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CHAPITRE SEIZIEME. DES TESTAMENS.

L ES Testamens du Droit Coutumier peuvent se définir comme ceux du Droit Romain, encore qu’ils ne soient ni si importans ni si solemnels : On doit donc dire que ce sont des actes, par lesquels on déclare & on ordonne ce qu’on veut être fait apres sa mort.1 Ce que la Coûtume a ordonné touchant les Testamens, se peut rapporter à quatre distinctions : La première, de la forme des Testamens ; la seconde, de la capacité de tester, la troisieme, de la capacité de recevoir ce qui est donné par le Testament, & la quatrieme, des choses dont on peut tester. Il est à propus de les représenter sommairement, afin de donnor une connoissance généralede ce qui est compris sous ce Chapitre, auparavant que de venir à l’explication particulière des Articles dont il est composé.

Quant à la forme des Testamens, elle est beaucoup plus simple que celle qui étoit requise par le Droit Romain ; par lequel la puissance qu’avoient les Testateurs de disposer de tous leurs biens, exposant les Testamens à beaucoup d’embuches, il avoit été nécessaire de tûcher de les prévenir, par plusieurs formalités qui devoient être observées indispenfablement : Car quoique les Testamens fussent si favorables chez les Romains, que lorsque les Juges se trouvoient partagés en opinions sur les procés qui en résultoient, l’avis de ceux qui opinoient en faveur du Testament, devoit prévaloir, suivant la Loi Si purs, ff.

De inofficioso Teslamento : Néanmoins l’omission de la moindre des formalités prescrites pour la confection des Testamens, en faisoit juger la nullité. Mais. quoique dans le Pays coutumier la puissance des Testateurs ait été fort bornée, on est tres-exact à faire observer les formes des Testamens, de sorte qu’on estime que les formalités requises par les Coûtumes, ne fe peuvent point suppléer par équivalence, mais doivent être pratiquées exactemen-, suivant ce qui est preserit ad litteram ;Louet , R. 52. On ne reçoit pas même la preuve par témoins, que quelqu’une de ces formalités a été pratiquée, il faut que la preuve en soit établie par ce qui est référé dans l’acte du Testament : Pour exemple, on n’admet point l’offre de pourver par témoins, que le Testament a été lû au Testateur, avant qu’il l’ait signé,Louet , T. 12. La cause qu’on peut apporter de cette rigueur, est que les Testamens sont réputés n’être pas favorables, d’autant qu’ils sont contraires au droit des héritiers, établi par la Loi2. Or il y a deux formos de Testamens ; l’une solemnelle, qui requiert le ministere d’une personne publique & la présence de deux témoins irréprochables, elle est expliquée dans l’Article OCCCXII, & l’autre secrete, parce qu’il suffit que le Testament soit écrit & signé de la main du Testateur, elle est autorisée par l’Article CCCeXIII.

La capacité de tester dépend de la qualité de la personne : Les furieux sont incapables de faire Testament, par le défaut qu’ils ont de jugement, nullum ani-mi judicium habent : les mineurs peuvent tester, pourvû qu’ils ayent seize ans accomplis ; mais ce n’est que du tiers de leurs meubles, par l’Art. CCCCXV.

La femme mariée ne peut tester, à moins qu’elle ne se soit réservé cette puissance par son contrat de mariage, ou que cela ne lui soit permis par son mari, par l’Artiele CCCeXVII. L’Article CCLxxxV contient une exception, qui est, que la femme mariée peut disposer du tiers de Caux, de même manière que les peres de famille, indépendamment de la volonté de son mari. Tous ceux qui ne sont point au nombre des Citoyens, qui jura Civitatis, aut numquam habuerunt, aut amiserunt, sont dans cette incapacité, parce que le droit de tester dépend de la Loi, qui seule peut autoriser les personnes à faire l’alidnation de leurs biens, dans un temps que la mort leur en ôte la possession & la propriété : C’est pourquoi les Etrangers non naturalises, les condamnés à la mort ou au bannissement du Royaume, ou aux Galeres, pourvû que ce soit à perpétuité, ne peuvent tester ; les Religieux profes, quoique titulaires de Bénéfices, & qu’ils ayent l’administration libre du revenu d’iceux, de sorte qu’ils peuvent vendre & donner, ne peuven : néanmoins tester de leurs meubles ni de leurs acquets, qui appartiennent à leur Abbé ou à leur Monastere.

L’inhabileté de recevoir par Testament, provient semblablement de la qualité des personnes : les Etrangers, pone servi, les Religieux profes, sont in-capables de recevoir les legs qui leur sont faits. Les bâtards peuvent avoir les dons qui leur sont faits par toute sorte de personnes, soit entre-vifs ou par Testament ; il n’y a que de leurs peres & meres qu’ils sont incapables de recevoir des immeubles, par l’Article CCCCXXXVII, même l’Article.

CCCCXXVI, qui permet la donation des meubles, ne se doit pas entendre des bâtards nés ex incestuoso aut nefatio coitu, comme sont les enfans des Pretres, qui sont réputés indignes de ce qui leur est donné par le Testament de leurs pere ou mère, si ce n’est ce qui est nécessaire pour leurs alimens : Car encore que la rigueur des Loix civiles, qui devroient même les alimens aux enfans procréés des conjonctions incestueuses & criminelles, Authentéca e2 complezu, C. De ex incessis nupliis ; Authentica Lices, in fine, C. De naiuralibus liberis, ait été adoucie parle Droit Canon, au Chap. Cum haberes De co qui duxit in mairimontum quam per adulierium polluerat, de sorte que dans le pays coûtumier, on accorde à toutes sortes de batards les provisions alimentaires contre leurs peres & meres, & sur les biens de leurs successions ; on a néanmoins restreint les legs faits aux enfans nés ex néfario coitu, ad modum alimentorum, par les Arrêts du Parlement de Paris ;Louet , D. 1 & 43.

De plus, les enfans sont incapables de profiter des legs qui leur sont faits. par leurs peres & meres, au préjudice de leurs cohéritiers par l’Article.

CCCCXXIV.

Reste donc à discourir en général des choses qu’on peut laisser par Testament. La regle générale est qu’on ne peut donner par Testament, ni aucun acte réputé Testamentaire, comme est la donation à cause de mort, aucune partie des immcubles qu’on possede par droit successif, ni plus du tiers desbiens qui sont réputés acquêts : de sorte qu’on ne peut pas même testor, ni du véritable usufruit, ni de ce que la Coûtume appelle improprement usufeuit, qui est le revenu de quelques années, suivant l’Article CCCCXXVIII, & partant toute la faculté qu’on a de tester, est des meubles, & de la tierce partie. des acquets.

Sur quoi il y a plusieurs distinctions à faire à l’égard de la coudition des Testateurs, de celle des légataires, & de la qualite des choses léguées : Car la personne qui fait l’estament, ou est mariée, ou elle ne l’est pas, si ellen’est pas mariée, ou elle a des enfans habiles à lui succeder, ou elle n’en a pas, si elle n’en a pas, elle peut donner tous ses meubles à qui bon lui semble, & le tiers de ses acquisitions, suivant les Art. CCCeXIV & CCCCXXII, sans faire différence entre l’homme & la femme : Mais si la personne non mariée a des enfans, il est certain qu’elle ne peut disposer d’aucune partie de ses immeubles, encore qu’ils soient des acquêts, sinon du tiers de Caux en faveur des quinés.

a l’égard des meubles, il semble qu’on doit faire quelque différence entre

Phomme & la femme : Car il paroit que la femme qui a des enfans, ne peut tester que du tiers de ses meubles, par l’Article CCCCXXIII, qui ne distingue point si ces enfans de la femme sont fils ou filles : mais l’homme non ma-rié, qui a des enfans habiles à lui succéder, peut quelquefois disposer de tous ses meubles, si ces enfans sont des filles, dont le mariage ait été acquitté, suivant les distinctions faites par l’Article CCCCXIX, qui est une exception de l’Article CCCCXVIII, qui dit généralement, que le Testateur qui a des enfans vivans, ou descendans d’eux habiles à lui succéder, ne peut tester que du tiers de ses meubles.

Mais ( pour reprendre le premier membre de la division ) si les personnes sont mariées, il faut encore faire distinction entre l’homme & la femme ; car les femmes ne peuvent disposer d’aucunc chose par Testament, si ce n’est du tiers de Caux en faveur de leurs enfans puinés, par l’Article CCLXXXV, parce que hors de ce cas elles ne peuvent faire Testament, à moins que cela ne leur soit permis par leur maris, ou qu’elles ne s’y soient réservées par le contrat de mariage, comme il a été remarqué. Mais en tous ces cas ausquels la femme peut faire Testament, elle ne peut disposer que du tiers de ses meubles, quand elle a des enfans, sur lequel tiers, les frais de ses funérailles & les legs de son Testament doivent être portés, par l’argument de l’Article CCCCXVIII, qui déclare que l’homme qui a des enfans ne peut disposer que du tiers de ses meubles, & que ce tiers doit porter les frais de les funérailles & les legs testamentaires.

Quant au mari qui a des enfans, il faut dire la même chose qui a été dite de Thomme non marié, mais qui a des enfans ; car il ne peut disposer d’aucune partie de ses immeubles ni de ses meubles, finon d’un tiers ou de la moi-tié, suivant la distinction faite par l’Article CCCCXIX, & aux charges portées par ledit Article CCCCXVIII. Mais quand l’homme marié n’a point d’en-sans, il ne peut tester que de la moitié de ses meubles, parce que l’autre moitié appartient à sa femme ; mais il peut léguer le tiers de ses acquêts, pourvu que son lestament ou autre Acte de derniere volonté, soit fait trois mois avant son déces, & que ce legs ne soit point fait à sa femme ni aux parens d’icelle, comme il est expliqué par l’Article CCCCXXII, lesquelles limitations ne sont que pour l’immeuble ; car le meuble peut être légué à la femme, & conséquemment à ses parens, un moment avant la mort du Testateur : ce qui reçoit une autre restriction par l’Article CCCCXXIX, qui déclarc que le mari n’ayant enfans, ne peut donner de ses meubles à sa femme, que jusqu’à la concurrence de la moitié de la valeur des héritages & biens immeubles qu’il possede ; & que s’il a des enfans, il ne lui en peut donner qu’à l’avevant du tiers de ses immeubles.


CCCCXII.

Tout Testament doit être passé par-devant le Curé ou Vicaire, Notaire ou Tabellion, en la présence de deux Témoins idoines, âgés de vingt ans accomplis, & non légataires, présence desquels, le Testateur doit déclarer sa volonté, & s’il est possible, le dicter ; & aprés lui doit être lu le Testament présence de tous les dessusdits,

signé du Testateur, s’il le peut faire ; & si faire ne le peut, sera fait mention de l’occasion pourquoi il ne l’a pû signer ; même sera signé desdits Curé ou Vicaire, Notaire ou Tabellion, & Témoins.

La personne publique qui reçoit le Testament, doit avoir l’exerclée de sa Charge, dans le lieu où le Testament est fait, ce que la Coutume défigne par le pronom qui est demonstratif, d’une certaine personne, le Curé, le Vicaire, le Notaire, c’est-à-dire, du lien. Par Notaire, on n’entend pas l’Apos-tolique, qui a été déclaré incapable de recevoir les Testamens faits même par les Ecclesiastiques, par deux Arrêts rapportés par Basnage sur cet Article.

Loüet , N. 5. Mais parce qu’autrefois les Juges d’Eglise prenoient connoisiance des Testamens, les Curés & les Vicaires pouvoient recevoir les Testa-mens, & c’est ce qui les a fait autoriser par plusieurs Coûtumes, à pouvoir passer ces Actes, nonobstant qu’on ait rétranché l’usurpation que les Juges Ecciesiastiques avoient faite des causes testamentaires, & des autres matieres profancs & temporelles. Les Curés & les Vicaires ne peuvent communiquer ce pouvoir à d’autres ; néanmoins les Prêtres préposée par les Archidiacres pour desservir les Cures pendant l’année du déport, peuvent recevoir les Testamens, mais tous autres Ecclesiastiques n’ont pas ce pouvoir, même en temps de peste, comme les Capucins faisant la fonction de Curés envers les malades.3

L’Ordonnance d’Orléans, Article XXVII, a obvié à l’avarice, & aux suggestions des Curés & des Vicaires, en leur défendant de recevoir aucun acte de derniere volonté, dans lequel on leur feroit aucun don ou legs : ce qui a été expliqué par l’Article LXIII de l’Ordonnance de Blois, par lequel les

Curés & les Vicaires peuvent recevoir les Testamens, dans lesquels on fait quelques legs en faveur des Eglises, pourvuiqu’il n’en soit ppint fait aux Gurés ce Vicaires, iii à leurs parçhs ; c’est par cétté raison que la Gpûtume requiert que les témoins qui doivont être présens aux Testamens, ne soient pas legataires : elle a voulu en outre empécher les faussetés, les suggestions & les iur-prises, en ordonnant que le Testateur doit déclarer sa voionté en présence des Témoins, qu’il dicte son Testament ; c’est-à-dire, qu’il prononee les paroles qui le composent, s’il est possibles qu’ensuite le Testament lui soit lu aprés qu’il a été écrit, que cette lecture se fasse devant les mêmes témoins, & enfin, que le Testament soit signé du Testateur, de celui qui-le recoit & des témoins, ou au moins qu’il soit fait mention des causes pourquoi le Testateur n’a point signé.4


CCCCXIII.

Testament écrit & signé de la main du Testateur, est bon & valable ; ores que les solemnités prescrites au précédent Article, n’ayent été observées & gardées.

