dire, que les enfans pourront accepter le tiers, quoique tous ne renoncent point : on a évité. d’opposer l’affir-mation à la négation ( ce qui feroit une contradiction incompatinle : ) Et au lieu de s’expliquer généralement par ledit Article LXXXIx, en disant que les enfans peuvent demander leur tiers, quoiqu’ils n’ayent pas tous renoncé, on a restreint l’interprétation de la Coûtume par une préposition négative, qui se rapporte à un cas particulier, en énonçant que les enfans n’auront pas le tiers, entier, si tous n’ont renoncé.

Mais cette figure artificieuse de paroles ne fait qu’éblouir, & ne peut pas. faire perdre entièrement la vue de la contrariété qui se rencontre dans le sens naturel de cet Article CCCCI de la Coutume, & l’interprétation que le Réglement de 16b0 en a fait. Car il est évident, que la Coûtume a voulu faire entendre absolument & généralement que les descondans ne pouvoient demander le tiers coutumier, s’ils n’avoient tous renoncé à la succession, sur laquelle ils vouloient avoir la délivrance de leur légitime. Le terme ne pourront, qui fait le commencement de cet Article CCCCI, contient une négation qui exelut toute puissance de droit & de fait : Verbum potest, negative appositui importai necessitaiem ceu vim precisam, que excludit omnem poterasiem juris & fadi, comme enseigne duMoulin .

On ne peut pas aliéguer, que cette forme de parler soit échappée aux Députés qui travaillerent a rédiger la Coûtume, sans en avoir assez considéré la propre signification & les conséquences : car ils s’en sont servis deux fois sur le même sujet. On-voit par l’Article CCCXCIx, qu’il est semblablement déclaré, que les enfans ne pourront vendre, hypothéquer, ni disposer dudit tiers, ayant la mort du pere, & qu’ils ayent tous renoncé à sa succession.

Cette répétition fait connoître, que l’intention de ces Députés a été, que le tiers légal ne puisse être demandé, si tous ceux qui y ont droit ne renoncent à la succession, sur laquelle il doit être défalqué. Et comme il est contre toute la vraisemblance, que ces personnes qui étoient l’elite des pluexpérimentés, & des plus habiles hommes de la Province, soient convenus pour autoriser une Loi, qui fût répugnante au bon sens & à la justice ; il faut faire voir, s’il est possible, que les fondemens sur lesquels cette Los cit établie, sont solides, & qu’elle-même est tellement juste & équitable, qu’il iaut plutôt louer les Législateurs de leur prudence, que de les blamer d’inconsidera. & de peu de prévoyance.

Pour cot effet, il est nécessaire de se souvenir des principes qu’il faut surposer, pour bien entendre le sujet de la legitime réservée par la Coûtume aux enfans, sur les biens des ascendans. Il est incontestable, que par le droit naturel un chacun peut disposer de tous les biens qui lui appartiennent, par contrass entre-vifs, parce que c’est un effet inséparable d’un véritable domainc, qui attribue une puissance absolue sur ce qu’on possede comme propriétaire : mais comme ce domaine ne subsiste que dans la personne vivante, parce que celui qui ne vit plus, ne peut pas être possesseur ni propriétaire d’aucune chose ; il est encore certain, que la faculté de disposer de ses biens apres sa mort est un droit civil ; c’est-à-dire, introduit dans quelques contrées, par une Loi établie par le consentement de ceux qui ont le gouvernement en main.

Cette faculté a paru tres-favorable aux Romains, chez qui les donations à cause de mort ont été autorisées, autant & même plus que les donations entrevifs comme il est prouvé par ces paroles des Loix des douze Tables : Ue quisque de re sua legussit, ila jus esto. Mais comme c’étoit abuser de cette paiiIance, quand les pere excluoient leurs enfans de leur succession, qui leur étoit dûe par un droit qu’on peut appeller naturel, parce qu’il est observé par toutes les nations ; on la restreignit par la plainte d’inofficiolité, à laquelle les enfans étoient reçus, quand ils avoient été injustement deshérités o oabliés par le testament de leurs ascendans. On réserva donc aux enfans une certaine portion des biens de l’hérédité, qui fut appellée Legitime, parce qu’elle étoit réglée par la LoiMais le Droit coutumier a non-seulement abrogé cette paissance d’instituer des hêritiers, il a voulu de plus conserver aux enfans partie des biens que les peres & les meres possédoient lors de leur mariage, de sorte que les genis mariés & qui ont des enfans, ne peuvent faire de contrats, par lesques ils vendent, donnent ou engagent tous leurs biens : il faut qu’il y en ait une partie réservée pour les enfans, & cette partie est ce qu’on appelle en Normandie, la Legitime ou le Tiers coûtumier, parce que les enfans par la providence de la Loi, doivent avoir le tiers des biens dont les peres & les meres étoient possesseurs quand ils se marierent.

Il est évident que le Droit coutumier en cette partie répugne au Droit naturel, par lequel, comme il a été remarqué, un chacun peut disposer de ce qui lui appartient, comme l’occurrence des affaires le requiert, ou suivant son bon plailir. C’est pourquoi il le faut restreindre précisément dans les cas & les bornes que la Loi municipale a prescrits. Car on ne peut nier que ce Droit particulier à quelques Provinces, & qui déroge en quelque manicre au droit des gens, a été établi plutôt par des sentimens de compassion, que par des raisons de Justice ; ayant semblé qu’il étoit tres-pitoyable, que des enfans qui étoient nés & élevés dans des Maisons où il y avoit des biens pour vivre commodément, s’en trouvassent dénués par la mauvaise conduite de leurs ascendans. C’est pourquoi, pour donner quelque soulagement à cet état misérable, on a rétranché aux peres de famille la puissance de disposer de tous leurs biens, & on a ordonné, qu’une partie de ces biens seroit inaliénable, & réservée apres leur mort pour la subsistance de leurs enfans.

Cela met en évidence les conditions, sans lesquelles ce Douaire des enfans n’est point admissible : il faut qu’il y ait des biens dans la possession des peres & des meres lors de leur mariage ; il faut qu’il y ait des descendans survivans3 & il faut enfin que ces enfans renoncent à la qualité d’héritiers, pour faire connoître que leurs prédécesseurs ont aliéné ou engagé des biens en plus avant qu’il ne leur étoit permis par la Coûtume. Ainsi si les ascendans n’avoient point de biens immeubles quand ils se sont mariés, ils peuvent dissiper & perdre toutes les acquisitions qu’ils auroient faites pendant leur mariage, sans que les enfans y puissent prétendre aucune legitime. La seconde condition requise pour le tiers coûtumier, est qu’il faut qu’il y ait des enfans survivans ; car si les enfans meurent avant leurs ascendans, le Douaire est éteint à leur égard, comme il l’est à l’égard de la femme prémourante, comme l’a dit élegamment duMoulin .

