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Septieme Partie, du Douaire des Enfans,

CCCXCIX.

La propriété du tiers de l’immeuble destiné par la Coutume pour le Douaire de la Femme, est acquise aux Enfans du jour des épousailles ; & ce, pour les Contrats de Mariage qui se passeront par ci-aprés : & néanmoins la jouissance en demeure au Mari sa vie durant, sans toutefois qu’il le puisse vendre, engager ne hypothéquer ; comme en pareil cas, les Enfans ne pourront vendre, hypothéquer ou disposer dudit tiers avant la mort du Pere, & qu’ils ayent tous renoncé à sa succession.

Dans cet Article & les cinq suivans, il est disposé de la legitime que-la Coûtume a réservée aux enfans sur les biens des peres & des meres : Elle est appellée Douaire ou tiers légal, par le rapport qu’elle a au Doüaire des femmes, ou à la quantité des biens ausquels elle consiste : C’est une introduetion faite par la Coûtume réformée ; c’est pourquoi comme cette matière n’e-toit pas bien éclaircie par l’usage, il paroit qu’elle n’a été que comme cbauchée lors de cette réformation, ayant été nécessaire de la retoucher pour lui donner une forme plus complete qu’elle n’avoit, dans les principales expressions qui la représentent dans quelques-uns de ces Articles : Car il y est énon-cé que la propriété de ce tiers est acquise aux enfans du jour des epousailles, que la jouissance en appartient au pere pendant sa vie, que les enfans n’en ont la délivrance qu’aprés la mort du pere, & leur renonciation à sa succession, & que de plus, cette renonciation doit être faite par tous les en-sans ensemble : ce qui étant entendu suivant la signification littérale & ordinaire des paroles, causeroit de grandes erreurs dans l’esprit de ceux qui les lisent, & de grandes absurdités dans la pratique. Ce qui sera mis en évidence par les remarques qui seront faites sur un chacun de ces Articles.

Mais auparavant, il ne sera pas inutile de donner une notion générale de cette legitime coutumière : elle est bien différente de la legitime du Droit Romain, qui n’avoit été autorisée que pour limiter la puissance des testateurs, & pour conserver aux enfans héritiers par le droit naturel, quelque portion de biens dans les successions de leurs peres & meres, par préférence à des étrangers, ou institués héritiers ou légataires : de manière que par cette Jurisprudence, la liberté de disposer de ses biens par contrats faits entre per-sonnes vivantes, n’étoit point diminuée, ni le commerce, qui est si nécesfaire dans la vie civile, & qui se fait principalement par la vente & l’achat, par le pret, & par toutes les autres conventions qui emportent l’engagement ou l’aliénation des biens, n’étoit point rendu difficile, captieux & incertain.

Mais les Coutumes ne se sont pas contentées de donner des bornes tres-resserrées aux testamens, elles ont voulu restreindre le pouvoir de disposer des biens par les contrats entre vifs, & pour prévenir que les enfans ne tombassent dans la pauvreté, par la mauvaise conduite de leurs ascendans, elles ont privé les peres & les mères de la liberté de disposer de leurs biens, & ont si fort embarrassé le commerce, qu’on a raison de dire, qu’il est plus de faux acheteurs que de faux vendeurs : Outre que cette legitime coutumière a donté occasion à la tromperie & à la mauvaise foi des débiteurs, qui sous le prétexte du droit qu’ont leurs enfans sur leurs biens, font revivre leurs ancien-nes dettes, & reprennent la possession des biens qu’ils avoient vendus, cont ils jouissent impunément, apres en avoir dépouillé les possesseurs legitimes, qui en outre, par d’autres accidens, sont quelquefois dépossédés aprés une possession de plus de quarante années.1

Donc la légitime coutumiere ou le tiers légal consiste au tiers des biens que les peres & meres possedent lors de leurs épousailles, & qui leur échéent en ligne directe, & c’est la convenance qu’a ce droit avec le Doüaire coûtumier des femmes : Il a plus d’étenduë sur les biens des méres ; car il se prend généralement sur tous les biens qui leur échéent pendant leur mariage, sans distine-tion, si c’est par succession directe ou collatérale, ou par donation, ou par droit de conquêt.2

Ca ne peut pas dire, en parlant proprement, que la propriété de ce tiers soit acquile aux enfans absolument, car il faut qu’ils survivent à leurs peres & meres ; & s’ils prédécedent, le Douaire est aussi-bien éteint pour eux, que pour la mère mourante avant son mari, aux termes d’une apostille de duMoulin . De sorte que les contrats, par lesquels les peres & meres ont aliéné tous leurs biens, subfistent au cas de ce prédéces des enfans. On peut ajouter que ces mêmes contrats sont valables, au cas même que les enfans survivent, puisque les acquereurs sont maintenus en la propriéte & en la possession des biens faisant partie du tiers légal, qui leur ont été vendus par les peres & meres, en payant l’estimation des biens qu’ils ont acquis, suivant qu’il est expliqué par l’Article CCCCIII.

Ce droit donc des enfans ne consiste pas dans une propriété, mais plutôt dans un engagement, par lequel le tiers des biens des peres & des meres est tellement hypothéqué, que les peres & les mèrcs ne les peuvent aliéner franc. & quittes de cette légitime coutumière, même du consentement de leurs enfans.

Mais comme il n’y a qu’une quotité de biens, c’est-àdire, un tiers qui doive porter cette charge, si les peres & meres n’ont aliéné que les deux tiers, les enfans ne peuvent pas prétendre leur droit sur ces biens aliénés, il faut qu’ils le prennent lur l’autre tiers qui est resté aux mains de leurs peres & meres : dont il s’ensuit, que si les peres & meres ont aliéné plus que les deux tiers, il n’y a que les dernieres aliénations qui soient révocables par les enfans, jusqu’à la concurrence de ce qu’il faut pour le parfournissement de leur Douaire, par l’Article CCCCIII.

Les enfans de leur part ne peuvent vendre ni engager leur tiers pendant que leurs peres & meres vivent : de sorte que tous les contrats qu’ils peuvent faire pour cette vente ou engagement, pendant la vie de leurs peres & méres méme conjointement avec eux, ne peuvent jamais être exécutés, ni sur les biens qui composent cette legitime, en quelques mains qu’ils soient passés ni même sur les personnes, bien que ces mêmes contrats soient exécutoires sur les autres biens desdits enfans, comme il est attesté par l’Article LXXXV dudit Réglement.3

Ce qui a été dit, que le Douaire des enfans consiste au tiers des biens que le pere possede lors de son mariage, doit être expliqué, car quand le pere a marié plusieurs fois, le tiers des enfans n’est pas limité sur les biens que possédoit le pere nors de la célébration du mariage dont ils sont sortis ; car il est à l’option des enfans de prendre leur Douaire, cu égard aux biens que possédoit le pere, ou lors des premieres noces, ou lors des subséquentes, suivant ce qui sera remarqué plus au long sur l’Article CCCC.

Il faut de plus sçavoir que le tiers legal, lorsqu’il se prend en essence, est partagé entre les freres, suivant la qualité & la situation des héritages qui y sont compris ; mais que s’il se prend par estimation, il se partage également, & qu’en ces deux cas, les filles ordinairement ne peuvent prétendre que mariage avenant par l’Article CCCCII.

Aprés une représentation sommaire de la consistance & des dépendances du tiers légal, il faut reprendre les Articles qui en disposent, suivant l’ordre de la Coûtume. On peut dire sur le CCOxOIx, qu’il n’y en a point dans la Coûtume où il se rencontre tant de paroles qui ayent besoin d’être interprétées.

Car premierement, le terme de propriété ne se doit pas entendre absolument, comme il a été prouvé, mais avec la condition de survie des enfans, non puré sed limirativé, si liberi supervixerini patri, parce que si les enfans meurent avant le perc, ils ne transmettent point à leurs héritiers collatéraux cette imaginaire propriété, encore même qu’ils eussent eu la délivrance de leurs tiers, aux cas qui seront spécifiés ci-aprés : de sorte que le prédéces des enfans confirme pleinement la véritable propriété du pere, puisque les créanciers du pere, & le fisc même, seroient préférés tant aux créanciers qu’aux héritiers collatéraux des enfans4. Mais il faut remarquer que par les héritiers collatéraux, on ne dait pas entendre en cette occasion les freres ni les seurs, sinon ceux qui ne sont pas procreés d’un même pere ou d’une même mère, d’autant quo les biens ne peuvent passer d’une ligne à l’autre : car quand ils sont freres ou seurs du défunt, le tiers leur appartient à l’égard des biens ausquels ils auroient droit de succéder, ou par représentation de leurs frères & seurs prédécédes sans avoir renoncé ni fait option, ou par un droit d’accroissement, comme il a été jugé par deux Arrêts des 9 d’Août 1és8, & 15 de Décembre 16yo, rapportés par Basnage sur cet Article.5 Secondement, quoique sous le mot d’immeubles, les rentes, tant foncieres qu’hypotheques, & même les Offices, y soient compris ; néanmoins la propriété qui est atcribuée par cet Article, ne s’étend point sur ces sortes d’immeubles, que quand ils sont encore en la possession du pere lors de son dé-ces : Carsil a reçu le racquit des rentes, même des Seigneuriales, & s’il a disposde son Office, les enfans n’ont aucune action contre les debiteurs qui se sonc acquittés, ni contre les nouveaux titulaires de l’Office, & ils perdent leur Douaire, à moins qu’il n’y ait d’autres biens dans la succession, sur lesquels ils puissent avoir leur récompense : de la même manière, que la veuve a son Douaire & sa récompense en ces mêmes cas, suivant qu’il est attesté par l’Article LXXVI dudit Réglement de 1606.6

De plus, bien qu’il soit évident que les Fiefs sont des immeubles : néanmoins quand tout le bien de la succession ne consiste qu’en un Fief la pro-priété du tiers n’appartient pas aux enfans pour leur Douaire : car les Fiefs ne fe pouvant partager sans en diminuer la valeur, & les créanciers d’ailleurs étant réputés comme des ainés, il a été convenable de juger, que les enfans ne peuvent demander leur tiers en essence, mais seulement en deniers, ou suivant l’estimation qui doit être faite par Experts du Fief en son intégrité, ou suivant l’adjudication qui en aura été faite par décret : auquel cas de décret les enfans ont leur tiers en exemption des frais, du treizieme & du droit de consignation ; mais ils sont tenus de payer le tiers des dettes antérieures à leur legitime ; avec cette condition, que si les deux autres tiers de ces dettes anciennes ne peuvent être payées sur les deux autres tiers du prix de l’adjudication s ce qui peut arriver, quand le prix de l’adjudication est moindre que l’estimation faite par Experts, ou que ces dettes se trouvent plus grandes qu’elles n’avoient paru ; ) en ce cas, le reste desdites dettes antérieures sera payé sur le tiers pris par lesdits enfans, qui contribueront aux frais du decret & au trcizième, comme il a été jugé par un Arrêt donné par rapport le y d’Août 1675, rapporté parBasnage . La difficulté est semblable, quand tout le bien consiste uniquement dans une chose qui ne se peut partager sans une grande vincommodité, comme en une maison, c’est pourquoi il seroit à propos de la liciter entre les créanciers & les enfans.7 En troisieme lieu, par enfans, on entend les descendans en quelque degré qu’ils soient.

En quatrieme lieu, la propriété étant déclarée acquise du jour des épousailles, il sembleroit que pour esumer le tiers, il faudroit avoir égard à l’état auquel les biens étoient en ce temps-là, & supposer en faisant l’estimation pour la liquidation. & délivrance du tiers, qu’ils seroient au même état, & partant, que les augmentations faites sur ces mêmes biens depuis le mariage, par le travail ou dépense des pere & mere, devroient être déduites en faisant ladite estimation ; & qu’au contraire, la diminution de la valeur desdits biens arrivée, ou par mauvais ménage, ou par la vente des bâtimens & des bois de haute-fûtaie, devroit être estimée pour en donner récompense aux enfans : mais par les Arrêts on a jugé différemment des améliorations & des dégrademens ; parce qu’on a déclaré, que les améliorations étoient au prosit des enfans, comme faisant partie du bien sur lequel leur Douaire se doit prendre ; & qu’au contraire, les dégrademens & détériorations ne pouvoient y apporter de la diminution : ce qui ne paroit paséquitable à l’égard des améliorations, qui devroient être déduites quand elles augmentent confidérablement la valeur & le revenu des biens ; car il semble qu’il auroit été juste d’avoir au moins égard aux distinctions référées dans le Titre

De impensis in res doiales fadis, au Digeste, & à ce qui est décidé par les Loix 5, 8, 15 & 16 de ce même Titre : d’autant plus que le tiers légal n’est pas assigné sur de certains héritages sur lesquels les améliorations peuvent avoir été faites, de maniere que ces héritages ayant été aliènés, ne sont point affectés au tiers, qui se doit prendre sur les biens non aliénés, s’ils sont suffisans de le porter, sinon sur les dernieres aliénations, dans lesquelles même les acquereurs se peuvent maintenir, en payant le prix de l’estimation réglée par l’Ar-ticle CCCCIII.8 En cinquième lieu, quand il est dit que la jouissance du tiers appartient au mari sa vie durant, il le faut interprêter & entendre, que quand le mari ou pere est mort civilement ou que quand même il est dépossédé de ses hiens par le décret, en ces cas, les enfans doivent avoir la jouissance du Douaire, sive consentiente, sive repugnante paire ; parce que cette légitime étant donnée par la providence de la Loi, afin d’empécher que les enfans ne soient pas privés des moyens de subsister, par le mauvais ménage de leur pere, & par la dissipation qu’il aura faite de ses biens ; cette précaution seroit inutile, si les créanciers comme subrogés au droit du pere, jouissoient à l’exclusion des enfans, sur quoi on peut rapporter ce qu’à dit duMoulin , sur l’Article VIII de l’ancienne Coutume de Paris, Glose 4, que quand de la signification ordinaire des paroles d’une Loi sc’est ce que cet Auteur appelle corticem verborum ) il s’ensuit quelque absurdité, il faut dans l’interprétation de cette Loi, s’éloigner de ces paroles, & s’attacher à l’intention de cette même Loi, suivant la raison & l’équité naturelle, qu’on doit estimer être la Loi vivante.9

Basnage a remarqué, que quand les enfans jouissent de ce tiers, ils sont obligés de donner une partie de cette jouissance à leur pere pour sa nourriture, ce qui se doit estimer arbitrio boni viri, selon la valeur du Douaire & la qualité de la personne : de maniere toutefois ( ajoute ce même Auteur que si ce revenu étoit si modique, qu’à peine il pût suffire au pere pour lui subvenir, il seroit convenable de le lui donner tout entier, s’il étoit dans l’impuissan-ce de gagner sa vie, suivant qu’il a été jugé par un Arrêt du 1o Octobre 1660.

Mlais ne seroit-il point plus convenable de dire, que les enfans qui jouissent du tiers, en conséquence de ce que leur pere en est dépossédé, ou prût d’en être dépossédé par les créanciers, sont tenus de fournir les alimens à leur pere, parce qu’ils y sont obligés absolument par un devoir naturel & de piété, quand ils ont des biens, de quelque cause que proviennent ces biens ; C’est pourquoi ils y doivent être condamnés officio Judicis : ce qui a fait dire à Ulpien dans la Lois, ff. De agnoscendis & alendis liberis, vel parentibus, &c. Iniquissimum quis méritâ dixerit pairem egere, cûm silius sit in faculiatibus, que de dire que les enfans doivent laisser le tout ou partie du tiers à leur pere pour sa subsistance : car ce tiers n’a pas été réservé par la providence de la Couûtume, pour remédier à la pauvreté en laquelle le pere de famille peut tomber par son imprudence, mais uniquement pour empécher que les enfans procréés en legitime mariage ne fussent réduits dans un état misérable, en se trouvant dénuës de tous les biens ausquels ils avoient dû prétendre par leur naissance, & la condition de leurs pere & mère : de manière que quand la Coûtume a déClaré en cet Article, que la jouissance doit demeurer au pere sa vie durant, ce n’a été que pour expliquer, que la propriété qu’elle attribuoit aux enfans, ne leur appartenoit pas pleinement pendant la vie de leur pere : mais ce n’a pas été pour signifier que la jouissance de quelque partie de ces biens devoit être réservée au pere de famille, quand il les avoit engagés ou dissipés entierement, vu qu’il est certain, que quand il n’y a point d’enfans rien ne peut empécher que les créanciers n’exéeutent leurs contrats contre leur débiteur, & ne le dépouillent non-seulement de la propriété, mais de la possession & jouissance de tous les biens qui lui appartenoient lors de son mariage, & qu’il a depuis hypothéqués.

En sixieme lieu, si la jouissance que doit avoir le pere pendant sa vie, 2 été interprétée par une fiction, qui fait réputer que le pere ne vit plus, quand Il est depossédé de ses biens, ou par des condamnations capitales, ou par un décret ; on ne peut pas étendre cette fiction à l’égard de la clause de cet Article, par laquelle il est déclaré que les enfans ne peuvent vendre ni hypothe-quer leur tiers qu’aprés la mort de leur pere : car à cet égard le terme de mort ne s’entend que de la naturelle, étant certain qu’il n’y a aucun cas ausquels les enfans puissent aliéner ni engager leur douaire, pendant que leur pere est in rerum natura, parce que pendant ce temps ce n’est pas leur bien, comme il a été remarqué, dont il résulte que le manque de pouvoir de vendre ou d’engager, ne procede pas de l’inhabileté des enfans, puisqu’ils peu-vent obliger valablement leurs autres biens, même en cautionnant leur pere mais provient de la chose que la Coutume a voulu être inaliénable : que si l’obligation des enfans, par laquelle ils ont vendu ou engagé nommément & généralement leur tiers, ou particulièrement, en désignant quelques biens sur Esquels le tiers étoit assigné, est valable & exécutoire sur leurs autres biens elle ne peut néanmoins être executée sur leur personne, quoiqu’elle contienre la clause de la soumission par corps, elle ne peut pas même être exécutée sur les héritiers desdits enfans, quand ils n’ont point eu d’autres biens de la succession de leur prédécesseur que ceux du Douaire, suivant qu’il est attesté par l’Article LXXXV dudit Réglement.

Il faut enfin observer, que ce qui a été dit, que les enfans doivent contribuer au payement des dettes anciennes, qui sont des charges de droit, il faut distinguer entre les dettes mobiliaires & les immobiliaires : car quant à celles-ci, le Douaire y doit absolument contribuer ; mais pour les mobiliaires dont les arrérages des rentes antérieures au mariage, échus pendant la jouissance du pere, font partie, le tiers n’en est pas chargé, pourvu qu’elles puissent être acquittées sur les deux autres tiers du bien : car si ces deux tierne sont pas suffisans, les créanciers doivent être payés sur le tiers délaissé par non choix aux enfans.


CCCC.

S’il y a Enfans de divers lits, tous ensemble n’auront qu’un tiers, demeurant à leur option de le prendre au regard des biens que leur Pere possédoit lors des premieres, secondes ou autres nôces ; & sans que ledit tiers diminue le Douaire de la seconde, tierce ou autre Femme, lesquelles auront plein Douaire sur le total bien que le Mari avoit lors de ses époufailles, si autrement n’est convenu.

Il fait connoître que le commencement de l’Article précédent, qui regle le Douaire des enfans par le Douaire coutumier de la femme, se doit entendre suivant le cas le plus ordinaire, qui est, quand le pere n’a marié qu’une fois : car alors le Douaire de la femme & celui des enfans, sont relatifs l’urs à l’autre, & consistent aux mêmes biens ; mais quand le pere a matié piusicer : fois, le Douaire & le tiers légal peuvent être fort différens, tarce que le ti-rdes enfans se peut prendre, eu égard aux biens que le pere possedoit au tenn. ou des premieres, ou des secondes & autres nôces, selon que les enfans jugei.

qu’il leur est plus avantageux ; mais le Doüaire de la femme ne se regle que par rapport aux biens que le mari possédoit lors de son mariage avec la Douairiere, lors duquel il fe peut faire que le mari aura plus ou moins de biens qu’il n’en avoit lors de les précédens mariages.10

L’Article LXXXVI dudit Réglement atteste qu’afin que les enfans puissent oprer leur tiers, par rapport aux premieres & aux subséquentes nôces de leur pere, il n’est pas nécessaire qu’il y ait des enfans vivans de tous les mariages, au temps de cette option ( ce que la Coûtume semble requérir par cet Artiele ) mais qu’il suffit que les enfans qui ont droit de demander le tiers, soient nés avant la mort des enfans des mariages précédens : encore qu’il n’en fût resté aucuns vivans ; on a même jugé par un Arrêt rendu en l’Audience de la Grand Chambre, le ro de Mars 1673, rapporté parBasnage , qu’il susfisoit que les enfans des dernieres noces fussent conçus avant la mort des enfans des précédens mariages, pour avoir acquis ce droit d’option ; ce qui fait entendre que ce droit d’option, quoiqu’il n’ait eû aucune existence, est transmiilible aux enfans des dernieres nôces, soit qu’ils soient nés, ou seulement conçus lors du décés des enfans nés des précédentes, quod mirandum : Il semble qu’il faudroit juger la même chose en faveur des enfans des premieres noces, si les enfans des mariages subséquens étoient décédés avant la mort du pere, dont la fortune auroit été plus opulente au temps de ses derniers mariages qu’au temps des premiers, vu que la raison est semblable, & que les premiers nés ne sont pas moins favorables que les puinés, à moins qu’on ne veuille dire, que ce qui a été jugé contre les regles, ne doit point être tiré à conséquence.

Ce qui est attesté par l’Articie LXXXVII dudit Réglement, a semblablement éclairci ce qui est mis à la fin de cet Article, sçavoir, que le tiers des enfans ne diminue point le Douaire de la femme qui doit avoir plein Douaire sur tout le bien que le mari avoit lors des épousailles ; en ajoutant, que la derniere femme ne peut avoir Douaire que sur les biens dont elle a trouvé son mari faisi lors de leur mariage, ou qui lui est depuis échu en ligne directe. Il faut voir les Articles CCLIII & CCLIV de la Coutume de Paris, qui sont contraires à la Coutume de Normandie, en tant que les enfans de divers lits ne peuvent avoir le Douaire que suivant celui de leurs meres.11


CCCCI.

Et ne pourront les Enfans accepter ledit tiers, si tous ensemble ne renoncent à la succession paternelle, & rapportent toutes donations & autres avantages qu’ils pourroient avoir de lui.

Cet Article est une continuation de ce que la Coutume a ordonné touchant la légitime des enfans, qui est appellée le Tiers legal, ou le Douaire coûtumier des enfans. Et quoique les paroles dont cet Article est composé, paroissent claires & sans aucune ambiguité, on a cru qu’il les falloir interpréter contre leur propre signification, afin de leur donner un sens qui ne répugne point à la pensée de justice & d’équité, dont on est prévenu.

Les Commentateurs & les Juges ont eu en vue deux cas, qui peuvent vraisemblablement arriver. Le premier est de plusieurs enfans, dont quelques-uns voudront accepter la succession de leur pere, que les autres voudront répudier. Le second cas est d’un ou de plusieurs enfans avancés par leur pere, qui pour n’être point obligés de rapporter les dons qui leur auroient été faits, renonceroient à la succession de leur donateur.

