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CCCCXXVII.

Nul ne peut disposer de son héritage, & biens immeubles ou tenans nature d’iceux, par donation à cause de mort, ne par Testa-ment, ne en son Testament ; encore que ce soit par forme de donation, ou autre disposition entre-vifs, ou que ce fût en faveur des Pauvres, ou autre cas pitoyable, si ce n’est au Bailliage de Caux en faveur des Puînés, ou du tiers des acquêts, comme dit est ci-dessus.

Il ne limite point le pouvoir qu’ont les peres & les meres de régler le mariage de leurs filles par leur Testament, ou en l’arhitrant, ou en réservant les filles à partage, ou en leur faisant quelques donations aprés qu’elles sont mariées : ces dispositions étant approuvées ou comme une liquidation de mariage avenant ou comme un supplément de legitime. Voyez la remarque faite sur l’Article CCLIII.

Le Testateur ne peut faire de reconnoissance dans son Testament, pour donner un fondement à une donation prohibée par la Coûtume : Pour exemple, il ne peut reconnoître qu’une rente n’est point légitimement due, pour en pouvoir léguer la libération au débiteur, auquel il ne la pouvoit donner ; parce que ces reconnoissances sont présumées être faites en fraude de la Loi, qui défend de donner, suivant la Loi Qui testamentum, ff. De probationibus, & la Loi Cûm quis decedens, S. Titia, ff. De legalis 3 ; ce qui a fait dire à Barthole sur ce Paragraphe Titia semper confessio in uliima voluniate facta in fa-vorem incapacis, inielligitur in fraudem legis facta.1

On a jugé par plusieurs Arrêts, que les donations faites d’un propre par Testament, en faveur de l’Eglise, ou pour autre cause pieuse, comme pour fondation ou pour services, le pouvoient exécuter sur les meubles & les acquêts du Testateur, pourvû que le Testateur eût survécu trois mois, à l’égard des acquêts ; & les héritiers en ce cas, ne seroient pas recevables à dire, que les meubles ne seroient pas suffisans de porter la donation, à moins qu’ils n en eussent fait un bon Inventaire : Et partant il faut dire, qu’on fait porter les legs pieux sur tous les biens étant en la possession du Testateur, & dont il a pu disposer par son Testament ; comme quand il a légué quelque chose faisant partie de son propre ou de son acquêt, de laquelle il ne pouvoit tester : ce qui est contre la regle Quod voluit, non poiuit, quod potuit, noluit.

Cette exception est fondée lur ce qu’à l’égard des legs pieux, voluntates testatorum lalissimé interpretande sunt, quasi omnia voluerint, sine quibus legart Adimpleri non possuint ;Louet , a. 12. Ce qu’il faut entendre à l’égard des acquets, quand le legs n’est défectueux que faute d’avoir survécu par le Tes-tateur, le temps de trois mois défini par la Coutume, auquel cas on la feroit valoir sur les meubles. Car si le défaut de la donation des acquêts pro-vient de ce qu’elle excede la valeur de tous les biens du donateur, elle ne pourroit être prise ni en tout ni en partie sur les meubles, il la faudroit réduire préciément au tiers.2 Au reste, on peut prouver par cet Article, que la donation à cause de mort est distincte des legs ou donations testamentaires : La différence consiste en la forme, & non en la qualité ni en la quantité des choses que l’on donne ; la donation à cause de mort étant revétue de la forme d’un contrat, & les legs ou donations testamentaires ( à parler proprement ) ne se pouvant faire que dans un Testament. Sur quoi on peut remarquer la distinction faite en cet Article, de ce qui est fait par Testament, d’avec ce qui est fait en Testament, comme si ce qui est fait en Testament, n’étoit pas fait par Testament. Cette qu’ils ont été considérés comme des dettes du Testateur. Et par Arrét du 23. Mars de l’année 1628, la Cour confirma un legs fait par le Testateur à ses deux servantes d’une somme modique, & qui étoit proportionnée à leurs services, quoique l’héritier justifiât que le Testa-teur n’avoit laissé aucuns meubles.