Le Teslament écrit & signé de la main du Testateur, est celui qu’on appelle olograpbe is l’un & l’autre est requis, néanmoins Bérault rapporte un Arrêt du 17 de Janvier 1608, epar lequel il fut jugé qu’un Testament non écrit de la mait du Testateur, mais seulement figné de lui, & depuis reconnu devant deux Notaires, étoit valable. Le contraire a été jugé au Parlement de Paris, qui a de plus jugé, que ce que le Testateur a écrit & signé de sa main, doit être en forme de Tesfament ; c’est-à-dire, que le mot de Tessament ou de derniere volonté, y foit exprimé : & de plus, qu’un Testament etoit nul, quand on avoit éorit par chiffre les fommes qu’on avoit léguées. ( i

Les Testamens militaires sont admis au Pays coutumier, & font une troisieme espèce, comme étant hors des formes expliquées par les Art. COCCXII & CCCCXIII ; mais il faut qu’ils soient faits dans le temps qu’on est à la guerre, ddin sunt in exneditione, & qu’ils, soient rediges par écrit, dle Divilége militaire dérogeant seulement aux solemnités requiles par less Coûtumes, mais non à l’Ordonnance, qui défend la preuve par Témoins, dans les matieres importantes, leBret , Livre-2. de-sas-Déoisions ; Décifion 4. Bamage rapporte un Arrét contraire, du 28 de Janvier 1638 touchant un équipage don-né par un Gentilhomme à son Valet de Chambre. Louet & son Commentateur, approuvent les Teflamens militaires nuncupatifs ; c’està-dire, qui n’ont point éte écrits, T. 8. 523.


CCCCXIV.

Homme non marié, ou n’ayant Enfans, après l’âge de vingt ans accomplis, peut disposer de ses meubles par Testament à qui bon lui semble.

La particule, oi, est conjonctive en cet Article ; car afin qu’un hommepuisse tester de tous ses meubles, il n’est pas seulement requis qu’il n’ait point d’enfans habiles à lui succéder, il faut de plus qu’il ne soit point marié : car Sil est marié, la moitié des meubles appartient à sa femme, dont il ne peut difposer par Testament, par les Articles CCCCXIX & CCCCXX. Et quand il est dit, qu’il peut disposer à qui bon lui semble in illo staturi generali sermone turpis persona non intelligitur, comme enseignent Louet & son Commentateur, D. 43.5


CCCCXV.

Ceux qui auront accompli seize ans, soit Fils ou Fille, pourront disposer par Testament du tiers du meuble à eux appartenant.

Il peut paroître étrange, que les mineurs puissent faire Testament ; mais cela ne leur est accordé que pour le tiers de leurs meubles, qui ne doit pas être fort considérable dans une luccession. Par le Droit Romain ceux qui avoient atteint l’age de puberté, qui étoit de quatorze ans accomplis pour les mâles, & de doule pour les femelles, pouvoient tester ; c’est pourquoi la substitution pupillaire finissoit par cet âge.6


CCCCXVI.

Les Bâtards peuvent tester de leur meuble, ne plus ne moins que font les Légitimes.

Les Bâtards peuvent donner entre-vifs & par Testament, parce qu’ils sont libres & citoyens.7


CCCCXVII.

Femme mariée ne peut tester d’aucune chose, s’il ne lui est permis par son Mari, ou que par son Traité de Mariage il soit ainsi convenu.

Il est contraire au Droit Romain, non-seulement parce qu’il ôte aux femmes. mariées la puissance de faire Testament, mais encore par l’exception qu’il apporte, lorsqu’il permet aux femmes de tester, pourvû que cela leur soit permis par leurs maris. Le Droit Romain au contraire, permet aux femmes mariées de tester : & d’ailleurs ôte cette faculté à ceux qui sont sous la puissance d’autrui comme sont les enfans de famille & les esclaves, encore que les peres ou maîtres en accordassent la permission ; parce que les Testamens ne doivent point dépendre d’autre volonté que de celle du Testateur.8

On peut demander, si la femme séparée de biens est comprise dans la prohibition de cet Article ; On pout dire, que pouvant disposer de les meubles, & de quelques immeubles, indépendamment & sans être autorisée par son mari, il semble qu’elle a le pouvoir de faire un Testament, sans aucune permission de son mari. Mais d’autre part, on objecte qu’outre que la conséquonce n’est pas bonne des contrats aux Testamens, la Coutume a déclaré en cet Article en termes généraux, & précis, que la femme mariée ne pouvoit tester qu’en deux cas qu’elle a exprimés, qui sont des exceptions qui confirment la Regle qu’elle avoit proposée. De plus, par l’Article CCCXCI, les menbles de la femme séparée appar-tiennent aprés la mort à ses enfans ; & quand elle n’a point d’enfans, ils doivent être employés à la nourriture du mari & à l’acquit de ses dettes, dont on doit inféren qu’elle n’en peut pas disposer par Testament, sinon du consentement de son mari.9


CCCCXVIII.

Le Testateur ayant Enfans vivans, ou Descendans d’eux habiles à lui succéder lors de son décès, ne peut disposer de ses meubles par Testament, en plus avant que d’un tiers ; sur lequel tiers, sont portés les frais des Funérailles & Legs Testamentaires.

Il fait connoître que la puissance de tester est extrémement bornée, quand le Testatesst à des descendans de lui habiles à lui succeder, puisqu’il ne peut tester que d’un tiers des meubles, & que même ce tiers ne peut être exempté de porter tous les frais des funérailles, & les legs faits par le Testa-ment.10


CCCCXIX.

Néanmoins, s’il n’a que des Filles jà mariées, & qu’il soit quitte de leurs Mariages, il peut disposer de la moitié, & l’autre moitié appartient à sa Femme.

La diversité d’expression qui est en cet Article & au CCexCIII a été remarquée ; & on a fait voir sur ledit Article CCCXCIII qu’il n’y avoit point de contrariété, parce qu’il s’agissoit en ces deux Articles, de sujets differens, en celui-ci, du pouvoir de tester ; & en l’autre, du droit qu’a la femme aux meubles de son mari. Mais ne doit-on point juger, que quoique ces expressions soient différentes, elles signifient néanmoins la même chose : c’est-à-di-re, soit que le pere ait promis de payer une somme d’argent absolument enaveur du mariage de ses filles, soit qu’il s’y soit obligé par une constitution de rente. Il semble que par être quitte du mariage, la Coutume entend tout ce qui a été promis : c’est-à-dire tant pour don mobil que pour la dot ; & que pour les meubles de l’Article CCCXCIII, on doit entendre précisément le don mobil, consistant en meubles.11


CCCCXX.

Et où sa Femme seroit prédécédée, il peut disposer du tout.

Il fait voir que le mari ne peut disposer de ses meubles par Testament, aupréjudice de la part que la Coûtume y donne à sa femme : Ce qu’il faut en-tendre de la femme qui n’est point séparée ; car si elle est séparce de biens, elle ne peut rien prétendre aux meubles, comme il est attesté par l’Article LXXX du Réglement du 1666, comme il a été remarqué sur l’Article CCCXCI.12


CCCCXXI.

Les Enfans émancipés succedent avec les autres non émaneipés, en rapportant par les émancipés ce qui leur a été donné.

Il est hors de son rang & inutile, il devoit être placé sous les Titres des Successions : & d’ailleurs, les émancipations ne sont plus en usage, le mariage. des fils de famille ayant le même effet que l’émancipation,Louet , ul. 18.13


CCCCXXII.

Homme n’ayant Enfans, peut disposer par Testament ou Donation à cause de mort, du tiers de ses acquêts & conquêts immeubles, à qui bon lui semble, autre toutefois qu’à sa Femme & Parens d’icelle ; pourvu que le Testament ou Donation soit fait trois mois avant le décès, & qu’il n’ait disposé dudit tiers entre-vifs.

On peut faire fraude à cet Article, en vendant ses héritages & en les convertissant en meubles, desquels on disposera, ou en faveur de ses héritiers. immédiats, ou même de sa femme & des parens d’icelle : Il y en 2 deux Arrêts rapportés par Basnage ; ce qui paroit contraire à ce qui est disposé par l’Article CCCCXI. Ce même Auteur rapporte un autre Arrêt, par lequel il a été jugé, que l’héritier n’est pas recevable à prouver que le Teitament olographe a été antidate, pour faire fraude à cet Article : ce qui semble encore être contraire à la Coutume, qui requiert comme une conditiun nécessaire, que le Testament soit fait trois mois auparavant le déces ; ce qui doit être rendu constant, par une preuve certaine & indépendante de la volonté du Testateur, afin qu’il ne puisse pas contrevenir à l’intention de la Coûtume.

Quand il est dit, qu’on peut disposer du tiers de ses acquets, au cas de cet Article, à qui bon il lemble ; cela se doit entendre, pourvu que le légataire ne soit point héritier immédiat en la succession des acquêts, ni son bâtard, comme il sera expliqué sur les Articles CCCexXIV, CCcexxV, CCcoxxxI & CCCCXXXVII.14

Il faut de plus remarquer, que l’effet des donations testamentaires se référant toujours aprés la mort du Testateur, on estime la valeur de ses biens, non eu égard au temps que son Testament a été fait, mais au temps de son déces.

Par ce même principe, si un Testateur a fait plusieurs legs dans divers actes de donations à cause de mort, faits en temps différens, & que tous ces legs excedent la valeur du tiers des acquêts dont il pouvoit dispoler, il en faudra faire la réduction sur un chacun des legs, sans avoir égard ni à l’ordre de l’écriture, ni à celui du temps. Aliud siatuendum in donationibus inter viyos, que non possunt à posterioribus imminui, jure jam quesito.


CCCCXXIII.

La Femme Veuve ayant Enfans vivans, habiles à lui succéder lors de son décés ne peut disposer par Testament ou Donation à cause de mort, que d’un tiers de ses meubles.

On a remarqué dans le Discours général, que la femme ayant des enfans, n’avoit pas le même pouvoir de disposer de ses meubles, que le mari, qui peut tester de la moitié, & quelquefois de la totalité de ses meubles, quand ses enfans sont des filles mariées, par les Articles CCCexI & & CCCCxx, mais Basnage répute cet Article inutile, estimant que la femme est comprise en la disposition des Articles CCCCXVIII & CCCCXIX : ce qui a de la répugnance aux termes qui y sont employés, & qui ne peuvent convenir qu’au mari.15


CCCCXXIV.

Pere & Mere par leur Testament, ne peuvent donner de leurs meubles à l’un de leurs Enfans plus qu’à l’autre.


CCCCXXV.

Et quant aux autres Personnes qui n’ont Enfans, ils pourront donner à leurs Héritiers ou autres personnes, telle part de leurs meubles que bon leur semblera.

Par la Coutume on ne peut être héritier & légataire ou donataire en la succession directe des ascendans, l’égalité devant être parfaitement conservée en-tre les enfans, qui ne peuvent renoncer, & se tenir au don qui leur aura été fait par leurs ascendans. Mais en la ligne collatérale, on peut être héritier & légataire ou donataire de la même personne, & ce en deux cas ; car un heritier, soit au propre & aux acquêts, soit en l’une de ces sortes de biens peut être légataire ou donataire entre-vifs de tous les meubles, & un héritier des propres peut être légataire de tous les meubles, & de la tierce partie des acquêts, laquelle même lui peut être donnée par donation entrevifs : Mais un héritier aux acquêts ne peut être légataire des propres, par-ce qu’on n’en peut disposer par Testament ; mais il peut être donataire entrevifs du tiers des propres, & légataire de tous les meubles. Il faut joindre à l’Ar-ticle CCCCXXIV le CCCCXXXIV, où cette matière sera traitée plus amplement.16


CCCCXXVI.

Le pere peut donner par son Testament à son Fils naturel avoué, telle part de son meuble que la Coutume lui permet donner à un Etranger.

Il le faut limiter par ce qui a été dit au Discours genéral des Bâtards nés ex nefario coilit, ausquels on ne peut laisser que les alimens : Ce que la. Coûtume semble avoir marqué par bâtard avoué.17


CCCCXXVII.

Nul ne peut disposer de son héritage, & biens immeubles ou tenans nature d’iceux, par donation à cause de mort, ne par Testa-ment, ne en son Testament ; encore que ce soit par forme de donation, ou autre disposition entre-vifs, ou que ce fût en faveur des Pauvres, ou autre cas pitoyable, si ce n’est au Bailliage de Caux en faveur des Puînés, ou du tiers des acquêts, comme dit est ci-dessus.

Il ne limite point le pouvoir qu’ont les peres & les meres de régler le mariage de leurs filles par leur Testament, ou en l’arhitrant, ou en réservant les filles à partage, ou en leur faisant quelques donations aprés qu’elles sont mariées : ces dispositions étant approuvées ou comme une liquidation de mariage avenant ou comme un supplément de legitime. Voyez la remarque faite sur l’Article CCLIII.

Le Testateur ne peut faire de reconnoissance dans son Testament, pour donner un fondement à une donation prohibée par la Coûtume : Pour exemple, il ne peut reconnoître qu’une rente n’est point légitimement due, pour en pouvoir léguer la libération au débiteur, auquel il ne la pouvoit donner ; parce que ces reconnoissances sont présumées être faites en fraude de la Loi, qui défend de donner, suivant la Loi Qui testamentum, ff. De probationibus, & la Loi Cûm quis decedens, S. Titia, ff. De legalis 3 ; ce qui a fait dire à Barthole sur ce Paragraphe Titia semper confessio in uliima voluniate facta in fa-vorem incapacis, inielligitur in fraudem legis facta.18

On a jugé par plusieurs Arrêts, que les donations faites d’un propre par Testament, en faveur de l’Eglise, ou pour autre cause pieuse, comme pour fondation ou pour services, le pouvoient exécuter sur les meubles & les acquêts du Testateur, pourvû que le Testateur eût survécu trois mois, à l’égard des acquêts ; & les héritiers en ce cas, ne seroient pas recevables à dire, que les meubles ne seroient pas suffisans de porter la donation, à moins qu’ils n en eussent fait un bon Inventaire : Et partant il faut dire, qu’on fait porter les legs pieux sur tous les biens étant en la possession du Testateur, & dont il a pu disposer par son Testament ; comme quand il a légué quelque chose faisant partie de son propre ou de son acquêt, de laquelle il ne pouvoit tester : ce qui est contre la regle Quod voluit, non poiuit, quod potuit, noluit.