Dans ces cas, on ne pouvoit comprendre comment il étoit possible d’accorder le Douaire aux enfans, si pour l’obtenir il étoit nécessaire que tous les enfans ensemble renonçassent à la succession, & de plus rapportasient toutes les donations & les avantages qui leur auroient été faits, comme il est pre-cisément & absolument prescrit par cet Article CCCCI, vu que dans le premier cas, quelques-uns des enfans voudroient être héritiers, & partant ne re-noncer point ; & que dans l’autre on voudroit renoncer, pour n’être pas tenu au rapport.

Ce qui semble ne pouvoir être empèché raisonnablement ni équitablement, soit par les enfans, soit par les créanciers, d’autant que la faculté d’accepter une succession ou de la répudier, est donnée à un chacun des heritiers présomprifs, & ne doit point dépendre de la volonté d’un autre, de sorte qu’on ne peut point dire sans absurdité, qu’un frere foit obligé d’accepter ou de répudier la succession de son pere, parce que son frère la veut accepter ou ré-pudier : d’ailleurs, on a supposé comme un principe indubitable, qu’un enfant ayant été avancé par son pere, pouvoit renoncer en retenant l’avancement. qui lui avoit été fait, parce que cela se pouvoit faire en conservant l’hypotheque des éréanciers, & la légitime des autres enfans. Ce qui est expressément diéclaré par la Coutume de Paris, en l’Article CCCVII en ces termes : Neanmoins où celui auquel on auroit donné, se voudroit tenirà son don, faire le peut, en s’absienant de l’hérédité, la legitime réservée aux auires enfans. a quoi sont conformes plusieurs Coûtumes, comme il paroit par la conférence qui en est faite sur ledit Article CCCVII, ce qui semble être fondé en trés-honne raison, vu que suivant l’Article CCCXVI de ladite Coutume de Paris, ne se porte. héritier qui ne veut ; c’est-à-dire, que l’addition d’une hérédité doit être purement volontaire ; & que d’autre part, celui qui n’est point héritier, n’est point obligé de rapporter : Non tenetur ad collationem.

Ces considérations ont fait juger que les enfans pouvoient demander la délivrance du tiers coûtumier, encore qu’ils n’eussent pas tous ensemble renoncé à la succession de l’ascendant ; & qu’en ce cas, ils ne pouvoient pas prétendre tout le tiers, par un Droit d’accroissement ; mais seulement la part qui leur pouvoit appartenir dans le cas opposé, qui est quand tous les freres ayant renoncé, se sont fait adjuger le tiers dans son intégrite, conformément à l’intention de la Coûtume qui ordonne que le tiers soit partagé entre les enfans, par les Articles CCCCII & CCCCIII.

C’est pourquoi le Parlement, pour empécher que les particuliers & les Juges, étant prevenus par les termes dudit Article CCCCI, ne tombassent dans des erreurs qui seroient contraires à la justice & à l’équité, a déclaré, conformément à ses anciens Arrêts, par l’Article LXXXIx de son Réglement de 1666, que les enfans n’auront pas le tiers entier, si tous n’ont renoncé, mais que celui qui aura renoncé aura la part audit tiers qu’il auroit cue, si tous avoient renoncé.

Il est manifeste que dans cet Article LXXXIx du Réglement, on a affecté une circonlocution, afin que biaisant ssi on le peut ainsi dire ) la contravention qui étoit faite à la Coutume, fût moins apparente. Car y ayant une contradiction évidente entre dire, que les enfans ne pourront accepter le tiers, si tous ensemble ne renoncent ; & entre dire, que les enfans pourront accepter le tiers, quoique tous ne renoncent point : on a évité. d’opposer l’affir-mation à la négation ( ce qui feroit une contradiction incompatinle : ) Et au lieu de s’expliquer généralement par ledit Article LXXXIx, en disant que les enfans peuvent demander leur tiers, quoiqu’ils n’ayent pas tous renoncé, on a restreint l’interprétation de la Coûtume par une préposition négative, qui se rapporte à un cas particulier, en énonçant que les enfans n’auront pas le tiers, entier, si tous n’ont renoncé.

Mais cette figure artificieuse de paroles ne fait qu’éblouir, & ne peut pas. faire perdre entièrement la vue de la contrariété qui se rencontre dans le sens naturel de cet Article CCCCI de la Coutume, & l’interprétation que le Réglement de 16b0 en a fait. Car il est évident, que la Coûtume a voulu faire entendre absolument & généralement que les descondans ne pouvoient demander le tiers coutumier, s’ils n’avoient tous renoncé à la succession, sur laquelle ils vouloient avoir la délivrance de leur légitime. Le terme ne pourront, qui fait le commencement de cet Article CCCCI, contient une négation qui exelut toute puissance de droit & de fait : Verbum potest, negative appositui importai necessitaiem ceu vim precisam, que excludit omnem poterasiem juris & fadi, comme enseigne duMoulin .

On ne peut pas aliéguer, que cette forme de parler soit échappée aux Députés qui travaillerent a rédiger la Coûtume, sans en avoir assez considéré la propre signification & les conséquences : car ils s’en sont servis deux fois sur le même sujet. On-voit par l’Article CCCXCIx, qu’il est semblablement déclaré, que les enfans ne pourront vendre, hypothéquer, ni disposer dudit tiers, ayant la mort du pere, & qu’ils ayent tous renoncé à sa succession.

Cette répétition fait connoître, que l’intention de ces Députés a été, que le tiers légal ne puisse être demandé, si tous ceux qui y ont droit ne renoncent à la succession, sur laquelle il doit être défalqué. Et comme il est contre toute la vraisemblance, que ces personnes qui étoient l’elite des pluexpérimentés, & des plus habiles hommes de la Province, soient convenus pour autoriser une Loi, qui fût répugnante au bon sens & à la justice ; il faut faire voir, s’il est possible, que les fondemens sur lesquels cette Los cit établie, sont solides, & qu’elle-même est tellement juste & équitable, qu’il iaut plutôt louer les Législateurs de leur prudence, que de les blamer d’inconsidera. & de peu de prévoyance.

Pour cot effet, il est nécessaire de se souvenir des principes qu’il faut surposer, pour bien entendre le sujet de la legitime réservée par la Coûtume aux enfans, sur les biens des ascendans. Il est incontestable, que par le droit naturel un chacun peut disposer de tous les biens qui lui appartiennent, par contrass entre-vifs, parce que c’est un effet inséparable d’un véritable domainc, qui attribue une puissance absolue sur ce qu’on possede comme propriétaire : mais comme ce domaine ne subsiste que dans la personne vivante, parce que celui qui ne vit plus, ne peut pas être possesseur ni propriétaire d’aucune chose ; il est encore certain, que la faculté de disposer de ses biens apres sa mort est un droit civil ; c’est-à-dire, introduit dans quelques contrées, par une Loi établie par le consentement de ceux qui ont le gouvernement en main.

Cette faculté a paru tres-favorable aux Romains, chez qui les donations à cause de mort ont été autorisées, autant & même plus que les donations entrevifs comme il est prouvé par ces paroles des Loix des douze Tables : Ue quisque de re sua legussit, ila jus esto. Mais comme c’étoit abuser de cette paiiIance, quand les pere excluoient leurs enfans de leur succession, qui leur étoit dûe par un droit qu’on peut appeller naturel, parce qu’il est observé par toutes les nations ; on la restreignit par la plainte d’inofficiolité, à laquelle les enfans étoient reçus, quand ils avoient été injustement deshérités o oabliés par le testament de leurs ascendans. On réserva donc aux enfans une certaine portion des biens de l’hérédité, qui fut appellée Legitime, parce qu’elle étoit réglée par la LoiMais le Droit coutumier a non-seulement abrogé cette paissance d’instituer des hêritiers, il a voulu de plus conserver aux enfans partie des biens que les peres & les meres possédoient lors de leur mariage, de sorte que les genis mariés & qui ont des enfans, ne peuvent faire de contrats, par lesques ils vendent, donnent ou engagent tous leurs biens : il faut qu’il y en ait une partie réservée pour les enfans, & cette partie est ce qu’on appelle en Normandie, la Legitime ou le Tiers coûtumier, parce que les enfans par la providence de la Loi, doivent avoir le tiers des biens dont les peres & les meres étoient possesseurs quand ils se marierent.

Il est évident que le Droit coutumier en cette partie répugne au Droit naturel, par lequel, comme il a été remarqué, un chacun peut disposer de ce qui lui appartient, comme l’occurrence des affaires le requiert, ou suivant son bon plailir. C’est pourquoi il le faut restreindre précisément dans les cas & les bornes que la Loi municipale a prescrits. Car on ne peut nier que ce Droit particulier à quelques Provinces, & qui déroge en quelque manicre au droit des gens, a été établi plutôt par des sentimens de compassion, que par des raisons de Justice ; ayant semblé qu’il étoit tres-pitoyable, que des enfans qui étoient nés & élevés dans des Maisons où il y avoit des biens pour vivre commodément, s’en trouvassent dénués par la mauvaise conduite de leurs ascendans. C’est pourquoi, pour donner quelque soulagement à cet état misérable, on a rétranché aux peres de famille la puissance de disposer de tous leurs biens, & on a ordonné, qu’une partie de ces biens seroit inaliénable, & réservée apres leur mort pour la subsistance de leurs enfans.

Cela met en évidence les conditions, sans lesquelles ce Douaire des enfans n’est point admissible : il faut qu’il y ait des biens dans la possession des peres & des meres lors de leur mariage ; il faut qu’il y ait des descendans survivans3 & il faut enfin que ces enfans renoncent à la qualité d’héritiers, pour faire connoître que leurs prédécesseurs ont aliéné ou engagé des biens en plus avant qu’il ne leur étoit permis par la Coûtume. Ainsi si les ascendans n’avoient point de biens immeubles quand ils se sont mariés, ils peuvent dissiper & perdre toutes les acquisitions qu’ils auroient faites pendant leur mariage, sans que les enfans y puissent prétendre aucune legitime. La seconde condition requise pour le tiers coûtumier, est qu’il faut qu’il y ait des enfans survivans ; car si les enfans meurent avant leurs ascendans, le Douaire est éteint à leur égard, comme il l’est à l’égard de la femme prémourante, comme l’a dit élegamment duMoulin .

La troisieme condition est aussi nécessairement requise que les deux préeddentes. Les enfans doivent faire entendre, que leurs ascendans les ont comme deshérités par leur mauvais aménagement, ou par leur infortune : il faut qu’ils renoncent à leur succession. C’est pourquoi il est dit par plusieurs Coutumes, que nul ne peut être heritier & doüairier ensemble. Dont s’ensuit une autre condition dépendante de celle-ci ; c’est-à-sçavoir, que les enfans demandans leur Douaire, sont tenus de rapporter les dons & les autres avantages qu’ils ont reçus, aux termes de l’Article CCCCI. Ce qui est une conséquence de la maxime bien déclarée par l’Article CCCCXXXIV, que toutes donations faites par les peres & les meres, sont réputées comme avancement d’hoirie. Dont il faut conclure nécessairement, qu’on ne peut retenir ces donations, sans s’attribuer la qualité d’héritier, puisqu’elles font partie de l’hérédité, il les faut donc rapporter, quand on renonce à la succession, pour être partagées entre les héritiers, ou pour être délaissées aux éréanciers.

Basnage a fort bien remarqué, que la Coutume de Normandie a plus solidement établi l’égalité qui doit être observée entre les enfans, que queique ; Coutumes, & entr’autres celle de Paris ; qui aprés avoir ordonné, que les ascendans ne peuvent en maniere quelconque avancer leurs eufans l’un plus que l’autre, ont ajouté une limitation, en déclarant que l’enfant qui a été avancé, peut se tenir à son don, en s’abstenant de l’hérédité. Car cette limitation donne un moyen de contrevenir à l’égalité, qui est si fort recomman-dée par des raisons d’équité & de bonne police, pour entretenir la concorde qui doit être entre les freres, en éloignant les causes d’envie & de jaloulie, qui produisent des haines implacables.

Que sert-il d’avoir si expressément ôté aux peres & aux meres, le pouvoir d’avantager leurs enfans l’un plus que l’autre, par l’Article CCVIII de la Coûtume de Paris, si par l’Article CCCVRelle maintient ces avantages, par un effet dependant de la volonté de ceux à qui ils ont été faits ; c’est-à-dire, s’ils s’abstien-nent de l’hérédité dont ils auront en main les dépouilles ; Un pere & une nierec pourront enrichir un de leurs enfans, & réduire les autres dans la nécessité de renoncer à leur succession, afin de pouvoir avoir une petite portion des biens, qui à peine peut les exempter des incommodités de la pauvreté, pendant que le bien-aimé des freres est dans l’abondance. Peut-on penser une plus grande & pluodieuse inégalité On doit donc conclure que la Coutume de Paris, & les autres qui l’ont suivie, ne sont pas louables d’avoir donné un moyen facile de contrevenir à une regle qu’elles avoient tant recommandée, n’y ayant rien de plus blamible d’inune Loi, que de détruire ses propres principes, par une exception qu’elle y apporte.

Mais la Coutume de Normandie a pourvu tres-sagement, à ce que les ascendans ne pussent pas transgresser l’égalité qu’elle commande, quand elle a déclarc que toutes les donations faites par les ascendans, soit de meubles, soit d’lseritages, sont réputées des avancemens d’hoirie : car en conséquence les dona-taires sont obligés ou de se porter héritiers du donateur, ou de rapporter leurs dons, quand ils veulent renoncer. Dont il résulte qu’en ce cas d’avancement seit par l’ascendant, ou il y a une renonciation faite par tous les enfans à la succession du donateur, ou une acceptation de l’héredité faite par quelqu’un des enfans. Si tous les enfans renoncent, & rapportent les dons qui leur ont été faits, il est manifeste qu’ils doivent avoir la délivrance du tiers coutumier, parce qu’ils accomplissent les deux conditions qui sont prescrites par l’Article CCCCI, par leur renonciation & par le rapport : si au contraire, quelques-uns des enfans veulent être héritiers, soit pour ne rapporter point les avantages qu’ils ont eus, soit parce qu’ils jugent que la succession leur sera profitable, il est évident, qu’en cet autre cas la demande du tiers coutumier ne peut être valablement faite, parce qu’il n’appartient dans son intégrité qu’à tous les enfans, & que d’ailleurs les qualités de douairier & d’héritier sont incompatibles.

Or quand la Coutume dans les Articles CCCXCIx & CCCCI, a nomné lo-tiers, elle a signifié l’in égrité du tiers ; car le tiers n’est pas un mot équivoque, & qui doive être diversement interprété, il fait entendre le tout & non une partie du tiers coûtumier. La Coutume donc s’est expliquée nettement, quand par lesdits Articles elle a déclaré, que l’acceptation du tiers ne pourrs être faite par les enfans, si tous ne renoncent & ne rapportent.

Mais on objecte qu’un chacun des enfans a sa part dans le tiers coutumier, & qu’il doit avoir cette part indépendamment de la volonté des autres : de sorte que si un enfant veut se porter héritier cela ne doit pas empécher son frère de renoncer, pour avoir la délivrance de sa legitime. Quoique les propositions de cette objection soient certaines, eiles n’ont pas dû obliger à ren-verser les termes dont la Coûtume s’est servie, en leur donnant un sens contraire à leur fignification naturelle. Car on peut répondre, que fi un chacun des enfans peut demander sa legitime en renonçant séparément, & sans avoir besoin du consentement des autres, il ne s’ensuit pas que les enfans puissent aecepter le tiers, encore qu’ils n’ayent pas tous renoncé, y ayant une distinction. apparente entre le tiers, & une partie du tiers, de maniere qu’on doit conclure que le tiers ne peut être demandé que par tous les enfans conjointement, mais qu’une partie du tiers peut être demandépar un chacun des enfans diviément.

On réfutera donc l’objection, en disant que quand tout le tiers est demandé, il faut que tous les enfans renoncent ensemble ; mais que quand il n’y a qu’une partie du tiers qui est demandée, il suffit que ceux qui la demandent, renoncent séparément. Ce qui est facile & équitable de distinguer vu que la legitime peut être demandée ou contre les créanciers de la succession, ou contre les héritiers. a l’égard des créanciers, la demande est de tout le tiers : le partage qui s’en doit faire entre les enfans ne régarde point les créanciers, dont la fin & l’intérêt est d’être payés de leurs dettes, ou de se maintenir dans les acquisitions qu’ils ont faites : ce qui les oblige à veiller, pour découvrir Sil y a des héritiers, & si tous les enfans ont renoncé, & ont eu des avancemens qu’ils soient obligés de rapporter. Car tant qu’il y a des héritiers, ou des enfans qui peuvent être réputés héritiers, les créanciers peuvent s’opposer à la delivrance du Douaire, qui ne leur peut être valablement demandé, que quand on a absolument & communément renoncé à la succession, & quand on rapporte tout ce qui est réputé par la Coutume faire partie des biens de Phérédité.

Mais à l’égard des héritiers, ils sont les véritables parties ausquelles les autres enfans doivent s’adresser, pour se faire adjuger leur légitime, dont les heritiers sont débiteurs, parce que la légitime est une charge de droit, comme le mariage. avenant des seurs, à laquelle on s’oblige par l’addition de l’herédité.

Or quand la demande du tiers coutumier est inten’ée contre les héritiers, il est manifeste, que ce n’est que pour faire des partages entre les descendans, le droit d’accroissement n’ayant point de lieu pour attribuer tout le tiers à ceux qui ont renoncé, qui ne peuvent prétendre autre chose qu’une part, telle qu’ils auroient, si tous ceux qui y ont droit avoient renoncé. Mais ces partages ne se doivent faire qu’entre les partageans, c’est-à-dire entre les héritiers & ceux qui ont renoncé, sans que les créanciers y interviennent ; parce que leurs droits sont assurés, tant par l’action personnelle qu’ils ont contre l’heritier, que par l’hypotheque qu’ils ont sur tous les biens qui font partie de la succession de leur debiteur, au nombre desquels sont les dons & les avancemens qui ont été faits par les ascendans, Paroissant donc clairement, que la Coutume dans les Articles CCCXCIX & CCCCI, n’a disposé du tiers coutumier que dans son intégrité, & en tant que la délivrance en doit être jugée avec les créanciers, on doit conclure qu’elle s’est expliquée nettement, & sans qu’on la puisse blamer d’ambiguité ou d’inconsidération, quand elle a ordonné que les enfans demandant ledit tiers, doi-vent renoncer conjointement, & rapporter toutes les donations & autres avantages qui leur ont été faits.

Ce rapport auquel la Coutume oblige les douairiers, fait la seconde partie de l’Artiele CCCCI, sur laquelle on a proposé deux questions fort importantes : La première, si les enfans renonçant, sont tenus de rapporter les meubles qui leur ont été donnés : La seconde, si les freres qui demandent le tiers coutumier, sont obligés de rapporter ce qui a été donné à leurs seurs pour leur mariage.

Quant à la premiere question, on a soutenu que le rapport auquel les douairiers sont tenus, se doit limiter aux immeubles qui leur ont été donnés, parce que les meubles ne font point partie des biens sur lesquels le douaire est assigné, qui sont les immeubles dont les ascendans sont en possession lors de leurs epoufailles, ou qui leur sont échus depuis par succession en la ligne direde : à quoi on a ajouté, que si on étoit oblige de rapporter les meubles dont on auroit été avancé, il s’ensuivroit que les enfans pourroient aliener leur tiers coûtumier, pendant la vie de leurs peres & méres, ce que la Coûtume a bien expressement défendu par l’Article CCCXXCIN.

On oppose à ce raisonnement, qu’on ne doit pas avoir tant d’égard aux biens sur lesquels le tiers coutumier doit être pris ; mais qu’on doit plutôt envisager le cas auquel ce tiers peut être prétendu : ce qu’on ne peut juger que par la fin que la Coûtume s’est proposée, quand elle l’a autorisé, quoiqu’il paroisse être une contravention au droit naturel. Or cette intention, comme il a été remarqué, n’est qu’afin que les enfans qui suivant le dire deJustinien , aux Ins-titutes, sont estimés être en quelque façon les maîtres lquodammodo Domini des biens des peres & meres, ne s’en trouvent pas tout-à-fait dépourvus, par la mauvaise administration de leurs ascendans. Quand donc les enfans ne sont point dépouillés, & que leurs parens ont pourvu à leur subsistance, par les avancemens qu’ils leur ont faits, la fin de la Loi est accomplie ; & l’Ordonnance qui a été faite pour parvenir à cette fin, ne s’étend point au-dela. Quand done les enfans ont la quantité des biens que la Coûtume leur a voulu réserver, ils ne doivent pas être réputés dépourvus, & il suffit qu’ils ayent cette mésure sans considérer si les biens dont ils ont été avancés sont meubles ou immeubles.

Ce que la Coutume a assez fait entendre, quand aprés avoir déclaré que les enfans demandans leur légitime, doivent rapporter ies donations qui leur ont été faites, elle a ajouté qu’ils doivent aussi rapporter tous les autres avantages. qu’ils pourroient avoir recus. Ce qui ne se peut interprêter que de ces biens dont la pleine propriété est transférée par une simple tradition ; c’està dire, des meubles. Ce qu’on peut confirmer par ce qui est décide par l’Article CCCCIII, qui dans le cas que l’ascendant a aliéné tous les immeubles, ou en partie, ausquels le tiers coutumier devoit consister ne permet pas que les enfans puissert révoquer ces aliénations ; mais veut qu’ils se contentent du prix que ces biens aliénés peuvent être raisonnablement estimés, & même que ce prix soit partagé. également entre les douairiers. C’est ce qui fait voir clairement, que la propriété qui est artribuée aux enfans sur les immeubles par l’Article CCCXGIx n’est point effective, puisqu’ils ne peuvent prétendre qu’une estimation, qui quoique dépendante de la qualité & situation des biens, doit néanmoins être partagée également, & sans aucune prérogative d’ainesse.

Il suffit donc que les enfans ayent eu par la bénéficence de leurs ascendans, la valeur des immeubles dont il leur auroit fallu adjuger la délivrance, s’ils n’avoient pas été aliénés, & en ce cas, ils doivent être réputés avoir été saisis. de leur légitime. C’est pourquoi c’est mal raisonner, que de conclure que les enfans qui demandent leur douaire, ne doivent point rapporter les meubles qui leur ont été donnés, parce qu’ils ne font point partie des biens sur lesquels il femble avoir été remplacé par la Loi. Car la Coûtume a voulu pourvoir à ce que les enfans ne fussent pas dénués, mais elle n’a pas voulu donner un prétexte à la tromperie des ascendans, qui auroient accumulé leurs dettes, pour faire des avancemens à leurs enfans, qui quoique bien revétus par une perverse libéralité de leurs pere & mere, pourroient dépouiller les légitimes créanciers, en se prévalant de la providence de la Loi, si elle pouvoit être favorablement expliquée par l’injustice qu’ils voudroient commettre, en s’emparant des biens qui ne leur appartiendroient point.

Car n’arrive-t il pas fouvent que l’amour déréglé des ascendans leur fait mépriser les devoirs de la bonne-foi, pour pouvoir rendre plus heureuse la con-dition de leurs enfans ; Ne voit-on pas chaque jour des exemples de ces peres qui engagent tous leurs biens au-delà de ce qu’ils peuvent valoir, pour employer l’argent qu’ils ont emprunté, à l’établissement de leurs enfans, qui des deniers d’au-trui sont mis à leur aise, ou par la marchandise, ou par les emplois & les Offices dont ils ont été avancés, & néanmoins ne laissent pas de demander leur légitime sur les biens de leurs donateurs, pour faire perdre aux légitimes créanciers leurs dettes, & pour déposséder les acquereurs de bonne-soi Mais on objecte qu’il peut arriver que des enfans ainsi avancés auront fait un mauvais usage des meubles qui leur auront été donnés, & les auront perdus, ou par leur mauvaise conduite, ou par quelque accident fortuit, & qu’ainsi ils se trouveront sans biens aprés le déces de leurs peres & mères ; ce que la Coûtume a vonlu prévenir, en ordonnant que le tiers légal est inaliénable : Dont on conclut, que les avancemens faits en meubles ne sont point sujets au rapport.

