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CCCCXXII.

Homme n’ayant Enfans, peut disposer par Testament ou Donation à cause de mort, du tiers de ses acquêts & conquêts immeubles, à qui bon lui semble, autre toutefois qu’à sa Femme & Parens d’icelle ; pourvu que le Testament ou Donation soit fait trois mois avant le décès, & qu’il n’ait disposé dudit tiers entre-vifs.

On peut faire fraude à cet Article, en vendant ses héritages & en les convertissant en meubles, desquels on disposera, ou en faveur de ses héritiers. immédiats, ou même de sa femme & des parens d’icelle : Il y en 2 deux Arrêts rapportés par Basnage ; ce qui paroit contraire à ce qui est disposé par l’Article CCCCXI. Ce même Auteur rapporte un autre Arrêt, par lequel il a été jugé, que l’héritier n’est pas recevable à prouver que le Teitament olographe a été antidate, pour faire fraude à cet Article : ce qui semble encore être contraire à la Coutume, qui requiert comme une conditiun nécessaire, que le Testament soit fait trois mois auparavant le déces ; ce qui doit être rendu constant, par une preuve certaine & indépendante de la volonté du Testateur, afin qu’il ne puisse pas contrevenir à l’intention de la Coûtume.

Quand il est dit, qu’on peut disposer du tiers de ses acquets, au cas de cet Article, à qui bon il lemble ; cela se doit entendre, pourvu que le légataire ne soit point héritier immédiat en la succession des acquêts, ni son bâtard, comme il sera expliqué sur les Articles CCCexXIV, CCcexxV, CCcoxxxI & CCCCXXXVII.1

Il faut de plus remarquer, que l’effet des donations testamentaires se référant toujours aprés la mort du Testateur, on estime la valeur de ses biens, non eu égard au temps que son Testament a été fait, mais au temps de son déces.

Par ce même principe, si un Testateur a fait plusieurs legs dans divers actes de donations à cause de mort, faits en temps différens, & que tous ces legs excedent la valeur du tiers des acquêts dont il pouvoit dispoler, il en faudra faire la réduction sur un chacun des legs, sans avoir égard ni à l’ordre de l’écriture, ni à celui du temps. Aliud siatuendum in donationibus inter viyos, que non possunt à posterioribus imminui, jure jam quesito.


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La Jurisprudence du Parlement de Paris est bien différente de la nôtre : le Testateur âgé de vingt-cinq ans, peut à Paris disposer par Testament du quint de ses propres, de tous ses acquets & de tous ses meubles ; & quoiqu’il ait donné entre-vifs une partie de ses propres, il peut encore tester du quint de ce qui lui reste ; il n’a point de temps limité pour faire ses dispositions, il les peut faire un jour, une heure, un instant avant sa mort ; mais il ne peut tien léguer à sa femme.

Nous verrons bientôt qu’en Normandie il n’est pas permis de disposer du propre ; mais l’Article CCCCXXII, en permettant de léguer des acquêts par Testament, désire la réunion de cinq conditions pour la validité de la disposition. 15. Que le Testateur ne laisse point d’enfans. 26. Qu’il n’ait pas testé au profit de sa femme ni de ses parens. 36. Que le Testament ait été fait trois mois avant son déces. 47. Que la disposition n’excede pas le tiers des acquéts. 5e. Qu’il n’en ait pas disposé entre-vifs.

L’Article CCCeXVIII, qui n’accorde au Testateur, ayant enfans, que la liberté de disposer du tiers de ses meubles, sembloit lui avoir suffisamment défendu de léguer en ce cas aucune portion de ses immeubles ; mais la prohibition portée par l’Article CCCCXXII va jusqu’à épargner l’induction.

On fait en cette Province marcher, au préjudice de la femme, la donation entre vifs & le Testament d’un pas égal. Comme le mari ne peut ni avant ni depuis la célébration du mariage donner aucun immeuble a sa femme, il n’est pas en son pouvoir de lui faire aucun avantage de cette espèce par Testament ; mais nous tolerons en faveur de la femme les legs universels ou particuliers de meubles sous la limitation de l’Article CCCCXXIN.