La troisieme condition est aussi nécessairement requise que les deux préeddentes. Les enfans doivent faire entendre, que leurs ascendans les ont comme deshérités par leur mauvais aménagement, ou par leur infortune : il faut qu’ils renoncent à leur succession. C’est pourquoi il est dit par plusieurs Coutumes, que nul ne peut être heritier & doüairier ensemble. Dont s’ensuit une autre condition dépendante de celle-ci ; c’est-à-sçavoir, que les enfans demandans leur Douaire, sont tenus de rapporter les dons & les autres avantages qu’ils ont reçus, aux termes de l’Article CCCCI. Ce qui est une conséquence de la maxime bien déclarée par l’Article CCCCXXXIV, que toutes donations faites par les peres & les meres, sont réputées comme avancement d’hoirie. Dont il faut conclure nécessairement, qu’on ne peut retenir ces donations, sans s’attribuer la qualité d’héritier, puisqu’elles font partie de l’hérédité, il les faut donc rapporter, quand on renonce à la succession, pour être partagées entre les héritiers, ou pour être délaissées aux éréanciers.

Basnage a fort bien remarqué, que la Coutume de Normandie a plus solidement établi l’égalité qui doit être observée entre les enfans, que queique ; Coutumes, & entr’autres celle de Paris ; qui aprés avoir ordonné, que les ascendans ne peuvent en maniere quelconque avancer leurs eufans l’un plus que l’autre, ont ajouté une limitation, en déclarant que l’enfant qui a été avancé, peut se tenir à son don, en s’abstenant de l’hérédité. Car cette limitation donne un moyen de contrevenir à l’égalité, qui est si fort recomman-dée par des raisons d’équité & de bonne police, pour entretenir la concorde qui doit être entre les freres, en éloignant les causes d’envie & de jaloulie, qui produisent des haines implacables.

Que sert-il d’avoir si expressément ôté aux peres & aux meres, le pouvoir d’avantager leurs enfans l’un plus que l’autre, par l’Article CCVIII de la Coûtume de Paris, si par l’Article CCCVRelle maintient ces avantages, par un effet dependant de la volonté de ceux à qui ils ont été faits ; c’est-à-dire, s’ils s’abstien-nent de l’hérédité dont ils auront en main les dépouilles ; Un pere & une nierec pourront enrichir un de leurs enfans, & réduire les autres dans la nécessité de renoncer à leur succession, afin de pouvoir avoir une petite portion des biens, qui à peine peut les exempter des incommodités de la pauvreté, pendant que le bien-aimé des freres est dans l’abondance. Peut-on penser une plus grande & pluodieuse inégalité On doit donc conclure que la Coutume de Paris, & les autres qui l’ont suivie, ne sont pas louables d’avoir donné un moyen facile de contrevenir à une regle qu’elles avoient tant recommandée, n’y ayant rien de plus blamible d’inune Loi, que de détruire ses propres principes, par une exception qu’elle y apporte.

Mais la Coutume de Normandie a pourvu tres-sagement, à ce que les ascendans ne pussent pas transgresser l’égalité qu’elle commande, quand elle a déclarc que toutes les donations faites par les ascendans, soit de meubles, soit d’lseritages, sont réputées des avancemens d’hoirie : car en conséquence les dona-taires sont obligés ou de se porter héritiers du donateur, ou de rapporter leurs dons, quand ils veulent renoncer. Dont il résulte qu’en ce cas d’avancement seit par l’ascendant, ou il y a une renonciation faite par tous les enfans à la succession du donateur, ou une acceptation de l’héredité faite par quelqu’un des enfans. Si tous les enfans renoncent, & rapportent les dons qui leur ont été faits, il est manifeste qu’ils doivent avoir la délivrance du tiers coutumier, parce qu’ils accomplissent les deux conditions qui sont prescrites par l’Article CCCCI, par leur renonciation & par le rapport : si au contraire, quelques-uns des enfans veulent être héritiers, soit pour ne rapporter point les avantages qu’ils ont eus, soit parce qu’ils jugent que la succession leur sera profitable, il est évident, qu’en cet autre cas la demande du tiers coutumier ne peut être valablement faite, parce qu’il n’appartient dans son intégrité qu’à tous les enfans, & que d’ailleurs les qualités de douairier & d’héritier sont incompatibles.

Or quand la Coutume dans les Articles CCCXCIx & CCCCI, a nomné lo-tiers, elle a signifié l’in égrité du tiers ; car le tiers n’est pas un mot équivoque, & qui doive être diversement interprété, il fait entendre le tout & non une partie du tiers coûtumier. La Coutume donc s’est expliquée nettement, quand par lesdits Articles elle a déclaré, que l’acceptation du tiers ne pourrs être faite par les enfans, si tous ne renoncent & ne rapportent.

Mais on objecte qu’un chacun des enfans a sa part dans le tiers coutumier, & qu’il doit avoir cette part indépendamment de la volonté des autres : de sorte que si un enfant veut se porter héritier cela ne doit pas empécher son frère de renoncer, pour avoir la délivrance de sa legitime. Quoique les propositions de cette objection soient certaines, eiles n’ont pas dû obliger à ren-verser les termes dont la Coûtume s’est servie, en leur donnant un sens contraire à leur fignification naturelle. Car on peut répondre, que fi un chacun des enfans peut demander sa legitime en renonçant séparément, & sans avoir besoin du consentement des autres, il ne s’ensuit pas que les enfans puissent aecepter le tiers, encore qu’ils n’ayent pas tous renoncé, y ayant une distinction. apparente entre le tiers, & une partie du tiers, de maniere qu’on doit conclure que le tiers ne peut être demandé que par tous les enfans conjointement, mais qu’une partie du tiers peut être demandépar un chacun des enfans diviément.

On réfutera donc l’objection, en disant que quand tout le tiers est demandé, il faut que tous les enfans renoncent ensemble ; mais que quand il n’y a qu’une partie du tiers qui est demandée, il suffit que ceux qui la demandent, renoncent séparément. Ce qui est facile & équitable de distinguer vu que la legitime peut être demandée ou contre les créanciers de la succession, ou contre les héritiers. a l’égard des créanciers, la demande est de tout le tiers : le partage qui s’en doit faire entre les enfans ne régarde point les créanciers, dont la fin & l’intérêt est d’être payés de leurs dettes, ou de se maintenir dans les acquisitions qu’ils ont faites : ce qui les oblige à veiller, pour découvrir Sil y a des héritiers, & si tous les enfans ont renoncé, & ont eu des avancemens qu’ils soient obligés de rapporter. Car tant qu’il y a des héritiers, ou des enfans qui peuvent être réputés héritiers, les créanciers peuvent s’opposer à la delivrance du Douaire, qui ne leur peut être valablement demandé, que quand on a absolument & communément renoncé à la succession, & quand on rapporte tout ce qui est réputé par la Coutume faire partie des biens de Phérédité.

Mais à l’égard des héritiers, ils sont les véritables parties ausquelles les autres enfans doivent s’adresser, pour se faire adjuger leur légitime, dont les heritiers sont débiteurs, parce que la légitime est une charge de droit, comme le mariage. avenant des seurs, à laquelle on s’oblige par l’addition de l’herédité.