Il peut sembler d’abord, que quand la Coutume en l’Article CCCXCIx, a ordonné que les enfans ne pourroient vendre hypothéquer le tiers, ni endisposer avant la mort de leurs ascendans ; elle a fait entendre que ce droit fon-cier, dont elle attribue la propriété étoit inaliénable par contrat fait par les enfans, ne voulant pas permettre que ce qu’elle avoit statué pour remédier à la mauvaise administration des peres, pût être rendu inutile, par l’imprudence ou la complaisance des enfans, qui comme mauvais économes, ou ne voulant pa résister à la volonté de leurs ascendans seroient facilement induits à faire. des actes, qui les priveroient de profiter du préservatif qui leur avoit été. préparé. Mais la Coûtume n’a pas voulu que les enfans ne pussent pas s’exclure absolument par aucunes actions faites du vivant de leurs peres, de la demandedu Douaire.

Car outre qu’il est incontestable qu’ils peuvent être privés de cette legitime par leurs crimes, ils peuvent être rendus incapables de rien prétendre aux biens de leurs ascendans, il semble qu’il est certain, que par l’acceptation qu’ils auront faite des donations d’immeubles, excédans la valeur de leur Douaire, ils se sont rendus inhabiles de le demander, si-les choses qui leur ont été données sont péries par leur faute, ou par des accidens irremédiables, tels que sont ceux qu’on signifie par force majeure. Si, par exemple, un père a donné a un de ses fils une maison de grand prix, & que cette maison prérisse par un ineendie arrivé par la faute de ce donataire, ou par un fen du Ciel, pourra-t’on soutenir que cet enfant pourra demander son tiers, parce qu’il a fait cette perte avant le déces de son pere à On peut apporter un autre exemple d’un pere qui a avancé son fils d’un Office, d’un prix excédant la valeur de la légitime, si cet Office est perdu par une suppression, ou faute d’avoir payé le Droit Annuel, ce fils ou ses enfans pourront-ils demander un Doüaire sur les biens du donateur Ces exemples ne découvrent-ils pas des cas dans lesquels les enfans peuvent être exclus du tiers coutumier, par leur propre fait, consommé avant la mort du pere àEt partant la prohibition de la Coûtume de vendre, d’hypothiéquer ou de disposer, ne se doit entendre qu’à l’égard des contrits faits par les enfans, & qui contiennent directement & ouvertement une alienation volontaire de leur Douaire ; mais ne se doit pas étendre aux fautes ou aux cas fortuits, d’où peut provenir indirectement & conséquemment l’exclusion de la demande du tiers coûtumier.

On peut ajouter, pour donner à la décision un plus grand éclaircissement, qu’un pere ayant plusieurs fils, peut donner à l’un d’eux une somme d’argent, pour l’employer en marchandise ; cet argent étant dissipé par le mauvais usage que le donataire en aura fait produira sans doute l’exclusion du Douaire.

Car on ne pourra pas dire que ce fils dissipateur puisse demander à ses freres, qui seront héritiers de leur commun pere une portion des biens pour sa legitime ; puisque par l’Article CCCCXXXIV de la Coutume, tous les dons faits par les peres & meres à leurs enfans, soit de meubles ( quod notandum ) soit d’héritages, sont réputés un avancement d’hoirie, qui partant attribuent le nom d’héritier, à moins qu’on ne les rapporte pour renoncer ; & conséquemment empûche qu’on ne soit Douairier.

Mais quand il n’y auroit aucun cas, auquel les enfans qui auroient été avancés de meubles qu’ils auroient dissipés, fussent exclus du Douaire ; il ne s’en ensuivroit pas que les enfans qui sont possesseurs lors du déces de leurs peres & meres, de biens exeédans ou équivelens le prix du tiers coutumier, & qui seroient provenus de la bonéficence de ces ascendans, pussent retenir ces avancemens, & répudier l’hérédité, pour demander à leurs freres ou aux créanciers, la délivrance d’une légitime, qui n’a été octroyée par la providence de la Loi, qu’aux enfans malheureux, & qui se trouvent dénuës par la mauvaise économe de leurs prédécesseurs ; & non à ceux qui sont revétus & qui jouis-sent de ces biens, que le Droit Romain a appellés profeditia, & le Coûtumier, auancemens, pour marquer leur origine, & la source dont ils sont écoulés ; ce qui comprend tant les meubles que les immeubles.

Quand donc les enfans, bien loin de se pouvoir plaindre du peu d’attention qu’ont eu leurs aseendans à leur conserver les biens ausquels ils devoient espérer de succéder, sont obligés de louer la libéralité & la bénéficence de ces aseendans, par laquelle ils ont été mis à couvert des incommodités de la pauvreté, peut-on dire sans absurdité, que ces enfans ainsi avancés, ayent droit de diffamer la mémoire de leurs bienfaicteurs, pour avoir un prétexte de frustrer des créanciors legitimes, & de dépouiller des acquereurs de bonne-foi ; Peuton penser que la Coutume, en voulant conserver aux enfans quelques débris de la fortuno de leurs peres n’ait point voulu préserver le principal appui de la société civile, qui ne fe peut maintenir, si on néglige de faire observer la boone-soi des contrats ; Peut-on croire qu’une Loi soit sage & prévoyante, si pour éviter un moindre désordre, elle donne ouverture à en commettre un beaucoup plus grand Or on ne peut nier, qu’il y a beaucoup plus d’inconvénient à n’empécher pas les tromperies & les perfidies des débiteurs, qu’à ne remédier pas à l’indigence qui peut arriver à quelques enfans, par la mauvaise conduite de leurs peres, parce que ce dernier défordre est une conséquence de la dépendance naturelle de la condition des enfans, d’avec celle de leurs peres, de sor-te que comme les enfans peuvent être élevés par industrie ou la bonne fortune de leurs ascendans, ils peuvent être abaisses par l’imprudence ou le malheur de ces prédécesseurs. Mais le premier inconvénient detruit le fondement de la société, & qui ne se peut maintenir sans la justice, qui consiste principalement dans l’exécution des promesses faites par ceux qui ont contracté ensemble.

C’est pourquoi les Républiques les mieux policées ont pris un soin tres-exact de faire observer la foi des contrats, maximé in pecunie muiualive usit alque commercio. On voit que par les Loix des douze Tables, qui étoient une compilation faite de ce qui étoit de plus excellent dans les Loix des plus renom-mées Villes de la Grece, les débiteurs qui s’étoient réduits dans l’impuissance de payer leurs dettes, étoient adjugés à leurs créanciers, pour s’en servir comme de leurs esclaves, in nervo & compedibus, suivant l’expression d’un ancien & célèbre Auteur, qui ajoute : Adimi enim putaverunt majores nostri. subsidium hoc inaepiae temporarie, quo communis hominum viia indiges, si persidia debitorum sine gravi pona eluderes.

On doit donc avoir une extiême aversion pour les fraudes méditées par les peres, qui par la passion qu’ils ont pour l’établissement de leurs enfans, empruntent de l’argent pour les avancer ; de sorte qu’ils obligent tous leurs biens, par une hypotheque qui est renduë illusoire, parce que les enfans revétus des dépouilles des créanciers, renoncent à la succession de leurs bienfaicteurs, pour demander leur Douaire, qui est préféré à toutes les dettes créées depuis le mariage dont ils sont sortis, qui est une perfidie qu’on ne sçauroit assez blamer néanmoins. le relachement dans les bonnes moeurs est si grand, qu’elle passe pour une habileté en plusieurs, qui sont dans l’eclat des richesses & des honneurs, par des moyens si infames.

Le remede qu’on pourroit apporter à une imposture si ordinaire & si pernicieuse, seroit de n’accorder point aux enfans le tiers coutumier, quand on les verroit riches, par rapport à leur condition, à moins qu’ils ne fissent apparoître indubitablement & avec évidence, que le bon état de leur fortune ne fût provenu par un autre moyen, que par les avancemens qui pourroient leur avoit été faits par leurs ascendans.

Quant à la seconde question, qui est touchant le mariage des filles, qui a été acquitté des deniers payés par les peres & les meres, quelques Auteurs sont d’avis, que cela ne doit point diminuer le Douaire demandé par les freres, qui partant ne seroient point tenus de rapporter, ni le tout, ni partie de ces mariages ainsi acquittés. Cette opinion est fondée presque sur les mêmes raisons par lesquelles ont veut prouver, que les meubles donnés ne sont point sujets. au rapport. Car on dit, que la dot payée en deniers par les ascendans, n’a point de suite. par hypotheque ; & que de plus, elle ne fait point partie des biens sur lesquels le Douaire est constitué par la Coûtume.

Mais on dit au contraire, ce qu’on a répondu sur la premiere question, que l’hypotheque ni la qualité des biens ne peuvent point servir à la décision, mais qu’il faut précisément confidérer la nature du Douaire, & les personnes à qui il a été artribué. On doit donc penser, que le Douaire est une légitime réservée à tous les enfans, & que partant il est aussi-bien octroyé aux filles qu’aux mâles, parce qu’elles sont comprises dans la dénomination d’enfans.

De sorte que comme ce qui a été avancé par les peres & meres à leurs fils fait partie du tiers, & y doit être imputé, ainsi ce qui a été donné aux filles pour leur mariage, comprend tout le droit qu’elles pouvoient prétendre audit tiers.

Deux qui soutiennent la premiere opinon, reconnoissent que quand les peres & les meres ont emprunté de l’argent, avec une clause par laquelle ils ont subrogé le créancier au droit de la fille qui a été mariée ; en ce cas, la dot de la fille fait partie du Douaire, & doit être rapportée par les freres, jusqu’à la concurrence de la part que leur seur pourroit avoir au tiers légal. On convient donc que les filles ont part à ce tiers : On ne peut donc nier, que cette part étant défalquée du tout, ne le diminue, & que partant les freres ne le peuvent retenir ; y ayant de l’absurdité à proposer que l’argent payé pour la dot des filles, ne soit pas semblablement leur légitime, soit qu’il v fait eu une subrogation à leur droit, ou qu’il n’y en ait point eu ; parce qu’il n’y a rien de plus contraire à la raison ni à la justice, que de foutenir, que les peres & meres peuvent augmenter ou diminuer par leurs stipulations, le Douaire de leurs enfans. Il faut donc conclure, qu’il répugne à l’équité & à la honne-soi qu’on doit garder pour l’exécution des contrats, que la part des filles qui a été payée des deniers donnés lors de leur mariage, ne diminue point celle de leurs freres, parce qu’elle leur appartient par un droit d’accroissement, au préjudice de tous les créanciers legitimes.

Pour servir encore à l’éclaircissement de cet Article, il ne le faut pas entendre suivant la propre signification de quelques paroles qui en font partie mais il faut dire ( ce qui paroit contraire au texte ) qu’il n’est pas nécessaire que tous les enfans renoncent ensemble, pour demander le tiers coutumier parce que pouvant arriver que quelques-uns d’eux soient héritiers, il ne seroit pas juste que les autres fussent privés de leur legitime lorsqu’ils juge-roient à propos de renoncer : C’est pourquoi l’Article LXXXIX dudit Reglement a expliqué, que les enfans n’auront pas le tiers entier, fi tous n’ont renoncé ; mais que celui qui aura renoncé, aura la part au tiers qu’il autroit cue, fi tous avoient renoncé. Il faut étendre cette interprétation, qui a été faite pour donner un bon sens à cet Article, au cas que queiques-uns des enfans renoncent, pour se tenir à l’avancement qui leur a été fait, & qu’ils ne veuillent pas rapporter ; ( ce qu’ils peuvent faire, pourvû que la légitime des autres enfans soit conservée, sans préjudice néanmoins de l’hypotheque des éréanciers ) car ils n’ont aucune part au tiers ; & leurs freres qui auront renoneé, ou en rapportant, ou n’ayant aucun don rapportable, n’auront pas tous le tiers, mais seulement la part qui leur appartiendroit, si tous les freres étoient admis à le partager. Voyez Louet & son Commentaire, D. 44.

Mais on peut dire, que pour donner à cet Article CCCCI un bon sens, Il n’étoit point nécessaire de contrevenir aux termes qui y sont employes, qui sont clairs & signifient une décifion fort juste, & qui est convenable aux autres principes de la Coutume, qui n’a autorisé la legitime des enfans, que pour remédier à l’état misérable auquel ils pourroient être réduits, par la mauvaise conduite de leurs peres & meres, qui auroient dissipé ou hypothéqué les biens ausquels les enfans nés de leur mariage auroient dû succéder. C’est pourquoi il faut supposer que la demande du tiers coûtumier ne se doit & ne se peut faire, que les enfans ne se plaignent de ce que leurs ascendans ne leur ont pas conservé une portion de leurs biens, ce qui les oblige à renoncer à leur succession. Dont il résulte, que cette demande ne se fait le plus souvent que contre ceux qui ont contracté avec les peres & meres, ou pour acquerir les biens dont ils étoient possesseurs lors de leur mariage, ou pour devenir leurs créanciers : de sorte que quand il y a des enfans héritiers, ou réputés tels par les avancemens qui leur ont été faits, les acquereurs ou créanciers sont à couvert de cette demande du tiers coutumier, qui ne leur peut être faite, que quand tous les enfans se plaignent & renoncent à la succession.

Que si l’on objecte, qu’il peut arriver que quelques-uns des enfans soient héritiers, & que quelques autres ne le veuillent pas être ; & qu’en ce cas, il ne seroit pas juste que l’acceptation de la succession faite par les premiers, ni privât leurs frères de la faculté qu’ils doivent avoir de renoncer, laquelle doit être libre à un chacun des présomptifs héritiers, ni les exclut de la demande de leur légitime : il est aisé de répondre, que les enfans héritiers étant obligés. d’acquitter toutes les dettes & charges de la succession, dont une des principales est la légitime des autres enfans ; c’est contr’eux que l’action, pour faire Juger & liquider cette légitime, doit être poursuivie par les autres enfans non heritiers, qui en ce même cas, ne peuvent pas s’adresser directement aux acquereurs ni aux créanciers, qui doivent être garantis de cette action par les héritiers. C’est donc aux enfans heritiers, que les autres enfans doivent demander leur légitime ; mais ils ne peuvent pas demander le tiers coutumier, parce qu’il ne leur en appartient qu’une partie l’autre partie appartenant à leurs freres, en tant qu’ils sont héritiers ; le droit d’accroissement n’ayant point lieu au Douaire des enfans, comme l’enseignent Louet &Brodeau , D. 44, & qu’il est expliqué par ledit Article LXXXIX du Réglement. Dont il faut conclure, que la Coutume a dû ordonner dans lesdits Articles CCexCIx & CCCCI, que les enfans avant que d’accepter le tiers, doivent tous renoncer ; parce qu’elle a voulu régler le cas le plus ordinaire, qui est quand tous les enfans demandent le tiers entier, qui ne peut être demandé qu’aux acquereurs ou aux créanciers, auquel cas il est incontestable, que tous ceux qui prétendent part à ce tiers, doivent renoncer & rapporter les avantages qu’ils ont eus, suivant qu’il est clairement & nettement énoncé dans lesdits Articles CCCXCIX & CCCCI, pour plus grand éclaircissement desquels, il faut supposer que ce qui a été dit, que les enfans peuvent retenir les avancemens qui leur ont été faits, & renoncer à la succession, n’est vrai que dans les Coûtumes, où les avancemens ne sont pas réputés faire partie des biens de la succession du donateur ; mais non dans les Coutumes où ces avancemens sont déclarés être d’hoirie ; c’est-à-dire, de la succession future, comme est celle de Normandie, suivant la disposition expresse de l’Article CCCCXXXII.

Quant au rapport que doivent faire les douairiers de toutes les donations qui leur ont été faites, on l’a limité aux immeubles ; car pour les meubles, les douairiers ne sont point obligés de les rapporter, parce que les meubles ne font point partie des biens sur lesquels le douaire se doit prendre ; & d’ailleurs, il s’ensuivroit de l’obligation de ce rapport, l’aliénation du douaire, vivente paire, ce que l’on n’admet en aucun cas, suivant la Coûtume. Mais on peut dire, que cette décision doit être limitée, au cas qu’il n’apparoisse pas que les enfans ont fait un bon emploi des deniers dont ils ont été avancés ; car quand on voit que les enfans jouissent de ces avancemens sque le Droit appelle bona profedtiliz au moyen du bon usage qu’ils en ont fait, il semble qu’il n’est pas équitable de leur accorder le tiers coutumier, sinon à la charge de rapporter ce qu’ils ont amendé des biens de leur donateur ; parce que les donations des ascendans, soit d’immeubles, soit de meubles, sont réputées des avancemens de leur succession, par l’Artiele CCCCXXXIV, & partant doivent être estimées faire partie des biens d’icelle : dont on devroit conclure, qu’elles consument ou diminuent le tiers coutumier, qui n’a été autorisé que pour conserver aux descendans une portion des biens de leurs ascendans. Quand donc ils possedent cette portion par une anticipation de succession, ils ne doivent pas être admis à en demander une autre aprés l’échéance de la succession, au préjudice & à l’exclusion des légitimes créanciers. C’est ce que la Coûtume semble avoir assez signifié, en déclarant dans cet Article, que les douairiers doivent non-seulement rapporter les donations, mais tous les autres avantages qu’ils ont pû avoir.

On peut ajouter pour approfondir cette question, que les deux raisons sur lesquelles on fonde la consequence, que les enfans demandant leur légitime, ne sont point obligés de rapporter les meubles qui leur ont été donnés, ne sont point valables. Car quant à la premiere, qui est que les meubles ne font point partie des biens sur lesquels le Douaire est assigné, & qui d’ailleurs n’ont point de suite par hypotheque, on n’en peut rien conclure, parce que le tiers coutumier n’a aucune assignation fixe ni certaine, ne devant pas être pris absolument & nécessairement sur les biens dont les peres & meres sont saisis lors de leurs épousailles, suivant l’expression de l’Article CCCLXVII de la Coûtume. Car il est incontestable, que ce tiers peut être pris sur les remplacemens qui ont été faits des propres, soit par échange, soit par acquisitione. faites depuis le mariage ; & que même il est certain, que s’il se trouvoit demeubles dans la succession des peres & des meres, qui égalassent la valeur des simmeubles qui pourroient être prétendus pour le Douaire, les enfans seroient obligés de s’en contenter, & ne pourroient pas déposséder les acquéreurs, ni eontester l’hyothéque des créanciers ; comme il se prouve évidemment par l’Article CCCCIII de la Coûtume. Dont la raison est, qu’il suffit pour exelure la demande du Doüaire des enfans, qu’il y ait dans la succession des ascendans, le vaillant du tiers des immeubles qu’ils possédoient lors de leur meriage, sans qu’on doive faire aucune considération de la nature & qualite des biens qui se trouvent aprés le déces, ni de la suite par hypotheque, puisqu’il n’y a rien à demander ni à révoquer. a l’égard de la seconde raison, qui consiste à dire, que les enfans ne peuvent aliéner par aucune manière leur ners, du vivant de leurs ascendans, elle n’est appuyée que sur une mauvaise interprétation qu’on donne à ces paroles de l’Article CCCXCIx. Les enfans ne pourront vendre, hyprhequer ou disposer du tiers, auparavant la miort du pere : car au lieu de les entendre suivant leur naturelle signification, qui est que les enfans ne peuvent vendre ni hypothéquer expressément & nommément le tiers, parce qu’il ne leur appartient point propriétairement, sinon en cas qu’ils survivent à leurs ascendans, qui ne peuvent être privés de la véritable propriété de leurs biens, par aucuns Ades ou Contrats faits par leurs descendans ; on les a interpretés, comme si les enfans ne pouvoient absolument ni en aucuns cas s’exclure de la propriété, de la tierce partie des biens possédés par leurs peres & meres lors de leur mariage. Ce qui est une tres-grande erreur, qui procede de ne penser pas que la Coûtume n’a pas eu intention, quand elle introdait le tiers legal, d’empécher que les enfans ne pussent perdre leurs biens par leur mauvaise fortune, ou par le défaut de leur conduite ; mais précisément pour remédier à la misère dans laquelle ils pourroient tomber, par la prodigalité & l’imprudence de leurs ascendans. Ce qu’on rend comme palpable par deux exemples : le premier, si un enfant est avancé par son pere, d’un héritage valant plus que le tiers des immeubles qu’il avoit lors de lon mariage, pourra-t’on dire que ce fils donataire ne pourra vendre ni hypothéquer cet héritage, & qu’il pourra, nonobstant l’aliénation qu’il en aura faite, renoncer à la succession de son donateur, & demander sa légitime : Le second exemple est semblable, mais touchant un immeuble d’une qualité plus sujette à changement & plus périssable. Un pere donne à son fils un Office de grand prix, & excédant la valeur à quoi pourroit monter le tiers coutumier. La diminution ou la suppression, ou la perte de cet Office, qui arriveroit ou par le malheur du temps, ou par la volonté du Roi, ou par la faute du fils titulaire, seront-elles au dommage des acquéreurs & des créanciers, & des autres. enfans du donateur ; Et n’est-il pas certain au contraire, que ces accidens exclueront le donataire de sa légitime, & de la part qu’il auroit pu avoir, soit en la succession, soit au tiers legal ; Et partant ne le déchargeront pas de l’obligation de rapporter le prix dudit Office, comme étant un avancement d’hoirie, aux termes de l’Article CCCCXXXIV. Il paroit donc clairement par ces exemples, qu’un enfant peut perdre du vivant de son père, sa légitime, non par voie de vente ou d’hypotheque, ni d’autre disposition qu’il auroit faite nommément du tiers Coutumier ; mais en vendant, en hypothequant, ou même perdant par malheur ou par sa faute, l’avancement qui lui aura été fait. Ce qui met en évidence, que la prohibition de l’Article CCCXCIX, de ne pouvoir vendre ni hypothéquer, ni disposer, ne se doit pas entendre des Contrats ni de tous autres Actes que les enfans majeurs ont pouvoir de faire ; mais se doit limiter précisément à la vente, hypothéque & disposition expresse du tiers, que les enfans ne peuvent faire pendant la vie des peres & meres ; parce qu’en ce temps-là le tiers n’est pas leur bien, & qu’on ne peut vendre ni engager les biens d’une succession qui n’est point échue ; toutes les pactions qui se font nommément pour l’aliénation ou l’engagement de ces biens, étant réputées nulles par le Droit Romain & par le Coûtumier, comme faites contre les bonnes moeurs.

