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Huitième Partie, des Donations des Femmes à leurs seconds Maris,
CCCCV.
La Femme convolant en secondes nôces ne peut donner de ses biens à son Mari, en plus avant que ce qui en peut écheoir à celui de ses enfans qui en aura le moins.
Cet Article est pris de l’Ordonnance de François Il, de 1560, qu’on appelle l’Edit des secondes nôces, & qui a autorisé dans le Droit coutumier, ce qui avoit été ordonné, par la Loi Hac Edictali, C. De secundis nupliis. Il s’entend, tant des meubles que des immeubles ; c’est pourquoi, c’est une précaution nécessaire de faire faire un Inventaire par personnes publiques, des meubles appartenans à une veuve, qui se remarie ayant des enfans.
La donation faite par une femme à un second ou autre subséquent mari, fe regle par le nombre des enfans qui la survivent, & non par ceux qu’elle avoit lors de la donation, comme il est atcesté par l’Article XCl dudit Réglement. Mais on pourroit douter, si par ces enfans survivans, on doit en-tendre tous les enfans, ou seulement ceux que la donatrice avoit de son premier mariage, parce que ladite Loi & ladite Ordonnance ne se doivent en-tendre que des enfans des précédentes noces,Louet , N. 2, outre qu’il semble qu’il y a de l’absurdité à dire, que la donation faite à un second mari, doit être réglée, non-seulement par le nombre des enfans que la donatrice pourra laisser d’un premier mari, & d’un second son donataire ; mais môme par le nombre des enfans qu’elle pourra avoir d’un troisieme mariage. Or comme le nombre des enfans ne se confidére que du jour du décés de la mere, ainsi la valeur des biens de la donatrice ne s’estime que de ce même jour, & non de celui de la donation.
Sous le nom des enfans, les filles y sont comprises, quoiqu’elles ne soient pas héritières : mais pour régler la donation faite par la femme au cas de cet Article, on n’a pas égard à l’arbitration du mariage avenant des filles, mais seulement à leur nombre : de sorte qu’on estime la part de chacune d’elles, comme celle d’un frere qui a eu le moins en la succession de la mère.
Le mari donataire est obligé de faire les lots, & n’a son partage que par non choix, par un Arrét du 23 d’Avril 16z5, rapporté parBasnage .1
Quand une femme a donné à un premier mari le tiers ou plus grande part de son mariage, elle ne peut plus rien donner de son propre à ses autres maris, parce que la faculté qu’elle avoir de donner est épuisée : Néanmoins, si c’est son pere qui a donné, elle n’est pas privée de doner en faveur d’un second ou autre mariage, une portion de sa dot, suivant la limitation de cet Article, parce que la donation faite par le pere en faveur de mariage de sa fille n’est immeuble qu’à l’égard de ce qui est constitué pour la dor, le don mobil étant réputé un meuble, qui ne prive pas la fille de pouvoir donner un tiers de son immeuble.
Par un Arrêt donné en la Grand’Chambre, en forme de Réglement, au Rapport de M d’Aube, il a été jugé qu’une femme qui avoit donné à deux maris, tout ce qu’elle leur pouvoit donner, n’étoit pas privée de donner le diers de ce qui lui étoit resté de propre, & que cette donation du tiers en général auroit lieu sur les immeubles, en quelques lieux qu’ils fussent situés, encore qu’elle n’eût été insinuée qu’au lieu du domicile de la donatrice. Les Parties étoient la Demoiselle du Meslay, nièce de la donatrice, & les Sieurs Guerard de la Vigne héritiers.2 Au reste, les donations excessives faites par les femmes, ne peuvent être réduites dix ans aprés la mort de la donatrice, où de la majorité de ses enfans : ce qui est général pour toutes les donations, par l’Article CCCCXXXV. VoyezLouet , M. 1, 2, 3 & 8, où il traite plusieurs questions touchant l’Edit des secondes Noces.
Neuvieme Partie, des Contrats que les Gens mariés ne peuvent faire l’un pour l’autre.
J’ai déjà fait quelques observations sur le don mobil que la femme peut faire à son mari par leur Contrat de mariage ; mais je vais recuerllir les principes généraux concernant le don mobil du premier mariage : les réflexions que je ferai sur l’Article CCCCV deviendront plus claires & plus utiles.
