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CCCCXII.
Tout Testament doit être passé par-devant le Curé ou Vicaire, Notaire ou Tabellion, en la présence de deux Témoins idoines, âgés de vingt ans accomplis, & non légataires, présence desquels, le Testateur doit déclarer sa volonté, & s’il est possible, le dicter ; & aprés lui doit être lu le Testament présence de tous les dessusdits,
signé du Testateur, s’il le peut faire ; & si faire ne le peut, sera fait mention de l’occasion pourquoi il ne l’a pû signer ; même sera signé desdits Curé ou Vicaire, Notaire ou Tabellion, & Témoins.
La personne publique qui reçoit le Testament, doit avoir l’exerclée de sa Charge, dans le lieu où le Testament est fait, ce que la Coutume défigne par le pronom qui est demonstratif, d’une certaine personne, le Curé, le Vicaire, le Notaire, c’est-à-dire, du lien. Par Notaire, on n’entend pas l’Apos-tolique, qui a été déclaré incapable de recevoir les Testamens faits même par les Ecclesiastiques, par deux Arrêts rapportés par Basnage sur cet Article.
Loüet , N. 5. Mais parce qu’autrefois les Juges d’Eglise prenoient connoisiance des Testamens, les Curés & les Vicaires pouvoient recevoir les Testa-mens, & c’est ce qui les a fait autoriser par plusieurs Coûtumes, à pouvoir passer ces Actes, nonobstant qu’on ait rétranché l’usurpation que les Juges Ecciesiastiques avoient faite des causes testamentaires, & des autres matieres profancs & temporelles. Les Curés & les Vicaires ne peuvent communiquer ce pouvoir à d’autres ; néanmoins les Prêtres préposée par les Archidiacres pour desservir les Cures pendant l’année du déport, peuvent recevoir les Testamens, mais tous autres Ecclesiastiques n’ont pas ce pouvoir, même en temps de peste, comme les Capucins faisant la fonction de Curés envers les malades.1
L’Ordonnance d’Orléans, Article XXVII, a obvié à l’avarice, & aux suggestions des Curés & des Vicaires, en leur défendant de recevoir aucun acte de derniere volonté, dans lequel on leur feroit aucun don ou legs : ce qui a été expliqué par l’Article LXIII de l’Ordonnance de Blois, par lequel les
Curés & les Vicaires peuvent recevoir les Testamens, dans lesquels on fait quelques legs en faveur des Eglises, pourvuiqu’il n’en soit ppint fait aux Gurés ce Vicaires, iii à leurs parçhs ; c’est par cétté raison que la Gpûtume requiert que les témoins qui doivont être présens aux Testamens, ne soient pas legataires : elle a voulu en outre empécher les faussetés, les suggestions & les iur-prises, en ordonnant que le Testateur doit déclarer sa voionté en présence des Témoins, qu’il dicte son Testament ; c’est-à-dire, qu’il prononee les paroles qui le composent, s’il est possibles qu’ensuite le Testament lui soit lu aprés qu’il a été écrit, que cette lecture se fasse devant les mêmes témoins, & enfin, que le Testament soit signé du Testateur, de celui qui-le recoit & des témoins, ou au moins qu’il soit fait mention des causes pourquoi le Testateur n’a point signé.2
On consulte dans la discussion d’un Testament la capacité du Testateur, la forme du Testament, & la situation des fonds dont il dispose. La capacité du Testateur s’estime par la Loi de son domicile, d’autant qu’il y auroit de l’injustice à assujettir un homme à la Loi d’urt pays qu’il parcourt sans defir d’y résider, & dont il ignore le plus souvent les dispositions.
Les formalités du Testament doivent être celles dulieu où le Testament a été fait ; car-la Loi seule du lieu où un acte se passe peut en certifier la vérité : Enfin dans la disposition des fonds on consulte la Loi de leur situation, puisque ces fonds faisant partie d’un térritoire déterminé, il est juste que la Loi du térritoire soit celle de cette espèce de biens ; mais les meubles sont inséparables de la personne : Boullenois quest. première.
L’Ordonnance du mois d’Août 1’35 sur les Testamens, ost un-monument précieux de la sagesse & de la science profonde de Pillustre M. Daguesseau ; comme elle regle les plus grandes difficultés, je crois devoir analyser les dispositions qui ont du rapport avec notre Droit municipal : la forme des Testamens nuncupatifs, des Testamens mystiques ; l’abrogation des Testamens mutuels entre les maris & les femmes ; la clause codicillaire, l’insti-tution d’héritiers, la légitime, la falcidie, la trébellianique, l’élection d’héritier : objeta. sans doute intéressans, mais inusités dans notre Jurisprudence. La forme de nos Testamens, celle des Testamens solemnels, la qualité de ceux que la Loi habilite à les recevoir, la qualite des témoins, les Tostamens olouraphes, les Testamens militaires, ceux faits en temps de peste, le Statut concernant la disposition des acquêts Normands, l’abrogation. des clauses dérogatoires : voila les points qui doivent nous attacher essentiellement.