Or quand la demande du tiers coutumier est inten’ée contre les héritiers, il est manifeste, que ce n’est que pour faire des partages entre les descendans, le droit d’accroissement n’ayant point de lieu pour attribuer tout le tiers à ceux qui ont renoncé, qui ne peuvent prétendre autre chose qu’une part, telle qu’ils auroient, si tous ceux qui y ont droit avoient renoncé. Mais ces partages ne se doivent faire qu’entre les partageans, c’est-à-dire entre les héritiers & ceux qui ont renoncé, sans que les créanciers y interviennent ; parce que leurs droits sont assurés, tant par l’action personnelle qu’ils ont contre l’heritier, que par l’hypotheque qu’ils ont sur tous les biens qui font partie de la succession de leur debiteur, au nombre desquels sont les dons & les avancemens qui ont été faits par les ascendans, Paroissant donc clairement, que la Coutume dans les Articles CCCXCIX & CCCCI, n’a disposé du tiers coutumier que dans son intégrité, & en tant que la délivrance en doit être jugée avec les créanciers, on doit conclure qu’elle s’est expliquée nettement, & sans qu’on la puisse blamer d’ambiguité ou d’inconsidération, quand elle a ordonné que les enfans demandant ledit tiers, doi-vent renoncer conjointement, & rapporter toutes les donations & autres avantages qui leur ont été faits.

Ce rapport auquel la Coutume oblige les douairiers, fait la seconde partie de l’Artiele CCCCI, sur laquelle on a proposé deux questions fort importantes : La première, si les enfans renonçant, sont tenus de rapporter les meubles qui leur ont été donnés : La seconde, si les freres qui demandent le tiers coutumier, sont obligés de rapporter ce qui a été donné à leurs seurs pour leur mariage.

Quant à la premiere question, on a soutenu que le rapport auquel les douairiers sont tenus, se doit limiter aux immeubles qui leur ont été donnés, parce que les meubles ne font point partie des biens sur lesquels le douaire est assigné, qui sont les immeubles dont les ascendans sont en possession lors de leurs epoufailles, ou qui leur sont échus depuis par succession en la ligne direde : à quoi on a ajouté, que si on étoit oblige de rapporter les meubles dont on auroit été avancé, il s’ensuivroit que les enfans pourroient aliener leur tiers coûtumier, pendant la vie de leurs peres & méres, ce que la Coûtume a bien expressement défendu par l’Article CCCXXCIN.

On oppose à ce raisonnement, qu’on ne doit pas avoir tant d’égard aux biens sur lesquels le tiers coutumier doit être pris ; mais qu’on doit plutôt envisager le cas auquel ce tiers peut être prétendu : ce qu’on ne peut juger que par la fin que la Coûtume s’est proposée, quand elle l’a autorisé, quoiqu’il paroisse être une contravention au droit naturel. Or cette intention, comme il a été remarqué, n’est qu’afin que les enfans qui suivant le dire deJustinien , aux Ins-titutes, sont estimés être en quelque façon les maîtres lquodammodo Domini des biens des peres & meres, ne s’en trouvent pas tout-à-fait dépourvus, par la mauvaise administration de leurs ascendans. Quand donc les enfans ne sont point dépouillés, & que leurs parens ont pourvu à leur subsistance, par les avancemens qu’ils leur ont faits, la fin de la Loi est accomplie ; & l’Ordonnance qui a été faite pour parvenir à cette fin, ne s’étend point au-dela. Quand done les enfans ont la quantité des biens que la Coûtume leur a voulu réserver, ils ne doivent pas être réputés dépourvus, & il suffit qu’ils ayent cette mésure sans considérer si les biens dont ils ont été avancés sont meubles ou immeubles.

Ce que la Coutume a assez fait entendre, quand aprés avoir déclaré que les enfans demandans leur légitime, doivent rapporter ies donations qui leur ont été faites, elle a ajouté qu’ils doivent aussi rapporter tous les autres avantages. qu’ils pourroient avoir recus. Ce qui ne se peut interprêter que de ces biens dont la pleine propriété est transférée par une simple tradition ; c’està dire, des meubles. Ce qu’on peut confirmer par ce qui est décide par l’Article CCCCIII, qui dans le cas que l’ascendant a aliéné tous les immeubles, ou en partie, ausquels le tiers coutumier devoit consister ne permet pas que les enfans puissert révoquer ces aliénations ; mais veut qu’ils se contentent du prix que ces biens aliénés peuvent être raisonnablement estimés, & même que ce prix soit partagé. également entre les douairiers. C’est ce qui fait voir clairement, que la propriété qui est artribuée aux enfans sur les immeubles par l’Article CCCXGIx n’est point effective, puisqu’ils ne peuvent prétendre qu’une estimation, qui quoique dépendante de la qualité & situation des biens, doit néanmoins être partagée également, & sans aucune prérogative d’ainesse.

Il suffit donc que les enfans ayent eu par la bénéficence de leurs ascendans, la valeur des immeubles dont il leur auroit fallu adjuger la délivrance, s’ils n’avoient pas été aliénés, & en ce cas, ils doivent être réputés avoir été saisis. de leur légitime. C’est pourquoi c’est mal raisonner, que de conclure que les enfans qui demandent leur douaire, ne doivent point rapporter les meubles qui leur ont été donnés, parce qu’ils ne font point partie des biens sur lesquels il femble avoir été remplacé par la Loi. Car la Coûtume a voulu pourvoir à ce que les enfans ne fussent pas dénués, mais elle n’a pas voulu donner un prétexte à la tromperie des ascendans, qui auroient accumulé leurs dettes, pour faire des avancemens à leurs enfans, qui quoique bien revétus par une perverse libéralité de leurs pere & mere, pourroient dépouiller les légitimes créanciers, en se prévalant de la providence de la Loi, si elle pouvoit être favorablement expliquée par l’injustice qu’ils voudroient commettre, en s’emparant des biens qui ne leur appartiendroient point.

Car n’arrive-t il pas fouvent que l’amour déréglé des ascendans leur fait mépriser les devoirs de la bonne-foi, pour pouvoir rendre plus heureuse la con-dition de leurs enfans ; Ne voit-on pas chaque jour des exemples de ces peres qui engagent tous leurs biens au-delà de ce qu’ils peuvent valoir, pour employer l’argent qu’ils ont emprunté, à l’établissement de leurs enfans, qui des deniers d’au-trui sont mis à leur aise, ou par la marchandise, ou par les emplois & les Offices dont ils ont été avancés, & néanmoins ne laissent pas de demander leur légitime sur les biens de leurs donateurs, pour faire perdre aux légitimes créanciers leurs dettes, & pour déposséder les acquereurs de bonne-soi Mais on objecte qu’il peut arriver que des enfans ainsi avancés auront fait un mauvais usage des meubles qui leur auront été donnés, & les auront perdus, ou par leur mauvaise conduite, ou par quelque accident fortuit, & qu’ainsi ils se trouveront sans biens aprés le déces de leurs peres & mères ; ce que la Coûtume a vonlu prévenir, en ordonnant que le tiers légal est inaliénable : Dont on conclut, que les avancemens faits en meubles ne sont point sujets au rapport.