La Jurisprudence attestée par l’Article LXXIV du Réglement de 1688, laisse à la femme la faculté de donner à son man letiers de ses immeubles & la totalité de ses meubles ; il fait plus, car il déroge à l’Article CCCexxxI de la Cout., qui exige dans le donateur l’âge de vingt ant accomplis, pour pouvoir disposer du tiers de ses immeubles ou il l’interprete en faveur du motif. La Cour confirma même, par Arrét du ra Juin 168y, un don d’héritage fait en Contrat de mariage au mari par la femme, alors mineure, sous la seule autorité de sa mere & de sa tutrice. Le parti étoit fort avantageux à la donatrice ; cependant, quand la femme regle elle même ses conventions matrimoniales, il ne peut être prétendu par le mari ou par ses héritiers un don mobil sur les immeubles de la femme, lorsqu’il n’est point exprimé dans le Contrat de mariage : Arrêt de Réglement du 26 Mars 1738.
Quand les pactions du mariage ont été arrêtées en présence des parens le don mobil fait ensuite hors leur présence est nul : Arret du 16 Janvier 1628, cet acte est une contre-lettre défenduë par l’Article CCCLXXXVIII de la Coutume.
La femme peut en se matiant se réserver la faculté de faire dans la suite un don mobil, qui sera le prix d’une affection plus éclairée. On opposeroit alors vainemement au mart l’Article CCCex, car le don aura un effet rétroactif au Contrat de mariage, & au moment où la femme étoit capable de disposer.
La femme, au lieu du tiers de ses immeubles, a la liberté de donner en don mobil, la totalité de leur usufruit ; grace exorbitante & qui n’a lieu qu’en Contrat de mariage, mais ses héritiers ont l’alternative d’abandonner au mari cet usufruit ou la propriété du tiers : Arrêt du 17 Fevrier 1678, rapporté par Basnage sous l’Article CCCXI. Quand les héritiers de la femme ont consommé leur choix, il est irrévocable & ils ne peuvent varier : Arrét du ro Juin 1746.
La femme peut étendre le don mobil, tant sur ses biens presens que sur ses biens à venir, d’autant qu’étant dans une espèce d’interdiction par le mariage, le temps où elle ne pourrs plus contracter se réunit & se rapproche sous un seul point dans le moment de la rédaction des pactions matrimoniales. Ainsi, quand il échet pendant la vie du mari une succes-sion immobiliaire, soit directe ou collatérale, le mari, en vertu de la clause de son Contrat, Vaura un don mobil, & on ne doit pas s’arrêter à quelques Arrêts contraires. Mais si la femme qui a donné le tiers de ses biens présens & à venir, même du consentement de celus dont elle est héritiere présomptive, vient à décéder auparavant l’echéance de la succession, la succession n’est point sujette au don mobil : Arrêt en Grand Chambre du 31 Mars 1751, au rapport de M. Boulenger. Dans le fait de l’Arrêt, la clause du Contrat de mariage étoit concuë en ces termes : n’Ladite Demoiselle future épouse, du consentement dudit n sieur son pere, donne audit sieur futur époux le tiers de tous ses biens, présens & à n venir, n’On convient que cet acte paroit être l’ouvrage du pere, mais il ne le dépouille pas de la liberté qu’il a d’aliéner son bien ; la fille n’y a qu’une expectative, & elle prémourante l’ex pectative s’évanouit.
Le don mobil est comme tout autre Contrat de donation, susceptible de toutes les conditions qui ne répugnent, ni au droit public, ni aux bonnes moeurs, & ces conditions ne lient pas moins les créanciers du mari que le mari lui-même ; j’en donnerai un exemple.
Une femme donne le tiers de ses biens à son mari en don mobil, parce qu’il ne pourra le vendre ni l’hypothéquer du vivant de sa femme ; la femme s’en retient l’usufruit en cas qu’il n’y ait point d’enfans, & l’usufruit du tiers en cas qu’il y ait des enfans. Par Arrét du 8.
Juillet 178z, rendu contre les créanciers du mari, les enfans qui comme la femme avoient renoncé à la succession du donataire, ont été autorisés de jouir des deux tiers de l’usufruit pendant la vie de leur mere, & la mère de l’autre tiers.
Les donations que les femmes, convolant à de secondes nôces, font à leurs maris, ont des regles particulieres : on doit considérer la disposition de l’Article CCCCV de la Coutume comme une digue opposée à la profusion inofficieuse des femmes qui se remarient ; cette disposition retient les meres dans le devoir de la nature. On y remarque un sage expédient que les Loix ont trouvé pour prévenir les divisions domestiques, que causent ordi-nairement les avantages des secondes nôces ; elle console les enfans du premier lit du tort que leur fait un second mariage, en leur offrant un asyle contre les maux qu’ils pourroient avoir à craindre d’un beau-pere qui commande absolument dans le coeur de leur mere aprés les en avoir chassés. Ne mulieres novorum niaritorum delinimentis, insiigationibusque corrupte maligné ad-ersus Lberos suos injuriam inducant 8 eos debitâ successione defraudent.