Bérault avoit dit que les dispositions-testamentaires doivent être rédigées par écrit, à peine de nullité, & que la preuve par témoins n’en est pas recevable quand elles n’excéderoient pas cent livres ; l’Article I de l’Ordonnance est conforme à l’opinion de-Bérault .
Basnage & Ricard disent qu’au Parlement de Pordeaux on a recu des Testamens par fienes, eprés avoir pris toutes les précautions possibles pour connoître la volonté du Testateur ; l’Ordonnance : les rejette, quoiqu’ils ayent été rédigésepar écrit, rsur le fondement des signes.
On lit des Arrêts qui ont approuvé les Testimens par Lettres missives ; mais comme tetre matière de tester est sujette à des abus, l’Ordonnance l’a rétranchée.
Les Curés séculiers ou réguliers peuvent recevoir les Testamens dans l’etenduë de leur Paroisse, en y appellant deux témoins ; le Desservant a la même faculté, mais elle est interdite aux Vicaires, Article XXIII de l’Ordonnance.
Quoique l’Ordonnance permette au Testateur de faire son Testament devant deux Notaires ou Tabellions, ou en présence d’un Notaire ou Tabellion, & de deux tenoirs ; comme l’intention de la Loi n’est pas de déroger aux Coutumes, qui prescrivent dre les Testamens seront passés devant un Notaire & deux témoins, il semble qu’en Normandie un second Notaire n’y peut pas suppléer : Arrêt du 31 Ianvier 164s, dans la Coutu-me de Senlis, rapporté parRicard , des Donat. Part. 1, n. 1583.
Le Testateur doit dicter ses volontés ; le Curé, le Desservant, le Notaire doivent les écrire telles qu’il les dictera : on ne fuit plus un Arrêt rapporté dans le Journal des Audiences & cité par Basnage ; ils ne peuvent faire écrire le Testament par leurs Cleres même en leur présence ; il faut que celui qui est autorisé à recevoir le Testament l’écrive luieneme : ce point est de forme & doit être rempli, à peine de nullité.
Nous n’avons jamais eru, en Normandie, qu’il fallût insérer dans le Testament qu’il avoit été dicté, nommé, lu & relu, sans suggestion ; mais notre Coutume, de même que FOrdonnance, impose l’obligation de lire au Testateur ses dispositions & de faire mention de cette lecture dans l’acte-
Le Testament doit être signé du Testateur du Curé ou Desservant, Notaire ou Tabeifion, & des deux témoins qui y ont assisté ; & si le Testateur déclare qu’il ne sçait où peut signer il en sera fait mention : notre Coûtume veut que l’on exprime la cause pour laquelle le Testateur n’a pu signé.
Le Curé, le Desservant ou le Notaire ne peuvent recevoir le Testament quand ils sont Légataires ou proches parens des Légataires ou du Testateur.Ricard , des Donat. Part. 1 n. 1594, cite un Arrét, appelle vulgairement l’Arrét de Lestrade, qui fait défenses auNotaires de recevoir des Contrats, dans lesquels leurs cousins-germains & autres plus pro-ches sont intéresses ; & il rapporte n. 15os, un autre Arrêt du 22 Mai 1550, qui fait defenses aux Notaires d’instrumenter le pere avec le fils, le frere avec le frère, l’oncle avec le neven, le beau-pere avec le gendre.Ricard , n. 547, fait entendre que le Notaire ne doit pas être parent des témoins ; & que ce qui est dit de la parenté du Notaire avec le Testateer, lieu du Testateur avec les témoins
C’est une Maxime, en Normandie, que les témoins doivent être âgés de vingt ans aceomplis ; & quoique la Coutume, Article CCCexV, permette de disposer d’une pert : de ses meubles à l’âge de seize ans accomplis, les témoins ne doivent pas moins avoir l’cmarqué par la Coutume : Ordonnance, Article XXXIX.
On n’a point suivi l’opinion de d’Argentré & deRicard , qui ont cru que les fenirce pouvoient être apnellées dans un Testament comme témoins, & ces Auteurs arcient : : argumenté de la faculté qu’elles ont de témoigner, soit en Proces civils ou crimin. s P’Ordonnance vent que les témoins soient mâles.
Il faut que les témoins soient régnicoles & capables des effets civils ; cinsi les étrar vets & ceux qui sont dans le cas de mort civile, ne peuvent être témoins dans un Teftament.