Il peut sembler d’abord, que quand la Coutume en l’Article CCCXCIx, a ordonné que les enfans ne pourroient vendre hypothéquer le tiers, ni endisposer avant la mort de leurs ascendans ; elle a fait entendre que ce droit fon-cier, dont elle attribue la propriété étoit inaliénable par contrat fait par les enfans, ne voulant pas permettre que ce qu’elle avoit statué pour remédier à la mauvaise administration des peres, pût être rendu inutile, par l’imprudence ou la complaisance des enfans, qui comme mauvais économes, ou ne voulant pa résister à la volonté de leurs ascendans seroient facilement induits à faire. des actes, qui les priveroient de profiter du préservatif qui leur avoit été. préparé. Mais la Coûtume n’a pas voulu que les enfans ne pussent pas s’exclure absolument par aucunes actions faites du vivant de leurs peres, de la demandedu Douaire.

Car outre qu’il est incontestable qu’ils peuvent être privés de cette legitime par leurs crimes, ils peuvent être rendus incapables de rien prétendre aux biens de leurs ascendans, il semble qu’il est certain, que par l’acceptation qu’ils auront faite des donations d’immeubles, excédans la valeur de leur Douaire, ils se sont rendus inhabiles de le demander, si-les choses qui leur ont été données sont péries par leur faute, ou par des accidens irremédiables, tels que sont ceux qu’on signifie par force majeure. Si, par exemple, un père a donné a un de ses fils une maison de grand prix, & que cette maison prérisse par un ineendie arrivé par la faute de ce donataire, ou par un fen du Ciel, pourra-t’on soutenir que cet enfant pourra demander son tiers, parce qu’il a fait cette perte avant le déces de son pere à On peut apporter un autre exemple d’un pere qui a avancé son fils d’un Office, d’un prix excédant la valeur de la légitime, si cet Office est perdu par une suppression, ou faute d’avoir payé le Droit Annuel, ce fils ou ses enfans pourront-ils demander un Doüaire sur les biens du donateur Ces exemples ne découvrent-ils pas des cas dans lesquels les enfans peuvent être exclus du tiers coutumier, par leur propre fait, consommé avant la mort du pere àEt partant la prohibition de la Coûtume de vendre, d’hypothiéquer ou de disposer, ne se doit entendre qu’à l’égard des contrits faits par les enfans, & qui contiennent directement & ouvertement une alienation volontaire de leur Douaire ; mais ne se doit pas étendre aux fautes ou aux cas fortuits, d’où peut provenir indirectement & conséquemment l’exclusion de la demande du tiers coûtumier.

On peut ajouter, pour donner à la décision un plus grand éclaircissement, qu’un pere ayant plusieurs fils, peut donner à l’un d’eux une somme d’argent, pour l’employer en marchandise ; cet argent étant dissipé par le mauvais usage que le donataire en aura fait produira sans doute l’exclusion du Douaire.

Car on ne pourra pas dire que ce fils dissipateur puisse demander à ses freres, qui seront héritiers de leur commun pere une portion des biens pour sa legitime ; puisque par l’Article CCCCXXXIV de la Coutume, tous les dons faits par les peres & meres à leurs enfans, soit de meubles ( quod notandum ) soit d’héritages, sont réputés un avancement d’hoirie, qui partant attribuent le nom d’héritier, à moins qu’on ne les rapporte pour renoncer ; & conséquemment empûche qu’on ne soit Douairier.

Mais quand il n’y auroit aucun cas, auquel les enfans qui auroient été avancés de meubles qu’ils auroient dissipés, fussent exclus du Douaire ; il ne s’en ensuivroit pas que les enfans qui sont possesseurs lors du déces de leurs peres & meres, de biens exeédans ou équivelens le prix du tiers coutumier, & qui seroient provenus de la bonéficence de ces ascendans, pussent retenir ces avancemens, & répudier l’hérédité, pour demander à leurs freres ou aux créanciers, la délivrance d’une légitime, qui n’a été octroyée par la providence de la Loi, qu’aux enfans malheureux, & qui se trouvent dénuës par la mauvaise économe de leurs prédécesseurs ; & non à ceux qui sont revétus & qui jouis-sent de ces biens, que le Droit Romain a appellés profeditia, & le Coûtumier, auancemens, pour marquer leur origine, & la source dont ils sont écoulés ; ce qui comprend tant les meubles que les immeubles.

Quand donc les enfans, bien loin de se pouvoir plaindre du peu d’attention qu’ont eu leurs aseendans à leur conserver les biens ausquels ils devoient espérer de succéder, sont obligés de louer la libéralité & la bénéficence de ces aseendans, par laquelle ils ont été mis à couvert des incommodités de la pauvreté, peut-on dire sans absurdité, que ces enfans ainsi avancés, ayent droit de diffamer la mémoire de leurs bienfaicteurs, pour avoir un prétexte de frustrer des créanciors legitimes, & de dépouiller des acquereurs de bonne-foi ; Peuton penser que la Coutume, en voulant conserver aux enfans quelques débris de la fortuno de leurs peres n’ait point voulu préserver le principal appui de la société civile, qui ne fe peut maintenir, si on néglige de faire observer la boone-soi des contrats ; Peut-on croire qu’une Loi soit sage & prévoyante, si pour éviter un moindre désordre, elle donne ouverture à en commettre un beaucoup plus grand Or on ne peut nier, qu’il y a beaucoup plus d’inconvénient à n’empécher pas les tromperies & les perfidies des débiteurs, qu’à ne remédier pas à l’indigence qui peut arriver à quelques enfans, par la mauvaise conduite de leurs peres, parce que ce dernier défordre est une conséquence de la dépendance naturelle de la condition des enfans, d’avec celle de leurs peres, de sor-te que comme les enfans peuvent être élevés par industrie ou la bonne fortune de leurs ascendans, ils peuvent être abaisses par l’imprudence ou le malheur de ces prédécesseurs. Mais le premier inconvénient detruit le fondement de la société, & qui ne se peut maintenir sans la justice, qui consiste principalement dans l’exécution des promesses faites par ceux qui ont contracté ensemble.

C’est pourquoi les Républiques les mieux policées ont pris un soin tres-exact de faire observer la foi des contrats, maximé in pecunie muiualive usit alque commercio. On voit que par les Loix des douze Tables, qui étoient une compilation faite de ce qui étoit de plus excellent dans les Loix des plus renom-mées Villes de la Grece, les débiteurs qui s’étoient réduits dans l’impuissance de payer leurs dettes, étoient adjugés à leurs créanciers, pour s’en servir comme de leurs esclaves, in nervo & compedibus, suivant l’expression d’un ancien & célèbre Auteur, qui ajoute : Adimi enim putaverunt majores nostri. subsidium hoc inaepiae temporarie, quo communis hominum viia indiges, si persidia debitorum sine gravi pona eluderes.

