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CCCCXVII.

Femme mariée ne peut tester d’aucune chose, s’il ne lui est permis par son Mari, ou que par son Traité de Mariage il soit ainsi convenu.

Il est contraire au Droit Romain, non-seulement parce qu’il ôte aux femmes. mariées la puissance de faire Testament, mais encore par l’exception qu’il apporte, lorsqu’il permet aux femmes de tester, pourvû que cela leur soit permis par leurs maris. Le Droit Romain au contraire, permet aux femmes mariées de tester : & d’ailleurs ôte cette faculté à ceux qui sont sous la puissance d’autrui comme sont les enfans de famille & les esclaves, encore que les peres ou maîtres en accordassent la permission ; parce que les Testamens ne doivent point dépendre d’autre volonté que de celle du Testateur.1

On peut demander, si la femme séparée de biens est comprise dans la prohibition de cet Article ; On pout dire, que pouvant disposer de les meubles, & de quelques immeubles, indépendamment & sans être autorisée par son mari, il semble qu’elle a le pouvoir de faire un Testament, sans aucune permission de son mari. Mais d’autre part, on objecte qu’outre que la conséquonce n’est pas bonne des contrats aux Testamens, la Coutume a déclaré en cet Article en termes généraux, & précis, que la femme mariée ne pouvoit tester qu’en deux cas qu’elle a exprimés, qui sont des exceptions qui confirment la Regle qu’elle avoit proposée. De plus, par l’Article CCCXCI, les menbles de la femme séparée appar-tiennent aprés la mort à ses enfans ; & quand elle n’a point d’enfans, ils doivent être employés à la nourriture du mari & à l’acquit de ses dettes, dont on doit inféren qu’elle n’en peut pas disposer par Testament, sinon du consentement de son mari.2


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La plupart des Auteurs ne conçoivent pas comment la femme peut avoir besoin de lautorisation du mari pour tester : cet acte, disent : ils, doit être indépendant de la volont : d’un tiers, on ne doit donc pas l’assujettir à l’inspection & au caprice d’un mari. Ils défendent cette opinion avec tant de chaleur, qu’ils estiment plus raisonnable d’interdire à la famme mariée la liberté de tester, que de consentir qu’elle ait besoin en cette occasion de Tautorité maritale : nous avons cependant douze ou treize Coutumes conformes à la nôtre, à l’exception que quelques-unes permettent à la femme de tester seule pour la cause pie.

D’ailleurs la femme a la faculté en Normandie de se réserver, par son Contrat de mariage. le pouvoir de tester : & Bérault aprés Coquille indique un moyen qui conserve eu mari son autorité, sans géner la liberté de la femme. il suffit, selonBérault , que le mari autorise sa femme pour tester ; mais il n’est pas nécessaire qu’il autorise singulierement chaque disposition ni même qu’il y soit présent.

La question est plus intéressante en Pays de communauté, parce que la femme peut disposer sur là part qui lui reviendra ou qu’elle transmettra à ses hétitiers. En Normandie, les meubles & acquêts appartiennent au mari, c’est ce que nous lisons dans la Loi Recian Majestatem, Chap. 38, mulier etiam sui juris, potest Testamentum facere, si vero fuerit. in potestate viri sui constituta, nihil sine viri sui autoritate etiam in ultima voluntate de rebus viri sui disponere potest, verumtumen piunt esset S marito valdé honeffun si rationabile Testumentum uxori sue concesserit.

Cependant la femme peut en se matiant se réserver ses meubles, soit en totalité ou enpartie ; & si elle en dispose par Testament, les Légataires auront, ditBérault , une hypo-theque sur les biens du mari, du jour du Contrat de mariage, passé devant Notaires : elle pourra encore disposer des acquets qu’elle auroit faits pendant un premier mariage & de sa part dans les conquêts de Bourgage ; mais son mari pourra rendre cette dernière disposition inutile, s’il aliene les conquêts pendant que le mariage subfiste :Basnage .

La femme pour tester ne pourroit pas, en Normandie, se faire antoriser par Justice, au refus de son mari, Basnage en rend cette raison : La femme étant sous la puissance de son mari il n’est pas obligé d’abdiquer une autorité qu’il tient de la Loi, en faveur d’un acte qui n’est pas nécessaire, & qui peut être préjudiciable à la femme : on a jugé ainsi par Arret du Parlement de Bretagne du 16 Février 163y, rapporté par Sauvageau sur du Fail, Liv. 2, Chap. 494 ; & par Chapel, Chap. 90.

Le Statut qui prescrit l’autorisation du mari dans les Testamens de la femme est un Statut personnel, & n’affecte que les femmes domiciliées sous les Coutumes qui exigent cette formalité ainsi le Testament fait par une femme domiciliée en Normandie sans autorisation de son mari est nul, tant pour les biens regis par notre Coûtume que pour les biens régis par d’autres Coutumes & d’autres Pays qui n’ont pas une semblable disposition.

Si la femme a son domieile hors la Coutume de Normandie & toute autre Coûtume où la femme n’a pas besoin d’être autorisée pour tester, son Testament est valable sans autorisation, même pour les biens situés en notre Province.

Basnage croit que la femme peut révoquer, sans le consentement de son mari, un Testainent fait sous son autorité : leBrun , Liv. 2, Chap. 1, en rend une raison fensible ; la femme qui a testé de son bien, dit-il, en révoquant son l’estament, le conserve, or elle n’a pas besoin d’autorisation pour conserver son bien-


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Il n’est pas clairement décidé que la femme séparée puisse tester sans l’autorité de son mari : il est vrai que la femme separée peut suivant le Réglement de 1688, Article CXXVI, disposer de ses meubles & des acquêts qu’elle aura faits depuis la séparation : mais ce Réglement ne concerne que les biens de la femme, sa personne demeure toujours engagée & soumise à l’autorité maritale : or la capacité de tester regarde la personne & ceux qui n’ont point la volonté libre, n’ont pas le pouvoir de faire un Testament. On a fuivi cette opinion au Parlement de Bretagne, & on a déclaré nulle, par Arrêt du 11 Avril 1633, rapporté parFrain , Chap. 111, une fondation de quinze livres de rente, faite par une femme separée & non autorisée par son mari ; le défaut d’autorisation fut le motif de l’Arrêt : cependant Basnage estime que la femme separée n’en a pas besoin.