On avoit jugé par plusieurs Arrêts du Parlement de Paris, que les Réguliers ne pouvoient servir de témoins ; on cassa même un Testament, par Arrêt du 21 Mai 1645, où l’on avoit appellé pour témoins deux Chanoines réguliers, dont l’un étoit Vicaire de la Paroisse, & l’autre employé dans la Sacristie : l’Ordonnance, Article XLIl, a fait de ces Arrêts une Loi générale.
Le Parlement de Paris fit un Réglement le 2 Juillet 1’os, sur les conclusions de M. le Nain Avocat. général, pour défendre aux Notaires d’employer dans les Actes & Test-mens leurs Cleres comme témoins, à peine de faux & de nullité : l’Ordonnarce, Article XIIII, fait la même défense, & elle l’etend aux serviteurs & domestiques de ceux qui recevront le Testament.
DaMoulin , sur l’Article LXXXXVI de l’ancienne Coûtume de Paris, qui défend comme l’Artiele CCLXXXIY de la nouvelle, aux témoins d’être Légataires dit que le Testament ne seroit pas nul s’il contenoit un legs modique en fayeur de celui qui l’auroit recu ou d’un des témoins, comme un legs de cent sous e hEc modica summa non debel vitiare Testamentum.Soefve , Tom. 1, Cent. 2, Chap. 88 ;Ricard , des Donât. Part. 1, n. 552, Journal du Palais ; mais l’Ordonnance, en ôtant aux Légataires indefiniment la faculté d’y assister comme témoins, a voulu écarter les décisions arbitraires sur le plus où le moins, & bannir tout sujet de suspicions des Testamens, Article XLIII.
L’Ordonnance n’entend pas exclure tous les reproches de droit contre les témoins maisRicard , Part. 1, n. 1357, observe que l’on considère la capacité du témoin au temps. du Testament, & qu’il suffit qu’il ait alors la capacité putative, c’est à-difé, suiyant la nûtoriété publique.
L’Erécuteur testamentaire, non Légataire, peut être témoin :Ricard , ibid, n. 554. & Basnage ; mais le témoin doit entendre la langae dans laquelle le Testateur dicte son lestament :Ricard , ibid, n. 1603.
Le membre de quelque Corps non régulier, peut être témoin dans un Testament ou ce Corps sera nommé Légataire ; aussi par Arrét du Parlement de Paris duMars 1857i un Testament recu par un Notaire, en présence de témoins de Nogent-le-Rôtroû, fut confirmé, quoique ce Testament contint un legs universel, fait par Bacquet au profif des habi-tans du lieu pour l’établissement d’un Collége.
Basnage dit qu’il a été jugé au Parlement de Paris que l’héritier n’étoit pas recevable à impugner un Testament, parce qu’un des témoins défavouoit sa signature, ni à prouver que l’autre témoin avoit signé dans l’absence du Testateur, & qu’on dunna plus de crédit au rapport des experts qu’au défaveu du témoin : cet Arrêt est tiré du Journal des Audiences. Suivant l’Ordonnance, Article XLVIII, les Notaires, Tabellions ou’autres personnes publiques, comme aussi les témoins qui auroient signé les Testamens sans avoir vû le Testateur & sans l’avoir entendu prononcer ses dispositions doivent être poursuivis à la Requête du Ministere public & condamnés : sçavoir, les Notaires, Tabellions ou autres personnes publiques à sa peine de mort, & les témoins à telles peines afflictives & infamantes qu’il appartiendra. On ne doute pas que les héritiers du Testateur ne puissent eux-mêmes intenter une accusation contre les personnes dénommées par l’Ordonnance & contre leurs complices ; mais on ne doit employer dans la plainte que des faits relatifs au cas prévu par l’Ordonnance, & dont la preuve soit possible.
La peine de ceux qui s’opposent à la confection d’un Testament est arbitraire, & dépend des circonstances de fraude & de violence ; il n’est donc pas possible de tracer sur cet objet une regle fixe. Ce qu’il y a de vrai, c’est que l’on n’admet pas indistinctement la preuve des faits concernant l’empéchement de tester ; on rétomberoit par une trop grande facilité dans l’inconvénient que la Loi veut éviter, quand elle proscrit les dispositions testamentaires verbales, & on courroit risque de supposer un Testament à un homme qui n’auroit jamais voulu tester.
