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CCCCXXIX.

Le Mari n’ayant Enfans, ne peut donner de ses meubles à sa Femme, sinon jusqu’à la concurrence de la moitié de la valeur des héri-tages & biens immeubles qu’il possede lors de son décés ; & s’il a Enfans, il ne lui en peut donner qu’à l’avenant du tiers de ses immeubles.

Quoique la femme, comme tous les héritiers collatéraux, puisse être légataire des meubles de son mari, la Coûtume y a apporté une restriction, vou-lant prévenir que les maris, qui ont tout ou la plurait de leurs biens en marchandise, ne privassent entierement leurs héritiers de leur succession, en lé-guant tous leurs. meubles à leurs femmes, par un excés d’affection. Cet Article donc dispose, que le mari n’ayant point d’enfans, ne peut donner de ses meubles à sa femme, outre la moitié qui lui appartient, par l’Art. CCCXGII, sinon jusqu’à la concurrence de la moitié de la valeur de ses héritages & biens immeubles, & que Sil a des enfans, il ne lui en peut donner qu’à l’avenant du tiers de ses immeubles : Ce qui a fait juger, qu’un mari qui n’a voit aucuns immeubles, n’avoit pû léguer à sa femme aucune part de ses meubles, par un Arrêt du 28 de lévrier 1587, rapporté parBérault . Dont on doit conclurc, que suivant l’intention de la Coutume, une femme, lorsqu’il n’y a point d’enfans, ne peut avoir, tant comme héritière que comme legataire sur les meubles laissés par son mari, que la valeur de la moitié de tous les biens de la succession, soit que cette succession de son mari consiste tout en meubles, soit qu’elle consiste en meubles & en immeubles, qui soient d’une valeur moindre que la valeur des meubles ; mais que lorsqu’il y a des enfans, une femme ne peut avoir sur les meubles que la valeur du tiers de tous les biens de la succession. Ce qu’on peut expliquer clairement par un exemple, en supposant que le mari ait des meubles valant trente mille livres, & qu’il n’ait aucuns immeubles, ou que s’il en a, ils ne soient que de la valeur de six mille livres, la femme en ces deux cas, ne peut avoir sur les meu-bles, que la valeur de la moitié ou du tiers de toute la succession de son mari :

Car au premier cas, lorsque toute cette succession consiste tout en meubles, la femme ne peut avoir que la part que la Coûtume lui attribue en qua-lité d’héritiere, qui est la moitié quand il n’y a point d’enfans, & le tiers quand il y a des enfans ; & partant elle n’aura audit premier cas que quinze mille livres ou dix mille livres, les autres quinze mille livres squi sont la moitié ou les vingt mille livres Cqui sont les deux tiers ) demeurcront réservées, à l’exclusion de la femme, aux héritiers collatéraux ou aux enfans, de sorte que le mari n’en peut pas disposer en faveur de sa femme, comme il est statué par la Coutume en cet Article interprété comme il a été remarqué par ledit Arrét. Que si la succession du mari consiste en trente mille livres de meubles & en six mille livres d’immeubles, qui est le second cas, la femme, lorsqu’il n’y a point d’enfans, aura comme héritière la moitié des meubles, sçavoir quinze mille livres ; elle ne pourra avoir comme légataire, que la valeur de la moitié des immeubles, sçavoir, trois mille livres : elle ne pourra donc avoir en ces deux qualités d’héritière & de légataire, que dix-huit mille livres, qui sont la moitié de trente-six mille livres : ausquelles, suivant l’exemple proposé, confiste toute la succession, tant en meubles qu’en immeubles : Mais lorsqu’il y a des enfans dans le même exemple, la femme ne pourra avoir comme héritière, que le tiers des meubles, qui est dix mille livres, & comme légataire, que le tiers de la valeur des immeubles, qui est deux mille livres ; & partant elle ne pourra avoir, par rapport à ces deux qualités d’héritière & de légataire, que douze mille livres sur les meubles ; laquelle somme de douze mille livres, est la tierce partie de trente-six mille livres, en quoi consiste, comme il est supposé, toute la succession.1


