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L ES Testamens du Droit Coutumier peuvent se définir comme ceux du Droit Romain, encore qu’ils ne soient ni si importans ni si solemnels : On doit donc dire que ce sont des actes, par lesquels on déclare & on ordonne ce qu’on veut être fait apres sa mort.1 Ce que la Coûtume a ordonné touchant les Testamens, se peut rapporter à quatre distinctions : La première, de la forme des Testamens ; la seconde, de la capacité de tester, la troisieme, de la capacité de recevoir ce qui est donné par le Testament, & la quatrieme, des choses dont on peut tester. Il est à propus de les représenter sommairement, afin de donnor une connoissance généralede ce qui est compris sous ce Chapitre, auparavant que de venir à l’explication particulière des Articles dont il est composé.

Quant à la forme des Testamens, elle est beaucoup plus simple que celle qui étoit requise par le Droit Romain ; par lequel la puissance qu’avoient les Testateurs de disposer de tous leurs biens, exposant les Testamens à beaucoup d’embuches, il avoit été nécessaire de tûcher de les prévenir, par plusieurs formalités qui devoient être observées indispenfablement : Car quoique les Testamens fussent si favorables chez les Romains, que lorsque les Juges se trouvoient partagés en opinions sur les procés qui en résultoient, l’avis de ceux qui opinoient en faveur du Testament, devoit prévaloir, suivant la Loi Si purs, ff.

De inofficioso Teslamento : Néanmoins l’omission de la moindre des formalités prescrites pour la confection des Testamens, en faisoit juger la nullité. Mais. quoique dans le Pays coutumier la puissance des Testateurs ait été fort bornée, on est tres-exact à faire observer les formes des Testamens, de sorte qu’on estime que les formalités requises par les Coûtumes, ne fe peuvent point suppléer par équivalence, mais doivent être pratiquées exactemen-, suivant ce qui est preserit ad litteram ;Louet , R. 52. On ne reçoit pas même la preuve par témoins, que quelqu’une de ces formalités a été pratiquée, il faut que la preuve en soit établie par ce qui est référé dans l’acte du Testament : Pour exemple, on n’admet point l’offre de pourver par témoins, que le Testament a été lû au Testateur, avant qu’il l’ait signé,Louet , T. 12. La cause qu’on peut apporter de cette rigueur, est que les Testamens sont réputés n’être pas favorables, d’autant qu’ils sont contraires au droit des héritiers, établi par la Loi2. Or il y a deux formos de Testamens ; l’une solemnelle, qui requiert le ministere d’une personne publique & la présence de deux témoins irréprochables, elle est expliquée dans l’Article OCCCXII, & l’autre secrete, parce qu’il suffit que le Testament soit écrit & signé de la main du Testateur, elle est autorisée par l’Article CCCeXIII.

La capacité de tester dépend de la qualité de la personne : Les furieux sont incapables de faire Testament, par le défaut qu’ils ont de jugement, nullum ani-mi judicium habent : les mineurs peuvent tester, pourvû qu’ils ayent seize ans accomplis ; mais ce n’est que du tiers de leurs meubles, par l’Art. CCCCXV.

La femme mariée ne peut tester, à moins qu’elle ne se soit réservé cette puissance par son contrat de mariage, ou que cela ne lui soit permis par son mari, par l’Artiele CCCeXVII. L’Article CCLxxxV contient une exception, qui est, que la femme mariée peut disposer du tiers de Caux, de même manière que les peres de famille, indépendamment de la volonté de son mari. Tous ceux qui ne sont point au nombre des Citoyens, qui jura Civitatis, aut numquam habuerunt, aut amiserunt, sont dans cette incapacité, parce que le droit de tester dépend de la Loi, qui seule peut autoriser les personnes à faire l’alidnation de leurs biens, dans un temps que la mort leur en ôte la possession & la propriété : C’est pourquoi les Etrangers non naturalises, les condamnés à la mort ou au bannissement du Royaume, ou aux Galeres, pourvû que ce soit à perpétuité, ne peuvent tester ; les Religieux profes, quoique titulaires de Bénéfices, & qu’ils ayent l’administration libre du revenu d’iceux, de sorte qu’ils peuvent vendre & donner, ne peuven : néanmoins tester de leurs meubles ni de leurs acquets, qui appartiennent à leur Abbé ou à leur Monastere.

L’inhabileté de recevoir par Testament, provient semblablement de la qualité des personnes : les Etrangers, pone servi, les Religieux profes, sont in-capables de recevoir les legs qui leur sont faits. Les bâtards peuvent avoir les dons qui leur sont faits par toute sorte de personnes, soit entre-vifs ou par Testament ; il n’y a que de leurs peres & meres qu’ils sont incapables de recevoir des immeubles, par l’Article CCCCXXXVII, même l’Article.