Il n’est pas moins difficile à décider si la oreuve testimoniale de la suppression d’un Testament est recevable. M. l’Avocat-Général Talon a dit dans cette espèce que, dés que le demandeur en preuve prenoit la voie civile, l’Ordonnance, qui proserit la preuve par témoins, étoit générale, que l’admission de cette preuve seroit d’une périlleuse consequence ; les témoins qui déposeroient avoir vu un Testament ne pourroient pas sçavoir si ce Testament est véritable ou Sil est en bonne forme : il seroit facile au-demandeur en preuve de faire un faux Testament, de le faire voir de le supprimer & de demander la preuve de la suppression ; il ne seroit pas moins aisé de supprimer un Testament nul, quoique véritable ; & comme on demandoit à prouver que le Testament avoit été vu entre les mains de l’épouse du Testateur avant son déces M. Talon observa qu’il avoit bien pu lui confier son Testament, mais qu’elle avoit pu le lui remettre :Soefve , Cent. 3.Ricard , des Donat. Part. 3, Chap. 1, n. 11, dit que cet Arrét ne peut faire un préjugé contre la preuve vocale de la suppression, parce que le demandeur ne demandoit pas a prouver que la Dame de Maupeou, veuve de M. de Marescot, Maître des Requêtes, défendresse, étoit encore saisie du Testament aprés la mort de son mari, & qu’il avoit été supprime par son ordre ; mais quand les faits que l’on offre à prouver sont concluans, pourquoi, ditRicard , ne pas en admettre la preuve ; On ne doit pas faire plus de cas des biens d’un hom-me que-de sa vie. Or, on décide de la vie d’un homme sur la foi de deux témoins, si on n’admet pas cette preuve, P’héritier du Testateur pourra, au conspect de la multitude, jetter dans les flammes l’acte qui contient ses dernieres volontés. On ne peut pas opposer que la question de suppression doit être poursuivie extraordinairement : car, soit que l’or prenne la voie civile ou la voie criminelle, l’Ordonnance de Moulins ne s’applique qu’aux conventions ; ainsi raisonneRicard . Basnage pense au contraire qu’il est tres-dangereux d’admettre la preuve par témoins de la suppression d’un Testament, que plus le Testament seroit supposé de conséquence, plus on auroit de facilité à trouver des témoins complaisens.
Je pense de même, & ce qui me détermine, c’est qu’un Testateur qui a lieu de craindre la suppression de son Testiment, peut prendre des mésures, soit en le mettant dans un depût public ou entre les mains d’un ami fidele. Voyet cependant dans Basnage l’Arrét de Givry.
Les Testamens doivent être les interpretes d’une volonté libre ; les mouvemens d’unhaine injuste déreglent les puissances de l’ame. On convient qu’un Testament fait par : i pareil motif ne peut subsister ; mais cette question est beaucoup plus une question de fait que de droit. Le Juge prudent recherche dans les expressions même du Testament, le principe de la décision, si le Testiment est muet il a égard aux liens qui unissoient le Test : teur avec ses héritiers. On ne présume pas qu’un pere, une mére haissent leurs enfans sansujet ; mais aussi un parent collatéral semble avoir beaucoup plus de liberté de tester préjudice de ses héritiers : la voix du sang parle plus foiblement dans son coeur ; & sousent ceux qui contestent son Testament essaient de faire passer pour un mouvement de haine ce qui n’est que l’effet de l’indifférence : retour du peu d’attention qu’ils ont eu à mérit-r bienveillance du Testateur. Voyer leMaître , Plaidoyer 2o ;Erard , Plaidoyer ; : Ricard des Donat. Part. 1 ;Soefve , Cent. 4, Chap. 77 ; Journal du Palais, Tom. 1 & 2 ; 1out. nal des Audiences.
C’est par une suite de la Maxime, qui veut que la liberté regne dans les Testamens que la suggestion ou captation doit être bannie de ces actes ; mais pour être admis à artic-l.. des faits de suggestion, il faut justifier d’un commencement de preuves par écrit ou 2ae en sa faveur des présomptions tres-violentes.Ricard , des Donst. Part. 3, n. 28, a éc 1.. que quand les Notaires Tabellions ou autres personnes publiques ont inséré dens leTestamens qu’ils ont été faits sans suggestion de personne ; comme il s’agit de détruire le eontenu dans un acte authentique & lolemnel, il est nécessaire de s’inscrire en faux : Muis cet Auteur reconnoit qu’on a jugé le contraire par des Arrées ; & le L’égissateur convaincu de l’embarras d’une poursuite en inscription de faux, en a dispensé, dans ce cas, les héritiers du Testateur, per l’Article XI. VII de l’Ordonnance.
La preuve, par témoins de la démence du Testateur peut être aussi recue sans inscription de faux contre la déclaration du Notaire qui a recu le Testament ; mais il est fort avantageux d’avoir iei à présenter les adminicules qui doivent étayer les moyens de suggestion.
Il y a une raison particulière, ditRicard , de recevoir la preuve de la démence sans inscription, c’est que le Notaire, en attestant que le Testiteur est sain d’esprit, excede les limites de son pouvoir & fait la fonction de Juge. Journal des Audiences, Tom. 3, Liv. 12, Chap. 1. Joürnal du Palais ; Arrêtés de Lamoignon, des Testamens.