Basnage estime, que le mariage des filles ayant été payé en deniers par le pere, ne diminue point le Douaire demandé par les freres, à moins que ces deniers n’ayent été empruntés pour payer le mariage des filles, avec une clause de subrogation au droit de la légitime des filles : auquel cas il convient que le Douaire prétendu par les freres, doit être diminué à proportion : il fonde son avis & sur l’autorité de deux Arrêts qu’il rapporte, l’un du 14 d’Avril 1644, & l’autre du 13 de Février 16yS & sur la raison que les deniers payés pour le mariage sont meubles, & n’ont point de suite par hypotheque, & que ne faisant point partie des biens sujets au tiers coutumier, ils ne le peuvent diminuer. Mais il semble qu’il n’est pas équitable, que puisque le tiers coutumier a été introduit contre le droit naturel, par lequel un chacun peut disposer de tous fes biens à sa volonté il ne doit pas être étendu au-dels de l’intention de la Coutume, qui l’a autorisé, qui est que ce tiers soit la legitime de tous les enfans, tant filles que mâles, & que les enfans qui sont revétus des biens que leurs ascendans leur ont donnés, ne puissent pas demander de part à cette legitime sans rapporter les avancemens qui leur ont été faits, ni accroître la portion que leurs frères & seurs peuvent avoir à ce tiers légal, comme il vient d’être discouru à l’égard des avancemens faits en deniers ou choses mobiliaires. Or on ne peut nier, que les deniers donnés aux filles pour leur mariage, ne leur tiennent lieu de légitime, aussi-bien quand ils ont été payés sans aucune stipulation, qu’avec une clause de subrogation pour la sureté du créancier qui les a prêtés : paroissant qu’il y a de l’absudité à dire, que les ascendans puissent augmenter ou diminuer par leurs stipulations le tiers légal, soit en général, soit à l’égard des portions qui en peuvent appartenir divisément à un chacun de leurs descendans : dont on peu conclure, que puisque le Douaire comprend la légitime de tous les enfans, au nombre desquels les filles sont comprises ; il répugne à l’équité que la legitime des filles qui a été acquittée par les deniers qui leur ont été donnés pour leur mariage, ne diminue pas la part que les freres doivent avoir proportionnément audit Douaire ou tiers légal.

a l’égard des immeubles, le Douairier est toujours obligé de les rapporter, de sorte que les petits-enfans, qui ayant renoncé à la succession de leur pere viennent à la succession de leur ayeul ou d’un autre ascendant, sont obligés de rapporter ce que leurdit aieul avoit donné à leur pere, & même ce qu’il avoit payé pour lui, suivant ce qui est attesté par l’Article LXXXVIII dudit.

Réglement, qui se doit adaprer aussi-bien à la demande du tiers coutumier faire par les petits-fils, qu’à celui de l’addition de la succession de l’aieul faite par eux, à l’égard du rapport des immeubles dont leur a été avancé.

Quant à la nécessité de rapporter les avancemens faits par les ascendans, il faut distinguer entre les créanciers & les cohéritiers : car à l’égard des créanoiers, les enfans qui ont été avancés peuvent se tenir à leur don ; ( c’est-à-dire, dans les Coutumes où il n’est pas réputé avancement d’hoirie, comme en celle de Normandie, en l’Artiele CCCCXXXIV, ) & renoncer à la succession de celui qui leur a fait l’avancement, sans être tenus de le rappor-ter, & en ce cas, ils sont exclus de prendre part au Douairc, & la portion qu’ils y eussent pû prendre, demeure en la succession affectée aux dettes des éréanciers : mais à l’égard des cohéritiers, les enfans ne peuvent pas renoncer & retenir les avancemens qui leur ont été faits ; ils sont obligés de les rapporter en renonçant, parce que ces avancemens sont réputés faire partie de la succession à laquelle ils renoncent, & partant attribuent la qualité d’heritier, à moins qu’on ne les abandonne ; ce qui a été établi pour garder l’éga-lité entre les enfans. Voyez la Coutume de Paris, depuis l’Article CCCIII jusqu’au CCCVIII, &Louet , R. 13, avec le Commentaire.12


CCCCII.

Les Enfans partageront ledit tiers selon la Coutume des lieux où les héritages sont assis, à laquelle n’est en rien dérogé pour le regard des partages, & sans préjudicier au droit des Aînés, & n’y pourront avoir les Filles que mariage avenant.

Il est contraire à la Coutume de Paris, en l’Article CCL, qui dispofe que le Douaire se partage entre les enfans sans droit d’ainesse ou prerogative. Ce qui est fondé en bonne raison, puisque le Douaire n’a été accorde aux enfans, que pour leur réserver des alimens, qui sont dus à tous les enfans également.Louet , D. 44, outre que l’inégalité qui a été établie au partage des biens d’une succession, n’est que pour ceux qui sont héritiers, & non à l’égard de ceux qui renoncent, & qui n’ont part à ces biens que par un droit particulier : Jure contradtus, non lanquam heredes, sed tanquam liberi, ob causant alimentorum ;Louet , D. 44, &Brodeau .13 Il paroit par la fin de cet Article, que les filles ne sont jamais rocues à partager le tiers coutumier avec leurs freres, & partant que la réservation faite par les pere & mere, n’auroit point d’effet à cet égard : ce qu’on doit concluré de ces termes ne pourront, qui excluent toute puissance de droit & de fait, comme il a été remarqué sur l’Article CCCXCIV, outre qu’il n’est pas raisonnable que les peres & meres qui par leur peu de conduite, ont exclu leurs enfans du droit d’hérédité, puissent leur imposer une loi pour le partage. des biens, qui ne leur appartiennent point en qualité d’héritiers : ce nonobltant, les filles peuvent être admises au partage du Douaire, au cas de l’Arti-cle CCLXIV, en haine & pour peine de la négligence, ou du refus injuste de leurs freres.14


CCCCIII.

Et où le Pere auroit fait telle aliénation de ses biens, que ledit tiers ne se pourroit prendre en essence, ses Enfans pourront révoquer les dernieres aliénations, jusqu’à la concurrence dudit tiers, si mieux les Acquéreurs ne veulent payer l’estimation du fonds dudit tiers en roture au denier vingt, & en Fief Noble, au denier vingt-cinq : laquelle estimation sera partagée également entre lesdits Enfans.

L’estimation des biens aliénés par les peres & meres, se doit faire par rapport au temps auquel le Douaire peut être demandé par les enfans ; c’est-a-dire, au temps de la mort naturelle ou civile du pere & de la mere : ayant néanmoins égard à l’existence & à l’état auquel ils étoient lors du mariage, comme il a été remarqué sur l’Article CCCXCIX. Ce qui reçoit une exception, qui est lorsque les acquereurs ont tenu les enfans en proces sur la déli-vrance de leur légitime, car en ce cas, il est à l’option des Douairiers deprendre cette estimation, eu égard ou au temps de la mort, ou de la con damnation qu’ils ont obtenue, suivant qu’il est attesté par l’Article XC dudit Réglement.

On auroit lieu de juger par le texte de la Coutume, que cotte estimation se devroit faire précisément, eu égard au revenu des héritages alidnés, sans considérer la valeur intrinseque, suivant laquelle on estime les batimens & les bois de haute-fûtaie, & autres ornemens, puisque le denier vingt ou vingecind, ne peuvent avoir leur rapport qu’au revenu : néanmoins Basnage atteste que l’usage est certain au Palais, de faire cette estimation, par rapport au revenu & à la valeur intrinseque, ce qui a été établi, en conséquence des Ar-rêts qui ont jugé, que l’estimation du tiers légal ne se pouvoit faire autrement que le fait l’estimation de tous les biens, qui étoient en la possession du pere ou de la mère ; laquelle estimation doit être faite non-seulement par rapport u revenu, mais eu egard à la propre substance des biens, en quoi consiste cette valeur intrinseque.15

Les preneurs à fieffe n’ont pas le privilége accordé aux acquéreurs, de pouvoir payer en deniers, il faut qu’ils continuent de payer la rente, ou qu’ils abandonnent le fonds : mais d’ailleurs les Douairiers ne peuvent pas déposséder les preneurs à fieffe, parce que le pere a pû faire ce changement en son bien, aussi-bien qu’échanger, suivant l’Arrêt donné en l’Audence de la GrandeChambre, le 15 de Janvier ré88, rapporté par Basnage : ce qui semble devoit être limité aux cas qu’il n’y ait point une grande inégalité de la valeur de la rendre fieffale, ou du contr’échange, avec la valeur de l’héritage baillé à fiesse ou permuté.

Il a de plus été jugé, que les Adjudicataires par décret n’ont pas cette même faculté ; mais qu’ils sont tenus de bailler le tiers en essence, par un Arrêt donné par Rapport, le 16 de Mai 1637, rapporté par Basnage : ce qu’il faut entendre d’un décret auquel les enfans se sont opposés, pour avoir distraction de leur tiers en essence, & non d’un décret, en vertu duquel les adjudicataires auroient joui paisiblement pendant quelques années, des héritages sur lesquels le Douaire pourroit avoir lieu : car la possession acquise en conséquence d’une vente faite en Justice, est aussi favorable que celle qui est provenue d’une vente volontaire.

Au reste, ce privilége des acquereurs n’est qu’à l’égard du Douaire des enfans & non du Douaire de la femme, qui doit jouir de son usufruit, qui lui est acquis absolument par la Coûtume.


CCCCIV.

Pareillement, la propriété du tiers des biens que la Femme a lors du mariage, ou qui lui écherront constant le mariage, ou lui appartiendront à droit de conquêt, appartiendra à ses enfans, aux mé-mes charges & conditions que le tiers du Mari.

Cela est singulier en la Coutume de Normandie ; aux autres, les enfans n’ont point de légitime sur les biens des meres : mais par cet Article ils l’ont encore plus avantageusement que sur les biens du pere, parce qu’ils l’ont nonseulement sur les biens que possédoit la mere lors des épousailles, mais encore sur tous les biens qui sont échus à la mere constant le mariage, quocumque titulo, même à droit de conquet.16


Huitième Partie, des Donations des Femmes à leurs seconds Maris,

CCCCV.

La Femme convolant en secondes nôces ne peut donner de ses biens à son Mari, en plus avant que ce qui en peut écheoir à celui de ses enfans qui en aura le moins.

Cet Article est pris de l’Ordonnance de François Il, de 1560, qu’on appelle l’Edit des secondes nôces, & qui a autorisé dans le Droit coutumier, ce qui avoit été ordonné, par la Loi Hac Edictali, C. De secundis nupliis. Il s’entend, tant des meubles que des immeubles ; c’est pourquoi, c’est une précaution nécessaire de faire faire un Inventaire par personnes publiques, des meubles appartenans à une veuve, qui se remarie ayant des enfans.

La donation faite par une femme à un second ou autre subséquent mari, fe regle par le nombre des enfans qui la survivent, & non par ceux qu’elle avoit lors de la donation, comme il est atcesté par l’Article XCl dudit Réglement. Mais on pourroit douter, si par ces enfans survivans, on doit en-tendre tous les enfans, ou seulement ceux que la donatrice avoit de son premier mariage, parce que ladite Loi & ladite Ordonnance ne se doivent en-tendre que des enfans des précédentes noces,Louet , N. 2, outre qu’il semble qu’il y a de l’absurdité à dire, que la donation faite à un second mari, doit être réglée, non-seulement par le nombre des enfans que la donatrice pourra laisser d’un premier mari, & d’un second son donataire ; mais môme par le nombre des enfans qu’elle pourra avoir d’un troisieme mariage. Or comme le nombre des enfans ne se confidére que du jour du décés de la mere, ainsi la valeur des biens de la donatrice ne s’estime que de ce même jour, & non de celui de la donation.

Sous le nom des enfans, les filles y sont comprises, quoiqu’elles ne soient pas héritières : mais pour régler la donation faite par la femme au cas de cet Article, on n’a pas égard à l’arbitration du mariage avenant des filles, mais seulement à leur nombre : de sorte qu’on estime la part de chacune d’elles, comme celle d’un frere qui a eu le moins en la succession de la mère.

Le mari donataire est obligé de faire les lots, & n’a son partage que par non choix, par un Arrét du 23 d’Avril 16z5, rapporté parBasnage .17

Quand une femme a donné à un premier mari le tiers ou plus grande part de son mariage, elle ne peut plus rien donner de son propre à ses autres maris, parce que la faculté qu’elle avoir de donner est épuisée : Néanmoins, si c’est son pere qui a donné, elle n’est pas privée de doner en faveur d’un second ou autre mariage, une portion de sa dot, suivant la limitation de cet Article, parce que la donation faite par le pere en faveur de mariage de sa fille n’est immeuble qu’à l’égard de ce qui est constitué pour la dor, le don mobil étant réputé un meuble, qui ne prive pas la fille de pouvoir donner un tiers de son immeuble.

Par un Arrêt donné en la Grand’Chambre, en forme de Réglement, au Rapport de M d’Aube, il a été jugé qu’une femme qui avoit donné à deux maris, tout ce qu’elle leur pouvoit donner, n’étoit pas privée de donner le diers de ce qui lui étoit resté de propre, & que cette donation du tiers en général auroit lieu sur les immeubles, en quelques lieux qu’ils fussent situés, encore qu’elle n’eût été insinuée qu’au lieu du domicile de la donatrice. Les Parties étoient la Demoiselle du Meslay, nièce de la donatrice, & les Sieurs Guerard de la Vigne héritiers.18 Au reste, les donations excessives faites par les femmes, ne peuvent être réduites dix ans aprés la mort de la donatrice, où de la majorité de ses enfans : ce qui est général pour toutes les donations, par l’Article CCCCXXXV. VoyezLouet , M. 1, 2, 3 & 8, où il traite plusieurs questions touchant l’Edit des secondes Noces.

Neuvieme Partie, des Contrats que les Gens mariés ne peuvent faire l’un pour l’autre.


CCCCVIII.

Les remplois de deniers provenus de la vente des propres, ne sont censés conquêts, sinon d’autant qu’il en est accrû au Mari, outre ce qu’il en avoit lors des épousailles ; comme aussi, les acquisitions faites par le Mari, ne sont réputées conquêts, si pendant le mariage il a aliéné de son propre, jusqu’à ce que ledit propre soit remplacé.

Cet Article & les trois suivans sont pour empécher les avantages que le maei & la femme pourroient se faire l’un à l’autre, au préjudice de leurs héri-tlers : c’est pourquoi l’ordre méthodique requeroit, que l’Article CCCCX précédat celui-ci & les deux autres ; parce qu’il contient la regle générale, dont dépendent les particulières, & les exceptions qui sont proposées dans les trois autres Articles. Cette regle est, que les gens mariés ne peuvent faire aucuns contrats ni reconnoissances, par lesquels les biens de l’un viennent à l’autre directement ou indirectement : Or c’est en conséquence de cette maxime, que si le mari pendant le mariage a aliéné les biens qui lui appartenoient lors des épousailles, la femme ne peut prendre aucun droit de conquêt sur les acquisitiont faites depuis le mariage, si elles n’excedent la valeur des biens qu’il a aliénés & engagés : parce que les biens propres du mari ; c’estàdire, qui lui appartenoient lors des épousailles, ( comme il a été dit ailleurs ) doivent être remplacés sur ces acquisitions, qui partant ne sont pas réputées conquêts, aux termes de cet Article. Par la même conséquence, les deniers provenus de la vente des biens propres du mari, ou du racquit des rentes qui lui étoient propres, n’ayant été remployés lors de son déces, ne sont pas réputés meubles, mais immeubles, parce que si le remplacement des propres du mari ne se peut pas prendre sur les conquêts, il doit être pris sur les meubles, comme on ie peut inférer de l’Article CCCCIx, & qu’il a été attesté par l’Article LXV. dudit Réglement Sur quoi il est important de remarquer, que quoique cet Article CCCCVIII semble n’avoir ordonné le remplacement des propres, que pour empecher les avantages indirects que les maris peuvent faire à leurs femmes, il est nécessaire d’en étendre la disposition, & de dire que le remplacement des véritables propres, c’est-à-dire, qu’on a possédés à droit successif, doit être fait sur les acquêts, & au défaut d’acquêt, sur les meubles : de sorte que les héritiers aux acquets & meubles ne peuvent rien prétendre en leur succession, que le propre n’ait été remplacé au profit de ceux qui en sont héritiers, comme il a été expliqué par l’Article CVII dudit Réglement, qui ajoute, que le remploi se doit faire au marc la livre sur tous les acquêts immeubles, & à faute d’acquêts, sur les meubles. Par cette dernière clause on a jugé deux grandes questions : La première, sur quels acquêts ce remplacement devoit être pris, ayant été déclaré qu’il doit être pris sur tous, soit qu’ils soient les premiers ou les derniers en bourgage ou hors bourgage : La seconde, que ce même remploi se fait quelquefois’au préjudice des légataires des meubles, tant universels que singuliers, quand les acquêts ne sont pas suffisans de le porter.

Il ne faut pas omettre que ledit Article CVII ne se doit pas entendre des aliénations faites à titre de donation, ce qui a été donné n’étant point sujet. à remplacement, comme il a été jugé par plusieurs Arrêts.

Mais il faut de plus remarquer, qu’il ne se fait point de remplacement à l’avantage ni au préjudice des héritiers aux propres ; c’est-à-dire, que les heri-tiers paternels ou maternels ne se peuvent pas demander les uns aux autres le remploi de ce qui a été vendu par le défunt, provenant de leur côté & ligne : de sorte qu’ils prennent les biens en l’état qu’ils se trouvent dans la succession, au temps de son échéance, sans récompense ni répétition l’un sur l’autre de ce qui a été aliéné : Que si le défunt a contracté des dettes, qui ne puissent pas être payées, ni sur ses acquêts, ni sur ses meubles ; en ce cas, les héritiers paternels & maternels contribuent au payement de ces dettes par proportion, pro modo emolumentâ, comme il a été remarqué sur l’Article CCeLXIV.

Les Offices aussi-bien que les rentes hypotheques, étant réputés immeubles, la qualité de propre leur peut convenir ; c’est pourquoi le remplacement endoit être repris non-seulement quand ils ont été aliénés par contrats volontai-res, mais quand ils ont été perdus par la faute du défunt ; comme fi pour n’avoir pas payé le Droit annuel, l’Office est tombé dans les Parties casuelles, ou s’il a mal & inconsidérément remplacé les deniers de la vente d’icelui, ou du racquit des rentes qui lui étoient propres : Car en ces cas, comme on a jugé que la veuve pouvoit demander la récompense de son Douaire sur les autres biens de son mari, de même on a jugé, que les héritiers des propres pou-voient demander la récompense de l’Office perdu par la négligence du défunt, sur les acquêts & les meubles, par deux Arrêts, l’un du y de Juillet 166 4 & l’autre du 22 de Juin 1673, rapportés parBasnage .

Les termes donc de vente & d’aliénation employés dans cet Art. CCCCVIII ne s’entendent pas dans leur étroite & propre signification, mais s’étendent à la perte des propres, arrivée par le défaut de bonne conduite du mati ; & à plus forte raison, à l’engagement ou hypotheque des propres, que les héritiers aux acquêts doivent liberer ou décharger ; & partant la confignation de la dot sur les biens du mari, est une espèce d’aliénation de ses propres : mais d’autant que l’effet de cette consignation consiste à pouvoir demander la dot, sans aucune diminution des droits attribués aux femmes sur les conquôts & meubles, par l’Article CCCLXV, la vouve n’est point obligée à fournir le remploi de cêtte consignation, à moins qu’elle ne soit legataire des meubless au-quel cas, si les héritiers présomptifs des acquôts, lui abandonnent lesdits acquêts, elle seroit condamnée de porter ce remplacement, même au-dela de la valeur des meubles qu’elle avoit eus en vortu de son legs, si elle n’en avoit pas fait faire un bon Inventaire, d’où il s’ensuit, qu’elle pourroit perdre sa dot par cette imprudence : car il a été jugé par plusieurs Arrées, que les héritiers aux acquêts sont tenus de payer le remploi, encore qu’il excede la valeur de leur suocession : ce qui a été pareillement jugé contre les légataires universels des meu-bles, quand ils n’en ont pas fait un bon Inventaire.

Il ne faut pas oublier ce qui a été dit, que par le mot de propres, on n’entond pas seulement les immeubles que les mariés possedent par droit d’hérédi-té, mais généralement tous ceux qui leur appartiennent avant le mariage, quocumque tatulo, parce que ces biens, quoiqu’ils soient de véritables acquêts à l’égard des héritiers, sont censés propres à l’égard des conjoints, pour empecher qu’ils ne passent de l’un à l’autre, & partant doivent être remplacés.

On a même jugé, qu’un mari ayant donné ses meubles au fils de sa femme, en cas qu’elle prédécedât, ce fils étant devenu donataire desdits meubles par l’événement de la condition, devoit porter le remplacement des acquisitions fai-tes par le donateur avant le mariage, mais qui avoient été aliénées pendant icelui, en cas que les conquêts ne fussent pas suffisans de fournir ce remploi, par n Arrêt du 4 de Janvier 168s, rapporté parBasnage .

Sed quid : Si le mari avant le mariage avoit vendu ou engagé ses propres, la femme sera-t’elle obligée d’en porter le remploi sur les conquêts & sur les meubles : Videtur quod non, par un argument qu’on peut prendre de l’Article LXV dudit Réglement, qui n’oblige les mariés qu’au remplacement des immeubles qu’ils possédoient lors des épousailles. Or cet argument, que les Au-teurs Latins nomment à contrario sensu, & les Grées iE arridiaconne, pour signifier qu’il procede de différence & de distinction, a une tres-grande force, quand le cas énoncé dans une Loi ou dans un contrat, est tout à fait opposé à un autre cas qui n’y est point exprimé : Car on doit juger que l’intention du Legislateur & des contractans n’a été que de régler la chole qu’ils ont spéciale-ment déclarée, & que partant les choses qui different beaucoup, doivent être réglées autrement : Voyez Cujas in lib. 4. Responsorum Papiniani, sur le S. cûm inter, de la Loi Inter socerum, ff. De pactis dotalibus. Mais on dit u contraire, que cet argument à contrario sensu, n’a sa force que quand le cas exprimé dans la Loi, est une exception au droit commun sous la disposition duquel les cas non exprimés demeurent compris, principalement quand il y a une notable différence entre le cas exprimé & ceux qui ne le sont pas, d’autant que c’est une maxime, que l’exception confirme la regle dans les cas non exceptés. Or le cas exprimé dans ledit Article du Réglement n’est pas une exception ; mais plutôt une confirmation du droit commun, par lequel les acquets sont sujets au remplacement des propres : Dont on peut conclure, que la femme prenant part aux conquêts & meubles comme héritière, doit contribuer aussi-bien que les autres héritiers de son mari aux meubles & acquets audit remplacement, pour conserver à l’héritier des propres ses droits succesfifs. Il semble qu’on doit réfoudre cette question par une distinction qui appor-te un tempérament aux deux opinions ; car si d’une part le propre doit être conservé, quand il se peut reprendre sur les acquêts & sur les meubles, il n’est pas juste d’autre part, que le droit que la Coûtume attribue à la femme sur les conquêts & les meubles, en confidération de la société conjugale, & pour la récompenser de la collaboration qu’elle est présumée avoir faite, soit diminué par le mauvais ménage de son mari, qui a précédé leur mariage. On peut donc répondre en baiançant ces deux raisons, que la femme ne doit pas contribuer au remplacement dont il est question, s’il peut être fait sur la part des conquêts & des meubles appartenante aux héritiers ; mais si cette part n’est pas suffisante pour porter ce remplacement, alors la femme a qui l’autre part des conquêts & meubles est déférée, doit acquitter l’excédent de ce qui n’a pû être porté sur la part des héritiers, ou contribuer à proportion à tout le remplacement, s’il égale ou surpasse la valeur des acquets qui le doivent porter : car par cette résolution, le propre est conservé dans la famille du mari, & d’ailleurs la femme n’est pas privée de ses droits de conquêts & de meubles.