On doit donc avoir une extiême aversion pour les fraudes méditées par les peres, qui par la passion qu’ils ont pour l’établissement de leurs enfans, empruntent de l’argent pour les avancer ; de sorte qu’ils obligent tous leurs biens, par une hypotheque qui est renduë illusoire, parce que les enfans revétus des dépouilles des créanciers, renoncent à la succession de leurs bienfaicteurs, pour demander leur Douaire, qui est préféré à toutes les dettes créées depuis le mariage dont ils sont sortis, qui est une perfidie qu’on ne sçauroit assez blamer néanmoins. le relachement dans les bonnes moeurs est si grand, qu’elle passe pour une habileté en plusieurs, qui sont dans l’eclat des richesses & des honneurs, par des moyens si infames.

Le remede qu’on pourroit apporter à une imposture si ordinaire & si pernicieuse, seroit de n’accorder point aux enfans le tiers coutumier, quand on les verroit riches, par rapport à leur condition, à moins qu’ils ne fissent apparoître indubitablement & avec évidence, que le bon état de leur fortune ne fût provenu par un autre moyen, que par les avancemens qui pourroient leur avoit été faits par leurs ascendans.

Quant à la seconde question, qui est touchant le mariage des filles, qui a été acquitté des deniers payés par les peres & les meres, quelques Auteurs sont d’avis, que cela ne doit point diminuer le Douaire demandé par les freres, qui partant ne seroient point tenus de rapporter, ni le tout, ni partie de ces mariages ainsi acquittés. Cette opinion est fondée presque sur les mêmes raisons par lesquelles ont veut prouver, que les meubles donnés ne sont point sujets. au rapport. Car on dit, que la dot payée en deniers par les ascendans, n’a point de suite. par hypotheque ; & que de plus, elle ne fait point partie des biens sur lesquels le Douaire est constitué par la Coûtume.

Mais on dit au contraire, ce qu’on a répondu sur la premiere question, que l’hypotheque ni la qualité des biens ne peuvent point servir à la décision, mais qu’il faut précisément confidérer la nature du Douaire, & les personnes à qui il a été artribué. On doit donc penser, que le Douaire est une légitime réservée à tous les enfans, & que partant il est aussi-bien octroyé aux filles qu’aux mâles, parce qu’elles sont comprises dans la dénomination d’enfans.

De sorte que comme ce qui a été avancé par les peres & meres à leurs fils fait partie du tiers, & y doit être imputé, ainsi ce qui a été donné aux filles pour leur mariage, comprend tout le droit qu’elles pouvoient prétendre audit tiers.

Deux qui soutiennent la premiere opinon, reconnoissent que quand les peres & les meres ont emprunté de l’argent, avec une clause par laquelle ils ont subrogé le créancier au droit de la fille qui a été mariée ; en ce cas, la dot de la fille fait partie du Douaire, & doit être rapportée par les freres, jusqu’à la concurrence de la part que leur seur pourroit avoir au tiers légal. On convient donc que les filles ont part à ce tiers : On ne peut donc nier, que cette part étant défalquée du tout, ne le diminue, & que partant les freres ne le peuvent retenir ; y ayant de l’absurdité à proposer que l’argent payé pour la dot des filles, ne soit pas semblablement leur légitime, soit qu’il v fait eu une subrogation à leur droit, ou qu’il n’y en ait point eu ; parce qu’il n’y a rien de plus contraire à la raison ni à la justice, que de foutenir, que les peres & meres peuvent augmenter ou diminuer par leurs stipulations, le Douaire de leurs enfans. Il faut donc conclure, qu’il répugne à l’équité & à la honne-soi qu’on doit garder pour l’exécution des contrats, que la part des filles qui a été payée des deniers donnés lors de leur mariage, ne diminue point celle de leurs freres, parce qu’elle leur appartient par un droit d’accroissement, au préjudice de tous les créanciers legitimes.

Pour servir encore à l’éclaircissement de cet Article, il ne le faut pas entendre suivant la propre signification de quelques paroles qui en font partie mais il faut dire ( ce qui paroit contraire au texte ) qu’il n’est pas nécessaire que tous les enfans renoncent ensemble, pour demander le tiers coutumier parce que pouvant arriver que quelques-uns d’eux soient héritiers, il ne seroit pas juste que les autres fussent privés de leur legitime lorsqu’ils juge-roient à propos de renoncer : C’est pourquoi l’Article LXXXIX dudit Reglement a expliqué, que les enfans n’auront pas le tiers entier, fi tous n’ont renoncé ; mais que celui qui aura renoncé, aura la part au tiers qu’il autroit cue, fi tous avoient renoncé. Il faut étendre cette interprétation, qui a été faite pour donner un bon sens à cet Article, au cas que queiques-uns des enfans renoncent, pour se tenir à l’avancement qui leur a été fait, & qu’ils ne veuillent pas rapporter ; ( ce qu’ils peuvent faire, pourvû que la légitime des autres enfans soit conservée, sans préjudice néanmoins de l’hypotheque des éréanciers ) car ils n’ont aucune part au tiers ; & leurs freres qui auront renoneé, ou en rapportant, ou n’ayant aucun don rapportable, n’auront pas tous le tiers, mais seulement la part qui leur appartiendroit, si tous les freres étoient admis à le partager. Voyez Louet & son Commentaire, D. 44.

Mais on peut dire, que pour donner à cet Article CCCCI un bon sens, Il n’étoit point nécessaire de contrevenir aux termes qui y sont employes, qui sont clairs & signifient une décifion fort juste, & qui est convenable aux autres principes de la Coutume, qui n’a autorisé la legitime des enfans, que pour remédier à l’état misérable auquel ils pourroient être réduits, par la mauvaise conduite de leurs peres & meres, qui auroient dissipé ou hypothéqué les biens ausquels les enfans nés de leur mariage auroient dû succéder. C’est pourquoi il faut supposer que la demande du tiers coûtumier ne se doit & ne se peut faire, que les enfans ne se plaignent de ce que leurs ascendans ne leur ont pas conservé une portion de leurs biens, ce qui les oblige à renoncer à leur succession. Dont il résulte, que cette demande ne se fait le plus souvent que contre ceux qui ont contracté avec les peres & meres, ou pour acquerir les biens dont ils étoient possesseurs lors de leur mariage, ou pour devenir leurs créanciers : de sorte que quand il y a des enfans héritiers, ou réputés tels par les avancemens qui leur ont été faits, les acquereurs ou créanciers sont à couvert de cette demande du tiers coutumier, qui ne leur peut être faite, que quand tous les enfans se plaignent & renoncent à la succession.