Rien n’est plus facile dans le pays coutumier que de révoquer un Testiment, un simele acte d’unevolonté contraire l’anéantit sans aucune formalité particuliere & il y a plusieurs Arrêts dans Soefve & dans le Journal du Palais, par lesquels il a étéjugéequ’un Testament nul, contenant une clause de révocation, avoitipudeçraire & casser un Tastament précédent, quoiue rédigé dans les formes du droit municipal-
Mais quand le Testateur a fait deux Testamens de diverse date, le second Testament ne révoque pas le premier de plein droit, ils subsistent au contraire llun & l’autre, à moins que Pintention du Testateur n’y resiste, parce que les Testamens ne sont eonfidérés parmi nous que comme des codieilles, ainsi jugé par Arrêts des 2 Août-173r & s Iuin 1752 : on a encore jugé la même chose en GrandiChambre, au Rapportde M. de Vigneral, le 22 Août 1757 : Dans le fait de ce dernier Arrêt, le Testateur avoit des effets considérables en Angleterre & en France ; aprés avoir disposé, par Testament, des effets qu’il avoit dans un de ces térritoires, il légua, par un second acte de la même espèce, tous les meubles qui se trouveroient aprés son déces : l’Arrét ordonna l’exécution des deux Testamens.
La révocation du Testament ne s’opere pas par le nombre des années, il n’y a point d’espace de temps qui puisse affoiblir la disposition du Testateur, quand il ne l’a point révoquée par une disposition contraire, quod enim non mutatur, quare stare prohibesur il faut donc, outre la longueur du temps, qu’il y ait preuve d’une volonté contraire, & que le changement de volonté soit absolu.
Basnage approuve l’usage des clauses dérogatoires ; c’est souvent, dit-il le moyen unique qui nous reste pour opposer aux caresses insidieuses d’une femme avide, ou aux im-portunités d’un faux ami, qui a pris sur nous trop d’ascendant. L’Article LXXVI de l’Ordonnance a abrogé les clauses dérogatoires. Il faut avouer, quelque respect que l’on fait pour les opinions deBasnage , que ces clauses étoient des germes féconds de Proces.
Ricard , des Donat. Part. 3, n. 80, nous apprend qu’elles n’avoient aucun fondement dans le droit, & que sous prêtexte de précautionner le Testateur contre les artifices de la suggestion, elles ont été plus d’une fois employées à la favoriser.
Il est certain, contre l’opinion deBretonnier , quest. de Droit, verb. Substitution, qu’en Normendie les substitutions, exprimées en faveur des personnes capables, ont lieu jusqu’à la concurrence des biens dont le Testateur peut disposer.
Quand une disposition est faite au profit d’un tiers pour en être fait emploi, suivant les intentions du Testateur, qu’il dit dans son lestament avoir déclarée à cette tierce personne, on est emberrasié lorsque les héritiers contestent l’exécution de cet actes Les Auteurs distinguent en cet endroit le legs universel du legs particulier : il est rare que l’on tolere le legs universel ; cchui qui laisse ses biens à la disposition d’un tiers, n’est pas censé avoir fait un Testament, une volonté étrangere domme dans la distribution de ses biens ; le fidei-commissaire peut les employer à des usages contraires à l’intention du Testateur, il est le maître de sa volonté, & le Testateur n’est plus le maître de ses Fiens. On n’approuve point, dit Brodeau sur Louet L, n. 5, les dispositions qui sont d’une somme indéfinie laissée à la volonté & arbitrage d’un tiers, Religieux ou autre qui pourroit en abuser, & épuiser entierement la succession en des serupules de conscience, qui est l’espece singulière d’un Arrêt du Joudi 28 Norembre 1637. Mais quand il apparoit de la volonté du Testnteur, continueBrodeau , d’une somme certaine par lui taxée & réglée dans son Testament, on confirme ces legs particuliers avec certaines précautions : ainsi juvé par un Arrêt célcbre du Parlement de Paris du 23 Décembre 158o, en faveur du Curé de Saint jacques de la Boucherie ; mais quoique la Cour fût persuadée de sa probité, craignant que la somme dont il demandoit la délivrance ne fût un fidei-commis tacite au prosit de la femme elle ordonna que le Curé affirmeroit devant un de Messieurs, que la femme ne participoit point au legs, & en conséquence da cette affirmation le legs fut confirmé. Nous avons suivi la même Jurisprudence à légard des legs particuliers ; Basnage rapporte des Arrêts des 7 Août 1S3 22 lévrier1Sçû & luin 16oi, qui, sur la déclaration qu’ils n’étoient point frauduleux, les ont approuvés ; ainsi ces fidei-commis, confiés à la discrétion d’un Curé, se foutiennent selon les grconstances ; ils sont exécutés quand ils sont modique ; & qu’il n’y a pas de soupçon d’un avantage indirect, défendu par la Loi ; c’est l’espece de deux Arrêts des 22 Novembre 16os & 2x Juillet 1745. Mais si les sommes sont considérables, & que la su-cession du Testateur soit obétée, on rejette ces sortes de dispositions sur la plainte des créanciers : Arrêt du 15 Mai 1733.