On peut de plus demander, si les héritiers aux acquêts sont obligés de souffrir le remplacement sur les acquisitions qui ont été faites, & s’ils ne sont pas recevables à offrir de payer en deniers la juste valeur des propres aliénés : il semble, suivant les termes de l’Article CCCCVIII, & du Réglement aux Articles LXV & CVII, que le remplacement doit être réputé fait sur les immeu-bles qui ont été acquis ; puisqu’il est déclaré par ledit Article CCCCVIII, qu’il n’y a point de conquêts que le propre ne soit remplacé, & que d’ailleurs par lesdits Articles LXy & CVII du Réglement, il est attesté que le remplacement ne doit être fait sur les meubles, que quand il ne peut être fait sur les acquêts : VoyezLouet , R. 30.19

Mais quoique l’action qu’a l’héritier au propre pour demander le remploi, ne tendit qu’a se faire payer du prix, cette action seroit toujours immobiliaire, parce que sa fin est de conserver un propre, qui ne peut appartenir qu’à un heritier du propre, qui est toujours réputé immeuble ; en quoi l’usage de Normandie. différe de celui de Paris, où l’action aux fins du remploi, est tantôt mobiliaire & tantot immobiliaire, suivant ce qui en peut provenir ; car si on ne demande que le rapport des deniers du prix de l’aliénation, l’action est mobiliaire, & fait partie de la succession mobiliaire, que si on demande un héritage acquis, comme étant un véritable & effectif remplacement l’action est immobiliaire, & est censée une dependance de la suocession immobiliaire. Voyez le Commentaire deLouet , au lieu cité, in fine.

Il faut enfin remarquer que c’est une maxime, qu’il n’y a point de remplacement de Coutume à Coûtume ; c’est-à-dire, que les heritiers des propres situës hors l’etenduë de la Coutume de Normandie, ne peuvent pas demander le remplacement de ces propres aliénés, sur les acquets faits en Nor-mandie.


CCCCIX.

Et où les deniers provenans du racquit desdites rentes n’auront été remployés lors du décès, ils ne sont censés meubles, mais immeubles, jusqu’à la concurrence des propres, qui appartenoient au Mari lors du mariage.

Par un Arrêt donné en la Grand Chambre, sur un partage des Enquêtes, l’11 d’Août 1685, rapporté parBasnage , les deniers provenus du racquit d’une rent, propre au mari, fait en ses mains quelques jours avant son déces, ont été declarés meubles, & appartenir à la veuve legataire des meubles, parce que le remplos de la rente pouvoit être pris sur les acquêts : de sorte que suivant cet Arrêt, on doit entendre que les deniers ne sont censés immeubles par la disposition de cet Article, que lorsque le remploi n’en peut être porté sur les acquêts, la fiction. de la Coutume ne devant avoir lieu que pour assurer le remploi des propres. Ce qui paroit contraire aux termes de cet Articie, qui signifient que les deniers qui n’ont point été effectivement remployés, ne sont pas réputes meubles, mais immeubles.

Cela de plus répugne à ce qui est ordonné par l’Article CCCLXV, qui déelare, que la dot non remplacée ne sera prise sur les acquêts, que quand elle n’aura pû être prise sur les meubles. Dont il paroit qu’on n’a point du juger que le remploi d’une rente racquittée au mari dont elle étoit un propre, nedevoit pas être fait sur les meubles, parce qu’il pouvoit être fait sur les acquets.

Outre que ce même Article qui a sa dépendance & connexité avec les Articles CCCCVI & CCCCVII, plutot qu’avec l’Article CCCCVIII, ne se de-vroit interprêter que par rapport au Douairc, & que pour estimer ce qui en appartient à la femme, à raison des rentes qui ont été racquittées constant le mariage, & non par rapport aux remplacemens des propres sur les acquêts, pour trouver un moyen d’autoriser un avantage fait directement à la personne de la femme, & contraire a l’Article CCCex, qui dispose, que les gens mariés ne peuvent faire aucuns actes, par lesquels quelque chose que ce soit desbiens de l’un, vienne à l’autre, en tout où partie, directement ou indirectement.20


CCCCX.

Gens mariés ne se peuvent céder, donner ou transporter l’un à l’autre quelque chose que ce soit ; ni faire Contrats ou Concessions, par lesquels les biens de l’un viennent à l’autre, en tout ou partie, directement ou indirectement.

Les donations mutuelles ne sont pas permises entre les mariés, par la raison de cet-Article, non plus que les donations testamentaires à l’égard des immeubles, qui sont prohibées. par l’Article CCCCXXII, qui est contraire u Droit Romain, qui quoiqu’il rejette les donations entre-vifs, permet les testamentaires entre ie mari & la femme, il n’est pas même permis de donner entre-vifs aux parens de sa femme, ni à la femme aux parens du mari, quoique ces parens ne soient pas les présomptifs héritiers de celui des conjoints, en faveur duquel la donation peut être préfumée avoir été faite, comme il a été jugé par plusieurs Arrêts, ce qui se doit entendre, tant que le mariage subsiste : car si un de ces conjoints est décédé, le survivant peut donner aux parens du défunt, & par conséquent confirmer la donation qu’il avoit faite dans le temps prohibé.21

Le mari peut décharger les héritages de sa femme des charges & dettes réciles ausquels ils sont obliges : ( ce qu’il ne faut pas entendre des hypothécaires, qifaut distinguer des rcelles, comme, il se vuit par les Articles CCCCXIII ée

CCCCXIIII ) & lui ni ses héritiers n’en peuvent prétendre récompense, comme d’un avantage indirect, pourvu que le mari n’ait pas aliéné ni hvpothéqué son propre, pour parvenir à cette libération, dont il prorte assez par la jouissance qu’il a des biens de sa femme, quand cette augmentation n’est censée procéder que du bon ménage des mariés.

Le mari peut de plus réparer & batir sur les héritages de sa femme, & ces impenses ne sont pas réputées un avantage indirect, non plus que les frais faits pour les proces concernans les biens de sa femme : si néanmoins il avoit été obligé de payer quelque supplément pour conserver la propriété, cela pourroit être répété, jugé par un Arrêt du 27 Mars 1630, rapporté parBasnage .

Le mari peut en outre, nonobstant la prohibition portée par cet Article ; reconnoître avoir recu en exécution de son contrat de mariage, des sommes considérables pour la dot ou pour le don mobil, & on ne reçoit point à faire preuve du contraire, comme il a été jugé par plusieurs Arrêts, pourvu que le contrat de mariage ait été fait en présence des parens, où reconnu avant la célébration du mariage : ce qui ne seroit pas requis à l’égard des donations. que la femme peut faire par son contrat de mariage, lesquelles subsisteroient, nonobstant que ce contrat n’eût été reconnu que depuis la célébration. Le mari peut encore faire un autre avantage, en convenant que la femme puisse remporter, en cas qu’elle survive, une somme d’argent pour ses bagues & joyaux, ou pour la récompenser des meubles qu’elle lui apportés, encore que cette somme soit excessive, & qu’il n’y ait eu aucuns joyaux ni meubles apportés par la femme ; car ce remport, au cas qu’il puisse être pris sur les meubles délaissés par le mari, ou saisis en ses mains, ne peut être contesté : mais il ne peut être prétendu sur les immeubles, que jusqu’à la concurrence du don mobil fait au mari : ce qui a été jugé par un Arrêt du 27 de Janvier 16yy, rapporté parBasnage .22


CCCCXI.

Toutefois le Mari ayant aliené l’héritage de sa Femme, lui peut transporter du sien pour récompense, pourvu que ce soit sans fraude ou déguisement, & que la valeur des héritages soit pareille, & qu’il apparoisse de l’aliénation du Mari par Contrat authentique.

La fraude ou le déguisement énoncés dans cet Article, peuvent être opposés non-seulement par les héritiers du mari ou ses créanciers antérieurs, mais même par les créanciers postérieurs au contrat fait pour récompenser la femme parce que ce contrat est nul, & de plus demeure inconnu, d’autant que le mari demeure toujours en possession des héritages ou des immeubles qu’il aura transportés ; ce qui peut tromper ceux qui contractent depuis avec lui : cela a été jugé par plusieurs Arrêts.23



1

Notre ancien Coutumier réputoit le Douaire de la femme viager, & il s’éteignoit par sa mort ; le tiers coutumier n’a pas une époque plus reculée que celle de la réformation de nôtre Coutume, & les dispositions de la Loi prouvent assez que cet important objet ne fut pas alors assez sérieusement approfondi. Les Coûtumes sont divisées sur ce point de droit municipal les unes ont persiste à déclarer le Douaire un simple usufruit, les autres en ont transmis la propriété aux enfans & à leurs descendans. On met dans la premiere classe, Meaux, Chap. 2, Art. x ; Sens, Tit. 17, Art. ClXil ; Auxerre, Tit. 1o, Art. coxV ; Monfort, Chap. 12, Art. CXXXix ; Orléans, Tit. 12, Art. Cc7x ; Poitou, Tit. 4, Art. CCLVII, Vitry, Tit. 5, Art. Lxxxx : on peut encore y joindre Bretagne, Aniou & le Maine. On met dans la seconde classe, Paris 249 & suiv. Melun, Chap. 15, Art. CCXLI ; Mantes, Chap. 12, Art. CLXXVI, Senlis, Tit. 8, Art. CLXXVII ; Clermont, Tit. 13, Art. CLX. Valois, Tit. 8, Art. CII ; Nivernois, Chap. 2d. Art. VIII ; Chartres, Chap. 5, Art. LIII ; Dreux, Chap. 24. Art. LIII ; Dunois, Chap. 13, Art. LXX. Consultés la Conférence des Coûtumes parGuénois .

Les Coutumes citées en dernier lieu confondent le Douaire de la veuve avec celui des enfans ; ce que nous appellons tiers coutumier, ils l’appellent le Douaire des enfans, & cette dénomination n’est pas vaine, car elles en tirent des conséquences entiérement opposées à nos maximes, comme je le remarquerai dans son temps : elles conviennent cepen-dant avec nous, en ce qu’elles ont pour but d’assurer une subsistance aux enfans sur les débris de la fortune de leur pere.

Ce n’étoit pas assez, ditBerault , d’avoit défendu l’institution d’héritier, d’avoir proserit ce chef-d’oeuvre de la Jurisprudence Romaine, on a cru devoir mettre des bornes à la liberté indéfinie d’aliéner des afcendans, pour ne pas réduire des citoyens à devenir par leur indigence un poids accablant pour la société. L’homme en se mariant ne devroit plus se considérer que comme l’administrateur de son bien ; la Loi lui en rétranche une portion, dont il ne peut plus abuser : heureuse impuissance, dont le bien public est la fin principale l Basnage se plaint de ce que nos peres ont été trop économes, en limitant au tiers des immeubles en faveur des enfans, l’interdiction de disposer : belle lecon pour ceux qui se récrient contre un si sage établissement & qui y remarquent au piége continuellement tendu à la vigilance des Créanciers, comme si les Créanciers pouvoient ou devoient ignorer l’état d’un pere qui a des enfans

Au surplus, le tiers coutumier n’a rien de commun, ni avec la légitime du Droit écrit, ni avec celle qui est usitée en différentes Coutumes, la légitime est un préservatif contre des dispositions gratuites, inofficieuses, elle suppose la qualité d’héritier dans la personne de celui qui la reclame : la quotité n’est pas par-tout uniforme, elle varie ; quel rapport auroit-elle donc avec le tiers-coutumier,

Quoique le tiers coutumier soit un présent de la Loi, il se prend sur les biens du pere ainsi un fils légitimement déshérité ne peut en former la demande, l’intention de la Coutume n’est pas de conserver la légitime à des enfans ingrats qui ont violé les droits les plus facrés de la nature :Basnage . Ils ne sont pas même comptés au rang des enfans pour diminuer le tiers contumier.

Régulièrement le tiers coutumier se leve sur les immeubles ; cependant, par convention, il se peut prendre sur les meubles au défaut d’immeubles : Arrét du 28 Juin 1619 ;Terrien , sur l’ancienne Coutume, de Bref de Douaire à femme, Chap. 5.Bérault .

Les petits-fils qui ont renoncé à la succession de leur pere décédé avant leur aieul, & à celle de leur aieul, peuvent demander le tiers coutumier que leur pere auroit pu prétendre sur la succession de cet aieul, s’ilme l’eûr pas prédécédé à l’hypotheque du Contrat de mariage dudit aieul : Arrêt en Réglement du a Mars 1733. 6 etiam nepotibus ex eis parente pramortuo, duMoulin , sur Senlis, Art. CLXXVII.

Mais si le pere avoit survéeu l’aieul & qu’il eût accepté sa succession, les petits enfans n’auroient leur tiers coutumier sur les biens de leur nieul, que du jour du Contrat de mariage de leur pere, agréé & consenti par leur aieul, conformément à l’Article CCCLxix de la Coûtume, à l’Arrét du Conseil du 3o Août 1687, & à un Arrét de Réglement du 11 Juillet 1707.


2

Quand il est arrété par le Contrat de mariage que la femme aura moins que le tiers en Douaire, ce qui peut seul s’appeller parmi nous le Douaire préfix, cette clause ne préjudicie point au droit des enfans, ils n’en ont pas moins le tiers coutumier en son inté-grité, la clause n’opere que contre la femme. Il n’en est pas de mê-ne à Paris, si la femme a préféré le Douaire préfix, quoique moins avantageux, dans le cas où elle a l’optionDuplessis , du Douaire, Chap. 2, Sect. 2, dit que les enfans même aprés le décés de leur mere, ne peuvent debattre l’option qu’elle aura faite ni reclamer le Douaire coûtumier.

L’Auteur des additions sur leBrun , des Succes. Liv. 2, Chap. 5, Sect. 1, dist ;, n. l2, estime que si la veuve étoit mineure lors de son option, elle est restituable même au préjudice de ses enfans ; mais la voie de restitution lui est fermée, si elle étoit majeure, nonobs-tant que les enfans eussent un intéret qu’elle fût restituée, quand il y a des Créanciers qui s’opposent, parce que l’option du Douaire préfix, ou coutumier est de celles qui emportent exécution : c’est expliquer l’opinion deDuplessis . Voyer cependant le Traité des Pro-pres deRenusson .


3

Les enfans, pendant le cours de la vie de leur pere, ne peuvent engager leur tiers pour des dettes même que le droit naturel autorise, comme pour rendre la liberté à un pere detenu dans les prisons : Arrét du 3o Juillet 163y, qui entérina les Lettres de rescision des enfans contre une obligation de cette espèce, & le tiers fut déclaré exempt du eautionnement : Traité des Hypotheques ; ainsi la soeur, venant à succéder a son frere, aura le tiers entier sans être assujettie aux dettes qu’il aura contractées pendant lavie du pere : iArrêt du11 Août 1655.Basnage .Renusson , du Douaire, Chap. 10, n. 10, dit, aprésBacquet , des Droits de Justice, n. 48, que les enfans, même mineurs, peuvent pendant la vie de leur pere renoncer au Douaire pour faciliter la vente de ses biens, à l’effet de le délivrer de prison, & il-cite l’Arrêt de Boisconville du 11 Avril 1571. L’autenth. Si capti alicujus liberi cod. de Episc. & Cleric. & la Loi, Si ideo de folut. matrim. Dans le fait, le pere étoit détenu en prison, & son bien étoit saisi réellement pour le pavement de condamnations résultantes de crime ; le fils n’étoit âgé que de dix-sent ans il consentit que le bien de son pere fût rendu : par l’Arrét rendu sur les Conclusions de M. le Procureur-Géneral il fut ordonne qu’il seroit procé lé à l’Adjudication, sans espoir de restitution pour le fils mineur : cette décision est pleine d’humanité ; mais aprés l’Arrét de ce Parlement, que je viens de citer, je doute si l’Arrét du Parlement de Paris seroit suivi en Normandie.


4

DuMoulin , sur l’Article ClxxVII de Senlis, suppose aussi la cond’tion de survie des enfans : ntellige, dit-il, in casum quo supervivant patri, non autem quod morientes sine liberis ante patrem pssint transouttere ad alios quûmt ad alios ejusdem matrimonii liberos, aut nenutes ex iis dic, quod vivo patre nun possant alienare vel hypoihecare. Le même sur l’Article LV de Chartres ; sed si omnes fili mr’untur sine liberis naturalibus & legitimis ante patrent dourium peritus extinguitur, sieut surerviverent, & adirent hereditatem. Du Moulin s’explique encore de même sur l’Article CXV de la Coutume de Valois. De sorte que le sort des alienations que le pere fait de son bien, dépend de l’événement de la mort prématurée des enfans ou de leur survie.


5

La Jurisprudence, atrestée par Pesnelle étoit en usage des le temps que Béranlt écrivoit ; il rapporte un Arrét du Is Décembre Ioië qui décide la question in terminis : Un pere, aprés avoir vendu presque tous ses héritages, meurr, & laisse deux filles, alors mineures ; on néglige de leur établir un tuteur, elles jouissent des débris de la succession de leur pere, & décedent étant encore en minorité : un cousin-germain leur succede, il renonce a la succession de leur pere, & prétend exercer à leur droit le tiers coutumier de l’Article CCoxClx, il obtient même incidemment des Lettres de restitution contre les actes d’héritier que ces filles auroient pu faire. Le Bailli de Mortain l’avoit débouté de ses demandes principales & incidentes : par l’Arrêt, la Sentence fut confirmée. Nous avons un Arrêt du 2S Juillet 175z, qui paroit être en plus forts termes : Un partièulier ayant renoncé solemnellement a la succession de son pere, avec déclaration de poursuivre ses droits & les actions qui lui étoient acquises par notre Coutume contre les acquercurs des biens paternels, décéda sans avoir formé aucune demande en tiers coutumier ; ses Cousins-germains en ayant fait la demande apres sa mort, y furent déclarés non recevables par cet Arrét. Gependant, quand nous disons que l’option du tiers n’est pas transmissible aux héritiers collatéraux, nous excepions les freres & les sours du défunt qui sont de l ligne : car si un des enfans vient à mourir, soit qu’il ait formé la demande du tiers ou qu’il n’ait point passé de déclaration, sa part dans le tiers accroit aux autres enfans : ainsi jugé par l’Arrêt de Belhôtel.Basnage .


6

La décision de l’Article LXXVI du Réglement de 166è me paroit trop étenduë, & quelque faveur que mérite la libération, si vous la portez à l’exces, elle devient facilement une in-justice. le voudrois donc que l’amortissement d’une rente foncière non rachétable de sa nature, ne fût toléré pendant le mariage, que quand le pere a d’autres biens sur lesquels le tiers coutumier peut être levé, j’ai cité lous l’Article CCCCVI de la CoûtumeRenusson , du Douai-re, Chap. 3, n. 75 ; qu’il me soit permis de le citer une seconde fois. Est-il bien possible de ne pas convenir, avec cet Auteur, que la rente fonciere, dont le Créancier ne peut être forcé de recevoir le capital, a les qualités nécessaires pour représenter le fonds qui la doit, & que l’aliénation d’une pareille rente, purement volontaire, a les caracteres de P’aliénation d’un héritage. Un pere, en se mariant, a pour tout patrimoine une rente considérable de cette espece : pourquoi lui avoir permis d’en dissiper follement le prix, au pre-judice Souvent d’un enfant, dans les liens de la minorité, & qui n’a d’autre protccteur que la Loi contre un danger qu’il ne peut prévenir


7

Les Créanciers antérieurs au tiers coutumier peuvent, sans difficulté, faire décréter tout le Fief, puisqu’il est liypothéqué à des dettes qui précedent le droit des enfans ; mais les enfans auroient le droit de demander la délivrance de leur tiers en essence contre les Créanciers postérieurs, cessant l’indivisibilité du Fief ; c’est ce qui fait dire àBasnage , que ce tiers est décrété au péril des Créanciers, & qu’il peut arriver qu’ils éprouveront une perte effective, si l’estimation du tiers est plus considérable que celle de l’Ad-judication.


8

Renusson , du Douaire, Chap. 3, n. 80, rapporte différens Arrêts d’apresMontholon Bacquet , des Droits de Just,Bouguier , D, n. 18 ;Auzanet , sur Paris 247, d’où l’on doit conclure que les augmentations que le pere a faites sur l’héritage sujet au tiers coutumier, cedent au profit des enfans sans aucun remboursement : cette Jurisprudence ne plait pes àRenusson , si des Créanciers privilégiés ont prété les sommes employées à faire ces augmentations, il est juste, dit-il, qu’ils en soient récompensés, en tant que l’héritage est de plus grande valeur ;Mornac , sur la Loi. Quib. mod. usufi. dit, que si le pere a conservé, par exemple, quelque chose de la fondation des anciens batimens, les demandeurs en tiers coutumier profitent des augmentations ; mais qu’il n’en est pas de même, si le pere a pendant le mariage élev & le batiment depuis les fondemens. Toutes ces considérations. se sont présentées aux Juges qui ont rendu les Arrêts cités parRenusson , & ils n’y ont en aucun égard. Il est une maxime genérale, superficies solo cedit, d’ailleurs si vous obligés les enfans à rembourser ces sortes d’impenses, vous les contraindrez, contre le cc de la Loi, d’aliéner le tiers coutomier. Nous suivons la même Jurisprudence, & la questic : s’étant présentée en la Chambre de l’Edit, elle fut décidée en faveur des enfans, par 1ri è1 du S lanvier 1652.Basnage .

Les dégrademens commis par le pere ne diminuent point le tiers des enfans ; cette maxime proposée par Pesnelle est bien établie par deux Arrêts des premier & 9Août 1646 18S59, & il fut jugé que pour le Douaire de la femme & le tiers des enfans, on seroit estimation de quinze cens chénes que le mari avoit abattus sur ses fonds, & on réserva la question des autres dégrademens ; il est à propos cependant de faire la distinction des arbres qu’un mari abat pour son profit faire, & de ceux qu’il emploie à son usage.Basnage .

, du Douaire, Chap. 3, n. 78, décide que quand Renusson estime les démolitions & dégradations, l’estimation ne doit pas se régler sur la diminution de la valeur du revenu, mais sur la moins valeur du fonds.


9

La Coutume de Paris semble déterminer par le texte même, à ne départir aux enfans la jouissanco du Douaire qu’apres la mort naturelle du pere : on ne s’attache pas cr Normandie aux termes de la Loi, mais à la raison & à la fin principale de la Loi. Tant que le pere peut jouir du tiers coûtumier pour la subsistance de sa famille, nous lui en conservons la jouissance ; mais aussi tût qu’il est sur le point d’être dépouillé par ses Créanciers, comme il ne peut plus remplir l’intention de la Loi, les enfans qui ont un droit acquis du jour du Contrat de mariage, peuvent le revendiquer & ils sont écoutés, ainsi le pere a la liberté d’abandonner le tiersà ses enfans, ou si les Créanciers ont prévenu par une saisie réelle, les enfans en peuvent demander distraction même contre les Créanciers antérieurs en payant le tiers des dettes & en donnant caution que les deux autres tiers seront acquittés sur le surplus des biens saisis en exemption de tous frais. On aainsi jugé, dans le cas de l’abandonnement du tiers, au Parlement de Paris, par Arrét du oMai 1S91, rapporté dans le cinquieme tome du Journal des Audiences : il étoit question d’un abandonnement que le Duc d’Elbeuf avoit fait à ses enfans du premier & second lit, des terres d’Elbeuf & de Lislebonne pour leur tiers coutumier & les deniers dotaux de leurs meres ; il fut confirmé par cet Arrét. C’est par une suite de cette Jurisprudence que si la femme separée, qui a obtenu délivrance de son Douaire, vient mourir, les enfans jouissent du tiers coutumier pendant la vie du pere, l’usufruit se consolide à la propriété, suivant l’Arrêt célèbre de Desobaux, rapporté parBérault .