Basnage a raison de dire que quand les deux conjoints seroient domiciliés dans un pays où les Loix, Coûtumes ou Statuts permettent au mari de donner par Testament des immeubles à sa femme ; le legs des acquets, situés en Normandie, fait par le mari à sa fem-me, ne seroit pas moins nul, parce que l’exécution des donations depend de la Loi territoriale. La Coutume, pour prévenir l’interposition de personnes, prononce contre les parens de la femme, la même incapacité de recevoir du mari un legs d’acquêts, que coutre la femme même. On a cependant confirmé en Grand Chambre, une donation de cent livres de rente, pour récompense de services, faite par le mari à la cousine-germaine de sa femme : on ne peut tirer d’autre conséquence de cet Arrêt, si ce n’est qu’on tolere les dispo-sitions pour récompense de services estimables à prix d’argent, & quand il y a une proportion entre les objets donnés & la valeur des services rendus, car sans cette restriction. on pourroit faire fraude à la Loi, en empruntant la forme du legs rémunératoire. Mais on excepte de la rigueur de la Coutume, le cas de prédéces de la femme ; rien alors ne doit géner la liberte du mari, & ses héritiers n’ont plus a redouter l’interposition de personnes.

Le temps de survie, prescrit par la Coûtume, est de la forme substantielle de la disposition des acquêts ; & il ne suffit pas que le Testateur atteigne le dernier jour du délai, il faut qu’il y survive : ainsi jugé par Arrét du 11 Août 1747 ; on dit qu’il ne s’en falloit qu’une demi-heure que les trois mois ne fussent accomplis.

La qualité du Statut de survie du Droit Normand, a été long-temps différemment envisagée dans les divers Tribunaux. L’on a toujours jugé au Parlement de Rouen que le Sta-tut est réel.Basnage , sur cet Article, rapporte un Arrét de notre Parlement, qui déclarc nul le legs du tiers des acquets, situés en Normandie, fait par un Testateur domicilié à Paris, & qui n’avoit survecu qu’un mois à son Testament. Bérault a rapporté un Arrêt du 12 Juin 1G1o, qui est dans le même sens. Mais au Parlement de Paris on a jugé plusieurs fois que cette nécessité de survie de trois mois, imposée par l’Art. CCCexXII de notre Coûtume u Testateur, étoit un Statut personnel, & que par conséquent la disposition du tiers des acquêts, situës en Normandie, faite par un Testateur domicilié à Paris, étoit valable, quoiqu’il n’eûr pas survécu trois mois aprés son Testament.Tournet , sur l’Article CexeII de la Coûtume de Paris, cite un Arrêt du 30 Mai 1620 qui l’a ainsi jugé, &Augeard , Tom. 1, Chap. 15, rapporte un semblable Arrét du ; Avril 1699, rendu sur les Conclusions de M. Daquesseau ; ce même Auteur, en développant les moyens des Parties, rappelle encore deux Ar-réts conformes, l’un du 8 Août 1o8s, rendu sur les Conclusions de M. l’Avocat-Général Talon, & l’autre du 7 Septembre 16oi, au rapport de M. Féron Mais l’Article LXVIV. de la nouvelle Ordonnance sur les Testamens, décide que l’Article CCcexxil de notre Coûtume qui exige la survie de trois mois pour la validité des Testamens & autres dispositions à cause de mort, concernant les biens d’une certaine nature, ( ce sont les acquêts ) doit être regardée comme un Statut réel, de sorte que cet Article a son entier effet pour les acquêts situés dans les lieux régis par notre Coûtume, & n’en a aucun pour les biens situés en autre pays, en quelque lieu que le Testateur ait son domicile ou ait disposé, ainsi il est maintenant indubitable qu’un homme don lcilié en Normandie, pourra disposer de ses acquêts de Paris une heure avant sa mort, & que celui qui reside à Paris ne pourra valablement tester de ses acquêts Normands, à moins qu’il ne survive trois mois aprés son Testament.