Quand la volonté du défunt n’est point justifiée par un Testament, si le Curé reconnoit que ce panticulier avant sa mort lui a remis une somme & se dit instruit de ses intentions, on rejette ces dispositions verbales, & on condamne le Curé à restituer la somme aux héritiers : Arrêt du d Avril 1759. Dans le fait de cet Arrêt, la somme formoit un objet considérable dans la succession.
Il ne faut pas confondre ces prétendus fidei commis, verbalement énoncés, avec la tradition réelle : car il est permis a une personne malade de faire à son ami un don de meubles sans écrit & par tradition réelle ; c’est l’avis de Ricard dans son Fraité des Donat. & ton a jugé de même en ce Parlement, par Arrét du 25 Fevrier 1755.
III Les Testamens olographes étoient inconnus aux anciens Romains ils furent introduits chez eux par une Novelle deValentinien , insérée dans le Code de Theodose, Liv.. on trouve la même disposition dans la Loi des Visigots, Liv. 2, Chap. 16 ; le Testament olographe est recu généralement dans la France coûtumière. L’Article XIx de l’Ordonnance en maintient l’usage, elle veut que les Testamens, Codicilles & autres dernieres dispositions olographes continuent d’avoir lieu dans les Pays & dans les cas où ils ont été admis jusqu’à présent ; mais les Testamens, Codicilles & dispositions de cette espèce doivent être entièrement ecrits, datés & signés de la main de celui qui les auta faits : Arti-ele, & de l’Ordonnance. La Loi nouvelle ajoute à notre Coûtume, en ce qu’elle prescrit la nécessité de la date. Bien des Jurisconsultes modernes ont cru que cette formalité est inutile, d’autant que le Testament n’est confirmé que par la mort du Testateur ; quelques Arrêts de ce Parlement ont approuvé des Testamens olographes sins date ; Basnage a combattu cette opinion avec toute la force du raisonnement. Il ne ine convient pas de répêter ce que dit ce grand homme j’observe seulement que la date du Testament sert à prévenir les questions sur la capacité du Testateur, elle sert encore à découvrir la supposition du Testamont : Ricard en rapporte une espèce. Un particulier avoit contrefait l’écri-ture du Testateur d’une manière à s’y méprendre, on ne s’appereut de la fausseté que par la date. Le Testament étoit daté d’un temps où le Testateur affoibli par la maladie avoit la main tremblante & les caracteres affoiblis, tandis que le Testament étoit. écrit d’une main ferme & hardie, telle cnfin que celle du Testateur étant en pleine santé. Si le faussaire n’eût point daté le Testament, il eût joui impunément du fruit de son crime. Il est encore à propos que le Testateur fasse mention du lieu où il a rédigé ses volontés, quand il n’a pas toujours résidé sous une Coûtume-où les Testamens olographes sont recus ; mais Basnage observe que le cas est rare, & que cette formalité n’est véritablement indispensable. que dans les Testamens solemnels, dans lesquels la capacité du Nofaire. ou autre personne publique qui les a recus, dépend de la circonscription du térritoire. Loyez Ricard des Donat.
Part. 1, n. 1497 & suivans.
Berault rapporte un Arrêt du 17 Janvier 16o8 par lequel la Cour déclare valable un Testament signé du Testateur, mais dont le corps étoit écrit d’une main étrangere, sous prêtexte que le même jour le Testament avoit été reconnu devant Notaires ; cet Arrêt est contraire a la Coûtume & à l’Ordonnance. Des que ce Testament étoit nul, la reconnoissance devant Notaire ne devoit rien opèrer, parce qu’elle n’étoit pas in-formd specifica. Il. ne suffit pas que la volonté du Testateur soit certaine elle doit l’être d’une maniere conforme à la Loi. Il est vrai qu’un Testament olographe, fait au desir de la Loi, ne subsiste-pas moins pour avoir été reconnu devant Notaire, quoique l’acte de reconnoissance soit défectueux, & c’est l’avis de Basnage ; mais on n’en doit pas conclure qu’une reconnoissance en forme, valide un Testament infecté du vice de nullité.