Cette exception est fondée lur ce qu’à l’égard des legs pieux, voluntates testatorum lalissimé interpretande sunt, quasi omnia voluerint, sine quibus legart Adimpleri non possuint ;Louet , a. 12. Ce qu’il faut entendre à l’égard des acquets, quand le legs n’est défectueux que faute d’avoir survécu par le Tes-tateur, le temps de trois mois défini par la Coutume, auquel cas on la feroit valoir sur les meubles. Car si le défaut de la donation des acquêts pro-vient de ce qu’elle excede la valeur de tous les biens du donateur, elle ne pourroit être prise ni en tout ni en partie sur les meubles, il la faudroit réduire préciément au tiers.19 Au reste, on peut prouver par cet Article, que la donation à cause de mort est distincte des legs ou donations testamentaires : La différence consiste en la forme, & non en la qualité ni en la quantité des choses que l’on donne ; la donation à cause de mort étant revétue de la forme d’un contrat, & les legs ou donations testamentaires ( à parler proprement ) ne se pouvant faire que dans un Testament. Sur quoi on peut remarquer la distinction faite en cet Article, de ce qui est fait par Testament, d’avec ce qui est fait en Testament, comme si ce qui est fait en Testament, n’étoit pas fait par Testament. Cette qu’ils ont été considérés comme des dettes du Testateur. Et par Arrét du 23. Mars de l’année 1628, la Cour confirma un legs fait par le Testateur à ses deux servantes d’une somme modique, & qui étoit proportionnée à leurs services, quoique l’héritier justifiât que le Testa-teur n’avoit laissé aucuns meubles.

distinction est subtile, & ne convient point à la simplicité d’une Loi, qui doit être concuë en termes clairs & de facile intelligence. Par ce qui est fait par Testament, on doit entendre, ou ce qui paroit avoir été la principale. intention du Testateur, ou les legs faits directement aux personnes des légataires : Et par ce qui est fait en Testament, on doit entendre, ou ce qui est ordonné outre la fin principale du Testateur, ou les charges imposées aux legataires en faveur de quelqu’autre ; qu’on peut appeller les soulegs. Mais on ne peut donner à cause de mort que les mêmes choses qu’on peut laisser par Testament ; c’est-à-dire, qu’on ne peut donner aucun propre, ni en plus avant que le tiers des acquêts ; & d’ailleurs comme les dispositions testamentaires sont toujours révocables par le Testateur, de même les donations à cause de mort, & celles qui sont réputées telles par la Coutume en l’Art. CCCCXLVII, sont toujours révocables par le donateur : Mayult enim se habere quûm donatarium ; ce qui fait la différence essentielle des donations à cause de mort & des donations entre-vifs. L’ancienne Coutume avoit fait un Article particulier pour les donations à cause de mort, où elle ordonnoit la même chose qu’à l’égard des legs & donations testamentaires, mais la nouvelle n’a fait qu’un Article des deux.


CCCCXXVIII.

Nul ne peut disposer par Testament de l’usufruit de ses héritages ou d’autres biens réputés immeubles, non plus que de son héritage ; toutefois il en pourra disposer en récompense de ses serviteurs ou autres causes pitoyables, pourvu que l’usufruit n’excede le revenu d’une année.

L’usufruit fait partie du fonds, c’est pourquoi il n’est pas plus permis d’en tester, que de la proprité : In alienatione prohibira ususfrudus constitutio prohibeiur, l. finali, C. De rebus alienis non alienandis. Il est appellé abufivement dans cet Article, quand il est appliqué au revenu d’une année : l’usufruit, à parler proprement comprenant une jouissance qui ne finit que par la mort de l’usufruitier. Or ce revenu d’une année, n’est point adapté au payement des legs faits, ou pour récompense de services, ou pour autres causes pitoyables, aux termes de cet Article, si le Testateur ne l’a expressément ordonne Pour exemple, s’il a légué pour ces causes quelques sommes qui excedent la valeur de ses meubles, on n’étendra pas les legs sur l’année du revenu, si le Testateur ne l’a voulu par paroles expresses. Le Testateur peut donner tous ses meubles à qui bon lui semble, aux cas que cela lui est permis par la Coutume, & il peut léguer de plus la première année de son revenu, pour les causes que la Coûtume appelle pitoyables : c’est-à-dire, qui méritent de la commisération, comme pour l’aumone des pauvres, & le payenient des salaires dus aux serviteurs, & aux autres gens de condition misérable. Mais ce legs de la première année du revenu, peut-il être fait au préjudice des enfans ; parce que le legs des meubles en ce cas, n’est qu’à la charge de porter les frais des funérailles & les legs testamentaires, par l’Article CCCCXVIII, il semble qu’il seroit valable, la Coûtume l’ayant autorisé par forme d’exception, à cause qu’il it favorable, outre que ledit Article CCCCXVIII n’est que pour les legs faits des meubles.20


CCCCXXIX.

Le Mari n’ayant Enfans, ne peut donner de ses meubles à sa Femme, sinon jusqu’à la concurrence de la moitié de la valeur des héri-tages & biens immeubles qu’il possede lors de son décés ; & s’il a Enfans, il ne lui en peut donner qu’à l’avenant du tiers de ses immeubles.

Quoique la femme, comme tous les héritiers collatéraux, puisse être légataire des meubles de son mari, la Coûtume y a apporté une restriction, vou-lant prévenir que les maris, qui ont tout ou la plurait de leurs biens en marchandise, ne privassent entierement leurs héritiers de leur succession, en lé-guant tous leurs. meubles à leurs femmes, par un excés d’affection. Cet Article donc dispose, que le mari n’ayant point d’enfans, ne peut donner de ses meubles à sa femme, outre la moitié qui lui appartient, par l’Art. CCCXGII, sinon jusqu’à la concurrence de la moitié de la valeur de ses héritages & biens immeubles, & que Sil a des enfans, il ne lui en peut donner qu’à l’avenant du tiers de ses immeubles : Ce qui a fait juger, qu’un mari qui n’a voit aucuns immeubles, n’avoit pû léguer à sa femme aucune part de ses meubles, par un Arrêt du 28 de lévrier 1587, rapporté parBérault . Dont on doit conclurc, que suivant l’intention de la Coutume, une femme, lorsqu’il n’y a point d’enfans, ne peut avoir, tant comme héritière que comme legataire sur les meubles laissés par son mari, que la valeur de la moitié de tous les biens de la succession, soit que cette succession de son mari consiste tout en meubles, soit qu’elle consiste en meubles & en immeubles, qui soient d’une valeur moindre que la valeur des meubles ; mais que lorsqu’il y a des enfans, une femme ne peut avoir sur les meubles que la valeur du tiers de tous les biens de la succession. Ce qu’on peut expliquer clairement par un exemple, en supposant que le mari ait des meubles valant trente mille livres, & qu’il n’ait aucuns immeubles, ou que s’il en a, ils ne soient que de la valeur de six mille livres, la femme en ces deux cas, ne peut avoir sur les meu-bles, que la valeur de la moitié ou du tiers de toute la succession de son mari :

Car au premier cas, lorsque toute cette succession consiste tout en meubles, la femme ne peut avoir que la part que la Coûtume lui attribue en qua-lité d’héritiere, qui est la moitié quand il n’y a point d’enfans, & le tiers quand il y a des enfans ; & partant elle n’aura audit premier cas que quinze mille livres ou dix mille livres, les autres quinze mille livres squi sont la moitié ou les vingt mille livres Cqui sont les deux tiers ) demeurcront réservées, à l’exclusion de la femme, aux héritiers collatéraux ou aux enfans, de sorte que le mari n’en peut pas disposer en faveur de sa femme, comme il est statué par la Coutume en cet Article interprété comme il a été remarqué par ledit Arrét. Que si la succession du mari consiste en trente mille livres de meubles & en six mille livres d’immeubles, qui est le second cas, la femme, lorsqu’il n’y a point d’enfans, aura comme héritière la moitié des meubles, sçavoir quinze mille livres ; elle ne pourra avoir comme légataire, que la valeur de la moitié des immeubles, sçavoir, trois mille livres : elle ne pourra donc avoir en ces deux qualités d’héritière & de légataire, que dix-huit mille livres, qui sont la moitié de trente-six mille livres : ausquelles, suivant l’exemple proposé, confiste toute la succession, tant en meubles qu’en immeubles : Mais lorsqu’il y a des enfans dans le même exemple, la femme ne pourra avoir comme héritière, que le tiers des meubles, qui est dix mille livres, & comme légataire, que le tiers de la valeur des immeubles, qui est deux mille livres ; & partant elle ne pourra avoir, par rapport à ces deux qualités d’héritière & de légataire, que douze mille livres sur les meubles ; laquelle somme de douze mille livres, est la tierce partie de trente-six mille livres, en quoi consiste, comme il est supposé, toute la succession.21


CCCCXXX.

Les Exécuteurs Testamentaires sont saisis durant l’an & jour du trépas du Défunt des biens meubles demeurés après le décès, pour l’accomplissement du Testament, jusqu’à la concurrence des legs & autres charges, en faisant au préalable Inventaire, appellés les Héritiers ; & en leur absence, les plus prochains Parens : si mieux l’Héritier ne veut saisir l’Exécuteur Testamentaire des legs & charges en argent ou en essence.

Il déclare le devoir & les principales fonctions des Exéeuteurs Testamentaires.

Ils ne peuvent être forcés d’accepter cette commission, qui n’est pas nécessaire pour la validité, ni même pour l’exécution des Testamens : les légataires, & à leur défaut le Procureur du Roi ou Fiscal, pouvant poursuivre les héritiers pour laccomplissement du Testament : Au reste, l’office des Exécuteurs est gratuit, comme ce ui des amis les uns envers les autres. Ils doivent donc s’acquitter de leur devoir sans prétendre aucun falaire ; c’est pourquoi ils ne peuvent demander aucune chose pour leurs vacations, ils peuvent seulement répêter les frais qu’ils ont faits.22



1

L’ambition & l’indépendance avoient établi dans Rome la liberté de disposer de ses biens, au moment même où la mort va frapper le possesseur ; cette liberté n’avoit d’autres bornes que celle que vouloit y mettre le pouvoir le plus absolu. Un peuple destiné à donner des fers à toutes les Nations devoit s’élever au-dessus des droits du sang, & ne s’af-fecter d’autres intérêts que de ceux de sa patrie & de la gloire. Tandis que Rome offrit à l’univers le plus grand spectacle, on ne s’y occupa pas du soin de mettre des entravesaux Testamens elles n’ont paru que dans Rome dégénérée & flétrie par l’esclavage. Les Empereurs, rusés tyrans, sous prétexte d’adoucir la rigueur des Loix anciennes se proposerent successivement d’anéantir l’esprit primitif de la Constitution ; dela ce dédale de Loix nouvelles où l’équité gémit oppressée, & dont le sens, par les contradictions qu’elles renferment, est souvent impénétrable.

Les Testamens étoient inconnus chez les anciens Germains nos ancêtres ; il est étonnantque Tacite ait saisi ce trait pour le faire entrer dans. leur panegyrique, opposé à la cor-ruption de son siecle. Tacite n’auroit-il point connu les Germains à ils ne s’appliquoient pas à l’agriculture ; leurs habitations mobiles & changeantes représentoient des campemens & des stations militaires ; chez eux la cabane paternelle passoit aprés leur mort u plus jeune des enfans, à qui son âge tendre n’avoit pas encore permis de former unétablissement, ils ne pouvoient donc avoir l’idée des dispositions testamentaires.

Les Gaulois vaincus par les Romains adopterent les Loix de leurs vainqueurs dans les Provinces où ils sejournerent ; le surplus des Gaules se gouvernoit par ses usages. Delâ cette diversité de Jurisprudence sur les Testamens qui regne en France, entre les pays de Droit écrit & ceux de Coutume. Mais quelle fut la forme antique de tester dans le Pays Coûtumier à je crois qu’elle ne differa point d’abord de celle des donations entre vifs 3 le testateur se dessaisissoit avant de mourir de ce qu’il vouloit donner ; dans la suite, ce qu’il ne put donner sur le chamn, il déclara le donner en présence de ses parens & amis ; enfin ceux qui seurent écrire testerent par Lettres missives. Les peuples Transligéritains, dit un Auteur célèbre, distinguoient les Testamens des Codiciles, ce que ne faisoient pas les Cisligéritains. Transtigerani epistolas à testamentis distinguebant, non ita Neustrasii epistola est Codicillorum loco.Mabillon , Ch. 2, Liv. 1, de sa Diplomatique. La forme de tester, introduite dans les Coutumes par le Droit Canonique, est d’un usage moderne.


2

Du Moulin nous a laissé deux principes sur cette matière, quand les solemnités requi ses pour la validité d’un Testament sont exprimées dans le corps du Testament, on pré-sume qu’elles ont été accomplies, mais l’omistion ne peut être réparée par la preuve vocale. Solemnitas extrinseca que potuit adesse tempore confedi instrumenti pre sumitur si ex-primatur, : eae, consuetudo requirit hanc probationem ex ipsumet Testamentu, S hie non sufficit haberi aliunde tum propter falsa vitanda, & testium facilitaten ( ita Parisiis juaicatum per arrestum, duMoulin , sur le Chap. Ea noscitur que fiunt à prel. Idem, sur Sens, Article LXVIII.


3

On consulte dans la discussion d’un Testament la capacité du Testateur, la forme du Testament, & la situation des fonds dont il dispose. La capacité du Testateur s’estime par la Loi de son domicile, d’autant qu’il y auroit de l’injustice à assujettir un homme à la Loi d’urt pays qu’il parcourt sans defir d’y résider, & dont il ignore le plus souvent les dispositions.

Les formalités du Testament doivent être celles dulieu où le Testament a été fait ; car-la Loi seule du lieu où un acte se passe peut en certifier la vérité : Enfin dans la disposition des fonds on consulte la Loi de leur situation, puisque ces fonds faisant partie d’un térritoire déterminé, il est juste que la Loi du térritoire soit celle de cette espèce de biens ; mais les meubles sont inséparables de la personne : Boullenois quest. première.