L. hac edictali, cod. de secund. nup. Novell. 22, de lus qui nupt. iterant. Consultation deCujas . Journal du Palais, tom. 1.
On a jugé autrefois, par deux Arrêts de ce Parlement, que l’Edit des secondes nôces ayant été donré en faveur des enfans du premier lit, on ne devoit compter que les enfans sortis de ce mariage pour régler la quotité de la donation faite à un second mari. Cette Jurisprudence n’a pas subsisté, nous nous fommes rapprochés des Arrêts du Parlement de Paris & du Barlement de Bretagne, il est certain, depuis long-temps, que les enfans de divers lits entrent en nombre avec le second mari, comme ceux du premier lit. Voyes Louet &Brodeau , n. 2 & 3 ; Le Prêtre Cent. 1, Chap. 49 ; Ricard & Ferrière sur l’Art. CCLXXIz de Paris ; dela Lande , sur Oriéans, Art. CeIil ;Hévin , surFrain .
On a douté si les filles prenant le moins dans la succession, ne déterminoient pas la part du mari dans le concours des mâles & si cette part ne devoit pas être comme la légitime des filles. LeBrun , Liv. 2, Chap. 6, Sect. 1, dist s, n. 19, dit que le mariage avenant des filles étant la moindre part, il fixera aussi en Normandie la part du second mari ; le Brun s’est artaché scrupuleusement à la lettre de l’Edit. Basnage rapporte des Arrêts qui prouvent que dans ce cas la part du mari s’estime par le nombre des enfans sans distinction. de sexe : il est vrai qu’il appuie principalement ces Arrêts sur l’embarras de la liquidation du mariage avenant.
Il y a un peu plus de difficulté quand la succession de la femme est composée d’un seur Fief, & qu’elle a laissé des fils & des files : la premiere opinion qui se présente est de donner au mari une part de la provision a vie des puinés. Basnage & l’Auteur du Commentaire manuscrit sur le Réglement de 188d, portent à croire que l’on doit partager avec le mari le tiers du Fief, & lui donner sa part en propriété, évaluée en deniers. En partant de cette observation, il est facile de trouver la part qui appartient au mari dans la Coûtume de Caux.
Quand on est hors le premier degré de succession, & que les petits-fils viennent par repréfentation avec leurs oncles à la succession de leur aieule, comme les petits-fils d’une branche ne forment tous qu’une seule téte, on ne réduit pas la part du mari à la part d’un des petits-fils.
Le mari ne leve point avant les enfans sa part sur la masse de la succession, car elle seroit plus avantageufe que celle de l’un des enfans, supposez en effet trois enfans, si le mari prend sa part sur la masse, il aura le tiers, & il ne restera aux trois enfans que les deux tiers à diviser entr’eux ; le mari partage donc comme un héritier adopté & surnuméraire, & il emporte le quart de la succession de la merc dans l’espece proposée.
Quand la veuve ayant des enfans d’un premier mariage, convole en secondes nôces sans faire aucun don à son nouveau mari, les enfans ont le choix d’abandonner au mari l’universalité des meubles de leur mere, ou une part égale à celle de l’un d’eux dans les immeu-bles comme dans les meubles : Arrét du Ia Août 1629, rapporté parBérault . Si la femme n’a laisse que des meubles, le second mari n’aura qu’une part d’enfant dans les meubles : cette derniere question paroit décidée par l’Edit de 1560, dont la disposition renferme le mobilier & l’immobilier de la donatrice.
Mais nos Réformateurs n’ont pas jugé à propos de statuer sur le tiers des meubles, & la part des conquéts hérités d’un premier mari, ni sur le douaire. L’Article CCLxxix de la Coûtume de Paris retranche de la donation en secondes nôces ce que la femme a eu de la communauté du premier mari ; mais le douaire n’en est excepté que quand par convention il est plus fort que le douaire coutumier. Basnage excuse ainsi le silence de nos Réformateurs ; la Coûtume dit-il, ne donne le plus souvent à la femme qu’un tiers par usufruit sur les conquêts : car régu, lierement on ne doit pas souffrir que des veuves trompant l’espoir & les desirs de la nature & de la Loi, enrichissent un second mari des dépouilles du premier.