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La restriction que cet Article met à la faculté que la Coutume laisse au mari de donner par Testament des meubles à sa femme, aura-t-elle lieu dans les Contrats de mariage Question vraiment intéressante & qui a été appointée pour être fait Réglement, par Arrét du 3 Février 1739. Il me semble, ditBasnage , qu’on ne doit pas considérer cette paction du mariage par laquelle le mari donne ses meubles à sa femme comme une pure do-nation, mais comme une clause par laquelle le mariage a pu être déterminé, l’Article LXXIII du Réglement de 16b8, n’ayant pour ob’et que de défendre au mari de donner de ses immeubles a sa femme, il lui réserve donc la faculté de disposer de ses meubles, qui est de droit commun : la donation faite par le mari n’est souvent qu’une compensation des effets que la femme lui apporte ; mais on oppofe que la Coûtume, dans le Chapitre des Donations, ne contient qu’un seul Article concernant la disposition des meubles ; que ce qui y a été omis doit être suppléé par le Chapitre des Testamens, & que l’intérét des familles n’exige pas moins l’usage de la restriction, dans le cas de la donation entre-vifs, que dans celui de la disposition par Testament. Nous avons un préjugé contre la donation entre-vifs, même en faveur des collatéraux. Rstichard Langlois & Anne Bouquet, s’étoient par leur Gontrat de mariage fait donation de tous leurs meubles l’un à l’autre, & au plus vivant des deux, s’ils n’avoient point d’enfans ; Anne Bouquet intenta action contre Ce cile Langlois, héritière de son mari, pour l’exécution de son contrat de mariage ; la donation fut confirmée par le Vicomte de Caen. Cecile Langlois, aprés avoir interietté appel devant le Bailli, se désista, & prit dans la suite des Lettres de restitution contre son desiste ment ; le Bailli la déboute des fins de ses Lettres, & ordonne que la Sentence du Vicomte sortira son effet. Sur l’appel en la Cour, Cecile Langlois observa que Richard Langlois n’avoit aucuns immeubles, que par la disposition de la Coutume, le mari qui ne laisse pas d’enfans, ne peut donner de ses meubles que jusqu’à la concurrence de la moitié de ses im-meubles, & qu’encore que la donation eût éte faite par Contrat de mariage, elle devoit être réputée testamentaire, puisque la donation ne devoit avoir son effet qu’aprés la mort de l’un ou de l’autre des conioints ; Anne Bouquet répondoit que cette donation n’étoit pas une donation entre mari & femme, parce qu’alors il n’y avoit pas de mariage entre les contractans, & qu’on ne pouvoit considérer la donation comme une disposition à cause de mort, étant irrévocable ; mais comme une clause du traité de mariage, cessant laquelle, le mariage n’eût pas été fait. M. le Guerchois, Avocat-Général, conclut à la cassation de la donation, & à ce qu’elle fût réduite à la moitié, suivant la Coutume ; mais il estima qu’attendu qu’Anne Bouquet avoit apporté des meubles à son mari, ils seroient repris sur la part des héritiers, pourquoi il en seroit fait estimation : par Arrêt en Grand Chambre du 14 Décembre 1677, la Cour en réformant & entérinant les Lettres de restitution obtenues par Cecile Langlois, déclara la donation nulle, & adjugea à la veuve Bouquet la moitié des meubles ; & un tiers sur l’autre moitié revenante à Cecile Langlois pour tenir lieu de reprise à la veuve Bouquet, & éviter les frais de l’estimation. On trouve cet Arrêt dans Basnage ; mais il est beaucoup mieux rapporté dans le Recueil de M.Bertheaume , à la suite du Traité sur le Tiers & Danger de M.