L’Ordonnance du mois d’Août 1’35 sur les Testamens, ost un-monument précieux de la sagesse & de la science profonde de Pillustre M. Daguesseau ; comme elle regle les plus grandes difficultés, je crois devoir analyser les dispositions qui ont du rapport avec notre Droit municipal : la forme des Testamens nuncupatifs, des Testamens mystiques ; l’abrogation des Testamens mutuels entre les maris & les femmes ; la clause codicillaire, l’insti-tution d’héritiers, la légitime, la falcidie, la trébellianique, l’élection d’héritier : objeta. sans doute intéressans, mais inusités dans notre Jurisprudence. La forme de nos Testamens, celle des Testamens solemnels, la qualité de ceux que la Loi habilite à les recevoir, la qualite des témoins, les Tostamens olouraphes, les Testamens militaires, ceux faits en temps de peste, le Statut concernant la disposition des acquêts Normands, l’abrogation. des clauses dérogatoires : voila les points qui doivent nous attacher essentiellement.

Bérault avoit dit que les dispositions-testamentaires doivent être rédigées par écrit, à peine de nullité, & que la preuve par témoins n’en est pas recevable quand elles n’excéderoient pas cent livres ; l’Article I de l’Ordonnance est conforme à l’opinion de-Bérault .

Basnage & Ricard disent qu’au Parlement de Pordeaux on a recu des Testamens par fienes, eprés avoir pris toutes les précautions possibles pour connoître la volonté du Testateur ; l’Ordonnance : les rejette, quoiqu’ils ayent été rédigésepar écrit, rsur le fondement des signes.

On lit des Arrêts qui ont approuvé les Testimens par Lettres missives ; mais comme tetre matière de tester est sujette à des abus, l’Ordonnance l’a rétranchée.

Les Curés séculiers ou réguliers peuvent recevoir les Testamens dans l’etenduë de leur Paroisse, en y appellant deux témoins ; le Desservant a la même faculté, mais elle est interdite aux Vicaires, Article XXIII de l’Ordonnance.

Quoique l’Ordonnance permette au Testateur de faire son Testament devant deux Notaires ou Tabellions, ou en présence d’un Notaire ou Tabellion, & de deux tenoirs ; comme l’intention de la Loi n’est pas de déroger aux Coutumes, qui prescrivent dre les Testamens seront passés devant un Notaire & deux témoins, il semble qu’en Normandie un second Notaire n’y peut pas suppléer : Arrêt du 31 Ianvier 164s, dans la Coutu-me de Senlis, rapporté parRicard , des Donat. Part. 1, n. 1583.

Le Testateur doit dicter ses volontés ; le Curé, le Desservant, le Notaire doivent les écrire telles qu’il les dictera : on ne fuit plus un Arrêt rapporté dans le Journal des Audiences & cité par Basnage ; ils ne peuvent faire écrire le Testament par leurs Cleres même en leur présence ; il faut que celui qui est autorisé à recevoir le Testament l’écrive luieneme : ce point est de forme & doit être rempli, à peine de nullité.

Nous n’avons jamais eru, en Normandie, qu’il fallût insérer dans le Testament qu’il avoit été dicté, nommé, lu & relu, sans suggestion ; mais notre Coutume, de même que FOrdonnance, impose l’obligation de lire au Testateur ses dispositions & de faire mention de cette lecture dans l’acte-

Le Testament doit être signé du Testateur du Curé ou Desservant, Notaire ou Tabeifion, & des deux témoins qui y ont assisté ; & si le Testateur déclare qu’il ne sçait où peut signer il en sera fait mention : notre Coûtume veut que l’on exprime la cause pour laquelle le Testateur n’a pu signé.

Le Curé, le Desservant ou le Notaire ne peuvent recevoir le Testament quand ils sont Légataires ou proches parens des Légataires ou du Testateur.Ricard , des Donat. Part. 1 n. 1594, cite un Arrét, appelle vulgairement l’Arrét de Lestrade, qui fait défenses auNotaires de recevoir des Contrats, dans lesquels leurs cousins-germains & autres plus pro-ches sont intéresses ; & il rapporte n. 15os, un autre Arrêt du 22 Mai 1550, qui fait defenses aux Notaires d’instrumenter le pere avec le fils, le frere avec le frère, l’oncle avec le neven, le beau-pere avec le gendre.Ricard , n. 547, fait entendre que le Notaire ne doit pas être parent des témoins ; & que ce qui est dit de la parenté du Notaire avec le Testateer, lieu du Testateur avec les témoins

C’est une Maxime, en Normandie, que les témoins doivent être âgés de vingt ans aceomplis ; & quoique la Coutume, Article CCCexV, permette de disposer d’une pert : de ses meubles à l’âge de seize ans accomplis, les témoins ne doivent pas moins avoir l’cmarqué par la Coutume : Ordonnance, Article XXXIX.

On n’a point suivi l’opinion de d’Argentré & deRicard , qui ont cru que les fenirce pouvoient être apnellées dans un Testament comme témoins, & ces Auteurs arcient : : argumenté de la faculté qu’elles ont de témoigner, soit en Proces civils ou crimin. s P’Ordonnance vent que les témoins soient mâles.

Il faut que les témoins soient régnicoles & capables des effets civils ; cinsi les étrar vets & ceux qui sont dans le cas de mort civile, ne peuvent être témoins dans un Teftament.

On avoit jugé par plusieurs Arrêts du Parlement de Paris, que les Réguliers ne pouvoient servir de témoins ; on cassa même un Testament, par Arrêt du 21 Mai 1645, où l’on avoit appellé pour témoins deux Chanoines réguliers, dont l’un étoit Vicaire de la Paroisse, & l’autre employé dans la Sacristie : l’Ordonnance, Article XLIl, a fait de ces Arrêts une Loi générale.

Le Parlement de Paris fit un Réglement le 2 Juillet 1’os, sur les conclusions de M. le Nain Avocat. général, pour défendre aux Notaires d’employer dans les Actes & Test-mens leurs Cleres comme témoins, à peine de faux & de nullité : l’Ordonnarce, Article XIIII, fait la même défense, & elle l’etend aux serviteurs & domestiques de ceux qui recevront le Testament.

DaMoulin , sur l’Article LXXXXVI de l’ancienne Coûtume de Paris, qui défend comme l’Artiele CCLXXXIY de la nouvelle, aux témoins d’être Légataires dit que le Testament ne seroit pas nul s’il contenoit un legs modique en fayeur de celui qui l’auroit recu ou d’un des témoins, comme un legs de cent sous e hEc modica summa non debel vitiare Testamentum.Soefve , Tom. 1, Cent. 2, Chap. 88 ;Ricard , des Donât. Part. 1, n. 552, Journal du Palais ; mais l’Ordonnance, en ôtant aux Légataires indefiniment la faculté d’y assister comme témoins, a voulu écarter les décisions arbitraires sur le plus où le moins, & bannir tout sujet de suspicions des Testamens, Article XLIII.

L’Ordonnance n’entend pas exclure tous les reproches de droit contre les témoins maisRicard , Part. 1, n. 1357, observe que l’on considère la capacité du témoin au temps. du Testament, & qu’il suffit qu’il ait alors la capacité putative, c’est à-difé, suiyant la nûtoriété publique.

L’Erécuteur testamentaire, non Légataire, peut être témoin :Ricard , ibid, n. 554. & Basnage ; mais le témoin doit entendre la langae dans laquelle le Testateur dicte son lestament :Ricard , ibid, n. 1603.

Le membre de quelque Corps non régulier, peut être témoin dans un Testament ou ce Corps sera nommé Légataire ; aussi par Arrét du Parlement de Paris duMars 1857i un Testament recu par un Notaire, en présence de témoins de Nogent-le-Rôtroû, fut confirmé, quoique ce Testament contint un legs universel, fait par Bacquet au profif des habi-tans du lieu pour l’établissement d’un Collége.

Basnage dit qu’il a été jugé au Parlement de Paris que l’héritier n’étoit pas recevable à impugner un Testament, parce qu’un des témoins défavouoit sa signature, ni à prouver que l’autre témoin avoit signé dans l’absence du Testateur, & qu’on dunna plus de crédit au rapport des experts qu’au défaveu du témoin : cet Arrêt est tiré du Journal des Audiences. Suivant l’Ordonnance, Article XLVIII, les Notaires, Tabellions ou’autres personnes publiques, comme aussi les témoins qui auroient signé les Testamens sans avoir vû le Testateur & sans l’avoir entendu prononcer ses dispositions doivent être poursuivis à la Requête du Ministere public & condamnés : sçavoir, les Notaires, Tabellions ou autres personnes publiques à sa peine de mort, & les témoins à telles peines afflictives & infamantes qu’il appartiendra. On ne doute pas que les héritiers du Testateur ne puissent eux-mêmes intenter une accusation contre les personnes dénommées par l’Ordonnance & contre leurs complices ; mais on ne doit employer dans la plainte que des faits relatifs au cas prévu par l’Ordonnance, & dont la preuve soit possible.

La peine de ceux qui s’opposent à la confection d’un Testament est arbitraire, & dépend des circonstances de fraude & de violence ; il n’est donc pas possible de tracer sur cet objet une regle fixe. Ce qu’il y a de vrai, c’est que l’on n’admet pas indistinctement la preuve des faits concernant l’empéchement de tester ; on rétomberoit par une trop grande facilité dans l’inconvénient que la Loi veut éviter, quand elle proscrit les dispositions testamentaires verbales, & on courroit risque de supposer un Testament à un homme qui n’auroit jamais voulu tester.

Il n’est pas moins difficile à décider si la oreuve testimoniale de la suppression d’un Testament est recevable. M. l’Avocat-Général Talon a dit dans cette espèce que, dés que le demandeur en preuve prenoit la voie civile, l’Ordonnance, qui proserit la preuve par témoins, étoit générale, que l’admission de cette preuve seroit d’une périlleuse consequence ; les témoins qui déposeroient avoir vu un Testament ne pourroient pas sçavoir si ce Testament est véritable ou Sil est en bonne forme : il seroit facile au-demandeur en preuve de faire un faux Testament, de le faire voir de le supprimer & de demander la preuve de la suppression ; il ne seroit pas moins aisé de supprimer un Testament nul, quoique véritable ; & comme on demandoit à prouver que le Testament avoit été vu entre les mains de l’épouse du Testateur avant son déces M. Talon observa qu’il avoit bien pu lui confier son Testament, mais qu’elle avoit pu le lui remettre :Soefve , Cent. 3.Ricard , des Donat. Part. 3, Chap. 1, n. 11, dit que cet Arrét ne peut faire un préjugé contre la preuve vocale de la suppression, parce que le demandeur ne demandoit pas a prouver que la Dame de Maupeou, veuve de M. de Marescot, Maître des Requêtes, défendresse, étoit encore saisie du Testament aprés la mort de son mari, & qu’il avoit été supprime par son ordre ; mais quand les faits que l’on offre à prouver sont concluans, pourquoi, ditRicard , ne pas en admettre la preuve ; On ne doit pas faire plus de cas des biens d’un hom-me que-de sa vie. Or, on décide de la vie d’un homme sur la foi de deux témoins, si on n’admet pas cette preuve, P’héritier du Testateur pourra, au conspect de la multitude, jetter dans les flammes l’acte qui contient ses dernieres volontés. On ne peut pas opposer que la question de suppression doit être poursuivie extraordinairement : car, soit que l’or prenne la voie civile ou la voie criminelle, l’Ordonnance de Moulins ne s’applique qu’aux conventions ; ainsi raisonneRicard . Basnage pense au contraire qu’il est tres-dangereux d’admettre la preuve par témoins de la suppression d’un Testament, que plus le Testament seroit supposé de conséquence, plus on auroit de facilité à trouver des témoins complaisens.

Je pense de même, & ce qui me détermine, c’est qu’un Testateur qui a lieu de craindre la suppression de son Testiment, peut prendre des mésures, soit en le mettant dans un depût public ou entre les mains d’un ami fidele. Voyet cependant dans Basnage l’Arrét de Givry.

Les Testamens doivent être les interpretes d’une volonté libre ; les mouvemens d’unhaine injuste déreglent les puissances de l’ame. On convient qu’un Testament fait par : i pareil motif ne peut subsister ; mais cette question est beaucoup plus une question de fait que de droit. Le Juge prudent recherche dans les expressions même du Testament, le principe de la décision, si le Testiment est muet il a égard aux liens qui unissoient le Test : teur avec ses héritiers. On ne présume pas qu’un pere, une mére haissent leurs enfans sansujet ; mais aussi un parent collatéral semble avoir beaucoup plus de liberté de tester préjudice de ses héritiers : la voix du sang parle plus foiblement dans son coeur ; & sousent ceux qui contestent son Testament essaient de faire passer pour un mouvement de haine ce qui n’est que l’effet de l’indifférence : retour du peu d’attention qu’ils ont eu à mérit-r bienveillance du Testateur. Voyer leMaître , Plaidoyer 2o ;Erard , Plaidoyer ; : Ricard des Donat. Part. 1 ;Soefve , Cent. 4, Chap. 77 ; Journal du Palais, Tom. 1 & 2 ; 1out. nal des Audiences.

C’est par une suite de la Maxime, qui veut que la liberté regne dans les Testamens que la suggestion ou captation doit être bannie de ces actes ; mais pour être admis à artic-l.. des faits de suggestion, il faut justifier d’un commencement de preuves par écrit ou 2ae en sa faveur des présomptions tres-violentes.Ricard , des Donst. Part. 3, n. 28, a éc 1.. que quand les Notaires Tabellions ou autres personnes publiques ont inséré dens leTestamens qu’ils ont été faits sans suggestion de personne ; comme il s’agit de détruire le eontenu dans un acte authentique & lolemnel, il est nécessaire de s’inscrire en faux : Muis cet Auteur reconnoit qu’on a jugé le contraire par des Arrées ; & le L’égissateur convaincu de l’embarras d’une poursuite en inscription de faux, en a dispensé, dans ce cas, les héritiers du Testateur, per l’Article XI. VII de l’Ordonnance.