distinction est subtile, & ne convient point à la simplicité d’une Loi, qui doit être concuë en termes clairs & de facile intelligence. Par ce qui est fait par Testament, on doit entendre, ou ce qui paroit avoir été la principale. intention du Testateur, ou les legs faits directement aux personnes des légataires : Et par ce qui est fait en Testament, on doit entendre, ou ce qui est ordonné outre la fin principale du Testateur, ou les charges imposées aux legataires en faveur de quelqu’autre ; qu’on peut appeller les soulegs. Mais on ne peut donner à cause de mort que les mêmes choses qu’on peut laisser par Testament ; c’est-à-dire, qu’on ne peut donner aucun propre, ni en plus avant que le tiers des acquêts ; & d’ailleurs comme les dispositions testamentaires sont toujours révocables par le Testateur, de même les donations à cause de mort, & celles qui sont réputées telles par la Coutume en l’Art. CCCCXLVII, sont toujours révocables par le donateur : Mayult enim se habere quûm donatarium ; ce qui fait la différence essentielle des donations à cause de mort & des donations entre-vifs. L’ancienne Coutume avoit fait un Article particulier pour les donations à cause de mort, où elle ordonnoit la même chose qu’à l’égard des legs & donations testamentaires, mais la nouvelle n’a fait qu’un Article des deux.


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La Loi Regiam Majgstatem dispose comme notre Article, de hareditate vero paternâ in ultim voluntate nihil potest disponere ( Testator. ) Cette Loi que je cite souvent est de Malcolme ou Malcolin second, qui, suivantLaurière , monta sur le Trone d’Ecosse en 1004.

Chopin , sur Paris, Liv. 1, Tit. 1, n. 21, rapporte un ancien Arrét de l’Echiquier de Paques, tenu à Caen l’an 1248, pour le Testament du Comte d’Auge, duquel Basnage croit que la prohibition de disposer des propres par actes de derniere volonté est dérivée.

Pasquier, tome 1, Liv. 2, Chap. 18, dit que l’esprit de nos Loix n’est point d’interdire la disposition testamentaire des acquêts, mais bien celles des propres ; ce Chapître de Pasquier est plein de reflezions sages sur le droit François.

Puisque la Coutume autorise la disposition des acquêts par Testament, le Testateur peut, lans doute, léguer une rente viagere à prendre sur les acquêts : Arrêt, en faveur du Légataire, du 27 Novembre 1732 ; il est même permis d’asseoir sur cette espèce de biens une refite perpétuelle, jusqu’à la concurrence de la quotité disponible, suivant la Loi municipale ; mais puisqu’il est défendu de donner des propres par Testament, on ne peut pas éluder la Loi en léguant des rentes à prendre sur les propres. Basnage rapporte les Arrêts qui ont déclaré de semblables dispositions nulles.

La confession en faveur d’un tiers est présumée frauduleuse & contraire au sens de cet Article, si elle n’est accompagnée d’aucun autre Titre, & si dans son exécution elle entrai-noit nécessairement la diminution des propres : il y a cependant des legs si favorables,


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Nos peres vivoient encore dans la superstition, lorsqu’ils transferoient les legs de propre pour la cause pie sur les acquêts, si le Testateur avoit survéeu trois mois, & dans le cas d’une mort plus prompte, ou au défaut d’acquêts sur les meubles. Delâ certaines décisions par lesquelles on a jugé rachétables les rentes pour fondations créées à perpétuité, quand elles étoient portées sur les meubles. L’Article LXXVIII de l’Ordonnance nouvelle, en prescrivant que ses dispositions seront exécutées, soit sur la forme ou sur le fonds du Testament, quand même le legs auroit la cause pie pour objet, rappelle non seulement les dispositions de l’Article LXXIV, qui concernent le legs des acquets, mais, contre l’avis des anciens Auteurs, prouve que les legs, pour la cause pie, sont assujettis à la Coûtume du domicile du Testateur, & à celles de la situation des biens ; il ne faut que du bon sens pour comprendre que l’on ne peut pas transférer le legs des propres sur les acquets, ou au défaut d’acquets sur les meubles, quand la volonté du Testateur n’est pas exprimee. Tout ce qui est nul ne peut produire aucun effet, quelque faveur que l’on veuille donner au legs ; il est, au contraire, vraisemblable que le Testateur n’a légué un bien qu’il sçavoit ou prévovoit ne devoir pas être dans sa disposition, que pour éviter le piége de le suggestion, & les importunités des Légataires.