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La Jurisprudence du Parlement de Paris n’a aucun rapport avec la nôtre, le Douaire des enfans est toujours à Paris le même que le Douaire de la veuve : les enfans y ont en propriété ce que la femme a par usufruit ; le Douaire coutumier de la premiere femme est la moitié des immeuvles que le mari possedoit au temps du mariage & de la moitié de ceux qui lui sont échus en ligne directe : le Douaire de la seconde femme comprend le quart des mêmes héritages dont le premier Douaire est composé, la moitié des immeubles qui sont venus au mari en ligne collatérale pendant son premier mariage, la moitié des conquêts de sa premiere communauté, si les héritiers de la premiere femme y ont renoncé, sinon la moitié de la part du mari, la moitié des propres qui lui sont échus par suc-cession entre les deux mariages, & des acquêts qu’il peut avoir faits dans cet intervalle, la moitié enfin des propres qui lui sont venus pendant ce second mariage par succession directe : voila quel sera le Douaire en propriété des enfans du second lit. Si les enfans du premier lit meurent pendant le second mariage avant le pere, le Douaire de la femme & des enfaus du second lit ne sera pas augmenté par leur déces il est toujours le même, & le bien du pere qui étoit sujet au premier Douaire devient libre jusqu’à la concurrence de ce premier Douaire. Si le pere avoit contracté des dettes depuis le premier mariage, les enfans du second lit n’ont rien à prétendre qu’aprés que les dettes contractées depuis le premier mariage ont été acquittées ; & si les dettes absorbent le surplus du bien, les enfans du second lit n’auront aucun Douaire, car ils ne peuvent rien prétendre sur le Douaire des enfans du premier lit. LeBrun , Liv. 2, Chap. 5, Sect. 1, dist. 1, n. 12.

Renusson , du Douaire, Chap. 11.

Le tiers coûtumier des enfans ne se regle point en Normandie sur le Douaire de la femme & l’un & l’autre peuvent être fort différens dans le cas où le pere a marié plusieurs fois. Le Douaire de la seconde ou troisieme femme n’a lieu que sur les biens dont le mari étoit saisi lorsqu’il l’épousa ou qui lui seroient échus depuis en ligne directe. Supposez que le mari n’ait des enfans que du premier mariage ; supposez enfuite que le mari fût fort riche quand il maria la premiere fois, qu’il ait dérangé sa fortune auparavant de former de nouveaux noeuds, le Douaire de la seconde femme étant chargé de toutes les dettes antérieures à son mariage, il sera beaucoup moins considérable que le tiers coutumier des enfans du premier mariage ; mais si depuis le premier mariage & dans l’inter-valle d’un second le mari a fait des acquisitions importantes, & qu’il n’ait dissipé que depuis son second engagement, le Douaire de la seconde femme aura l’avantage sur le tiers coutumier.

Nous ne suivons point la Coutume de Paris, nous regardons les enfans sortis d’un même pere, quoique de divers lits, d’un ceil égal ; & pour peu que les enfans du second mariage soient concus avant la mort de ceux du premier, les enfans du second lit peuvent opter leur tiers coutumier comme du temps du premier mariage : c’est encore dans cette espece qu’éclate plus sensiblement la différence du Douaire & du tiers coutumier, & il arrive journellement que la mere est traitée avec plus de rigueur que ses propres enfans.

Des considerations particulieres peuvent engager les enfans d’un premier lit à se porter licritiers de leur pere ; mais ce parti n’ôte point aux enfans du second lit la liberté d’opter, dans le cas de cet Article, leur part dans le tiers coutumier, comme du temps du premienr mariage du pere commun : car cette faculté est un bénéfice de la Loi.Basnage .

Le même Auteur observe que la séparation de biens d’une premiere femme ne prive point la seconde femme de son Douaire, sous le prêtere que la propriété du tiers seroit acquise aux enfans du premier lit des l’instant du déces de leur mere : Arrêt du 18 de Juin 1657.

Cet Arrét paroit avoir été rendu sur le fait particulier : la séparation étoit nulle, elle n’avoit jamais eu d’exécution, il n’y avoit point eu de lots à Douaire, les noms des mariés n’avoient point été inscrits au Tabellionnage.

La promesse du pere de garder sa succession à ses enfans ne forme aucun obstacle au Douaire d’une seconde femme mariée depuis ; mais elle n’a point de Douaire sur l’avancement antérieur d’un corps héréditaire qui opere une translation de propriété actuelle : Arrét du 16 Mars 1690.Basnage .


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Les Arrêts de Gourfaleur & de Sassey, rapportés par Basnage sar cet Article, ne permettent pas de douter en cette Province, que quand le pere, auparavant de contracter un second ou un troisieme mariage, a aliéné tous ses biens, & que les enfans, tant du premier que des autres lits, n’ont d’autres ressources que dans le tiers coutumier comme du jour du premier mariage, la seconde ou la troisieme femme ne peut prétendre auc in Douaire. On a cependant jugé le contraire, par Arrét du Parlement de Paris du 18l in 1S9y, rapporté dans le cinquieme volume du Journal des Audiences. Dans le fait, Mi le Duc d’Elbeuf, troisieme du nom, avoit marié trois fois, & laissé au temps de son déces des enfans issus des trois mariages. Depuis son premier mariage jusqu’au troisieme il avoit contracté des dettes qui absorboient plus que la totalité de ses biens. Le S Juin 1o8â, il abandonna aux enfans du premier & du second lit le Duché d’Elbeuf & le Comté de Lissebonne, tant pour leur tiers coutumier que pour les deniers dotaux de leurs meres.

J’ai rapporté sous l’Article Ccoxeix l’Arrêt de 16o1, qui confirma l’abandonnemert.

Au mois d’Août 1W8a le Duc d’Elbeuf épousa en troisieme nôces la Dame de Montaule de Navailles ; la Dame de Montault prétendit, aprés sa mort, Donaire sur le tiers coutumier opté par les enfans, comme du jour du premier mariage & en exemption des de-tes que son mari avoit contractées depuis. Je ne ferai qu’indiquer les moyens respectifs de la Dame de Montault & des enfans du Duc d’Elbeuf, ils sont développés par l’Auteur du Journal. La Dame de Montiult disoit que le pere, au temps d’un troisieme mariage, possede le même tiers coûtumier qu’il possédoit au temps de son premier mariage, puisque les enfans, quoique de divers lits, prennent le tiers sur le pied du premier manage ; le pere ni les enfans n’ont pu en aucun temps vendre ni hypothéquer ce tiers : la Loi qui porte cette défense stpule en faveur de leur intéret commun. La troisieme femme a donc trouvé son mari saisi du tiers coutumier comme du jour de son premier mariage : elle doit donc y prendre Doüaire, aux termes de l’Art. CCOLXVII de la Coutume. L’Art. CCCC décide que le ters coutumier ie Ii niue point le Douaire de la seconde ou troisieme femme ; il doit en réulter que le pere a pu affectet au Douaire de cette seconde ou troisieme femme la tiers coutumier, de quelque temps qu’il foit opté par les enfans. Il seroit en effet absurde de donner part aux enfans du troisiene lit dans le tiers pris comme du jour du premier mariage & d’en priver leur mere. La Dame de Montault soutenoit encore que son Douaire devoit être exempt des dettes contractées par le Duc d’Elbeuf depuis son premier mariage, le tiers coutumier en est déchargé : son Douaire devoit donc avoir le même avan-tage. Elle ajoutoit qu’on ne pouvoit lui opposer l’acte d’abandonnement fait par son mari à ses enfans avant le troisieme mariage ; on ne peut, disoit elle, considérer cet abandonnement que comme une cession de fruits pour prévenir les saisies des Créanciers 3 c’étoit l’exécution d’un conseil de famille, entre un pere & ses enfans pour conserver au Duc d’Elbeuf, sous le nom de ses enfans, la jouissance du Duché d’Elbeuf puisque par l’abandonnement les enfans n’avoient pas acquis la liberté de disposer, pendant la vie du Duc d’Elbeuf, des objets cédes ; elle s’aidoit de l’opinion deGodefroy , de l’Arrêt de Halard, cité parBasnage , & de plusieurs consultations des Avocats de Normandie. Les enfans du Duc d’Elbeuf répondoient que le Douaire de la femme, est l’usufruit du tiers des choses immeubles dont le mari est saisi lors de leurs épousailles, & de ce qui lui est depuis échu constant le mariage en ligne directe. Le Duc d’Elbeuf, au temps de son troisieme mariage, n’étoit faisi d’aucuns immeubles, puisque pour s’acquitter des deniers dotaux des femmes qu’il avoit précédemment épousées & du tiers coutumier il avoit abandonné à ses enfans le Duché d’Elbeuf & le Comté de Lissebonne. Si M. le Duc d’Elbeuf les avoit alieénés au profit d’un étranger, la Dame de Montault n’auroit aucun pré-texte pour y demander Douaire, l’abandonnement fait à ses enfans, Créanciers, en verte de la Loi & des conventions de leurs meres, devoit produire le même effet. Le Douaire de la femme ne se regle pas par l’Artiele CCexelx, mais par l’Article CCCLXVIr de la Coûtume. Quand la Loi permet aux enfans d’un second ou troisieme lit d’opter le tiers coutumier sur le pied du premier mariage, la faveur est personnelle & incommunicable, la Loi se proposant uniquement d’établir l’égalité entre les enfans d’un même pere.

Il est vrai que suivant l’Article CCCC, le tiers des enfans ne diminue pas le Douaire de la seconde ou troisieme femme ; mais ce Douaire est en même-temps limité au tiers de l’usufruit du bien que le pere possédoit au temps des épousailles. Si M. le Duc d’Elbeuf, auparavant son troisieme mariage, n’avoit aliéné que les deux tiers de son bien, la Dame de Montault auroit certainement Douaire sur le tiers non vendu au préjudice de tous les enfans : & c’est ainsi qu’il faut entendre Godefroy : ce qui fait dire àBasnage , qu’il n’importe à la seconde ou troisieme femme que le mari ait des enfans d’un ou de différens mariages ou qu’il n’y en ait que d’un, ou qu’il n’y en ait point du tout, la femme a toujours son Douaire acquis sur les immeubles possedes par le mari au temps du Econd on troisieme mariage : voils, dit ce Commentateur, le point fixe & inaltérable.

Il est donc vrai, en dernière analyse, que des que le Duc d’Elbeuf n’avoit aucuns immeubles au temps de son troisieme mariage, & qu’il est constant qu’il avoit dissipé son bien depuis son premier mariage, la Dame de Montault ne peut prétendre aucun Douaire sur le tiers coutumier des enfans. Comment ose-t-elle le prétendre en exemption de dettes, tandis qu’il est de principe que les femmes, à raison de leur Douaire, contribuent aux dettes antérieures à leur mariage même aux dettes mobiliaires, si elles ne peuvent être supportées par les deux autres tiers du bien de leur mari ; Les anfans du Duc d’Elbeuf établissoient au surplus qu’ils n’étoient pas dans l’espèce de l’Arrét de Halard, ils s’aidoient des Arrêts de Gourfaleur & de Sassey, & de plusieurs consultations ; cependant par l’Arrêt, il fut accordé à la Dame de Montault l’usufruit de la troisieme partie du tiers coutumier en exemption des dettes contractées par le Duc d’Elbeuf depuis son premier mariage. Voyer dans Basnage l’Arrêt de Chourses qui est encore plus singulier. Loyes encore les Consultations deDuplessis .

L’Arrét que je viens de citer ne seroit pas suivi en Normandie ; mais si la Dame de Montault n’eût pas eu de bien pour subsister, on auroit condamné les enfans sortis de son mariage à lui payer une pension sur leur part dans le tiers coutumier : cer il n’y a point de Loi plus forte que celle qui oblige les enfans à noutrir leurs pere & nère.

Voyer la Dissertation de Laurière dans le Glossaire du Droit François, terb. tiers coutumier vous y remarquerez encore des principes opposés aux nôtres.

Bérault , sur cet Article, forme la question de sçavoir si le fils peut proroquer l’interdiction de son père ; la personne d’un pere est, sans doute, facrée, il ne semble pas que le fils puisijouer le principal rûle dans une aussi triste scene ; le Ministere public, sur les avis qu’il en re-coit, recueille le suffrage des parens ; la Justice discute elle-même la conduite du pere, & selon les cas on peut lui appliquer, comme aux autres, cette maxime précieese à la vie civile, publice interest ne quis re sud male utatur ; mais on doit réprimer sevérement un enfant que la cupidité arme contre l’auteur de ses jours, nous avons un exemple mémorable d’une Justice exacte dans un Arrêt du 3o Juillet 1751, rendu contre un fils qui, par des trames odieuses avoit scu mettre sa mère dans les liens de l’interdiction : le fils, par cet Arrêt, a été condamné par corps à remettre à sa mere ses effets, & de lui demander pardon devant telles personnes qu’elle voudroit choisir.


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La longue dissertation sur l’Article CCCI, a paru pour la premiere fois dans l’edition de Pesnelle de 1727, elle ne se trouve point dans celle de 1704 : on ne doit lire cette dissertation qu’avec beaucoup de précaution ; on y remarque des vérités intéressantes, mais elles sont souvent enveloppées de nuages, il convient de les rétablir dans leur véritable jour. Il ne faut pas penser, comme l’insinue l’Auteur de la dissertation, que le tiers coûtumier, pendant la vie du pere, puisse jamais être aliéné, sive delinquendo vel contrasendo, quand le fils se rend coupable d’un crime qui emporte la mort civile, il est considéré comme s’il n’eût jamais existé : si le fils est unique, le bien du pere sera affranchi du tiers coutumier, & s’il a des frères, la part qu’il auroit eue dans le tiers appartien-dra aux autres enfans ; je ne crois pas même que dans les délits ordinaires, il puisse engager ce tiers aux intéréts civils, nonobstant un Arrét solitaire, rapporté parBasnage .

Quand le pere a donné une terre par avancement à son fils, si ce fils l’aliene & en dissipe le prix, il n’en aura pas moins, aprés la mort de son pere, son tiers coutumier, comme si le pere ne lui en eût fait aucun don : l’aliénation faite par le fils sera considérée comme si le pere l’avoit faite lui-même ; il en est de même d’un Office résigné par le pere s’it est perdu sur la tête du fils resignataire, par le défaut de payement du Droit mnuel, & que le résignataire ait prédécédé le résignant, les autres enfans n’auront pas moins le tiers entier sur les autres biens du pere. L’Auteur suppose ensuite les cas fortuits & le fait du Prince : Un pere donne par avancement une miaison à son fils ou lui résigne un Office la maison est écrasée par la foudre, s’écroule par un tremblement de terre, ou le Roisupprime l’Office : je conviens que dans l’un & l’autre cas il n’y a du fait ni du pere ni du fils, il semble que les deux objets périssent pour tous les enfans, comme s’ils n’eussent jamais fait partie du bien du pere : car la Coûtume n’étend sa prévoyance que sur ce qui est au pouvoir de ceux contre qui elle prononce des défenses d’aliéner.

L’Auteur de la dissertation cherche à justifier la Coutume, lorsqu’elle impose la nécessité à tous les enfans de renoncer pour pouvoir demander le tiers coutumier ; la distinction. qu’il fait entre les Créanciers & les Héritiers paroit difficile à entendre : nous avons toulours suivi l’Arrêt du Chevalier & de Boutevilain, rapporté parBérault . Si de plusieurs enfans, l’un d’eux se porte héritier & les autres renoncent, ceux qui ont renoncé n’auront pas une plus grande part dans le tiers coutumier, que si aucun d’eux n’avoit accepté la succession : l’Article CLXXXVI de Senlis est conforme à notre Jurisprudence. n Si le n pere va de vie à trépas & délaisse plusieurs enfans, l’un desquels renonce à la sucn cession & accepte le Douaire, & les autres se fussent déclarés héritiers, celui qui aura n renoncé à la succession, n’aura audit tiers, que telle part & portion que si les autres sen fussent déclarés douairiers & non héritiers : n duia, dit duMoulin , non perdunt partes suas ex eo quod heredes, sed viâ exceptionis coguntur eas conferre & sie non deficiunt, nec possunt aliis acerescere.

Le rapport preserit par cet Article ne laisse pas d’être embarrassant : on doit d’abord estimer que les Créa nciers ne sont point dignes d’une aussi grande commisération que voudroit le faire penser l’Auteur de la dissertation : ils ont favorisé le désordre des affaires d’un pere, dont ils ne pouvoient ignorer ni la qualité ni les engagemens, & ils se sont volontairement exposés aux risques en lui confiant leurs deniers. Quoique le texte semble imposer aux demandeurs en tiers coutumier la nécessité de rapporter tous les avantages qu’ils ont eu de leur pere ; Basnage dit que les enfans ne-sont point tenus de rapporter aux Créanciers les meubles qu’ils ont recu de lui : Le pere, dit-il, est le maître de ses meubles : les meubles n’ont point de suite par hypotheque, si on assujétissoit les enfans à les rapporter, ils pourroient aliéner leur tiers coutumier pendant la vie du pere : il va plus loin, car il soutient que si un des enfans donataire de meubles s’arrête a son don les autres enfans pourront reclamer l’intégrité du tiers coutumier. Delâ cet Auteur rapporte des Arrêts concernant le rapport de la dot des filles, il distingue le cas où les filles sont héritieres présomptives de celui ou elles ont des frères : sur le premier cas, il cite d’abord l’Arrét de Bruchant : dans le fait, le pere avoit deux filles, il avoit donné, en les mariant, à l’une une somme d’argent, & à l’autre quelques vergées de terre ; par l’Arrêt, la fille qui n’avoit eu que de l’argent fut dispensée de rapporter en pre-nant son tiers coutumier ; mais il cite deux Arrêts postérieurs qui y sont contraires & qui ont condamné les soeurs demanderesses, en tiers coutumier, de rapporter leur dot : on a de plus condamné une fille à rapporter le don mobil fait à son mari, ce queBasnage . voudroit limiter au tiers du tiers coutumier ; mais cet Auteur ne cite aucun Arrét qui ait assujetti les freres à imputer sur leur tiers la dot de leur seur, on la régarde comme une libéralité du pere, qui n’est pas sujette à rapport, quand les frères demandent leur tiere légal. Quoique les petits-fils, qui ont renoncé à la succession de leur pere, soient tenus de rapporter à la succession de leur aieul, ce que leur pere en a recu, cependant il a été jugé, par l’Arrêt de Myré du ro Septembre 164z, qu’ils n’étoient point tenus de rapporter un don de meubles fait à leur pere. Dans le fait, Nicolas Myré avoit deux fils, André & Antoine ; en mariant André, il lui donna trois mille livres, André dissipa son bien & il mourut avant son père ; les enfans d’André renoncerent à la succession du pere & de Paieul, & demanderent une part daus le tiers coutumier sur les biens de leur aieul, avec Antoine leur oncle ; les Créanciers de la succession de l’aieul foutenoient qu’ils devoient rapporter la somme donnée à leur pere : par l’Arrêt les Créanciers furent déboutés Basnage semble cependant décider que si les enfans ont fait valoir utilement les dons de meubles qu’ils ont recus de leur pere, il y a de l’équité à les imputer sur le tiers coutumier ; c’est le sentiment de l’Auteur de la dissertation : on pourroit ajouter que les freres seroient tenus de déduire sur le tiers coutumier la part que la seur mariée & dotée par le pere y auroit eue, cessant sa libéralité ; mais, 16. il faudroit que les Créanciers fissent preuve que les enfans auroient fait un bon emploi des sommes données par leur pere. 25 Le rapport des sommes mobiliaires est une suite de la qualité d’héritier, & cette qualité est incompatible avec la qualité de demandeur en tiers coutumier. 30. La soeur est à l’égard du frere une créanciere à qui il ne doit plus rien des qu’elle a éte dotée par le pere commun.

La disposition de la Coutume n’a donc pour véritable objet que les immeubles que le pere auroit donnés à un de ses enfans & dont il jouit au-temps de son déces, & qui doivent être rapportés à sa succession ou à celle de l’aieul, suivant le degré des demandeurs en tiers coutumier.

On a demandé si un Office relevé aux Parties casuelles, aprés la mort du pere, par ses enfans, est imputable sur le tiers coutumier : il semble que l’on doit considérer cet Office comme une dépendance de la succession du pere, si les enfans le tiennent de la main du Roi, c’est en conséquence d’une obligation que le Roi a bien voulu s’imposer de la leur remettre dans un certain temps ; grace qui leur est accordée par préférence à tout étranger : la modicité de la composition fait qu’ils jouissent presque de l’intégrité de l’Office, lequel dans leur succession est réputé propre : cependant on ne peut pas méconnoître qu’un Office tombé aux Parties Casuelles appartient au Roi ; il n’est pas possible de regarder comme une partie de la succession, ce que les héritiers du défunt n’ont pas le droit d’appréhender, & ce que les Créanciers de sa succession n’ont pas le droit de poursuivre ; les enfans ne possedent donc pas ce bien à titre successif, mais à un titre particulier & par une faveur pure-ment personnelle : si l’Office est réputé propre dans leur succession, c’est que nôtre Coutume met au rang des propres tout ce qui a quelque aptitude à l’être.


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( 1 ) faut avouer qu’il paroit assez singulier que des acquereurs, qui sont abfolument étrangers à une famille, puissent régler, par le parti arbitraire qu’ils prennent, la maniere & l’état du partage des enfans, mais nos Réformateurs ont craint de perdre de vue la prédileetion qu’ils ont marquée pour les ainés à l’égard des biens nobles.

DuMoulin , sur l’Article CaIl de Valois, conforme au nôtre, régarde certe disposition comme dérogatoire au droit commun, hoc speciale hic, dit-il, sed in terminis consuetudinis Parisiensis habet antiquum arrestum de Montmorenci quod in capita dividitur inter non haredes patris, quia capiunt jure contractis non jure successionis, cependant les Coutumes de Valois, Article CXIl ; Etampes, Article CXxxl ; Vermandois, Article CXIl, s’expriment de même que celle de Normandie : Brodeau sur l’Article XIIl de Paris, tient d’aprés le Commentaire manuscrit de duMoulin , sur l’Article CXXXVIII de l’anc. Cout. de Paris, n. 3, que quoiqu’entre enfans douairiers, il n’y ait point lieu au droit d’ainesse : si le Douaire se prend sur un Fief consistant en un Manoir, l’aine peut, en ce cas, retenir tout ce qui tombe en Douaire du Manoir, en récompensant ses puinés, afin qu’il ne soit pas divisé & morcelé contre l’intention de la Coutume. Voyer leBrun , des Success. Les biens baillés en Douaire se partagent, dit M. de Lamoignon, Arrétés du Douaire, Article LIV, entre les enfans & petits enfans venans par représentation avec la prérogative d’ainesse & de masculinité, comme les biens échus par succession, c’est bien s’éloigner du sentiment de du Moulin & de l’Article CCL. de la Coutume de Paris.