CCCCXXVI, qui permet la donation des meubles, ne se doit pas entendre des bâtards nés ex incestuoso aut nefatio coitu, comme sont les enfans des Pretres, qui sont réputés indignes de ce qui leur est donné par le Testament de leurs pere ou mère, si ce n’est ce qui est nécessaire pour leurs alimens : Car encore que la rigueur des Loix civiles, qui devroient même les alimens aux enfans procréés des conjonctions incestueuses & criminelles, Authentéca e2 complezu, C. De ex incessis nupliis ; Authentica Lices, in fine, C. De naiuralibus liberis, ait été adoucie parle Droit Canon, au Chap. Cum haberes De co qui duxit in mairimontum quam per adulierium polluerat, de sorte que dans le pays coûtumier, on accorde à toutes sortes de batards les provisions alimentaires contre leurs peres & meres, & sur les biens de leurs successions ; on a néanmoins restreint les legs faits aux enfans nés ex néfario coitu, ad modum alimentorum, par les Arrêts du Parlement de Paris ;Louet , D. 1 & 43.

De plus, les enfans sont incapables de profiter des legs qui leur sont faits. par leurs peres & meres, au préjudice de leurs cohéritiers par l’Article.

CCCCXXIV.

Reste donc à discourir en général des choses qu’on peut laisser par Testament. La regle générale est qu’on ne peut donner par Testament, ni aucun acte réputé Testamentaire, comme est la donation à cause de mort, aucune partie des immcubles qu’on possede par droit successif, ni plus du tiers desbiens qui sont réputés acquêts : de sorte qu’on ne peut pas même testor, ni du véritable usufruit, ni de ce que la Coûtume appelle improprement usufeuit, qui est le revenu de quelques années, suivant l’Article CCCCXXVIII, & partant toute la faculté qu’on a de tester, est des meubles, & de la tierce partie. des acquets.

Sur quoi il y a plusieurs distinctions à faire à l’égard de la coudition des Testateurs, de celle des légataires, & de la qualite des choses léguées : Car la personne qui fait l’estament, ou est mariée, ou elle ne l’est pas, si ellen’est pas mariée, ou elle a des enfans habiles à lui succeder, ou elle n’en a pas, si elle n’en a pas, elle peut donner tous ses meubles à qui bon lui semble, & le tiers de ses acquisitions, suivant les Art. CCCeXIV & CCCCXXII, sans faire différence entre l’homme & la femme : Mais si la personne non mariée a des enfans, il est certain qu’elle ne peut disposer d’aucune partie de ses immeubles, encore qu’ils soient des acquêts, sinon du tiers de Caux en faveur des quinés.

a l’égard des meubles, il semble qu’on doit faire quelque différence entre

Phomme & la femme : Car il paroit que la femme qui a des enfans, ne peut tester que du tiers de ses meubles, par l’Article CCCCXXIII, qui ne distingue point si ces enfans de la femme sont fils ou filles : mais l’homme non ma-rié, qui a des enfans habiles à lui succéder, peut quelquefois disposer de tous ses meubles, si ces enfans sont des filles, dont le mariage ait été acquitté, suivant les distinctions faites par l’Article CCCCXIX, qui est une exception de l’Article CCCCXVIII, qui dit généralement, que le Testateur qui a des enfans vivans, ou descendans d’eux habiles à lui succéder, ne peut tester que du tiers de ses meubles.

Mais ( pour reprendre le premier membre de la division ) si les personnes sont mariées, il faut encore faire distinction entre l’homme & la femme ; car les femmes ne peuvent disposer d’aucunc chose par Testament, si ce n’est du tiers de Caux en faveur de leurs enfans puinés, par l’Article CCLXXXV, parce que hors de ce cas elles ne peuvent faire Testament, à moins que cela ne leur soit permis par leur maris, ou qu’elles ne s’y soient réservées par le contrat de mariage, comme il a été remarqué. Mais en tous ces cas ausquels la femme peut faire Testament, elle ne peut disposer que du tiers de ses meubles, quand elle a des enfans, sur lequel tiers, les frais de ses funérailles & les legs de son Testament doivent être portés, par l’argument de l’Article CCCCXVIII, qui déclare que l’homme qui a des enfans ne peut disposer que du tiers de ses meubles, & que ce tiers doit porter les frais de les funérailles & les legs testamentaires.