Que si l’on objecte, qu’il peut arriver que quelques-uns des enfans soient héritiers, & que quelques autres ne le veuillent pas être ; & qu’en ce cas, il ne seroit pas juste que l’acceptation de la succession faite par les premiers, ni privât leurs frères de la faculté qu’ils doivent avoir de renoncer, laquelle doit être libre à un chacun des présomptifs héritiers, ni les exclut de la demande de leur légitime : il est aisé de répondre, que les enfans héritiers étant obligés. d’acquitter toutes les dettes & charges de la succession, dont une des principales est la légitime des autres enfans ; c’est contr’eux que l’action, pour faire Juger & liquider cette légitime, doit être poursuivie par les autres enfans non heritiers, qui en ce même cas, ne peuvent pas s’adresser directement aux acquereurs ni aux créanciers, qui doivent être garantis de cette action par les héritiers. C’est donc aux enfans heritiers, que les autres enfans doivent demander leur légitime ; mais ils ne peuvent pas demander le tiers coutumier, parce qu’il ne leur en appartient qu’une partie l’autre partie appartenant à leurs freres, en tant qu’ils sont héritiers ; le droit d’accroissement n’ayant point lieu au Douaire des enfans, comme l’enseignent Louet &Brodeau , D. 44, & qu’il est expliqué par ledit Article LXXXIX du Réglement. Dont il faut conclure, que la Coutume a dû ordonner dans lesdits Articles CCexCIx & CCCCI, que les enfans avant que d’accepter le tiers, doivent tous renoncer ; parce qu’elle a voulu régler le cas le plus ordinaire, qui est quand tous les enfans demandent le tiers entier, qui ne peut être demandé qu’aux acquereurs ou aux créanciers, auquel cas il est incontestable, que tous ceux qui prétendent part à ce tiers, doivent renoncer & rapporter les avantages qu’ils ont eus, suivant qu’il est clairement & nettement énoncé dans lesdits Articles CCCXCIX & CCCCI, pour plus grand éclaircissement desquels, il faut supposer que ce qui a été dit, que les enfans peuvent retenir les avancemens qui leur ont été faits, & renoncer à la succession, n’est vrai que dans les Coûtumes, où les avancemens ne sont pas réputés faire partie des biens de la succession du donateur ; mais non dans les Coutumes où ces avancemens sont déclarés être d’hoirie ; c’est-à-dire, de la succession future, comme est celle de Normandie, suivant la disposition expresse de l’Article CCCCXXXII.

Quant au rapport que doivent faire les douairiers de toutes les donations qui leur ont été faites, on l’a limité aux immeubles ; car pour les meubles, les douairiers ne sont point obligés de les rapporter, parce que les meubles ne font point partie des biens sur lesquels le douaire se doit prendre ; & d’ailleurs, il s’ensuivroit de l’obligation de ce rapport, l’aliénation du douaire, vivente paire, ce que l’on n’admet en aucun cas, suivant la Coûtume. Mais on peut dire, que cette décision doit être limitée, au cas qu’il n’apparoisse pas que les enfans ont fait un bon emploi des deniers dont ils ont été avancés ; car quand on voit que les enfans jouissent de ces avancemens sque le Droit appelle bona profedtiliz au moyen du bon usage qu’ils en ont fait, il semble qu’il n’est pas équitable de leur accorder le tiers coutumier, sinon à la charge de rapporter ce qu’ils ont amendé des biens de leur donateur ; parce que les donations des ascendans, soit d’immeubles, soit de meubles, sont réputées des avancemens de leur succession, par l’Artiele CCCCXXXIV, & partant doivent être estimées faire partie des biens d’icelle : dont on devroit conclure, qu’elles consument ou diminuent le tiers coutumier, qui n’a été autorisé que pour conserver aux descendans une portion des biens de leurs ascendans. Quand donc ils possedent cette portion par une anticipation de succession, ils ne doivent pas être admis à en demander une autre aprés l’échéance de la succession, au préjudice & à l’exclusion des légitimes créanciers. C’est ce que la Coûtume semble avoir assez signifié, en déclarant dans cet Article, que les douairiers doivent non-seulement rapporter les donations, mais tous les autres avantages qu’ils ont pû avoir.

On peut ajouter pour approfondir cette question, que les deux raisons sur lesquelles on fonde la consequence, que les enfans demandant leur légitime, ne sont point obligés de rapporter les meubles qui leur ont été donnés, ne sont point valables. Car quant à la premiere, qui est que les meubles ne font point partie des biens sur lesquels le Douaire est assigné, & qui d’ailleurs n’ont point de suite par hypotheque, on n’en peut rien conclure, parce que le tiers coutumier n’a aucune assignation fixe ni certaine, ne devant pas être pris absolument & nécessairement sur les biens dont les peres & meres sont saisis lors de leurs épousailles, suivant l’expression de l’Article CCCLXVII de la Coûtume. Car il est incontestable, que ce tiers peut être pris sur les remplacemens qui ont été faits des propres, soit par échange, soit par acquisitione. faites depuis le mariage ; & que même il est certain, que s’il se trouvoit demeubles dans la succession des peres & des meres, qui égalassent la valeur des simmeubles qui pourroient être prétendus pour le Douaire, les enfans seroient obligés de s’en contenter, & ne pourroient pas déposséder les acquéreurs, ni eontester l’hyothéque des créanciers ; comme il se prouve évidemment par l’Article CCCCIII de la Coûtume. Dont la raison est, qu’il suffit pour exelure la demande du Doüaire des enfans, qu’il y ait dans la succession des ascendans, le vaillant du tiers des immeubles qu’ils possédoient lors de leur meriage, sans qu’on doive faire aucune considération de la nature & qualite des biens qui se trouvent aprés le déces, ni de la suite par hypotheque, puisqu’il n’y a rien à demander ni à révoquer. a l’égard de la seconde raison, qui consiste à dire, que les enfans ne peuvent aliéner par aucune manière leur ners, du vivant de leurs ascendans, elle n’est appuyée que sur une mauvaise interprétation qu’on donne à ces paroles de l’Article CCCXCIx. Les enfans ne pourront vendre, hyprhequer ou disposer du tiers, auparavant la miort du pere : car au lieu de les entendre suivant leur naturelle signification, qui est que les enfans ne peuvent vendre ni hypothéquer expressément & nommément le tiers, parce qu’il ne leur appartient point propriétairement, sinon en cas qu’ils survivent à leurs ascendans, qui ne peuvent être privés de la véritable propriété de leurs biens, par aucuns Ades ou Contrats faits par leurs descendans ; on les a interpretés, comme si les enfans ne pouvoient absolument ni en aucuns cas s’exclure de la propriété, de la tierce partie des biens possédés par leurs peres & meres lors de leur mariage. Ce qui est une tres-grande erreur, qui procede de ne penser pas que la Coûtume n’a pas eu intention, quand elle introdait le tiers legal, d’empécher que les enfans ne pussent perdre leurs biens par leur mauvaise fortune, ou par le défaut de leur conduite ; mais précisément pour remédier à la misère dans laquelle ils pourroient tomber, par la prodigalité & l’imprudence de leurs ascendans. Ce qu’on rend comme palpable par deux exemples : le premier, si un enfant est avancé par son pere, d’un héritage valant plus que le tiers des immeubles qu’il avoit lors de lon mariage, pourra-t’on dire que ce fils donataire ne pourra vendre ni hypothéquer cet héritage, & qu’il pourra, nonobstant l’aliénation qu’il en aura faite, renoncer à la succession de son donateur, & demander sa légitime : Le second exemple est semblable, mais touchant un immeuble d’une qualité plus sujette à changement & plus périssable. Un pere donne à son fils un Office de grand prix, & excédant la valeur à quoi pourroit monter le tiers coutumier. La diminution ou la suppression, ou la perte de cet Office, qui arriveroit ou par le malheur du temps, ou par la volonté du Roi, ou par la faute du fils titulaire, seront-elles au dommage des acquéreurs & des créanciers, & des autres. enfans du donateur ; Et n’est-il pas certain au contraire, que ces accidens exclueront le donataire de sa légitime, & de la part qu’il auroit pu avoir, soit en la succession, soit au tiers legal ; Et partant ne le déchargeront pas de l’obligation de rapporter le prix dudit Office, comme étant un avancement d’hoirie, aux termes de l’Article CCCCXXXIV. Il paroit donc clairement par ces exemples, qu’un enfant peut perdre du vivant de son père, sa légitime, non par voie de vente ou d’hypotheque, ni d’autre disposition qu’il auroit faite nommément du tiers Coutumier ; mais en vendant, en hypothequant, ou même perdant par malheur ou par sa faute, l’avancement qui lui aura été fait. Ce qui met en évidence, que la prohibition de l’Article CCCXCIX, de ne pouvoir vendre ni hypothéquer, ni disposer, ne se doit pas entendre des Contrats ni de tous autres Actes que les enfans majeurs ont pouvoir de faire ; mais se doit limiter précisément à la vente, hypothéque & disposition expresse du tiers, que les enfans ne peuvent faire pendant la vie des peres & meres ; parce qu’en ce temps-là le tiers n’est pas leur bien, & qu’on ne peut vendre ni engager les biens d’une succession qui n’est point échue ; toutes les pactions qui se font nommément pour l’aliénation ou l’engagement de ces biens, étant réputées nulles par le Droit Romain & par le Coûtumier, comme faites contre les bonnes moeurs.