Tout le monde sçait, & il suffit de lire l’Edit pour s’en convaincre, que si la femme ne laisse qu’un enfant, le second mari n’aura pas la moitié des biens de sa femme, parce que la quotité disponible par donation ne peut être outrepassée en faveur d’un second mari, & qu’elle est firée au tiers des immeubles par l’Article CCCexxxi de la Coûtume ; mais s’il ne survit à la mere aucun enfant du premier lit, les enfans du second lit, que je suppose au nombre de trois, pourront : ils agir en rétranchement de la donation faite au second mari 1Duplessis , des Donat. Liv. 1, Tit. 14, Sect. 3, Obs. s, dit que la décision de cette question dépend ex variis causarum figuris, pour moi je crois que la femme qui donne en convolant en secondes nôces, tout ce que la Coûtume lui permet de donner, n’a eu intention de donner que ce dont la Coûtume lui permettoit alors de disposer à titre gratuit, c’est-à-dire, d’une part d’enfant, & que la désignation énoncée dans le Contrat doit avoir un effet limitatif.
On estime à Paris que le mari donataire de sa femme, mariée en secondes nôces, doit survivre la donatrice. Ricard dit que quoique les donations des biens présens & à venir soient recues à Paris quand elles sont faites en faveur de mariage, & que ces donations. soient absolument irrévocables entre le donateur & le donataire ; cependant, comme elles participent en quelque chose aux donations, à cause de mort, particulierement en ce que l’exé-cution est remise aprés la mort du donateur, comme il seroit absurde que le donataire pût acquerir aprés sa mort ; s’il prédécede le donateur, la donation demeure caduque & sans effet. Ricard des Donat. Part. 1, Chap. 4, Sect. 2, dist. 3, n. 107a, & Part. 3, Chap. 7 Sect. 6, n. 827. Sur ces principes on a déclaré, par Arrét du Parlement de Paris, nullune donation faite par la femme à son second mari qui l’avoit prédécédée, contre les héri-tiers collatéraux du mari. Journal du Palais, tom. 2 : on a jugé au Parlement de Roüen, en Grand Chambre, par Arrêt du y Mai 17ô1, confirmatif d’une Sentence des Requêtes du Palais, qu’une femme ayant donné en se remariant, à son mari une part d’enfant dans ses menbles & immeubles, l’héritier du mari ne pouvoit rien prétendre sur les successions collatérales, échues depuis la mort du mari à la femme, ni sur les acquisitions qu’elle auroit faites postérieurement. Mais nous n’avons point d’Arrêts qui avent décidé que le mari venant à décéder auparavant sa femme, ne transmet aucune part des biens dont la femme avoit la propriété au temps de la mort de son mari : l’Avocat qui plaidoit contre l’héritier du mari en 17ô1, convenoit au contraire qu’il falloir faire une première masse des biens de la femme, dans laquelle on laisseroit à P’héritier du mari une part d’enfant, & une seconde mafse qui se partageroit entre les enfans de la donatrice, à son exc lusion.
Nous ne suivons point le second chef de l’Edit qui réserve la part que la femme a eue dans les meubles & conquêts du premier mari, aux enfans sortis de ce mariage ; aprés la mort de la mere on ne considere point l’origine de ses biens, ils ne forment qu’une seule succession qui se partage entre les enfans de divers lits.
Il est conforme aux principes de notre Coûtume que la femme usante du-ses droits, ayant donné à son premier mari ses meubles & le tièers de ses immeubles, ne puisse rien donner à ceux qu’elle épousera dans la suite ; c’est la décision de l’Article CCCCXXXl ; il a mé-me été jagé, par Arrêt du 10 Décembre 1720, qu’une fille, mariée par sa mère & ses freres. avec stioulation du tiers en don mobil, n’avoit pu rien donner à son second mari sur la dot paternelle. Basnage rapporte un Arrét semblable.
Quand un pere, en mariant sa fille a donné à son gendre le tiers de ce qui pourra apparrenir à cette fille dans sa succession, il semble qu’il y a de l’inconvénient à lui permettre de faire un don d’immeubles à son second mari. Un pere a pour héritieres préfomprives deux filles, il marie l’ainée, & par le Contrat de mariage il donne au futur époux un fonds formant le tiers de la part que sa fille aura dans sa succession ; la fille le rapportera un jour dans la masse de la succession paternelle : si vous lui permettez encore de donner de ses hérirages à son second mari, n’étes-vous pas forcé d’avouer, malgré la distinction entre le pere qui marie sa fille, ou la fille qui se marie elle-même, que plus du tiers du bien de cette fille aura été épuisé en donations à