Quant au mari qui a des enfans, il faut dire la même chose qui a été dite de Thomme non marié, mais qui a des enfans ; car il ne peut disposer d’aucune partie de ses immeubles ni de ses meubles, finon d’un tiers ou de la moi-tié, suivant la distinction faite par l’Article CCCCXIX, & aux charges portées par ledit Article CCCCXVIII. Mais quand l’homme marié n’a point d’en-sans, il ne peut tester que de la moitié de ses meubles, parce que l’autre moitié appartient à sa femme ; mais il peut léguer le tiers de ses acquêts, pourvu que son lestament ou autre Acte de derniere volonté, soit fait trois mois avant son déces, & que ce legs ne soit point fait à sa femme ni aux parens d’icelle, comme il est expliqué par l’Article CCCCXXII, lesquelles limitations ne sont que pour l’immeuble ; car le meuble peut être légué à la femme, & conséquemment à ses parens, un moment avant la mort du Testateur : ce qui reçoit une autre restriction par l’Article CCCCXXIX, qui déclarc que le mari n’ayant enfans, ne peut donner de ses meubles à sa femme, que jusqu’à la concurrence de la moitié de la valeur des héritages & biens immeubles qu’il possede ; & que s’il a des enfans, il ne lui en peut donner qu’à l’avevant du tiers de ses immeubles.


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L’ambition & l’indépendance avoient établi dans Rome la liberté de disposer de ses biens, au moment même où la mort va frapper le possesseur ; cette liberté n’avoit d’autres bornes que celle que vouloit y mettre le pouvoir le plus absolu. Un peuple destiné à donner des fers à toutes les Nations devoit s’élever au-dessus des droits du sang, & ne s’af-fecter d’autres intérêts que de ceux de sa patrie & de la gloire. Tandis que Rome offrit à l’univers le plus grand spectacle, on ne s’y occupa pas du soin de mettre des entravesaux Testamens elles n’ont paru que dans Rome dégénérée & flétrie par l’esclavage. Les Empereurs, rusés tyrans, sous prétexte d’adoucir la rigueur des Loix anciennes se proposerent successivement d’anéantir l’esprit primitif de la Constitution ; dela ce dédale de Loix nouvelles où l’équité gémit oppressée, & dont le sens, par les contradictions qu’elles renferment, est souvent impénétrable.

Les Testamens étoient inconnus chez les anciens Germains nos ancêtres ; il est étonnantque Tacite ait saisi ce trait pour le faire entrer dans. leur panegyrique, opposé à la cor-ruption de son siecle. Tacite n’auroit-il point connu les Germains à ils ne s’appliquoient pas à l’agriculture ; leurs habitations mobiles & changeantes représentoient des campemens & des stations militaires ; chez eux la cabane paternelle passoit aprés leur mort u plus jeune des enfans, à qui son âge tendre n’avoit pas encore permis de former unétablissement, ils ne pouvoient donc avoir l’idée des dispositions testamentaires.

Les Gaulois vaincus par les Romains adopterent les Loix de leurs vainqueurs dans les Provinces où ils sejournerent ; le surplus des Gaules se gouvernoit par ses usages. Delâ cette diversité de Jurisprudence sur les Testamens qui regne en France, entre les pays de Droit écrit & ceux de Coutume. Mais quelle fut la forme antique de tester dans le Pays Coûtumier à je crois qu’elle ne differa point d’abord de celle des donations entre vifs 3 le testateur se dessaisissoit avant de mourir de ce qu’il vouloit donner ; dans la suite, ce qu’il ne put donner sur le chamn, il déclara le donner en présence de ses parens & amis ; enfin ceux qui seurent écrire testerent par Lettres missives. Les peuples Transligéritains, dit un Auteur célèbre, distinguoient les Testamens des Codiciles, ce que ne faisoient pas les Cisligéritains. Transtigerani epistolas à testamentis distinguebant, non ita Neustrasii epistola est Codicillorum loco.Mabillon , Ch. 2, Liv. 1, de sa Diplomatique. La forme de tester, introduite dans les Coutumes par le Droit Canonique, est d’un usage moderne.


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Du Moulin nous a laissé deux principes sur cette matière, quand les solemnités requi ses pour la validité d’un Testament sont exprimées dans le corps du Testament, on pré-sume qu’elles ont été accomplies, mais l’omistion ne peut être réparée par la preuve vocale. Solemnitas extrinseca que potuit adesse tempore confedi instrumenti pre sumitur si ex-primatur, : eae, consuetudo requirit hanc probationem ex ipsumet Testamentu, S hie non sufficit haberi aliunde tum propter falsa vitanda, & testium facilitaten ( ita Parisiis juaicatum per arrestum, duMoulin , sur le Chap. Ea noscitur que fiunt à prel. Idem, sur Sens, Article LXVIII.