Basnage estime, que le mariage des filles ayant été payé en deniers par le pere, ne diminue point le Douaire demandé par les freres, à moins que ces deniers n’ayent été empruntés pour payer le mariage des filles, avec une clause de subrogation au droit de la légitime des filles : auquel cas il convient que le Douaire prétendu par les freres, doit être diminué à proportion : il fonde son avis & sur l’autorité de deux Arrêts qu’il rapporte, l’un du 14 d’Avril 1644, & l’autre du 13 de Février 16yS & sur la raison que les deniers payés pour le mariage sont meubles, & n’ont point de suite par hypotheque, & que ne faisant point partie des biens sujets au tiers coutumier, ils ne le peuvent diminuer. Mais il semble qu’il n’est pas équitable, que puisque le tiers coutumier a été introduit contre le droit naturel, par lequel un chacun peut disposer de tous fes biens à sa volonté il ne doit pas être étendu au-dels de l’intention de la Coutume, qui l’a autorisé, qui est que ce tiers soit la legitime de tous les enfans, tant filles que mâles, & que les enfans qui sont revétus des biens que leurs ascendans leur ont donnés, ne puissent pas demander de part à cette legitime sans rapporter les avancemens qui leur ont été faits, ni accroître la portion que leurs frères & seurs peuvent avoir à ce tiers légal, comme il vient d’être discouru à l’égard des avancemens faits en deniers ou choses mobiliaires. Or on ne peut nier, que les deniers donnés aux filles pour leur mariage, ne leur tiennent lieu de légitime, aussi-bien quand ils ont été payés sans aucune stipulation, qu’avec une clause de subrogation pour la sureté du créancier qui les a prêtés : paroissant qu’il y a de l’absudité à dire, que les ascendans puissent augmenter ou diminuer par leurs stipulations le tiers légal, soit en général, soit à l’égard des portions qui en peuvent appartenir divisément à un chacun de leurs descendans : dont on peu conclure, que puisque le Douaire comprend la légitime de tous les enfans, au nombre desquels les filles sont comprises ; il répugne à l’équité que la legitime des filles qui a été acquittée par les deniers qui leur ont été donnés pour leur mariage, ne diminue pas la part que les freres doivent avoir proportionnément audit Douaire ou tiers légal.

a l’égard des immeubles, le Douairier est toujours obligé de les rapporter, de sorte que les petits-enfans, qui ayant renoncé à la succession de leur pere viennent à la succession de leur ayeul ou d’un autre ascendant, sont obligés de rapporter ce que leurdit aieul avoit donné à leur pere, & même ce qu’il avoit payé pour lui, suivant ce qui est attesté par l’Article LXXXVIII dudit.

Réglement, qui se doit adaprer aussi-bien à la demande du tiers coutumier faire par les petits-fils, qu’à celui de l’addition de la succession de l’aieul faite par eux, à l’égard du rapport des immeubles dont leur a été avancé.

Quant à la nécessité de rapporter les avancemens faits par les ascendans, il faut distinguer entre les créanciers & les cohéritiers : car à l’égard des créanoiers, les enfans qui ont été avancés peuvent se tenir à leur don ; ( c’est-à-dire, dans les Coutumes où il n’est pas réputé avancement d’hoirie, comme en celle de Normandie, en l’Artiele CCCCXXXIV, ) & renoncer à la succession de celui qui leur a fait l’avancement, sans être tenus de le rappor-ter, & en ce cas, ils sont exclus de prendre part au Douairc, & la portion qu’ils y eussent pû prendre, demeure en la succession affectée aux dettes des éréanciers : mais à l’égard des cohéritiers, les enfans ne peuvent pas renoncer & retenir les avancemens qui leur ont été faits ; ils sont obligés de les rapporter en renonçant, parce que ces avancemens sont réputés faire partie de la succession à laquelle ils renoncent, & partant attribuent la qualité d’heritier, à moins qu’on ne les abandonne ; ce qui a été établi pour garder l’éga-lité entre les enfans. Voyez la Coutume de Paris, depuis l’Article CCCIII jusqu’au CCCVIII, &Louet , R. 13, avec le Commentaire.1


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La longue dissertation sur l’Article CCCI, a paru pour la premiere fois dans l’edition de Pesnelle de 1727, elle ne se trouve point dans celle de 1704 : on ne doit lire cette dissertation qu’avec beaucoup de précaution ; on y remarque des vérités intéressantes, mais elles sont souvent enveloppées de nuages, il convient de les rétablir dans leur véritable jour. Il ne faut pas penser, comme l’insinue l’Auteur de la dissertation, que le tiers coûtumier, pendant la vie du pere, puisse jamais être aliéné, sive delinquendo vel contrasendo, quand le fils se rend coupable d’un crime qui emporte la mort civile, il est considéré comme s’il n’eût jamais existé : si le fils est unique, le bien du pere sera affranchi du tiers coutumier, & s’il a des frères, la part qu’il auroit eue dans le tiers appartien-dra aux autres enfans ; je ne crois pas même que dans les délits ordinaires, il puisse engager ce tiers aux intéréts civils, nonobstant un Arrét solitaire, rapporté parBasnage .