La preuve, par témoins de la démence du Testateur peut être aussi recue sans inscription de faux contre la déclaration du Notaire qui a recu le Testament ; mais il est fort avantageux d’avoir iei à présenter les adminicules qui doivent étayer les moyens de suggestion.

Il y a une raison particulière, ditRicard , de recevoir la preuve de la démence sans inscription, c’est que le Notaire, en attestant que le Testiteur est sain d’esprit, excede les limites de son pouvoir & fait la fonction de Juge. Journal des Audiences, Tom. 3, Liv. 12, Chap. 1. Joürnal du Palais ; Arrêtés de Lamoignon, des Testamens.

Rien n’est plus facile dans le pays coutumier que de révoquer un Testiment, un simele acte d’unevolonté contraire l’anéantit sans aucune formalité particuliere & il y a plusieurs Arrêts dans Soefve & dans le Journal du Palais, par lesquels il a étéjugéequ’un Testament nul, contenant une clause de révocation, avoitipudeçraire & casser un Tastament précédent, quoiue rédigé dans les formes du droit municipal-

Mais quand le Testateur a fait deux Testamens de diverse date, le second Testament ne révoque pas le premier de plein droit, ils subsistent au contraire llun & l’autre, à moins que Pintention du Testateur n’y resiste, parce que les Testamens ne sont eonfidérés parmi nous que comme des codieilles, ainsi jugé par Arrêts des 2 Août-173r & s Iuin 1752 : on a encore jugé la même chose en GrandiChambre, au Rapportde M. de Vigneral, le 22 Août 1757 : Dans le fait de ce dernier Arrêt, le Testateur avoit des effets considérables en Angleterre & en France ; aprés avoir disposé, par Testament, des effets qu’il avoit dans un de ces térritoires, il légua, par un second acte de la même espèce, tous les meubles qui se trouveroient aprés son déces : l’Arrét ordonna l’exécution des deux Testamens.

La révocation du Testament ne s’opere pas par le nombre des années, il n’y a point d’espace de temps qui puisse affoiblir la disposition du Testateur, quand il ne l’a point révoquée par une disposition contraire, quod enim non mutatur, quare stare prohibesur il faut donc, outre la longueur du temps, qu’il y ait preuve d’une volonté contraire, & que le changement de volonté soit absolu.

Basnage approuve l’usage des clauses dérogatoires ; c’est souvent, dit-il le moyen unique qui nous reste pour opposer aux caresses insidieuses d’une femme avide, ou aux im-portunités d’un faux ami, qui a pris sur nous trop d’ascendant. L’Article LXXVI de l’Ordonnance a abrogé les clauses dérogatoires. Il faut avouer, quelque respect que l’on fait pour les opinions deBasnage , que ces clauses étoient des germes féconds de Proces.

Ricard , des Donat. Part. 3, n. 80, nous apprend qu’elles n’avoient aucun fondement dans le droit, & que sous prêtexte de précautionner le Testateur contre les artifices de la suggestion, elles ont été plus d’une fois employées à la favoriser.


4

Il est certain, contre l’opinion deBretonnier , quest. de Droit, verb. Substitution, qu’en Normendie les substitutions, exprimées en faveur des personnes capables, ont lieu jusqu’à la concurrence des biens dont le Testateur peut disposer.

Quand une disposition est faite au profit d’un tiers pour en être fait emploi, suivant les intentions du Testateur, qu’il dit dans son lestament avoir déclarée à cette tierce personne, on est emberrasié lorsque les héritiers contestent l’exécution de cet actes Les Auteurs distinguent en cet endroit le legs universel du legs particulier : il est rare que l’on tolere le legs universel ; cchui qui laisse ses biens à la disposition d’un tiers, n’est pas censé avoir fait un Testament, une volonté étrangere domme dans la distribution de ses biens ; le fidei-commissaire peut les employer à des usages contraires à l’intention du Testateur, il est le maître de sa volonté, & le Testateur n’est plus le maître de ses Fiens. On n’approuve point, dit Brodeau sur Louet L, n. 5, les dispositions qui sont d’une somme indéfinie laissée à la volonté & arbitrage d’un tiers, Religieux ou autre qui pourroit en abuser, & épuiser entierement la succession en des serupules de conscience, qui est l’espece singulière d’un Arrêt du Joudi 28 Norembre 1637. Mais quand il apparoit de la volonté du Testnteur, continueBrodeau , d’une somme certaine par lui taxée & réglée dans son Testament, on confirme ces legs particuliers avec certaines précautions : ainsi juvé par un Arrêt célcbre du Parlement de Paris du 23 Décembre 158o, en faveur du Curé de Saint jacques de la Boucherie ; mais quoique la Cour fût persuadée de sa probité, craignant que la somme dont il demandoit la délivrance ne fût un fidei-commis tacite au prosit de la femme elle ordonna que le Curé affirmeroit devant un de Messieurs, que la femme ne participoit point au legs, & en conséquence da cette affirmation le legs fut confirmé. Nous avons suivi la même Jurisprudence à légard des legs particuliers ; Basnage rapporte des Arrêts des 7 Août 1S3 22 lévrier1Sçû & luin 16oi, qui, sur la déclaration qu’ils n’étoient point frauduleux, les ont approuvés ; ainsi ces fidei-commis, confiés à la discrétion d’un Curé, se foutiennent selon les grconstances ; ils sont exécutés quand ils sont modique ; & qu’il n’y a pas de soupçon d’un avantage indirect, défendu par la Loi ; c’est l’espece de deux Arrêts des 22 Novembre 16os & 2x Juillet 1745. Mais si les sommes sont considérables, & que la su-cession du Testateur soit obétée, on rejette ces sortes de dispositions sur la plainte des créanciers : Arrêt du 15 Mai 1733.

Quand la volonté du défunt n’est point justifiée par un Testament, si le Curé reconnoit que ce panticulier avant sa mort lui a remis une somme & se dit instruit de ses intentions, on rejette ces dispositions verbales, & on condamne le Curé à restituer la somme aux héritiers : Arrêt du d Avril 1759. Dans le fait de cet Arrêt, la somme formoit un objet considérable dans la succession.

Il ne faut pas confondre ces prétendus fidei commis, verbalement énoncés, avec la tradition réelle : car il est permis a une personne malade de faire à son ami un don de meubles sans écrit & par tradition réelle ; c’est l’avis de Ricard dans son Fraité des Donat. & ton a jugé de même en ce Parlement, par Arrét du 25 Fevrier 1755.

III Les Testamens olographes étoient inconnus aux anciens Romains ils furent introduits chez eux par une Novelle deValentinien , insérée dans le Code de Theodose, Liv.. on trouve la même disposition dans la Loi des Visigots, Liv. 2, Chap. 16 ; le Testament olographe est recu généralement dans la France coûtumière. L’Article XIx de l’Ordonnance en maintient l’usage, elle veut que les Testamens, Codicilles & autres dernieres dispositions olographes continuent d’avoir lieu dans les Pays & dans les cas où ils ont été admis jusqu’à présent ; mais les Testamens, Codicilles & dispositions de cette espèce doivent être entièrement ecrits, datés & signés de la main de celui qui les auta faits : Arti-ele, & de l’Ordonnance. La Loi nouvelle ajoute à notre Coûtume, en ce qu’elle prescrit la nécessité de la date. Bien des Jurisconsultes modernes ont cru que cette formalité est inutile, d’autant que le Testament n’est confirmé que par la mort du Testateur ; quelques Arrêts de ce Parlement ont approuvé des Testamens olographes sins date ; Basnage a combattu cette opinion avec toute la force du raisonnement. Il ne ine convient pas de répêter ce que dit ce grand homme j’observe seulement que la date du Testament sert à prévenir les questions sur la capacité du Testateur, elle sert encore à découvrir la supposition du Testamont : Ricard en rapporte une espèce. Un particulier avoit contrefait l’écri-ture du Testateur d’une manière à s’y méprendre, on ne s’appereut de la fausseté que par la date. Le Testament étoit daté d’un temps où le Testateur affoibli par la maladie avoit la main tremblante & les caracteres affoiblis, tandis que le Testament étoit. écrit d’une main ferme & hardie, telle cnfin que celle du Testateur étant en pleine santé. Si le faussaire n’eût point daté le Testament, il eût joui impunément du fruit de son crime. Il est encore à propos que le Testateur fasse mention du lieu où il a rédigé ses volontés, quand il n’a pas toujours résidé sous une Coûtume-où les Testamens olographes sont recus ; mais Basnage observe que le cas est rare, & que cette formalité n’est véritablement indispensable. que dans les Testamens solemnels, dans lesquels la capacité du Nofaire. ou autre personne publique qui les a recus, dépend de la circonscription du térritoire. Loyez Ricard des Donat.

Part. 1, n. 1497 & suivans.

Berault rapporte un Arrêt du 17 Janvier 16o8 par lequel la Cour déclare valable un Testament signé du Testateur, mais dont le corps étoit écrit d’une main étrangere, sous prêtexte que le même jour le Testament avoit été reconnu devant Notaires ; cet Arrêt est contraire a la Coûtume & à l’Ordonnance. Des que ce Testament étoit nul, la reconnoissance devant Notaire ne devoit rien opèrer, parce qu’elle n’étoit pas in-formd specifica. Il. ne suffit pas que la volonté du Testateur soit certaine elle doit l’être d’une maniere conforme à la Loi. Il est vrai qu’un Testament olographe, fait au desir de la Loi, ne subsiste-pas moins pour avoir été reconnu devant Notaire, quoique l’acte de reconnoissance soit défectueux, & c’est l’avis de Basnage ; mais on n’en doit pas conclure qu’une reconnoissance en forme, valide un Testament infecté du vice de nullité.

Quand ceux qui auront fait des Testamens, Codicilles ou autres dispositions olographes. veusent faire des voux solemnels de Religion, ils sont tenus de faire reconnoître ces actes davant Notaires avant que de faire leurs voeux ; s’ils ont négligé cette précantion, les Testamens, Codicilles ou autres dispositions demeurent nulles & de nul effet : Article Xl de l’Ordonnance : cette Loi est tres-sage. Si l’on autorise le Testament olographe, qui n’aura naru qu’apres la profession du Testateur ce sera donner à tous les Religieux profes la liberté de tester, parce qu’étant maîtres de ces Testamens, ils pourront les antidater ; & par cet artifice, difposer apres la profession de biens qui ne leur appartiennent plus.

Tant que le Testament est en possession du Testateur ce n’est qu’un projet flottant & douteux, ainsi quand il seroit possible de supposer que le Testateur a disposé avant sa Profession, qui assurera, quand le Testament ne paroit qu’aprés l’émission des voux, qu’il est l’ouvrage d’un citoyen libre ou d’un homme en état de mort civile 1 Voyer dans le Journal du Palais un Arrét rendu par le Parlement de Paris du S Février 1oys, qui déclare nul le Testament olographe d’une fille qui n’avoit été représenté que cinq ans apres la profession, quoique les dispositions fussent tres-favorables.

Un Testament olograplie, raturé en plusieurs endroits, sans que les ratures fussent approuvées, & apostille par une main étrangere, mais dont les apostilles n’ajoutoient que quelques mots oubliée par la Testatrice & pour corriger l’expression, a été déclaré nul, par Arrêt du Parlement de Paris du a Septembre 1677 rapporté par Gueret, sur lePrêtre , Cent 2, Chap. 70, & par le même Auteur dans le premier volume du Journal du Palais, avec les motifs de l’Arrét. Le Parlement de Paris a juge le contraire le 2S Bévrier 173r ; mais les ratures n’étoient point suspectes, les additions n’étoient point d’une main étrangere, tout étoit l’ouvrage du Testateur : Recueil d’Arrêts de la quatrieme Chambre des Enquêtes.Bérault , pour apprécier les ratures, donne cette regle : Suspedtum locum dicimus quando in verbis dispositivis facta est litura. Et il faut observer que les ratures, faites sans la participation du Testateur, ne donnent point atteinte à son Testament ; car il ne seroit pas juste, dit l’Auteur du Iournal du Palais, que la malice ou la témérité d’une main étrangere rendit unTestament inutile.