Quand ceux qui auront fait des Testamens, Codicilles ou autres dispositions olographes. veusent faire des voux solemnels de Religion, ils sont tenus de faire reconnoître ces actes davant Notaires avant que de faire leurs voeux ; s’ils ont négligé cette précantion, les Testamens, Codicilles ou autres dispositions demeurent nulles & de nul effet : Article Xl de l’Ordonnance : cette Loi est tres-sage. Si l’on autorise le Testament olographe, qui n’aura naru qu’apres la profession du Testateur ce sera donner à tous les Religieux profes la liberté de tester, parce qu’étant maîtres de ces Testamens, ils pourront les antidater ; & par cet artifice, difposer apres la profession de biens qui ne leur appartiennent plus.
Tant que le Testament est en possession du Testateur ce n’est qu’un projet flottant & douteux, ainsi quand il seroit possible de supposer que le Testateur a disposé avant sa Profession, qui assurera, quand le Testament ne paroit qu’aprés l’émission des voux, qu’il est l’ouvrage d’un citoyen libre ou d’un homme en état de mort civile 1 Voyer dans le Journal du Palais un Arrét rendu par le Parlement de Paris du S Février 1oys, qui déclare nul le Testament olographe d’une fille qui n’avoit été représenté que cinq ans apres la profession, quoique les dispositions fussent tres-favorables.
Un Testament olograplie, raturé en plusieurs endroits, sans que les ratures fussent approuvées, & apostille par une main étrangere, mais dont les apostilles n’ajoutoient que quelques mots oubliée par la Testatrice & pour corriger l’expression, a été déclaré nul, par Arrêt du Parlement de Paris du a Septembre 1677 rapporté par Gueret, sur lePrêtre , Cent 2, Chap. 70, & par le même Auteur dans le premier volume du Journal du Palais, avec les motifs de l’Arrét. Le Parlement de Paris a juge le contraire le 2S Bévrier 173r ; mais les ratures n’étoient point suspectes, les additions n’étoient point d’une main étrangere, tout étoit l’ouvrage du Testateur : Recueil d’Arrêts de la quatrieme Chambre des Enquêtes.Bérault , pour apprécier les ratures, donne cette regle : Suspedtum locum dicimus quando in verbis dispositivis facta est litura. Et il faut observer que les ratures, faites sans la participation du Testateur, ne donnent point atteinte à son Testament ; car il ne seroit pas juste, dit l’Auteur du Iournal du Palais, que la malice ou la témérité d’une main étrangere rendit unTestament inutile.
Le Test-ment olographe paroit à l’abri de la suggestion, la main & l’esprit du Testateur travaillent de concert à le rédiger, manibus ex corde dictat, il y a cependant des circonstances où il n’est pas plus difficile de faire écrire au Testateur un Testament que de le lui faire dictorà on Norastre ; c’est alors dans sa source qu’il faut sonder la disposition. Ricard reconnor quill y ades exemples dans lesquels on a admis la preuve de faits de suggestion, même contru des Testamens olographes. sa ) Le privilége des Testamens militaires, ditRicard , des Donat. Part. 1, n. 1417, & leur forme onrticulières est de n’en avoir aucune nécossaire, & de nêtre assujettis à aucunes des solommeésirequises pour la validité des Testamens ; il suffit que la volonté de Testataut isoit constante ; faciant igitur Testamenta quomodo volent, faciant quomodo poterunt sufficiat qua ob Sunorum suorum divisionem fuciendem nuda voluntas testatoris. Le même Auteur dit qu’on admettoit autrefois, au Parlement de Paris, les dispositions testamentairexvenbales des soldats : mais que cette Jurisprudence a cessé depuis l’Ordonnance de Moulins. Brodeau sur Louet T Som. 8, nous prouve combien il étoit important de fixer la forme des Testamens militaires. Basnage ne nous offre rien de certain. Bérault rapporte un Anût de ce Parlement du S Avril 162s, par lequel le Testament d’un soldat, recu en Savoie par un Religieux Observantin signé de ce Religieux & de deux soldats, mais non de Testateur, qui ne le pouvoit, à cause d’un tremblement de main, fut confirmé. L’Ordonnance dey3s a fixé notre incertitude sur la forme de ces Testamens : ceux qui servent dans los armées peuvent faire leurs Testamens en présence de deux Notaires ou Tabellions, ou d’un Notaire ou Tabellion & de deux temoins, ou en présence de deux Offi-ciers : sçavoir, ides Majors & Officiers d’un rang supérieur, des Prévôts des Camps & Arinées, leurs Lieutenans ou Greffiers, & des Commissaires des Guerres ou de l’un de ces Officiers, avec deux témoins, & en cas de maladie ou de blessures, le Testateur peut faire ses dernieres dispositions en présence d’un des Officiers des troupes ou d’un des Aumôniers des Hopitaux, avec deux témoins, quoique les Aumôniers fussent réguliers ; les étrangers