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On a jugé, conformément au texte de la Coûtume, par Arrêt du aa Mars 1718, que le pere ne peut réserver sa fille à partage sur le tiers coutumier, ainsi la réserve que le pere auroit faite s’évanouit quand les freres s’arrétent au tiers coutumier ; & le pere stipuleroit inutilement que dans ce cas la réserve à partage aunoit lieu, comme dans celui où ils accepteroient sa succession-


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Il semble que les enfans demandeurs en tiers coutumier, doivent indiquer les bient qui y sont sujets : la Coutume limite le tiers coutumier sur une certaine espèce de biens e est done à eux qui le reclament, à les déterminer ; cela n’est pas sans difficulte, tous biens sont réputée propres en Normandie, s’il n’est justifié qu’ils soient acquêts, la présomption est done en faveur des enfans. S’ils attaquent l’acquereur, comme possédant un propre, clost à lui de prouver que ce qu’il possede étoit un acquêt dans l. personne du vendeur, il en a toute la facilite : si son titre ne donne pas des éclaircissemers suffisans, quand les enfans renoncent à la succession du pere, on ne manque pas de faire uiventorier les pieces & enseignemens de la succession, & cet inventaire est au pouvoir des créanciers & des acquereurs.

Si le pere, aprés avoir vendu le demier des héritages qu’il possedoit au temps de son mariage, & qui formoit le tiers de son bien, a constitué le prix en rente, au profit d’un tiers, les enfans ne sont pas obligés de se contenter pour leur tiers de cette rente constituée, & si le fonda est décrété par des créanciers de leur pere, postérieurs au mariage, ils ont droit de reclamer ce fonds en essence : Arrét du 15 Juin 1766.

Le choix que la Coutume de Normandie donne aux acquereurs, des biens sujets au tiers coûtumier, de les abandonner ou d’en payer le prix par estimation, est contraire au droit commun. a Paris & dans les autres Coûtumes qui admettent un douaire propre aux enfans, les douairiers ne peuvent être forcés de recevoir le fonds de leur douaire coûtumier en argent : l’inconvénient en est sensible, il est rare que les enfans puissent commodément trouver dans leur voisinage des fonds qui les dédommagent de ceux qu’ils perdent ; mais la faveur que nous donnons à la possession, la fait prévaloir sur l’interét des enfans ; on ne peut cependant pas s’empécher de penser que cette alternative est une espèce de modification contre l’interdiction où est le père d’aliéner le tiers coutumier.

L’estimation du tiers se fait sur la véritable valeur du fonds, on doit donc suivre la valeur intrinseque. On avoit jugé le 17 Juillet 1ôtû, sur les Conclusions de M. de Bretignieres Proeureur-Général, que l’estimation du Fief de Villiers seroit faite, en ce qu’il pouvoit valoir de revenu au temps de la vente par experts, lors de laquelle estimation on auroit égard aux bâtimens, bois de haute-fûtaie & autres dignités : Arrét de Guichart & de la Cervelle.Bérault . Basnage a cru que cet Arret étoit mal rapporté, il y a effectivement deux erreurs dans cet Arrêt : 1. On ne doit pas estimer le tiers coutumier comme du jour de la vente qui en est faite, mais du jour que les enfans sont recevables à en demander la délivrance, puisque c’est de ce jour que les intérets courent à leur profit ou de la condamnation obtenue contre l’acquereur qui a contesté. 26. Il y a une injustice évidente à n’estimer les fonds que sur le pied du revenu, les enfans éprouveroient une perte trop considérable dans le remplacement des deniers, qui ne se fait jamais sans de grands frais & on accorderoit un double avantage aux acquereurs, celui de déposséder les enfans d’un bien dont la propriété leur est acquise du jour du mariage de leur pere, & de le leur faire vendre à vil prix.

Quand un acquereur se défend par exception contre des acquereurs postérieurs il lui est indifférent que son Contrat de vente soit revétu des formalités du Contrûle : Arrêt du 18 anvier 1654 ; Traité des Hypotheques, Chap. 12.

Le dernier acquereur, qui a acquitté des dettes anciennes, devroit être à l’abri de la demande des enfans jusqu’à la concurrence des dettes qui leur sont préférables ; on suivroit alors, pour éviter les frais de recours & de discussion, la date des charges, plutût que celle des contrats : Basnage penfe qu’il faut délivrer des fonds à l’acquereur pour l’indemniser des charges qu’il a acquittées.

Les acquereurs ne peuvent forcer les demandeurs en tiers coutumier d’accepter le prix des aliénations, de même que les demandeurs ne scauroient l’exiger : Arrét du 29 Janvier 168s.Basnage .

L’Auteur du Journal du Palais, tome 2, rapporte un Arrêt du Parlement de Paris, rendu public le 16 Juillet 1Syd, qui mérite d’être remarqué ; par cet Arrét il fut jugé que le tiers coutumier ayant été consumé sur les biens de Normandie, par des dettes antérieures, la récompense n’en pouvoit être demandée sur des biens sirués dans d’autres Coutumes que celle de Normandie, qui ne dounent qu’un douaire viager à la femme & non propre aux enfans. Gabriel de Langan avoit des biens dans le Perche, dans le Poitou où le douaire est viager il s’étoit marié en Normandie ; aprés sa mort ses biens de Normandie furent vendus à la poursuite d’un éréancier antérieur au tiers coutumier ; les enfans obtinrent, par Sentence du Siége de Lessei & du Bailliage de Mortain, récompense sur les autres biens de leur pere ; la Sentence de Lessei fut même confirmée par Arrêt du Parlement de Rouen.

Il étoit certain que si l’on eût vendu les biens des autres Coutumes, les enfans auroient conservé leur tiers sur les biens de Normandie ; mais ce n’étoit pas à eux à donner la loi aux créanciers : ils pouvoient encore dire que les dettes antérieures ayant été acquittées aux dépens de leur tiers il ne falloit point considérer si le statut concernant le douaire étoit réel, puisqu’ils venoient au droit des créanciers acquittés ; mais on répondoit que les créanciers étant antérieurs au tiers coutumier, les enfans ne pouvoient pas dire que ces éréanciers avoient été payés de leurs deniers. LeBrun , des Success. Chap. 2, du Douaire Sect. 2, dist. 3, n. 59, fait un raisonnement favorable aux enfans. Suivant son systéme, il eût fallu duns cette espèce, estimer ce que les biens de Normandie & les biens des autres Coutumes auroient dû porter des dettes antérieures ; & cette deduction faite, estimer le douaire des enfans qui auroit resté sur les biens de Normandie pour le donner aux enfans, à proportion & par forme de récompense dans les Coûtumes où le douaire n’est que viager, & les créanciers postérieurs n’auroient pas pu se plaindre de cette espèce de translation du doüaire des enfans. Le sentiment de le Brun est fort équitable quoiqu’il soit difficile à foutenir.

La question, si la prescription court en faveur des acquereurs des biens sujets au douaire des enfans, du jour du déces du pere ou de celui de la mere seulement, a été célebre au Paa-lement de Paris, auparavant & depuis la réformation de cette Coûtume. L’Article OXVII de la Coutume réformée, qui porte, qu’en matière de douaire la prescription commence à courir du jour du déces du mari seulement, entre âgés & privilégiés, auroit dû mettre fin à la difficulté : on a continué de penser que la prescription ne couroit contre les enfans pour leur douaire, que du jour de la mort de la mere, quand elle avoit vendu, conjointement & solidairement avec fon mari, un propre du mari. Renusson du Douaire, Chap. 15, n. 29, veut que la prescription coure indistinctement du jour du déces du mari contre les enfans majeurs. LeBrun , des Suc. Liv. 2, Chap. 5, Sect. 2, dist. 3, n. 3 & suiv. soutient la distinction, & il faut avouer que ses moyens sont bien concluans, mais il reconnoit que la Jurisprudence moderne tourne contre les enfans. Brillon rapporte nn Arrêt du Il Août 17Ir conforme à l’opinion deRenusson . Cette difficulté ne peut naître parmi nous, la prescription court contre la demande en tiers coutumier, du jour de la mort du pere, nec ante actio nata, nec competere potest ideo, etiam pra scriptio longissime temporis nec currit nec incipit.Bérault . Voyes sur Paris,Bacquet , des Droits de Just. n. 78 & 7o. Tronçon &Brodeau , Art. CXVII.Bardet , tom. 1. Liy. 3, Chap. 40. Journal des Audien. tom. 1, Liv. 7, Chap. 2.


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Concluez de cet Article, avec Pesnelle, que le tiers légal s’étend sur la moitié des conquêts de bourgeoisie dont la femme a la propriété : Arrêt du 23 Mars 167o,Basnage , sur les Successions collatérales échues pendant le mariage, sur le remplacement des meubles venus à la femme dans le même intervalle ; mais les acquets qu’elle fait étant veuve n’en sont point susceptibles, Godefroy se trompe sur l’interprétation de cet Article,


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J’ai déjà fait quelques observations sur le don mobil que la femme peut faire à son mari par leur Contrat de mariage ; mais je vais recuerllir les principes généraux concernant le don mobil du premier mariage : les réflexions que je ferai sur l’Article CCCCV deviendront plus claires & plus utiles.

La Jurisprudence attestée par l’Article LXXIV du Réglement de 1688, laisse à la femme la faculté de donner à son man letiers de ses immeubles & la totalité de ses meubles ; il fait plus, car il déroge à l’Article CCCexxxI de la Cout., qui exige dans le donateur l’âge de vingt ant accomplis, pour pouvoir disposer du tiers de ses immeubles ou il l’interprete en faveur du motif. La Cour confirma même, par Arrét du ra Juin 168y, un don d’héritage fait en Contrat de mariage au mari par la femme, alors mineure, sous la seule autorité de sa mere & de sa tutrice. Le parti étoit fort avantageux à la donatrice ; cependant, quand la femme regle elle même ses conventions matrimoniales, il ne peut être prétendu par le mari ou par ses héritiers un don mobil sur les immeubles de la femme, lorsqu’il n’est point exprimé dans le Contrat de mariage : Arrêt de Réglement du 26 Mars 1738.

Quand les pactions du mariage ont été arrêtées en présence des parens le don mobil fait ensuite hors leur présence est nul : Arret du 16 Janvier 1628, cet acte est une contre-lettre défenduë par l’Article CCCLXXXVIII de la Coutume.

La femme peut en se matiant se réserver la faculté de faire dans la suite un don mobil, qui sera le prix d’une affection plus éclairée. On opposeroit alors vainemement au mart l’Article CCCex, car le don aura un effet rétroactif au Contrat de mariage, & au moment où la femme étoit capable de disposer.

La femme, au lieu du tiers de ses immeubles, a la liberté de donner en don mobil, la totalité de leur usufruit ; grace exorbitante & qui n’a lieu qu’en Contrat de mariage, mais ses héritiers ont l’alternative d’abandonner au mari cet usufruit ou la propriété du tiers : Arrêt du 17 Fevrier 1678, rapporté par Basnage sous l’Article CCCXI. Quand les héritiers de la femme ont consommé leur choix, il est irrévocable & ils ne peuvent varier : Arrét du ro Juin 1746.

La femme peut étendre le don mobil, tant sur ses biens presens que sur ses biens à venir, d’autant qu’étant dans une espèce d’interdiction par le mariage, le temps où elle ne pourrs plus contracter se réunit & se rapproche sous un seul point dans le moment de la rédaction des pactions matrimoniales. Ainsi, quand il échet pendant la vie du mari une succes-sion immobiliaire, soit directe ou collatérale, le mari, en vertu de la clause de son Contrat, Vaura un don mobil, & on ne doit pas s’arrêter à quelques Arrêts contraires. Mais si la femme qui a donné le tiers de ses biens présens & à venir, même du consentement de celus dont elle est héritiere présomptive, vient à décéder auparavant l’echéance de la succession, la succession n’est point sujette au don mobil : Arrêt en Grand Chambre du 31 Mars 1751, au rapport de M. Boulenger. Dans le fait de l’Arrêt, la clause du Contrat de mariage étoit concuë en ces termes : n’Ladite Demoiselle future épouse, du consentement dudit n sieur son pere, donne audit sieur futur époux le tiers de tous ses biens, présens & à n venir, n’On convient que cet acte paroit être l’ouvrage du pere, mais il ne le dépouille pas de la liberté qu’il a d’aliéner son bien ; la fille n’y a qu’une expectative, & elle prémourante l’ex pectative s’évanouit.

Le don mobil est comme tout autre Contrat de donation, susceptible de toutes les conditions qui ne répugnent, ni au droit public, ni aux bonnes moeurs, & ces conditions ne lient pas moins les créanciers du mari que le mari lui-même ; j’en donnerai un exemple.

Une femme donne le tiers de ses biens à son mari en don mobil, parce qu’il ne pourra le vendre ni l’hypothéquer du vivant de sa femme ; la femme s’en retient l’usufruit en cas qu’il n’y ait point d’enfans, & l’usufruit du tiers en cas qu’il y ait des enfans. Par Arrét du 8.

Juillet 178z, rendu contre les créanciers du mari, les enfans qui comme la femme avoient renoncé à la succession du donataire, ont été autorisés de jouir des deux tiers de l’usufruit pendant la vie de leur mere, & la mère de l’autre tiers.

Les donations que les femmes, convolant à de secondes nôces, font à leurs maris, ont des regles particulieres : on doit considérer la disposition de l’Article CCCCV de la Coutume comme une digue opposée à la profusion inofficieuse des femmes qui se remarient ; cette disposition retient les meres dans le devoir de la nature. On y remarque un sage expédient que les Loix ont trouvé pour prévenir les divisions domestiques, que causent ordi-nairement les avantages des secondes nôces ; elle console les enfans du premier lit du tort que leur fait un second mariage, en leur offrant un asyle contre les maux qu’ils pourroient avoir à craindre d’un beau-pere qui commande absolument dans le coeur de leur mere aprés les en avoir chassés. Ne mulieres novorum niaritorum delinimentis, insiigationibusque corrupte maligné ad-ersus Lberos suos injuriam inducant 8 eos debitâ successione defraudent.

L. hac edictali, cod. de secund. nup. Novell. 22, de lus qui nupt. iterant. Consultation deCujas . Journal du Palais, tom. 1.

On a jugé autrefois, par deux Arrêts de ce Parlement, que l’Edit des secondes nôces ayant été donré en faveur des enfans du premier lit, on ne devoit compter que les enfans sortis de ce mariage pour régler la quotité de la donation faite à un second mari. Cette Jurisprudence n’a pas subsisté, nous nous fommes rapprochés des Arrêts du Parlement de Paris & du Barlement de Bretagne, il est certain, depuis long-temps, que les enfans de divers lits entrent en nombre avec le second mari, comme ceux du premier lit. Voyes Louet &Brodeau , n. 2 & 3 ; Le Prêtre Cent. 1, Chap. 49 ; Ricard & Ferrière sur l’Art. CCLXXIz de Paris ; dela Lande , sur Oriéans, Art. CeIil ;Hévin , surFrain .

On a douté si les filles prenant le moins dans la succession, ne déterminoient pas la part du mari dans le concours des mâles & si cette part ne devoit pas être comme la légitime des filles. LeBrun , Liv. 2, Chap. 6, Sect. 1, dist s, n. 19, dit que le mariage avenant des filles étant la moindre part, il fixera aussi en Normandie la part du second mari ; le Brun s’est artaché scrupuleusement à la lettre de l’Edit. Basnage rapporte des Arrêts qui prouvent que dans ce cas la part du mari s’estime par le nombre des enfans sans distinction. de sexe : il est vrai qu’il appuie principalement ces Arrêts sur l’embarras de la liquidation du mariage avenant.

Il y a un peu plus de difficulté quand la succession de la femme est composée d’un seur Fief, & qu’elle a laissé des fils & des files : la premiere opinion qui se présente est de donner au mari une part de la provision a vie des puinés. Basnage & l’Auteur du Commentaire manuscrit sur le Réglement de 188d, portent à croire que l’on doit partager avec le mari le tiers du Fief, & lui donner sa part en propriété, évaluée en deniers. En partant de cette observation, il est facile de trouver la part qui appartient au mari dans la Coûtume de Caux.

Quand on est hors le premier degré de succession, & que les petits-fils viennent par repréfentation avec leurs oncles à la succession de leur aieule, comme les petits-fils d’une branche ne forment tous qu’une seule téte, on ne réduit pas la part du mari à la part d’un des petits-fils.

Le mari ne leve point avant les enfans sa part sur la masse de la succession, car elle seroit plus avantageufe que celle de l’un des enfans, supposez en effet trois enfans, si le mari prend sa part sur la masse, il aura le tiers, & il ne restera aux trois enfans que les deux tiers à diviser entr’eux ; le mari partage donc comme un héritier adopté & surnuméraire, & il emporte le quart de la succession de la merc dans l’espece proposée.

Quand la veuve ayant des enfans d’un premier mariage, convole en secondes nôces sans faire aucun don à son nouveau mari, les enfans ont le choix d’abandonner au mari l’universalité des meubles de leur mere, ou une part égale à celle de l’un d’eux dans les immeu-bles comme dans les meubles : Arrét du Ia Août 1629, rapporté parBérault . Si la femme n’a laisse que des meubles, le second mari n’aura qu’une part d’enfant dans les meubles : cette derniere question paroit décidée par l’Edit de 1560, dont la disposition renferme le mobilier & l’immobilier de la donatrice.

Mais nos Réformateurs n’ont pas jugé à propos de statuer sur le tiers des meubles, & la part des conquéts hérités d’un premier mari, ni sur le douaire. L’Article CCLxxix de la Coûtume de Paris retranche de la donation en secondes nôces ce que la femme a eu de la communauté du premier mari ; mais le douaire n’en est excepté que quand par convention il est plus fort que le douaire coutumier. Basnage excuse ainsi le silence de nos Réformateurs ; la Coûtume dit-il, ne donne le plus souvent à la femme qu’un tiers par usufruit sur les conquêts : car régu, lierement on ne doit pas souffrir que des veuves trompant l’espoir & les desirs de la nature & de la Loi, enrichissent un second mari des dépouilles du premier.

Tout le monde sçait, & il suffit de lire l’Edit pour s’en convaincre, que si la femme ne laisse qu’un enfant, le second mari n’aura pas la moitié des biens de sa femme, parce que la quotité disponible par donation ne peut être outrepassée en faveur d’un second mari, & qu’elle est firée au tiers des immeubles par l’Article CCCexxxi de la Coûtume ; mais s’il ne survit à la mere aucun enfant du premier lit, les enfans du second lit, que je suppose au nombre de trois, pourront : ils agir en rétranchement de la donation faite au second mari 1Duplessis , des Donat. Liv. 1, Tit. 14, Sect. 3, Obs. s, dit que la décision de cette question dépend ex variis causarum figuris, pour moi je crois que la femme qui donne en convolant en secondes nôces, tout ce que la Coûtume lui permet de donner, n’a eu intention de donner que ce dont la Coûtume lui permettoit alors de disposer à titre gratuit, c’est-à-dire, d’une part d’enfant, & que la désignation énoncée dans le Contrat doit avoir un effet limitatif.

On estime à Paris que le mari donataire de sa femme, mariée en secondes nôces, doit survivre la donatrice. Ricard dit que quoique les donations des biens présens & à venir soient recues à Paris quand elles sont faites en faveur de mariage, & que ces donations. soient absolument irrévocables entre le donateur & le donataire ; cependant, comme elles participent en quelque chose aux donations, à cause de mort, particulierement en ce que l’exé-cution est remise aprés la mort du donateur, comme il seroit absurde que le donataire pût acquerir aprés sa mort ; s’il prédécede le donateur, la donation demeure caduque & sans effet. Ricard des Donat. Part. 1, Chap. 4, Sect. 2, dist. 3, n. 107a, & Part. 3, Chap. 7 Sect. 6, n. 827. Sur ces principes on a déclaré, par Arrét du Parlement de Paris, nullune donation faite par la femme à son second mari qui l’avoit prédécédée, contre les héri-tiers collatéraux du mari. Journal du Palais, tom. 2 : on a jugé au Parlement de Roüen, en Grand Chambre, par Arrêt du y Mai 17ô1, confirmatif d’une Sentence des Requêtes du Palais, qu’une femme ayant donné en se remariant, à son mari une part d’enfant dans ses menbles & immeubles, l’héritier du mari ne pouvoit rien prétendre sur les successions collatérales, échues depuis la mort du mari à la femme, ni sur les acquisitions qu’elle auroit faites postérieurement. Mais nous n’avons point d’Arrêts qui avent décidé que le mari venant à décéder auparavant sa femme, ne transmet aucune part des biens dont la femme avoit la propriété au temps de la mort de son mari : l’Avocat qui plaidoit contre l’héritier du mari en 17ô1, convenoit au contraire qu’il falloir faire une première masse des biens de la femme, dans laquelle on laisseroit à P’héritier du mari une part d’enfant, & une seconde mafse qui se partageroit entre les enfans de la donatrice, à son exc lusion.

Nous ne suivons point le second chef de l’Edit qui réserve la part que la femme a eue dans les meubles & conquêts du premier mari, aux enfans sortis de ce mariage ; aprés la mort de la mere on ne considere point l’origine de ses biens, ils ne forment qu’une seule succession qui se partage entre les enfans de divers lits.


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Il est conforme aux principes de notre Coûtume que la femme usante du-ses droits, ayant donné à son premier mari ses meubles & le tièers de ses immeubles, ne puisse rien donner à ceux qu’elle épousera dans la suite ; c’est la décision de l’Article CCCCXXXl ; il a mé-me été jagé, par Arrêt du 10 Décembre 1720, qu’une fille, mariée par sa mère & ses freres. avec stioulation du tiers en don mobil, n’avoit pu rien donner à son second mari sur la dot paternelle. Basnage rapporte un Arrét semblable.

Quand un pere, en mariant sa fille a donné à son gendre le tiers de ce qui pourra apparrenir à cette fille dans sa succession, il semble qu’il y a de l’inconvénient à lui permettre de faire un don d’immeubles à son second mari. Un pere a pour héritieres préfomprives deux filles, il marie l’ainée, & par le Contrat de mariage il donne au futur époux un fonds formant le tiers de la part que sa fille aura dans sa succession ; la fille le rapportera un jour dans la masse de la succession paternelle : si vous lui permettez encore de donner de ses hérirages à son second mari, n’étes-vous pas forcé d’avouer, malgré la distinction entre le pere qui marie sa fille, ou la fille qui se marie elle-même, que plus du tiers du bien de cette fille aura été épuisé en donations à


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Nous avons en Normandie des remplacemens de deux espèces, le premier des propres du mari ou de la femme aliénés pendant le mariage, & il a pour but. de prévenir les avantages indirects entre le mari & la femme, il n’est ici question que des alienations que le mari auroit faites de son bien ; les regles concernant la vente des biens de la femme sont contenues dans le Chapitre du Bref de Mariage encombré.

Le second est le remplacement des propres entre divers héritiers dansune même succession ; les uns aux meubles & acquêts immeubles, les autres aux propres ; ce remplacement. n’est pas fondé sur les termes de la Loi, mais sur l’usage public & notoire, appuyé sur un nombre infini d’Arrêts & sur la grande passion des habitans de la Province de conserver leurs biens, & particulierement leurs propres dans les familles.

La Coûtume réformée de Paris, a bien admis, par l’Article CexXXII le remplacement de la première espèce, il se fait sur les biens de la communauté ipso jure, sans stipulation ni déclaration : disposition qui a été trouvée si juste, qu’elle a été étenduë aux Coûtumes muettes ; mais le remploi de la seconde espèce y est tellement méconnu, que c’ess une maxime à Paris que l’on peut faire de son propre sonacquét.