Le Test-ment olographe paroit à l’abri de la suggestion, la main & l’esprit du Testateur travaillent de concert à le rédiger, manibus ex corde dictat, il y a cependant des circonstances où il n’est pas plus difficile de faire écrire au Testateur un Testament que de le lui faire dictorà on Norastre ; c’est alors dans sa source qu’il faut sonder la disposition. Ricard reconnor quill y ades exemples dans lesquels on a admis la preuve de faits de suggestion, même contru des Testamens olographes. sa ) Le privilége des Testamens militaires, ditRicard , des Donat. Part. 1, n. 1417, & leur forme onrticulières est de n’en avoir aucune nécossaire, & de nêtre assujettis à aucunes des solommeésirequises pour la validité des Testamens ; il suffit que la volonté de Testataut isoit constante ; faciant igitur Testamenta quomodo volent, faciant quomodo poterunt sufficiat qua ob Sunorum suorum divisionem fuciendem nuda voluntas testatoris. Le même Auteur dit qu’on admettoit autrefois, au Parlement de Paris, les dispositions testamentairexvenbales des soldats : mais que cette Jurisprudence a cessé depuis l’Ordonnance de Moulins. Brodeau sur Louet T Som. 8, nous prouve combien il étoit important de fixer la forme des Testamens militaires. Basnage ne nous offre rien de certain. Bérault rapporte un Anût de ce Parlement du S Avril 162s, par lequel le Testament d’un soldat, recu en Savoie par un Religieux Observantin signé de ce Religieux & de deux soldats, mais non de Testateur, qui ne le pouvoit, à cause d’un tremblement de main, fut confirmé. L’Ordonnance dey3s a fixé notre incertitude sur la forme de ces Testamens : ceux qui servent dans los armées peuvent faire leurs Testamens en présence de deux Notaires ou Tabellions, ou d’un Notaire ou Tabellion & de deux temoins, ou en présence de deux Offi-ciers : sçavoir, ides Majors & Officiers d’un rang supérieur, des Prévôts des Camps & Arinées, leurs Lieutenans ou Greffiers, & des Commissaires des Guerres ou de l’un de ces Officiers, avec deux témoins, & en cas de maladie ou de blessures, le Testateur peut faire ses dernieres dispositions en présence d’un des Officiers des troupes ou d’un des Aumôniers des Hopitaux, avec deux témoins, quoique les Aumôniers fussent réguliers ; les étrangers non notés d’infamie peuvent servir de témoins. Les Testamens doivent être signés du Testateur, de celqui le racoit & des témoins ; si le Testateur ne peut signer, il faut en faire mention ; mais quand’il sçait ou peut signer il n’est pas nécessaire d’appeller des temoins qui sçachent ou puissent signer ; le Testament entièrement écrit, daté & signé du Testateur, est valable. Le privilége de tester militairement n’a lieu que pour ceux qui sont actuellement en expédition. militaire ou en quartier hors le Royaume ou prisonnier chez les ennemis ; mais ceux qui sont en quartier où en garison dans le Royaume doivent tester suivant les formes du Pays, si ce n’est qu’ils ne fussent dans une place assiégée, & dont la communication seroit interrompue à caule de la guerre. L’Ordonnance communique le même privilége à ceux qui n’étant ni officiers ni soldats se trouvent à la suite des armées ou cliez les ennemis, à cause de leurs emplois ou fonctions, les services qu’ils rendent aux Officiers, ou à l’occasion deila fourniture des vivres ou munitions des troupes ; mais il y a cette différence en-tre le Tostament de ceux qui servent dans les armées, & celui de ceux qui les fuivent senlements que les Testamens des premiers subsistent, quoiqu’ils quitrent le service & re-tournent dans leur patrie, au lieu que les dispositions des autres demeurent nulles, six mois aprés qu’ils sont revenus dans un lieu’où ils peuvent tester daus la forme ordinaire, si ce n’est qu’ielles eussent été faites dans les formes requises de droit commun, dans le lieu ou elles ont été rédigées.

Il n’y avoit pas moins d’incertitude sur les Testamens faits en temps de peste que sur les Testamens militaires : ils avoient toutes sortes de faveurs dans quelques Parlemens de Droit écrit ; & la Jurisprudence, usitée en la plupart des Coûtumes, ne les affranchissoit d’aucune des formalités à observer dans les autres Testamens.Ricard , Part. 1, n. G47 atteste qu’on jugeoit de même au Parlement de Paris ; & les Arrêts rendus au Parlementde Roüen les 18 Juin 1638 & 4 Août 1650, prouvent qu’on suivoit la même maxime. en Normandie. Dans un genre de maladie qui cause des terreurs extraordinaires, un malade est, en effet, sans cesse exposé a recevoir les impressions de ceux qui l’environnent, & des ames mercenaires sont à portée de faire un honteux trafic de leur crédit. La nouvelle Ordonnance veut qu’en temps de peste les Testamens soient faits en présence de deux Notaires ou Tabellions, ou de deux Officiers de Justice royale, seigneuriale ou municipale, jusqu’aux Greffiers inclusivement, ou par-devant un Notaire ou Tabellion, ou un des Officiers dénommés avec deux Témoins, ou en présence du Curé, Desservant, du Vicaire, ou autre Prêtre chargé d’administrer les Sacremens aux malades, quand même il seroit regulier, & de deux Temoins. Quand le Teslateur sçait signer, il suffit qu’il signe le Tes-tament conjointement avec celui qui l’a recu : il n’est pas nécessaire que les Témoins scachent ou puissent signer ; les Testamens olographes, conformes à l’Article & de l’Ordon-nance, doivent être exécutés de même que ceux de la première espèce, en quelque pays que ce soit, le privilége s’étend à ceux qui sont dans les lieux infectés de la maladie, encore qu’ils ne fussent pas actuellement malades ; mais les Testamens demeurent nuls six mois aprés que le commerce a été rétabli dans le lieu où le Testateur se trouve, ou qu’il a passé dans un lieu où le commerce n’est point interdit, si ce n’est qu’il eût observé dans ces actes les formes recues de droit commun dans le pays où ils ont été faits.

Lorsque l’héritier du Testateur a exécuté le Testament, il n’est plus recevable à l’arguer de nullité. Un Testament plographe est certainemene nul, quand il n’est point entièrement écrit de la main du Testateur, mais seulement signé de lui ; cependant, si l’héritier a payé pendant un long-temps, comme de dix anrées, les arrérages d’une rente viagere, léguée par un Testament de cette espèce, on ne l’écouteroit pas, si pour s’exempter de la continuer au Légataire il se présentoit pour attaquer la forme du Testament ; l’héritier a eu la facilité de s’éclaircir de sa validité, ou l’on presume qu’il ne l’a pas voulu : Arrét du 30 Juillet 1748. Bérault & Basnage sont pleins d’Arrêts qui n’ont confirmé les Testamens qu’à cause de la ratification de l’héritier ; mais s’il y a plusieurs héritiers, la ratification ne peut être opposée qu’à celui d’entr’eux qui l’a faite ; il a même été jugé, par Arrét du 21 Novembre 1656, que l’héritier du Testateur ne peut, au préjudice de ses créanciers particuliers ratifier un Testament nul : cet Arrêt est rapporté parBasnage .


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Plusieurs Coutumes du Royaume ont étendu leur prévoyance au dela de la nôtre : elles ne permettent point de faire une donation universelle de meubles à celui qui n’a point d’autres biens ; Lodunois, Chap. 25, Art. 11 Poitou, aix, 223, 224 3 la Rochelle, da, Bretes., 203. Les réserves, en donation mobiliaire, ont lieu dans ces Coutumes en faveur des héritiers. Rien ne paroit plus juste ; il y a dans les grandes Villes de commerce des gens qui ont tout leur bien en argent & en effets, & qui n’ont pas un pouce de terre, si ce n’est peut-être quelque jardin pour aller se promener, & on leur laissera la disposition libre des trésors immenses qu’ils ont en leur possession. On ne permet pas en Normandie de disposer, par Testament, de la moindre partie de son propre, par même d’un fonds de vingt sols de revenu ; & la Coûtume autonse un legs de 50000 écus, au préjudice des héritiers légitimes qui sont souvent dans l’indigence, d’où vient cette liberté sans bornes ; C’est que les anciens Normands n’ostimoient que les biens fonds, & dédaignoient les meubles.

Quand le Testateur a disposé de tous ses meubles on doit, avant que d’en ordonner la délivrance, examiner serupuleusement la forme du Testament & la qualité du légataire universel ; il faut recourir aux maximes expliquées sur l’Article CCCexxxIx, & dans le doute réduire ou annuller le Testament. On a déclaré par Arrêt du 11 Fevrier 1715 a. rapport de M. Pavyot de S. Aubin, les domestiques incapables de legs universels. Combien de personnes avides également redoutables aux héritiers On comprend sous le nom de meubles l’argent monnoyé, les billets & obligation. pour choses mobiliaires, & toutes les choses que la Coûtume répute meubles ; cependant il y a souvent de la difficulté à distinguer l’étenduë & les limites du legs. Le legs des meubles, déclarés par le Testament être répostés dans une maison particuliere, ne renferme pas les obligations & billets qui peuvent s’y trouver ; parce que, ditCochin , Consult. 30. ce ne sont pas des effets réels & existans, mais de simples actions qui ne sont pas plus dans un lieu que dans l’autre. Bérault avoit dit auparavant quia non continentur toco. Le legs de tous les meubles qui se trouveront dans une maison, de quelque nature qu’ils foient, comprend l’or & l’argent : Journal des Audien. tome premier. Le legs des meubles meublans, servant ordinairement dans la maison, s’étend a la vaisselle d’argent ta-bleaux & tapisseries : Journal des Aud. ibid. Mais le legs de tous les meubles meublans, vaisselle d’argent linges, tapisseries, habits, ne s’étend pas à l’argent monnoyé & aux obligations ; car l’énumération faite par le Testateut, fait présumer qu’il n’a voulu léguer que les objets énumérés. La meilleure regle qu’on puisse donner sur cette matière, est de consulter l’acception des termes dans le pays où le Testament a été fait & l’intentier vraisemblable du Testateur ; en observant que quand il n’y a point d’obscurité, il faut préférer le texte du Testament à tout argument d’équipolence.

Le Testateur ne peut léguer par son Testament ses bois à couper assis sur un héritage propre, par la raison que le bois est réputé faire partie du fonds, s’il n’est coupé : Arrét de l’Echiquier de l’an 1246.

On distingue deux especes de Légataires : les uns sont Légataires universels, les autres Légataires particuliers. On appelle Légataire universel celui à qui le Testateur a légué er termes genéraux tous ses biens disponibles par Testament ou par quotité, c’est-à dire, on Normandie, la moitié ou le quart de ses meubles, le quart ou le sixieme de ses acquêts : les Légataires particuliers sont ceux à qui il a été légué une somme fixe ou un corpe certain.

On a jugé par Arrêt du 14 Juillet 16yy, que quand un legs particulier est nul, il retourne au profit du Légataire universel, à l’exclusion de l’héritier ; dans le fait, une femme avoit légué 15o0 livres à une Communanté de Cordeliers ; le legs s’étant trouve nul, il fut adjugé par l’Arrêt au Légataire universel.

On peut léguer sous toutes sortes de conditions ; mais les conditions impossibles sont regardées comme non écrites dans les Testamens, quoiqu’elles influent sur les donations entre : vifs. quand le Légataire est créancier du Testateur, il conserve sa dette, si ce n’est qu’il ne parut clairement par les termes du Testament, que l’intention du Testateur a été de compenser la dette avec le legs. Journal du Palais.

L’ademption des legs présente quelquefois des questions épineuses : quand elle est expresse, il ne peut y avoir de doute ; mais il n’en est pas de même de l’ademption tacite, les Auteurs citent l’alienation ou l’échange de la chose léguée ; quand même l’échange auroit été déclaré nul, sa destruction par cas fortuit ou par la volonté du Testateur, la donation qu’il en auroit faite depuis le Testament, son changement de forme ou de substance ; ils ajoutent les inimitiés capitales, survenues entre le Testateur & le Légataire. On n’a point d’autre principe sur cette matière que celui qui peut sortir des circonstances.

Les Jurisconsultes ont fait de longues dissertations sur le droit d’aecroissement dans les legs : ils ont opposé les principes des Testamens à ceux des donations entre-vifs ; il faut rechercher la solution des difficultés dans le corps du Testament même : on n’applique pas toujours heureusement les distinctions qui naissent des différentes manieres dont les Légataires sont conjoints. VoyeyRicard , des Donat. Part. 3.

La transmission du legs n’a pas moins partagé les Docteurs : ils ont subtilisé sur la délation & la cession du legs, si le Légataire meurt avant le Testateur, le legs devient caduc : on a excepté, en faveur des enfans du Légataire, le legs fait à lui, & aux siens & ayant-causes, quoique le Légataire eût prédécédé le Testateur : Arrêét du Parlement de Paris du 23 Juin 1671 rapporté dans le Journal du Palais. On a jugé au même Parlement que le legs payabse aprés la mort de l’héritier, est transmissible aux héritiers du Légataire décédé avant Phéritier, & qu’il n’est point conditionnel.

L’héritier du Testateur doit prendre garde de se saisir confusément des meubles lorsqu’il y a un Testament, car il supporteroit alors les legs, ditBérault , à quelque sommes qu’ils pussent monter. Cette décision est rigoureuse si un héritier ignore le Testament, qu’il ait employé à son usage quelques meubles de la succession, & qu’il en ait même disposé ; ce n’est pas une raison de le forcer d’accomplir un Testament qui excédera souvent de beaucoup la valeur de la masse mobiliaire.


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Bretonnier , dans ses Questions de droit, verb. Testament, dit que si l’on vouloit fixer une Loi commune pour toute la France ; l’âge de pleine puberté pour tester paroit le plus convenable ; c’est-à-dire, l’âge de vingt ans pour les mâles, & celui de dix-huit ans pour les filles, & il pense que la saison déterminée par le droit Romain est encore bien foible ; mais cette Jurisprudence a son principe dans la faveur exorbitante que le droit Romain accorde aux Testamens ; il est facile de justifier nôtre Coutume : car outre les bornes étroites prescrites à la disposition, le mineur ne se préjudicie point ; s’il décede aprés la confection de son lestament il ne greve que ses héritiers, & s’il survit, il a toujours la liberté de le révoquer.

Il est de maxime que le Testament, fait avant l’âge que la Loi exige, est nul & que le laps du temps ne le confirme pas, par la raison que la validité d’un acte dépend de la capacité de la personne lorsqu’il le passe ; mais l’héritier du Testateur, qui oppose le défaut de l’accomplissement de l’âge, est chargé de la preuve-Godefroy avoit cru que le tiers du meuble se prenoit sur la succession du Testateur comme du jour du Testament, & il se trompoit. Bérault a remarqué que l’on considéroit le temps du Testament pour ce qui concerne la capacité du Testateur ; mais que quand il s’agit de l’exécution du legs, on fe regle sur le temps du déces de celui qui a disposé c’est aussi l’opinion deBasnage , ainsi si le mineur, devenu majeur, laisse une riche succession mobiliaire, le Légataire doit en profiter.


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Laurière , surRagueau , verb. Bâtardise, &Boullenois , quest. 1o, ont sçavamment disserté sur l’état des Bâtards ; ils nous les dépeignent sur le déclin de la maison de Charlemagne & au commencement de la troisieme Race, ou assujettis comme les Serfs aux droits de Chevage & Formariage, & autres servitudes dont ils ne pouvoient s’affranchir qu’en se faisant avouer d’un seigneur qui en avoit le droit & quelquefois du Roi comme souverain Fieffeux, suivant l’expression du temps, ou vivans en personnes libres, mais mourans en esclaves & incapables de tester. Consultez l’ancien Coutumier, Chapitres d’Empéchement de succession & de Dons de peres à leurs enfans. Il dit que le bâtard peut acquérir des héritages, & qu’il peut les donner, vendre & engager : ainsi les batards, des le temps de la rédaction, jouissoient des droits de Citoyen, si on excepte la faculté de succéder que la Loi leur refuse à cause de la tache de leur naissance.