non notés d’infamie peuvent servir de témoins. Les Testamens doivent être signés du Testateur, de celqui le racoit & des témoins ; si le Testateur ne peut signer, il faut en faire mention ; mais quand’il sçait ou peut signer il n’est pas nécessaire d’appeller des temoins qui sçachent ou puissent signer ; le Testament entièrement écrit, daté & signé du Testateur, est valable. Le privilége de tester militairement n’a lieu que pour ceux qui sont actuellement en expédition. militaire ou en quartier hors le Royaume ou prisonnier chez les ennemis ; mais ceux qui sont en quartier où en garison dans le Royaume doivent tester suivant les formes du Pays, si ce n’est qu’ils ne fussent dans une place assiégée, & dont la communication seroit interrompue à caule de la guerre. L’Ordonnance communique le même privilége à ceux qui n’étant ni officiers ni soldats se trouvent à la suite des armées ou cliez les ennemis, à cause de leurs emplois ou fonctions, les services qu’ils rendent aux Officiers, ou à l’occasion deila fourniture des vivres ou munitions des troupes ; mais il y a cette différence en-tre le Tostament de ceux qui servent dans les armées, & celui de ceux qui les fuivent senlements que les Testamens des premiers subsistent, quoiqu’ils quitrent le service & re-tournent dans leur patrie, au lieu que les dispositions des autres demeurent nulles, six mois aprés qu’ils sont revenus dans un lieu’où ils peuvent tester daus la forme ordinaire, si ce n’est qu’ielles eussent été faites dans les formes requises de droit commun, dans le lieu ou elles ont été rédigées.
Il n’y avoit pas moins d’incertitude sur les Testamens faits en temps de peste que sur les Testamens militaires : ils avoient toutes sortes de faveurs dans quelques Parlemens de Droit écrit ; & la Jurisprudence, usitée en la plupart des Coûtumes, ne les affranchissoit d’aucune des formalités à observer dans les autres Testamens.Ricard , Part. 1, n. G47 atteste qu’on jugeoit de même au Parlement de Paris ; & les Arrêts rendus au Parlementde Roüen les 18 Juin 1638 & 4 Août 1650, prouvent qu’on suivoit la même maxime. en Normandie. Dans un genre de maladie qui cause des terreurs extraordinaires, un malade est, en effet, sans cesse exposé a recevoir les impressions de ceux qui l’environnent, & des ames mercenaires sont à portée de faire un honteux trafic de leur crédit. La nouvelle Ordonnance veut qu’en temps de peste les Testamens soient faits en présence de deux Notaires ou Tabellions, ou de deux Officiers de Justice royale, seigneuriale ou municipale, jusqu’aux Greffiers inclusivement, ou par-devant un Notaire ou Tabellion, ou un des Officiers dénommés avec deux Témoins, ou en présence du Curé, Desservant, du Vicaire, ou autre Prêtre chargé d’administrer les Sacremens aux malades, quand même il seroit regulier, & de deux Temoins. Quand le Teslateur sçait signer, il suffit qu’il signe le Tes-tament conjointement avec celui qui l’a recu : il n’est pas nécessaire que les Témoins scachent ou puissent signer ; les Testamens olographes, conformes à l’Article & de l’Ordon-nance, doivent être exécutés de même que ceux de la première espèce, en quelque pays que ce soit, le privilége s’étend à ceux qui sont dans les lieux infectés de la maladie, encore qu’ils ne fussent pas actuellement malades ; mais les Testamens demeurent nuls six mois aprés que le commerce a été rétabli dans le lieu où le Testateur se trouve, ou qu’il a passé dans un lieu où le commerce n’est point interdit, si ce n’est qu’il eût observé dans ces actes les formes recues de droit commun dans le pays où ils ont été faits.
Lorsque l’héritier du Testateur a exécuté le Testament, il n’est plus recevable à l’arguer de nullité. Un Testament plographe est certainemene nul, quand il n’est point entièrement écrit de la main du Testateur, mais seulement signé de lui ; cependant, si l’héritier a payé pendant un long-temps, comme de dix anrées, les arrérages d’une rente viagere, léguée par un Testament de cette espèce, on ne l’écouteroit pas, si pour s’exempter de la continuer au Légataire il se présentoit pour attaquer la forme du Testament ; l’héritier a eu la facilité de s’éclaircir de sa validité, ou l’on presume qu’il ne l’a pas voulu : Arrét du 30 Juillet 1748. Bérault & Basnage sont pleins d’Arrêts qui n’ont confirmé les Testamens qu’à cause de la ratification de l’héritier ; mais s’il y a plusieurs héritiers, la ratification ne peut être opposée qu’à celui d’entr’eux qui l’a faite ; il a même été jugé, par Arrét du 21 Novembre 1656, que l’héritier du Testateur ne peut, au préjudice de ses créanciers particuliers ratifier un Testament nul : cet Arrêt est rapporté parBasnage .