Tous les biens que le mari possede, au temps de son mariage, sont sujets au remplacement, quand depuis ils ont été aliénes, d’où l’on a conclu que la femme n’est point obli-gée, comme héritière de son mari, de contribuer au remploi des aliénations qui ont précedé le mariage. Ainsi, l’acquet que fera le mari depuis le mariage, ne sera pas dans cecas considéré, ditBérault , comme un remplacement de propre, mais comme un conquêt auquel la femme participera suivant la Coutume ; on cite un Arrét en faveur de cette opinion du 1o Fevtier 17OI : quoique Basnage soit d’un avis conforme à l’Arrêt, il dit qu’il en peut arriver de grands desordres. Un homme à la veille de son mariage vendroit & ameubliroit ses propres pour enrichir safemme qui partageroit les meubles, sans être chargée du remploi des propres vendus. l’avoue qu’il faut excepter le cas de fraude, mais je ne vois pas par quel motif lesnelle veut assujettir la femme à contribuer subsidiairement au remploi des propres alienés auparavant son mariage.

Quand le mari, aprés avoir amorti des rentes passives sur son bien, aliene long-temps. aprés des propres, il semble qu’on n’en peut demander le remplacement sur ses acquets, jusqu’à la concurrence du prix employé à faire les amortissemens ; la question a été décidée en faveur des héritiers aux acquêts, par Arrêt du y Mars 1736. On a cependant depuis fait au Palais une distinction singuliere, on a reconnu que quand le mari avoit amorti des rentes passives, & vendu dans la suite des propres, cela acquiert à la femme héritiere aux meubles une fin de non-recevoir contre la demande en remplacement des propres du mari ; mais on a voulu soutenir que si le mari avoit en outre fait un acquet même en bourgage, la femme n’y pouvoit prendre part auparavant le remplacement : sysstême singulier I il en réfulte que le sort de la femme, dont le mari n’a point fait d’acquêt, est égal à celui de la femme du mari qui a été plus économe, & que des héritiers collatéraux pourront impunément s’enrichir des fruits de la collaboration d’une femme vigilante.

Le remplacement des propres aliénés se fait sur les acquêts entre les héritiers aux propres & les héritiers des acquêts ; & au défaut d’acquêts sur les meubles : nous n’avons point de principe plus certain que celui-ci, il n’y a point d’acquêts que les propres ne soient remplacés ; Phéritier aux acquêts ne peut contraindre l’héritier aux propres de recevoir son remploi en deniers, & l’héritier aux propres peut employer, par exemple, dans les lots des propres, des héritages acquis en Caux, pour lui servir de remplacement des propres alienés en Coûtume genérale : Arrét du Parlement de Bretagne du a Juillet 1o8s sur évocation, & confirmatif d’une Sentence des Requêtes du Palais de Roüen.

Les améliorations faites sur les acquêts qui tiennent lieu du propre vendu, appartiennent à l’heritier du propre même sans aucun remboursement. Cependant il est pos-ssible de faire encore naître des doutes sur cette derniere question : celui dont la succession est ouverte avoit aliéné un propre & cette aliénation avoit été sulvie de l’acquisition d’un autre fonds, de la valeur du propre vendu ; il fait sur ce nou-veau fonds des augmentations qui en triple l’estimation ; apres sa mort ses héritiers aux acquêts offrent aux héritiers du propre de rembourser le prix de l’aliénation : il paroit d’abord injuste de faire profiter les héritiers au propre des sommes employées à augmenter la valeur du nouvel acquet, puisque cessant cet emploi, les sommes qui auroient entré dans la masse de la succession auroient appartenu aux héritiers aux acquets. Queile est l’obligation des héritiers aux acquêts ; c’est de payer le prix du propre vendu : le payement n’est pas plutôt fait, que les héritiers au propre retrouvent, à ce moyen, dans la succession du défunt, tout ce que lui même avoit recu de ses peres. Les Articles LXy & CVII du Réglement de 16b0 favorisent cette interprétation ; les propres, y est il dit, doivent être remplacés sur les acquêts au marc la livre ; ce marc la livre suppose une estimation, & toute estimation un prix à rembourser. Enfin, si les héritiers au propre sont recevables garder le fonds acquis par le défunt, ils doivent du moins desintéresser les hiéritiers aux acquêts de la valeur des augmentations. Mais l’Article CCCCVIII de la Coûtume présente une solution à toutes ces difficultés, les remplois des deniers provenus de la vente des propres ne sont censés conquëts, sinon d’autant qu’il en est accru au mari, ou ce qui signifie la même chose, à celui de la succession dont il s’agit, des l’instant même qu’un propre aliéné est suivi de l’acquisition d’un autre fonds la Loi veut que le fonds acquis de-vienne propre par une fiction qu’elle autorise & qui opere autant que la vérité : ce principe posé, il est d’une conséquence nécessaire que les augmentations qui seront faites sur cet héritage sortissent la nature de propre sans aucun remboursement. Supposez, en effet, un propre de la valeur de cinquante livres, le défunt y a élevé un batiment de cinquante mille livres, le fonds & le batiment viennent à l’héritier au propre sans qu’il soit tenu d’aucune indemnité envers l’héritier des acquets, on doit décider la même chose des que sur la tête du défunt l’acqueét du jour du Contrat a été fait propre par une subrogation simultanée : aussi on a jugé en faveur des héritiers au propre dans une espèce à peu pres sembla-ble, par Arrêt du a8 Juillet 1767.

Bérault rapporte un Arrêt du 22 Mars 158y, par lequel il fut jugé que le mari ayant vendu : de son propre de Couûtume générale, fait d’abord des acquêts en bourgage & ensuite hors bourgage, les propres seroient remplacés sur les acquêts de Coûtume générale comme biens demême nature, &, en cas d’inluffisance, sur les acquêts de bourgage. Il paroit que cet Arrêt a été long-temps suivi, car la question s’étant presentée en 1632 en la Chambre des Enquetes, elle y fut partagée ; elle essuya encore un partage en Grand Chambre, & ne fut de-partagée que les Chambres assemblees, où il passa à dire que les propres seroient pris sur les acquêts, tant en bourgage que hors bourgage.

Les héritiers aux acquets engagent non. seulement à la Sureté du propre, les biens dont ils ont hérité mais leur propre patrimoine : ainsi jugé par l’Arrét de Cherville du 21 Juillet 15ûy, rapporté par Bérault ; on a jugé la même chose au défaut d’acquêts contre les légataires universels & particuliers qui se sont saisis des legs auparavant d’avoir fait un bon & valable inventaire : Arrêt du 7 Mars 1614.Bérault . Basnage ibid.

C’est une regle que le remplacement n’a pas lieu quand les héritiers au propre sont pareillement héritiers aux acquêts ; elle n’est pas cependant toujours équitable. Lai, par exemple, pour héritiers trois petits-neveux, issus du fils d’un frere, & un petit nereu sortl du ffils d’un autre frère ; j’ai vendu presque la totalité de mes propres, mais j’ai fait des acquêts : aprés ma mort, suivant l’Article CCexx de la Coutume, les trois enfans d’un demes neveux auront les trois quarts des acquêts, en outre la moitié de mes propres ; il restera à l’enfant de mon autre neveu, l’autre moitié de mes propres & le quart des acquets. L’équité désavoue un partage fait de la sorte, il faut, dans ce cas, remplacer les propres sur les acquêts, partager par souche les propres ainsi remplacés, & par téte, le surplus des acquêts qui excede le remplacement des propres ; ainsi jugé par Arrét rendu en l’an 1701.

On n’étend point la Loi du remplacement au-delâ de celui qui a fait l’alienation, Basnage rapporte plusieurs Arrêts qui ont formé cette Jurisprudence, & nous en avons encore de plus récens : on a ainsi jugé le 11 Août 1752. Dans le fait de cet Arrêt, les sieurs Paisant demandoient à la Dame Chazot le remplacement d’un propre aliéné par la mère de celle dont la succession étoit ouverte ; la mère avoit fait des acquêts dont la fille avoit hérité comme de ses propres ; les sieurs Paisant prétondoient que ces acquets étoient devonus, dans la personne de la mère, des propres de la ligne Paisant par la force de la subrogation, & qu’ils n’avoient pu changer de nature sur la tête de la fille ; ce qui étoit si vrai, que si la mere fût morte sans enfans, ils leur auroient appartenu au préjudice des héritiers aux acquets ; par l’Arrét il fut jugé que l’on ne remontoit point au-dela de celui qui avoit aliéne. Si on ne bornoit pas ainsi le droit d’exiger le remplacement, il s’étendroit aux aliéna-tions faites par l’aieul, le bisaieul, & à l’infini par une suite de progression, on cite encore un pareil Arrêt du 2i Juillet 17ôt ; exceptez cependant la dot qui ne se confond que par deux degrés de succession & de génération, à la différence des récompenses stipulées par le mari sur le bien de sa femme qui s’éteignent dans la personne du fils, héritier de sa mete : Arrêt du 1s Décembre 1692.

On a cependant étendu le remplacement au delâ du premier degré dans cette espèce ; la mere hérite aux meubles de son fils mineur, lequel avoit hérité de son père ; elle agit contre les hiéritiers des propres pour le remplacement de sa dot consignée, les héritiers répon-dent que le fils étant mort en minorité, les meubles de la succession do pere débiteur de la dot n’ont pas cessé d’y être engagés ; qu’il falloir, en ce cas, considérer la succession du fils, au temps qu’elle lui étoit échue, & non pas au temps de sa mort ; que tel étoit l’esprit des Articles DXII & DXIII de la Coûtume & de nos Maximes qui tendent à conserver les propres ; par Arrêt du 20 Août 1754,. la mere a été déboutée de sa demande. On peut cependant dire que la succession du pere n’est pas celle du fils, & qu’ainsi l’ordre de succé der n’est pas le même dans l’une & l’autre succession ; les Articles DaII & DXIII n’ont été faits que pour empécher les tuteurs d’abuser de leur administration & de changer l’état des biens des pupilles pour en profiter. Quelque penchant que nous avons à favoriser les ficritiers des propres, on ne peut pas étendre arbitrairement la nécessité de les rempla cer ; les héritiers aux meubles & acquêts ont leurs drous marqués par-là Loi, comme les héritiers des propres, aussi on avoit fait droit sur la demande de la mere par Arrêt du é Août 1750 ; cette contrariété d’Arrêéts laisse subsister la difficulté.

Le remplacement des propres se fait ordinairement sur le prix des Contrats d’aliénation, pors le tas de fraude ; Arrêts du a8 Février 163y & de Ma1 1S4d4.


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L’Arrêt du 11 Août 1665 paroit bien rendu, car les acquéts sont les fonds naturels du remplacement du propre aliéné, qui ne se fait sur les meubles qu’au défaut d’acquets immeubles.


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La Coutume ne défend par aucun texte exprés au mari de donner par Contrat de mariage de ses immeubles à sa femme : on a bien remarqué que la femme ne peut, suivant l’Article CCCLXXI, avoir en douaire plus que le tiers de l’hétitage de son mari, quelques conventions qui ayent été faites par le traité de mariage ; mais la donation ne se regle pas par la Jurisprudence du douaire, si ce n’est dans les Coûtumes qui prononcent l’incompatibilité de l’une & de l’autre dans la même personne : les Arrêts ont determiné cette espèce d’incertitude. Bérault rapporte deux Arrêts des 16 Août 1538 & 3 Février 15od, qui ont déclart nulles les donations d’immeubles faites en Contrat de maniage par le mart a sa femme, dela dérive l’Article LXXIII du Réglement de 1666 : Jurisprudence sans doute puisée dans le coeur de l’hommo, pour éviter les défordres causés par la tyrannie de la passion.

Le mari peut bien épouser celle à qui il a précédemment fait une donation d’immeubles ; mais quand les recherches sont antérieures à la donation, quand il résulte assez clairement des circonstances que le projet d’un mariage a été le motif de la donation, les héritiers du mari peuvent la faire annuller ; il faut bien mesurer l’intervalle qui se trouve entre la donation & le mariage. On doit entendre ainsi les Arrêts des 13 Février 1531 & 1 Avril 1574 rapportés parBérault , qui ont confirmé les donations : c’est qu’alors les donateurs n’avoient fait aucune démarche pour épouser celles qui avoient été l’objet de leur libéralité.

On ne doute point que l’Affidée ne soit dans une incapacité de droit de recevoir une donation d’immeubles de son AffidéBérault . Coûtume d’Auvergne, Chap. 14. Article XVIII ; d’Argentré , sur l’Article Cexx de la Coutume de Bretagne, G. 6.

Le moyen toujours employé de contrevenir à la Coutume, c’est la confession de la réception d’une dot contre la vérité, & que le mari consigne sur ses biens : cette manoeuvre paroit permise à la cupidité qui s’aveugle : il en est, dit on, de même que si le mari eût donné par tradition manuelle une somme de deniers à sa femme, qu’elle lui eût dans l’instant remise ; ne seroit : il pas libre à son mari de la consigner, puisqu’il l’auroit recue à Voila la gaze légere de la fiction.

Quand les circonstances décelent la fraude, on ne refuse point aux tierces personnes intéressees la liberté d’attaquer la reconnoissance du mari par les voies de droit ; il y a des pré-somptions que la Justice admet en faveur des héritiers du mari : la quittance d’une somme considérable ; une jeune fille dans l’impossibilité d’avoir pu se la procurer ; une veuve sans patrimoine & qui vient de renoncer à la succession d’un premier mari, un époux valétudinaire, imprudent dans son gouvernement domestique, & qui a des enfans d’un premier mariage, un Contrat sous signature privée, rédigé sans la participation des parens & reconnu long-temps apres la célébration du mariage. Ces présomptions détermient la diver-sité des Arréts, suivant la manière dont elles se présentent. Bérault rapporte deux Arréts, l’un du 27 Septembre 1593, le Parlement seant à Caen, & l’autre du 19 Août 16oz, qui prouvent que l’on ne s’arrête pas toujours aux reconnoissances de la dot & confession de réception du mari : par le premier Arrét la femme fut chargée de faire preuve de la qualité, quantité & valeur des meubles qu’elle avoit apportés à son mari ; à laquelle fin il fut ordonné qu’elle en donneroit déclaration Par le second, l’évidence de la fraude fit rejetter la quittance du mari & décharger ses héritiers de la demande de la veuve. Basnage rapporte un Arrêt du s’Juillet 1S77 par lequel on débouta la femme de la preuve qu’elle offroit que son mari avoit été faisi des meubles dont sa dot étoit formée ; les motifs de l’Arrét étoient la pauvreté notoire de la femme & le défaut de la reconnoissance du traité de mariage avant la célébration. Poyer l’Ordonnance de Loüis XIII du mois de Janvier n629, Article CXxY ; Déclaration du 19 Mars 1698 ; Arrêts des 24 Février & 24 Novembre 1503 : Réglement du Ié Mars 1600, cité par Bérault ; Arrêt du 17 luin 168y, rapporté parBasnage .

Les reccnnoissances de dot exagérées ont ordinairement pour but de tromper, nonseulement les heritiers du mari, mais ses créanciers. Un Marchand qui craint les evénemens toujours douteux du commerce, ne trouve pas de meilleures précautions que de stipuler en fa-ce. de celle qu’il se propose d’épouier une dot considérable, dont il donne quittance ; il estisur, en c. de faillite ou de mort que la plupart de ses créanciers chirographaires seront ainsi eludës, de même que les créanciers hypothécaires, postérieurs au mariage. Il n’est pas alors défendu çà la dustice de jetter un coup-d’eil sur la fortune que pouvoit avoir la femme lorsqu’elle s’est mariée.

IL est encore une autre espèce de fraude : Le mari reconnoit devoir, peu de iours avant le mariage, au pere ou à la mère de la future épouse des fomires qu’il n’a poiut recues.

Quand il y a des confitures & indices de la fraude, on oblige la femme de prouver la tréception de la somme ; ainsi juge par Arrét du Parlement d’Aix du 17 Mars 16o8, ce faveur d’un créancier postérieur au mariage. Voyer les Arrêts notables, recueillis par M. l Président de Bezieux, Liv. 5, Chap. 2, 5. 7 ;Aufrerius , quest. 340 ;Expilly , Chap. 113.

Monoch. Liv. 3 ; presompt. 12 & 13.

La Iurisprudence la plus ordinaire en cette Proyince permet aux hétitiers du mari de demas der la déclaration & le serment de la femme sur la sincérité de la dot qu’elle a apportée à son mari ; on peut-même faire intervonir ses donateurs, quoique dans l’un ou l’autre cas la quittance du mari soit devant Notaire : Arrêts des 2o Décembre 1730 & 13 Mars 1642.

Mais une fille mariée en minorité par ses parens dont elle fuit aveuglément les volontés ne doit être obligée à aucune affirmation, puisque l’affirmation ne peut être qu’une déclar-tios de son ignorance.

Ce n’est pas que l’on ne doive rendre hommage aux clauses authentiques d’un Contrat, qui renferme les conventions d’un mariage bien assorti, & formé avec l’agrement de la famille d. deux conjoints ; c’est le Titre le plus respectable de la société. Poyer les Arrêts cités par Banage dans de pareilles circonstances. VoyerCoquille , quest. 2o ;Bacquet , des Droits de Iui-tice, Chap. 33 leBrun , de la Communauté, Liv. 3.

Pesnelle a tres-bien détaillé les avantages que les conjoints ne peuvent se faire l’un l’autre pendant le mariage, & prouvé que l’Article CCCexxII de la Coutume ne s’observepas moins à l’égard des dispositions entre-vifs, que par rapport aux dispositions test--mentaires. Tobserve cependant que si le mari acquiert au nom de sa femme un héritage c. plus grande valeur que sa dot, c’est encore un avantage prohibé, & la femme n’est pas receble à soutenir que le mari pouvant lui donner de ses meubles, est présumé l’avoir fait ; air. 1. jugé par Arrét du 9’Août 1538, rapporté parBérault . Dans le fait le mari avoit reçu dsa femme huit cens livres, il avoit de son consentement acquis pour elle un petit Fier p-le prix d’onze cens livres ; les créanciers du mari vouloient le decrêter, à charge de remBourser la dot de la femme ; la femme prétendoit qu’ils n’avoient rien à y reclamer : com-me le Fief valoit alors plus de deux mille livres, la Cour ordonna que la femme aurc. huit parts dans le Fief, onze parts faisant le tout, & que la femme rembour seroit : : : créanciers six cens livres pour trois parts dans un temps limité par l’Arrêt, & à faute de ce faire, les autorisa à procéder au Decret, en payant à la femme huit parts des deniers de l’Adjudication.

Les intérêts de la femme ne sont pas moins précieux à la Loi que ceux du mari : elle ne peut, depuis le mariage, faire passer son bien a son mari par des donations frauduleuses : l’Arré : de Mathan du & Septembre 1Szquagapporté parBasnage , prouve ce que j’avance. Le iari de la Demoiselle de Bapaulme reciamoit une donation de vingt mille livres, portée dans lour Contrat de mariage ; le sienr de Mathan opposoit que le Contrat de mariage étoit sous signature privée, qu’aucuns parens n’y avoient assiste, & qu’il n’avoit été reconnu que depuis la célebration ; par l’Arret la donation fut déclarée nulle. Le miari s’étant pourvu en Roquête. civile, l’affaire portée au Parlement de Paris, il fut debouté de l’enterinemont. Cependant Basnage rapporte plusieurs Arrêts qui autorisent de semblable ; donations ; il en rend cette raison, qu’elles sont ordinaires dans les Contrats de mariage cie cette Province ; il vaudroit autant dire que le mari a de droit le tiers de la dor de sa feuime en don mobil, contre les termes du Réglement du a8 Mars 17383que doit-on penser à plus forte raison lorsque le Contrat de mariage n’est reconnu qu’aprés la mort de la donatrice INe semble-teil pas que le mari a pu forcer sa femme à signer un Contrat portant donation, mais qu’il n’a osé la faire paroître devant le Notaire, eraignant que ses manoeuvres ne fussent découvertes ; Doit-on laisser aux conjoints la liberté d’antidater des donations qu’ils auront jugé E propos de faire dans le cours de leur mariage ; Les Contrats de cette espèce, étant sous signature privée, ne sont pas suspects quand ils ont été arrétés en présence des parens des deux époux ; mais pour prévenir les difficultés, il seroit fort juste d’ordonner par un Arrét de Réglement, que les Contrats portant un don mobil seroient passes devant Notaire, conformément à l’Article premier de l’Ordonnance du mois de Février 1731. Voye ; mes Notes sur les Articles CCCLxxXVII & CCCLXXXVIII de la Coûtume.


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Le mari peut amortir des rentes dues par sa femme, parce qu’il fait sa propre affaire en se libérant des arrérages ; mais Pesnelle distingue mal à propos les rentes foncieres & charges réelles des rentes constituées sur les biens de la femme, on ne trouve aucun vestige de cette distinction dans Berault ni dans Basnage : il est vraisemblable que ces Auteurs ont envisagé principalement les rentes constituées comme étant des objets qu’il est au pouvoir du mari d’amortir.

La femme doit, à Paris, récompense à la Communauté des batimens que le mari a élevé aux depens de la Communauté sur ses propres ; on y juge de même à l’égard des réparations de rétablissement, comme des quatre gros murs, poutres, voûtes & couverture entière mais les réparations viageres & d’entretenement sont une charge de la Communauté. La femme doit aussi récompense des améliorations utiles & non voluptuaires quand elles augmentent la valeur du fonde in perpetuum, si elle accepte la Communauté, la récom-ponse est de moitié ; elle est du tout si elle y renonce, & la récompense se regle sur l’estimation faite par Experts :Duplessis , de la Communauté, Liv. 2, Chap. 4, Sect. 4. La Jurisprudence de Bretagne est singulière : quand la femme doit récompense, elle ne la doit que sur l’estimation des matériaux informes seulement & sans la main-d’oeuvre, eu égard au temps de la dissolution de la Communauté ; c’est du moins la regle générale, attestée par l’Article DClilde cette Coûtume. Notre usage, ditBasnage , est certain au contraire, le mari ne répete point los impenses faites sur l’héritage de sa femme ; cet Auteur cite Coquille sur Nivernois, Chap. 22, Article VI : n’Coquille dit que l’Article VI de la Coutume, qui porte, qu’enn tre genamariés les Batimens ne sont sujets au remboursement, est bien rude, par rapport n aux nouveaux bâtimens ou réfection des vieux qui sont en ruine ou qui menacent d’y m cheoir, car il semble que c’est donation entre mari & femme, d’ou Coquille conclut que si les biens du mari sont décrétés il seroit juste de donner aux créanciers per-dans une action contre la femme, suivant la Loi ff. de his que in fraud. cred. ; mais nous devons nous fixer à l’opinion deBasnage , tant qu’elle n’est point contredite par des Arrêts.

Il y a quelque difficulté sur les frais des Proces que le mari entreprend pour la conservation des biens de sa femme : quand les frais excedent ses revenus, il semble qu’elle en devroit récompense, & c’est le sentiment de plusieurs Auteurs. Basnage qui l’en exempre. s’appuie sur la Loi dern. cod. de imp. in res dot. fad. La Loi oblige le mari d’apporter un foin exact dans l’administration des revenus que la femme lui a confiée.


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Trois choses sont nécessaires pour appliquer cet Article : un héritage de la femme aliéré par Contrat solemnel, un fonds du mari de pareille valeur cédé à la femme, enfin une acceptation de la femme en forme régulière. Quand il y a de la lezion dans le remplacement que la femme a accepté, elle peut se pourvoir en rescision dans les dix ans de la dissolution du mariage.