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La plupart des Auteurs ne conçoivent pas comment la femme peut avoir besoin de lautorisation du mari pour tester : cet acte, disent : ils, doit être indépendant de la volont : d’un tiers, on ne doit donc pas l’assujettir à l’inspection & au caprice d’un mari. Ils défendent cette opinion avec tant de chaleur, qu’ils estiment plus raisonnable d’interdire à la famme mariée la liberté de tester, que de consentir qu’elle ait besoin en cette occasion de Tautorité maritale : nous avons cependant douze ou treize Coutumes conformes à la nôtre, à l’exception que quelques-unes permettent à la femme de tester seule pour la cause pie.

D’ailleurs la femme a la faculté en Normandie de se réserver, par son Contrat de mariage. le pouvoir de tester : & Bérault aprés Coquille indique un moyen qui conserve eu mari son autorité, sans géner la liberté de la femme. il suffit, selonBérault , que le mari autorise sa femme pour tester ; mais il n’est pas nécessaire qu’il autorise singulierement chaque disposition ni même qu’il y soit présent.

La question est plus intéressante en Pays de communauté, parce que la femme peut disposer sur là part qui lui reviendra ou qu’elle transmettra à ses hétitiers. En Normandie, les meubles & acquêts appartiennent au mari, c’est ce que nous lisons dans la Loi Recian Majestatem, Chap. 38, mulier etiam sui juris, potest Testamentum facere, si vero fuerit. in potestate viri sui constituta, nihil sine viri sui autoritate etiam in ultima voluntate de rebus viri sui disponere potest, verumtumen piunt esset S marito valdé honeffun si rationabile Testumentum uxori sue concesserit.

Cependant la femme peut en se matiant se réserver ses meubles, soit en totalité ou enpartie ; & si elle en dispose par Testament, les Légataires auront, ditBérault , une hypo-theque sur les biens du mari, du jour du Contrat de mariage, passé devant Notaires : elle pourra encore disposer des acquets qu’elle auroit faits pendant un premier mariage & de sa part dans les conquêts de Bourgage ; mais son mari pourra rendre cette dernière disposition inutile, s’il aliene les conquêts pendant que le mariage subfiste :Basnage .

La femme pour tester ne pourroit pas, en Normandie, se faire antoriser par Justice, au refus de son mari, Basnage en rend cette raison : La femme étant sous la puissance de son mari il n’est pas obligé d’abdiquer une autorité qu’il tient de la Loi, en faveur d’un acte qui n’est pas nécessaire, & qui peut être préjudiciable à la femme : on a jugé ainsi par Arret du Parlement de Bretagne du 16 Février 163y, rapporté par Sauvageau sur du Fail, Liv. 2, Chap. 494 ; & par Chapel, Chap. 90.

Le Statut qui prescrit l’autorisation du mari dans les Testamens de la femme est un Statut personnel, & n’affecte que les femmes domiciliées sous les Coutumes qui exigent cette formalité ainsi le Testament fait par une femme domiciliée en Normandie sans autorisation de son mari est nul, tant pour les biens regis par notre Coûtume que pour les biens régis par d’autres Coutumes & d’autres Pays qui n’ont pas une semblable disposition.

Si la femme a son domieile hors la Coutume de Normandie & toute autre Coûtume où la femme n’a pas besoin d’être autorisée pour tester, son Testament est valable sans autorisation, même pour les biens situés en notre Province.

Basnage croit que la femme peut révoquer, sans le consentement de son mari, un Testainent fait sous son autorité : leBrun , Liv. 2, Chap. 1, en rend une raison fensible ; la femme qui a testé de son bien, dit-il, en révoquant son l’estament, le conserve, or elle n’a pas besoin d’autorisation pour conserver son bien-


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Il n’est pas clairement décidé que la femme séparée puisse tester sans l’autorité de son mari : il est vrai que la femme separée peut suivant le Réglement de 1688, Article CXXVI, disposer de ses meubles & des acquêts qu’elle aura faits depuis la séparation : mais ce Réglement ne concerne que les biens de la femme, sa personne demeure toujours engagée & soumise à l’autorité maritale : or la capacité de tester regarde la personne & ceux qui n’ont point la volonté libre, n’ont pas le pouvoir de faire un Testament. On a fuivi cette opinion au Parlement de Bretagne, & on a déclaré nulle, par Arrêt du 11 Avril 1633, rapporté parFrain , Chap. 111, une fondation de quinze livres de rente, faite par une femme separée & non autorisée par son mari ; le défaut d’autorisation fut le motif de l’Arrêt : cependant Basnage estime que la femme separée n’en a pas besoin.


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Cet Article se trouve dans la Loi Regiam Majestatem, una pars debetur haredi ( id ost liberis, dit le Scholiaste ) fecunda uxori, tertia reservatur Testatori.

Les enfans ne sont point obligés de garder cette espèce de legitime mobiliaire à leurs ascendans ; car on n’étend point les dispositions singulières de la Coûtume.

Les Légataires, en outre les frais funétaires, sont chargés du tiers des dettes mobiliaires & du remplacement des propres au defaut d’acquêts, & les Légataires particuliers n’en so-t pas plus exempts que le Légataire universel. Nos Commentateurs pensent que, nonobstant Pinventaire ils sont susceptibles de ces charges, ou qu’ils doivent anandonner les lens : C’est même une sage précaution que de se réserver, lors de l’acceptation, la faculté de les répud dans la suite, en rétablissant les choses dans leur premier état. On a recu, par Arrét du premier Mars 1748, un Légataire à renoncer à son legs, apres l’avoir accepté & s’être saisi des papiere du défunt ; mais il ne les avoit demandés que comme fonde de Procuration du Testateur, & les meubles & effets de la succession avoient été enfermés dans une Chambre, dont ce Testateur, décédé hors de son domicile, avoit emporté la clef en partant.

Les Légataires particuliers ne sont point tenus à Paris des dettes du Testateur, quand il n’y a point de Légataire universel ; le parti le plus ordinaire des héritiers est alors de s’arrêter à l’espèce de biens dont la Coutume défend de disposer par derniere volonté, quand les dettes excedent cette quotité de biens, les dettes diminuent alors les legs, & c’est leur ressource pour faire contribuer aux dettes les Légataires particuliers :Duplessis , des Donat. entre-vifs & Testament.

Quand les legs sont réductibles, l’opération se fait au marc la livre, sans avoir égard à la date des Testamens ou Codicilles, & moins encore à l’ordre de l’écriture. Tutimentunt in mortuis confirmatum est, alioquin non valet cum vivit qui testatus est :S. Paul , Ep. aux Galates ; le Titre des légataires est donc le même.


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L’Article CeCexIx oecasionne un doute qui se présente naturellement : si le pere a payé les meubles promis à ses filles, en les mariant, la femme aura, suivant l’Article CCCXCIII, la moitié de la succession mobiliaire de son mari, quand même le mariage des filles seroit alors dû. Quelle sera donc la part qu’il pourra léguer en ce dernier cas ; S’il légue le tiers de la totalité des meubles, il ne restera aux filles qu’un sixieme, s’il ne légue que le tiers de la moitié, son pouvoir sera plus borné que s’il avoit des enfans mâles.

Il y a une difference entre l’Article CCCxeIII, qui a pour objet, par suite de l’Article. précé dent, de régler la part des femmes dans le mobilier du mari, & l’Article CCCexix qui concerne la faculté de disposer du Testateur : il ne suffisoit donc pas de dire, dans l’Article CCCexIx, ce que le Testateur pouvoit faire quand il n’a que des filles, dont le ma-riage est payé, il falloit encore déterminer son pouvoir lorsqu’il ma point rempli cet engagement. On ne peut pas dire que ce dernier cas est réglé par l’Article CCCexVIII : car cette moitié de meubles, que la femme emporte en vertu de l’Article CCeXCIII, semble indiquer une autre combinaison.

Basnage dit avec raison que Bérault & Godefroy ont mal entendu l’Arrêt de Sotvast du S.

Juillet rooz, si la Cour réduisit au tiers le legs universel mobilier, fait par l’aicul à sa petite-fille, c’est que les petits-enfans, par le prédéces de leur mere, occupoient le premier dégré de succession, & qu’on ne voulut pas dans une semblable espèce autoriser, au préjudice des mâles, la gratification faite à la petite. fille au-dela du tiers des meubles.

On demande si le pere pour s’affranchir de la dot de ses filles, a constitué une rente sur sesbiens, mais sans aucune destination dans l’acte, ni subrogation, est présumé quitte de leur ma-riage ; La question ne paroit pas d’abord si intéressante qu’elle l’est, parce que le Légataire de la moitié du mobilier icra tenu, au défaut d’acquêts, de faire & continuer la moitié de la rente ; cependant, supposez qu’un pere ayant deux filles, ait promis à chacune d’elles dix mille livres ; qu’il ait constitué vingt mille sur son bien, & ait à ce moyen payé les dots, & laissé un mobilier de cent mille livres, quand le Légataire seroit chargé d’acquitter la moitie des rentes, ilbe-néficieroit encore de quarante mille livres, quoique la femme du Testateur eût la moitié. de ses meubles on vertu de la Coûtume, si vous autorisez en ce cas le pere à disposer par Testament de la moitié de son mobilier, & que la constitution de la rente ne fasse pas réputer les dors duesaux temps du déces du pere. La question paroit donc sérieuse, & je crois que si la constitution de rente & les quitrances du mariage des filles portoient à peu pres la même date, il seroit équitable de restremdre la faculté que le pere a de tester en vertu de l’Article CCCCXIx.

Si la veuve, légataire universelle des meubles de son mari, déclare aux héritiers qu’il y a de l’argent caché dans sa maison, & qu’elle indique le lien pour en faire l’ouverture, elle doit y être autorisce judiciairement sur le refus des héritiers du Testateur, à condition de réparer : Arrét du 28 Avril 1619 :Basnage . Dans le temps des guerres civiles, il étoit d’un usage fréquent de cacher ses effets pour se les conserver.


12

Quoique le mari ne puisse par Testament préjudicier aux droits de la femme, acquis par la Coutume, on a cependant, par Arrêt du Is Juillet 168y, déclaré une femme nonrecevable à demander aux héritiers du mari récompense de portion du prix d’un legs, dont pendant sa vie il avoit fait la délivrance.


13

Bérault traite, sous cet Article, de la puissance paternelle ; autrefois elle avoir lieu dans le pays coutumier, ainsi qu’il est justifié par les décisions de Iean Desmares, qui vivoit sous le regne de Charles VI, Décis. 36 & 24N ; par le Liv. 2 du grand Coutumier, Chap. 40, & le Liv. 1 de la Somme rurale, Tit. 100 : Suivant le témoignage de Cesar, Liv. 6, les Gaulois avoient droit de vie & de mort sur leurs femmes & sur leurs enfans. M. de Lautière, sur la Regle 37 du Liv. 1, Tit. 1, des Institutes coutumières de M.Loysel , établit sur d’excellentes autorités que les enfans étoient anciennement tellement asservis à la puissance paternelle, que le pere pouvoit les vendre ; mais il ajoute que la Barbarie s’étant abolie peu à peu sous les Rois de la troisieme Race, il resta à peine des vestiges de la puissance paternelle. DuMoulin , sur Decius ad Digest. vetus ad leg. 3, nous la représente telle qu’elle est maintenant en usage : dic quod Galli habent filios in potestate non rigidù illa & que stuarid peculiari Romanorum, sed sud videlicet authoritativa & reverentiali unde pater uti non potest ad questum suunt de bonis filii-familias in ejus prajudiciunt, on pourroit dire qu’il faut encore consulter les Coutumes sur la décision de duMoulin . Bérault dit que la puissance pater-nelle éclate principalement dans le mariage des enfans de famille.

Le foudre de l’exhérédation est encore un dépût terrible que la Loi conserve à la puissince paternelle :Justinien , dans sa Novelle 11s, introduit quatorze causes d’exhérédation, le détail en est intéressant, on peut le lire dansDomat . Nos Ordonnances ont introduit une autre cause d’exhérédation, quand les enfans ont contracté mariage contre le gré & consentement de leurs peres & meres. Remarquez cependant que pour la validité d’une exne. rédation, il n’est pas nécessaire d’exprimer le terme, il suffit qu’elle suive nécessairement de la disposition de celui qui a le droit de déshériter & du motif qu’il en rend ; ainsi une mere reproche à sa fille, dans l’acte de ses dernieres volontés d’avoir consenti à un enlevement & à la célébration d’un mariage nul par toutes les Loix civiles & canoniques, 8S-déclare lui laisser par pure commisération, une somme qu’elle désigne. Dans cette espece on a jugé au Parlement de Paris, par Arrêt rendu sur Requête civile le 1OMai 1’83 M. Séguier portant la parole, que l’expression du Testament contenoit une véritable exhé. rédation. Au reste, l’exhérédation est un acte ambulatoire il peut être révoqué à chaque instant, & il est anéanti par la réconciliation, pourvu qu’elle soit bien établie & qu’on ne la confonde pas avec le pardon qui est un des principaux devoirs de la Religion que nous professons ; mais n’induisez pas la révocation de l’exhérédation d’un avantace limité qu’un pere aura fait à son fils déshérité & à la postérité de ce fils : on appercoit bien dans cet acte généreux des marques de l’affection paternelle mais les bornes qu’il pose lui-même ne permettent pas d’étendre ses intentions : on a ainsi jugé, il y a quelques années, au Parlement de Bretagne, contre l’ainé de la maison de la Bedovere.