Mais il semble que la Coutume exigeant une condition de survie de trois mois, il ne devroit pas être permis de disposer de ses acquets par un Testament olograplie : car il est facile d’eluder la Loi en antidatant un Testament, qui est toujours dans la puissance du Testateur. Cette réflexion a fait croire à Bérault que la date étant essentielle pour la vadidité du Testament, les héritiers devoient être admis à prouver l’antidate ; mais Basnage rapporte un Arrêt contraire du 2r Juin r622 : on trouve la raison de cet Arrét dans le Journal du Palais, Partie 3 ; c’est qu’il suffit que les Testamens olographes soient admis & autorisés par la Coutume, il suffit qu’elle permette de tester ainsi ; & quand on use de la liberté qu’elle a donnée, il ne faut pas aller plus loin que sa prévoyance, d’où l’Auteur du Iournal conclut qu’on ne seroit pas récevable, dans notre Coûtume, à dire qu’un Testament de cette nature n’a pas été fait trois mois avant le déces & qu’il est antidaté. Basna-ge rapporte un Arrêt du premier Août 183s, qui confirme une vente faite par la Testatrice, d’une partie de ses acquêts, aprés avoir par son Testament léqué le tiers des biens de cette nature & tous ses meubles, quoiqu’il fût constant, dans le fait, qu’elle n’avoit ainsi vendu que dans la crainte de ne pas survivre trois mois aprés son Testament.

La Coutume limite au tiers la faculté de disposer de ses acquêts, ainsi si la disposition excede le tiers, elle est réductible ; & entre plusieurs Legataires, la réduction se fait proportionnellement à la valeur de chaque legs.

Il est bien permis de donner entre-vifs tous ses acquets, quand ils n’excedent pas le tiers de tous les biens du Donateur, & qu’il n’y a pas divers héritiers, les uns aux propres & les autres aux acquêts ; mais on n’a pas la même liberté par Testament, comme on ne peut tester des propres, les propres ne peuvent entrer en balance & évaluation, lorsqu’il s’agit d’une disposition testamentaire.

Nous comprenons sous le nom d’hommes, l’un & l’autre sexe : la fille héritière & la veuve qui n’a point d’enfant, peuvent disposer du tiers de leurs acquêts, conformément à cet Article.

Ricard & plusieurs Auteurs vouloient que les donations à cause de mort ou les Testamens fussent révoqués par survenance d’enfans. Cette question est discutée dansSoefve ,Furgole , quest. 12, n. 31 & 32, pense même que le Testament est révoqué quand le Testateur meurt pendant la grossesse de sa femme, parce que le posthume est réputé né pour tout ce qui concerne ses avantages ; d’autres croient au contraire qu’il est inutile d’introduire une révocation légale, dans un cas où la seule volonté du Testateur suffit pour irriter le Testament, qui n’a d’ailleurs d’effet que du jour de son déces : ils remarquent cette difference, entre la donation entre-vifs & le Testiment, que le Testament étant confirmé par la mort, est un acte ambulatoire, au lieu que la donation entre-vifs étant par-faite, est irrévocable, de sorte qu’il falloir une Loi pour pouvoir révoquer les donations, à cause de la survenance d’enfans. Il faut avouer qu’il est facheux qu’un pere qui n’a que des acquets, puisse, dans les Coutumes où l’on peut disposer par Testament de la totalité des biens de cette nature, réduire à la légitime un enfant qui est encore dans le sein de sa mere, qu’il ne connoit point, & qui auroit été l’objet de toute sa tendresse, s’il avoit sur-vécu à son Testament & à la naissaince de cet infortuné, à qui on ne trinsmettra un jour le nom de son pere, qu’avec l’attache d’une indiscrétion contraire au voeu de la nature & qui dégénere en injustice. Notre Jurisprudence est simple soit qu’il survienne un enfant au Testateur apres la confection du Testament, soit qu’il legitime celui qui est le fruit d’un commerce illicite, soit enfi que l’enfant ne soit que concu au temps de la mort du Testateur, le Testament subsiste s’il n’a point été révoqué ; mais, 1o-le legs des acquets devient nul, parce que lors de son déces le Testateur a un enfant ou est réputé en avoit un : or, c’est une condition essentielle en Normandie, pour la validité de la disposition des acquets par Testamient, de n’avoir point d’enfans. 26. Le legs de la totalité des meubles est re fuit au tiers, suivant l’Article CCcCXVIIl de la Coutume : ainsi jugé par Ar-rét de ce Parlement du s’Février 1v2s ; on tenta inutilement contre cet Arrêt le pourvoi au Conseil & la Requête civile :Augeard , édit. in-fol. Tom. 2.