Gréard ; il étoit au surplus juste d’ordonner la reprise en faveur de la femme, ce qui n’étoit qu’une résultance de la question principale, sans cela la femme auroit été trompéer Le sort des donations testamentaires, faites par le mari à sa femme, n’est pas difficile à fixer : quand le mari n’a laissé aucun immeuble, les legs qu’il aura faits à sa femme doivent être déclarés nuls, puisqu’il ne peut y avoir de balance entre les meubles existans & des immeubles qui n’existent pas : aussi Bérault rapporte un Arrêt du as Février 158Y, par lequel la Cour, en interprétant la Coutume, reduisit le Testament de Pierre le Clerc, mort sans enfans, lequel avoir légué tous ses meubles à sa femme, à la moitié, ce qui fait dire à Bérault que cette moitié appartenant de droit à la femme, le Testament demeura comme nul pour le regard des meubles. Basnage accorde libéralementurer mari qui n’a que des meubles, la faculté de léguer à sa femme la moitié de la moitié de son mobilier, s’il n’a point d’enfans ; & S’il a des enfans, le tiers de cette moitié, son opinion n’est justifiée d’aucun Arrêt, on doit donc la considérer comme une simple opinion d’un Auteur célèbre : quelques-uns ont pensé que le mari peut léguer à fa femme, lorsqu’il ne laisse point d’enfans, le tiers de la moitié de ses meubles, & ce legs, disent-ils, tient lieu de douaire à la femme : ils citent encore un Arrét d’Audience du 13 Janvier 1701 mais, 16. la femme ne peut reclamer de douaire sur le mobilier de son mari, qu’en vertu d’une stipulation employce dans son contrat de mariage ; clause qui ne se supplée jamais, parce qu’elle n’est pas conforme au droit commun. 2O. L’Arrêt de 1701 ne décide pas la question. Dans le fait, la veuve reclamoit tous les meubles de son mari, en vertu d’une donation ; les héritiers du mari la contestoient, parce que le mari n’avoit laissé aucuns immeu-bles. Le Senéchal de Fécamp avoit adjugé à la veuve la moitié des meubles & le tiers sur l’autre moitié : la veuve appella en la Cour ; les héritiers du mari ne se pourvurent point con-tre le chef qui adjugeoit le tiers à la veuve : la Cour par cet Arrét confirma la Sentence.

Comme on ne voit point sur le Registre l’espece du contrat de donation, on peut supposer que ce dernier Arrêt est dans l’espèce de l’Arrét de 1677 ; cependant la femme aura plus que le même avantage dans le sentiment deBasnage , puisque le mari, qui n’a jamais cu d’immeuble peut, selon ce Commentateur, léguer à sa femme le quart de son mobilier, s’il n’a point d’enfans.

Les rentes viageres que le mari place pendant le mariage sur sa téte & sur celle de sa femme entrent dans le remplaceenent des propres aliénés : la question a été aiusi jugée le 3o Juillet 1745. Mais quand il n’y a point eu d’aliénation de propres, quand le fonds des rentes est provenu de la collaboration des deux époux, les ficritiers du mari peuventils demander part aux rentes perpétuées par la convention sur la tête de la femme ; On cite en faveur de la femme un Arrêt rendu au Rapport de M. de Boisguilbert le 3o Juillet 17I0. Mais dans le fait, le mari avoit laisse beaucoup de propres & de conquées. On cite un second Arrét du 22 Mars 1743, en faveur de la veuve du sieur le Breton ; les héritiers du mari soutiennent que ces rentes sont un avantage indirect & qu’elles ont leur source dans le découragement que les femmes inspirent à leurs maris d’acquérir ; mais on peut dire, en faveur de la femme, que la rente ne subsiste que par la femme, & à cause de la femme : la décision de cette question est artachée aux circonstances. Il faut examiner le taux de la rente viagere, & voir encore si elle n’excede pas le legs de meubles que le mari auroit pu faire à la femme. Quand un mari, qui n’a laisse aucuns immeubles, & dont les meubles meublans sont de peu de valeur, a placé sa fortune en rentes viageres sur deux têtes, si le double risque que court le débiteur a fait baisser l’intérét ordinaire, toléré dans ce genre de Contrats ce qui ne manque guere d’arriver ; on considere quelquefois la femme, non pas précisement comme la cause unique de la continuation de la rente mais aussi comme une personne que l’on désigne pour en fixer la durée, & l’équité veut que les héritiers du mari prennent part à la rente.

Un legs fait par le mari a sa femme, si elle ne se remarie point, est valable, & elle en sera privée en convolant en secondes nôces ; mais la claufse qui lui interdit un second mariage est nulle. Poyer, sur le legs pénal, une sçavante Dissertation de l’Auteur du Iournal du Palais à la suite d’un Arrét du Parlement de Paris du premier Août 167S, tome premier.