Quand le pere a donné une terre par avancement à son fils, si ce fils l’aliene & en dissipe le prix, il n’en aura pas moins, aprés la mort de son pere, son tiers coutumier, comme si le pere ne lui en eût fait aucun don : l’aliénation faite par le fils sera considérée comme si le pere l’avoit faite lui-même ; il en est de même d’un Office résigné par le pere s’it est perdu sur la tête du fils resignataire, par le défaut de payement du Droit mnuel, & que le résignataire ait prédécédé le résignant, les autres enfans n’auront pas moins le tiers entier sur les autres biens du pere. L’Auteur suppose ensuite les cas fortuits & le fait du Prince : Un pere donne par avancement une miaison à son fils ou lui résigne un Office la maison est écrasée par la foudre, s’écroule par un tremblement de terre, ou le Roisupprime l’Office : je conviens que dans l’un & l’autre cas il n’y a du fait ni du pere ni du fils, il semble que les deux objets périssent pour tous les enfans, comme s’ils n’eussent jamais fait partie du bien du pere : car la Coûtume n’étend sa prévoyance que sur ce qui est au pouvoir de ceux contre qui elle prononce des défenses d’aliéner.

L’Auteur de la dissertation cherche à justifier la Coutume, lorsqu’elle impose la nécessité à tous les enfans de renoncer pour pouvoir demander le tiers coutumier ; la distinction. qu’il fait entre les Créanciers & les Héritiers paroit difficile à entendre : nous avons toulours suivi l’Arrêt du Chevalier & de Boutevilain, rapporté parBérault . Si de plusieurs enfans, l’un d’eux se porte héritier & les autres renoncent, ceux qui ont renoncé n’auront pas une plus grande part dans le tiers coutumier, que si aucun d’eux n’avoit accepté la succession : l’Article CLXXXVI de Senlis est conforme à notre Jurisprudence. n Si le n pere va de vie à trépas & délaisse plusieurs enfans, l’un desquels renonce à la sucn cession & accepte le Douaire, & les autres se fussent déclarés héritiers, celui qui aura n renoncé à la succession, n’aura audit tiers, que telle part & portion que si les autres sen fussent déclarés douairiers & non héritiers : n duia, dit duMoulin , non perdunt partes suas ex eo quod heredes, sed viâ exceptionis coguntur eas conferre & sie non deficiunt, nec possunt aliis acerescere.

Le rapport preserit par cet Article ne laisse pas d’être embarrassant : on doit d’abord estimer que les Créa nciers ne sont point dignes d’une aussi grande commisération que voudroit le faire penser l’Auteur de la dissertation : ils ont favorisé le désordre des affaires d’un pere, dont ils ne pouvoient ignorer ni la qualité ni les engagemens, & ils se sont volontairement exposés aux risques en lui confiant leurs deniers. Quoique le texte semble imposer aux demandeurs en tiers coutumier la nécessité de rapporter tous les avantages qu’ils ont eu de leur pere ; Basnage dit que les enfans ne-sont point tenus de rapporter aux Créanciers les meubles qu’ils ont recu de lui : Le pere, dit-il, est le maître de ses meubles : les meubles n’ont point de suite par hypotheque, si on assujétissoit les enfans à les rapporter, ils pourroient aliéner leur tiers coutumier pendant la vie du pere : il va plus loin, car il soutient que si un des enfans donataire de meubles s’arrête a son don les autres enfans pourront reclamer l’intégrité du tiers coutumier. Delâ cet Auteur rapporte des Arrêts concernant le rapport de la dot des filles, il distingue le cas où les filles sont héritieres présomptives de celui ou elles ont des frères : sur le premier cas, il cite d’abord l’Arrét de Bruchant : dans le fait, le pere avoit deux filles, il avoit donné, en les mariant, à l’une une somme d’argent, & à l’autre quelques vergées de terre ; par l’Arrêt, la fille qui n’avoit eu que de l’argent fut dispensée de rapporter en pre-nant son tiers coutumier ; mais il cite deux Arrêts postérieurs qui y sont contraires & qui ont condamné les soeurs demanderesses, en tiers coutumier, de rapporter leur dot : on a de plus condamné une fille à rapporter le don mobil fait à son mari, ce queBasnage . voudroit limiter au tiers du tiers coutumier ; mais cet Auteur ne cite aucun Arrét qui ait assujetti les freres à imputer sur leur tiers la dot de leur seur, on la régarde comme une libéralité du pere, qui n’est pas sujette à rapport, quand les frères demandent leur tiere légal. Quoique les petits-fils, qui ont renoncé à la succession de leur pere, soient tenus de rapporter à la succession de leur aieul, ce que leur pere en a recu, cependant il a été jugé, par l’Arrêt de Myré du ro Septembre 164z, qu’ils n’étoient point tenus de rapporter un don de meubles fait à leur pere. Dans le fait, Nicolas Myré avoit deux fils, André & Antoine ; en mariant André, il lui donna trois mille livres, André dissipa son bien & il mourut avant son père ; les enfans d’André renoncerent à la succession du pere & de Paieul, & demanderent une part daus le tiers coutumier sur les biens de leur aieul, avec Antoine leur oncle ; les Créanciers de la succession de l’aieul foutenoient qu’ils devoient rapporter la somme donnée à leur pere : par l’Arrêt les Créanciers furent déboutés Basnage semble cependant décider que si les enfans ont fait valoir utilement les dons de meubles qu’ils ont recus de leur pere, il y a de l’équité à les imputer sur le tiers coutumier ; c’est le sentiment de l’Auteur de la dissertation : on pourroit ajouter que les freres seroient tenus de déduire sur le tiers coutumier la part que la seur mariée & dotée par le pere y auroit eue, cessant sa libéralité ; mais, 16. il faudroit que les Créanciers fissent preuve que les enfans auroient fait un bon emploi des sommes données par leur pere. 25 Le rapport des sommes mobiliaires est une suite de la qualité d’héritier, & cette qualité est incompatible avec la qualité de demandeur en tiers coutumier. 30. La soeur est à l’égard du frere une créanciere à qui il ne doit plus rien des qu’elle a éte dotée par le pere commun.

La disposition de la Coutume n’a donc pour véritable objet que les immeubles que le pere auroit donnés à un de ses enfans & dont il jouit au-temps de son déces, & qui doivent être rapportés à sa succession ou à celle de l’aieul, suivant le degré des demandeurs en tiers coutumier.

On a demandé si un Office relevé aux Parties casuelles, aprés la mort du pere, par ses enfans, est imputable sur le tiers coutumier : il semble que l’on doit considérer cet Office comme une dépendance de la succession du pere, si les enfans le tiennent de la main du Roi, c’est en conséquence d’une obligation que le Roi a bien voulu s’imposer de la leur remettre dans un certain temps ; grace qui leur est accordée par préférence à tout étranger : la modicité de la composition fait qu’ils jouissent presque de l’intégrité de l’Office, lequel dans leur succession est réputé propre : cependant on ne peut pas méconnoître qu’un Office tombé aux Parties Casuelles appartient au Roi ; il n’est pas possible de regarder comme une partie de la succession, ce que les héritiers du défunt n’ont pas le droit d’appréhender, & ce que les Créanciers de sa succession n’ont pas le droit de poursuivre ; les enfans ne possedent donc pas ce bien à titre successif, mais à un titre particulier & par une faveur pure-ment personnelle : si l’Office est réputé propre dans leur succession, c’est que nôtre Coutume met au rang des propres tout ce qui a quelque aptitude à l’être.