C’est une Jurisprudence certaine parmi nous que le pere n’est point responsable des dommages & intérêts résultans du crime de son fils, quand même il lui donneroit un asyle dans sa maison : Arrêts des 7 Mars 1547 & 12 du même mois 1588 & a27 Février 1744, si ce n’est que le pere n’eût prépose son fils à quelques fonctions indépendantes de la qualité de fils de famille, & qu’il auroit pu confier à un étranger ; car alors le pere seroit susceptible des suites des fautes ou délits commis à l’occasion de ces mêmes fonctions : Arrêt rendu en Grand Chambre le 29 Novembre 1757, qui prononce, en ce cas, une condamnation. folidaire contre le pere & le fils. Le pere peut rendre plainte au nom de son fils, même majeur, sans procuration, quand il s’agit de la conservation de l’honneur ou de la vie de son fils : la question a été decidée par Arrét.


14

La Jurisprudence du Parlement de Paris est bien différente de la nôtre : le Testateur âgé de vingt-cinq ans, peut à Paris disposer par Testament du quint de ses propres, de tous ses acquets & de tous ses meubles ; & quoiqu’il ait donné entre-vifs une partie de ses propres, il peut encore tester du quint de ce qui lui reste ; il n’a point de temps limité pour faire ses dispositions, il les peut faire un jour, une heure, un instant avant sa mort ; mais il ne peut tien léguer à sa femme.

Nous verrons bientôt qu’en Normandie il n’est pas permis de disposer du propre ; mais l’Article CCCCXXII, en permettant de léguer des acquêts par Testament, désire la réunion de cinq conditions pour la validité de la disposition. 15. Que le Testateur ne laisse point d’enfans. 26. Qu’il n’ait pas testé au profit de sa femme ni de ses parens. 36. Que le Testament ait été fait trois mois avant son déces. 47. Que la disposition n’excede pas le tiers des acquéts. 5e. Qu’il n’en ait pas disposé entre-vifs.

L’Article CCCeXVIII, qui n’accorde au Testateur, ayant enfans, que la liberté de disposer du tiers de ses meubles, sembloit lui avoir suffisamment défendu de léguer en ce cas aucune portion de ses immeubles ; mais la prohibition portée par l’Article CCCCXXII va jusqu’à épargner l’induction.

On fait en cette Province marcher, au préjudice de la femme, la donation entre vifs & le Testament d’un pas égal. Comme le mari ne peut ni avant ni depuis la célébration du mariage donner aucun immeuble a sa femme, il n’est pas en son pouvoir de lui faire aucun avantage de cette espèce par Testament ; mais nous tolerons en faveur de la femme les legs universels ou particuliers de meubles sous la limitation de l’Article CCCCXXIN.

Basnage a raison de dire que quand les deux conjoints seroient domiciliés dans un pays où les Loix, Coûtumes ou Statuts permettent au mari de donner par Testament des immeubles à sa femme ; le legs des acquets, situés en Normandie, fait par le mari à sa fem-me, ne seroit pas moins nul, parce que l’exécution des donations depend de la Loi territoriale. La Coutume, pour prévenir l’interposition de personnes, prononce contre les parens de la femme, la même incapacité de recevoir du mari un legs d’acquêts, que coutre la femme même. On a cependant confirmé en Grand Chambre, une donation de cent livres de rente, pour récompense de services, faite par le mari à la cousine-germaine de sa femme : on ne peut tirer d’autre conséquence de cet Arrêt, si ce n’est qu’on tolere les dispo-sitions pour récompense de services estimables à prix d’argent, & quand il y a une proportion entre les objets donnés & la valeur des services rendus, car sans cette restriction. on pourroit faire fraude à la Loi, en empruntant la forme du legs rémunératoire. Mais on excepte de la rigueur de la Coutume, le cas de prédéces de la femme ; rien alors ne doit géner la liberte du mari, & ses héritiers n’ont plus a redouter l’interposition de personnes.

Le temps de survie, prescrit par la Coûtume, est de la forme substantielle de la disposition des acquêts ; & il ne suffit pas que le Testateur atteigne le dernier jour du délai, il faut qu’il y survive : ainsi jugé par Arrét du 11 Août 1747 ; on dit qu’il ne s’en falloit qu’une demi-heure que les trois mois ne fussent accomplis.

La qualité du Statut de survie du Droit Normand, a été long-temps différemment envisagée dans les divers Tribunaux. L’on a toujours jugé au Parlement de Rouen que le Sta-tut est réel.Basnage , sur cet Article, rapporte un Arrét de notre Parlement, qui déclarc nul le legs du tiers des acquets, situés en Normandie, fait par un Testateur domicilié à Paris, & qui n’avoit survecu qu’un mois à son Testament. Bérault a rapporté un Arrêt du 12 Juin 1G1o, qui est dans le même sens. Mais au Parlement de Paris on a jugé plusieurs fois que cette nécessité de survie de trois mois, imposée par l’Art. CCCexXII de notre Coûtume u Testateur, étoit un Statut personnel, & que par conséquent la disposition du tiers des acquêts, situës en Normandie, faite par un Testateur domicilié à Paris, étoit valable, quoiqu’il n’eûr pas survécu trois mois aprés son Testament.Tournet , sur l’Article CexeII de la Coûtume de Paris, cite un Arrêt du 30 Mai 1620 qui l’a ainsi jugé, &Augeard , Tom. 1, Chap. 15, rapporte un semblable Arrét du ; Avril 1699, rendu sur les Conclusions de M. Daquesseau ; ce même Auteur, en développant les moyens des Parties, rappelle encore deux Ar-réts conformes, l’un du 8 Août 1o8s, rendu sur les Conclusions de M. l’Avocat-Général Talon, & l’autre du 7 Septembre 16oi, au rapport de M. Féron Mais l’Article LXVIV. de la nouvelle Ordonnance sur les Testamens, décide que l’Article CCcexxil de notre Coûtume qui exige la survie de trois mois pour la validité des Testamens & autres dispositions à cause de mort, concernant les biens d’une certaine nature, ( ce sont les acquêts ) doit être regardée comme un Statut réel, de sorte que cet Article a son entier effet pour les acquêts situés dans les lieux régis par notre Coûtume, & n’en a aucun pour les biens situés en autre pays, en quelque lieu que le Testateur ait son domicile ou ait disposé, ainsi il est maintenant indubitable qu’un homme don lcilié en Normandie, pourra disposer de ses acquêts de Paris une heure avant sa mort, & que celui qui reside à Paris ne pourra valablement tester de ses acquêts Normands, à moins qu’il ne survive trois mois aprés son Testament.

Mais il semble que la Coutume exigeant une condition de survie de trois mois, il ne devroit pas être permis de disposer de ses acquets par un Testament olograplie : car il est facile d’eluder la Loi en antidatant un Testament, qui est toujours dans la puissance du Testateur. Cette réflexion a fait croire à Bérault que la date étant essentielle pour la vadidité du Testament, les héritiers devoient être admis à prouver l’antidate ; mais Basnage rapporte un Arrêt contraire du 2r Juin r622 : on trouve la raison de cet Arrét dans le Journal du Palais, Partie 3 ; c’est qu’il suffit que les Testamens olographes soient admis & autorisés par la Coutume, il suffit qu’elle permette de tester ainsi ; & quand on use de la liberté qu’elle a donnée, il ne faut pas aller plus loin que sa prévoyance, d’où l’Auteur du Iournal conclut qu’on ne seroit pas récevable, dans notre Coûtume, à dire qu’un Testament de cette nature n’a pas été fait trois mois avant le déces & qu’il est antidaté. Basna-ge rapporte un Arrêt du premier Août 183s, qui confirme une vente faite par la Testatrice, d’une partie de ses acquêts, aprés avoir par son Testament léqué le tiers des biens de cette nature & tous ses meubles, quoiqu’il fût constant, dans le fait, qu’elle n’avoit ainsi vendu que dans la crainte de ne pas survivre trois mois aprés son Testament.

La Coutume limite au tiers la faculté de disposer de ses acquêts, ainsi si la disposition excede le tiers, elle est réductible ; & entre plusieurs Legataires, la réduction se fait proportionnellement à la valeur de chaque legs.

Il est bien permis de donner entre-vifs tous ses acquets, quand ils n’excedent pas le tiers de tous les biens du Donateur, & qu’il n’y a pas divers héritiers, les uns aux propres & les autres aux acquêts ; mais on n’a pas la même liberté par Testament, comme on ne peut tester des propres, les propres ne peuvent entrer en balance & évaluation, lorsqu’il s’agit d’une disposition testamentaire.

Nous comprenons sous le nom d’hommes, l’un & l’autre sexe : la fille héritière & la veuve qui n’a point d’enfant, peuvent disposer du tiers de leurs acquêts, conformément à cet Article.

Ricard & plusieurs Auteurs vouloient que les donations à cause de mort ou les Testamens fussent révoqués par survenance d’enfans. Cette question est discutée dansSoefve ,Furgole , quest. 12, n. 31 & 32, pense même que le Testament est révoqué quand le Testateur meurt pendant la grossesse de sa femme, parce que le posthume est réputé né pour tout ce qui concerne ses avantages ; d’autres croient au contraire qu’il est inutile d’introduire une révocation légale, dans un cas où la seule volonté du Testateur suffit pour irriter le Testament, qui n’a d’ailleurs d’effet que du jour de son déces : ils remarquent cette difference, entre la donation entre-vifs & le Testiment, que le Testament étant confirmé par la mort, est un acte ambulatoire, au lieu que la donation entre-vifs étant par-faite, est irrévocable, de sorte qu’il falloir une Loi pour pouvoir révoquer les donations, à cause de la survenance d’enfans. Il faut avouer qu’il est facheux qu’un pere qui n’a que des acquets, puisse, dans les Coutumes où l’on peut disposer par Testament de la totalité des biens de cette nature, réduire à la légitime un enfant qui est encore dans le sein de sa mere, qu’il ne connoit point, & qui auroit été l’objet de toute sa tendresse, s’il avoit sur-vécu à son Testament & à la naissaince de cet infortuné, à qui on ne trinsmettra un jour le nom de son pere, qu’avec l’attache d’une indiscrétion contraire au voeu de la nature & qui dégénere en injustice. Notre Jurisprudence est simple soit qu’il survienne un enfant au Testateur apres la confection du Testament, soit qu’il legitime celui qui est le fruit d’un commerce illicite, soit enfi que l’enfant ne soit que concu au temps de la mort du Testateur, le Testament subsiste s’il n’a point été révoqué ; mais, 1o-le legs des acquets devient nul, parce que lors de son déces le Testateur a un enfant ou est réputé en avoit un : or, c’est une condition essentielle en Normandie, pour la validité de la disposition des acquets par Testamient, de n’avoir point d’enfans. 26. Le legs de la totalité des meubles est re fuit au tiers, suivant l’Article CCcCXVIIl de la Coutume : ainsi jugé par Ar-rét de ce Parlement du s’Février 1v2s ; on tenta inutilement contre cet Arrêt le pourvoi au Conseil & la Requête civile :Augeard , édit. in-fol. Tom. 2.


15

M. Pesnelle prétend que la veuve qui n’a que des filles mariées & dont le mariage est acquitté, ne peut tester que du tiers de ses meubles ; mais il semble au contraire que dans le cas prévu par l’Article CCCCXIX, elle doit avoir au moins une liberté égale à celle de son mari, d’autant que dans la rigueur du droit elle n’est point obligée aussi étroitement que lui a doter ses filles. Basnage va plus loin, il prétend que dans le cas où la veuve ne peut léguer que le tiers de ses meubles, ce tiers n’est point sujet aux frais funéraires, par la raison qu’elle ne doit que le tiers de ses meubles à ses enfans, de même que le pere, d’où il conclut que les frais funéraires doivent être pris sur le tiers qui reste.

On a jugé en plus forts termes, par Arrét du 14 Juillet 1695, que la veuve qui n’a que des filles mariées, & dont le mariage a été payé, peut par Testament disposer de tous ses meubles. Si le mari n’en peut dans le même cas léguer que la moitié, suivant l’Art. CCCexIx, c’est que l’autre moitié, dit le même Article, appartient à sa femmes Si la veuve n’avoit point d’enfant, elle pourroit disposer en intégrité de son mobilier : Style de procéder ;Terrien , Liv. 6, Chap. 7.


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Les aieuls & aieules peuvent léguer à leurs petits-enfans, pendant la vie des pere & mere, telle part de leur mobilier qu’il leur est permis de léguer à un étranger ; & les pere & mere ne sont point recevables à contester un legs de cette espèce : Arrêt du 16 Mars 1741.

La question avoit déja été jugée ainsi par Arrêt du 16 Mai 1692 ; on a encore jugé, par Arret du 13 Juin 1752, qu’une petite-fille, donataire de son aieule d’une somme mobiliaire que l’aicule auroit pu donner à un étranger a le droit de demander sa légitime sur la succession de sa mere, devenue héritière de l’aieule, sans être tenue de rapporter la somme donnée ; cet Arrêt a été rendu entre le sieur le Roi, Procureur du Roi au Bailliage de Rouen & la Dame Planterose son épouse, & les sieurs Planterose & Hynard. La Dame des Hayes, aieule de la Dame le Roi, lui avoit donné oooo livres par son Testament ; aprés la mort de la Dame Planterose sa mere, qui avoit survécu à la Dame des Hayes, la Dame le Roi demanda sa legitime sur les biens de sa mère ; les sieurs Planterose & Hynard consentoient sa demande, sous la condition qu’elle rapporteroit la somme qui lui avoit été donnée par son aieule : il fut ordonné par l’Arrêt, sans avoir égard à la demande en rapport de la somme donnée par le Testament de la Dame des Hayes, que la Dame le Roi auroit son mariage avenant sur la succession de la Dame Planterose sa mere, avec les intérêts comme du jour de son déces.

Notre Coûtume, en permettant à ceux qui n’ont point d’enfans de donner à leurs héritiers telle part dans leurs meubles que bon leur semblera, est contraire à l’Article CCC de la Coûtume de Paris qui étoit le Cxxl de l’ancienne. Il est dit, en l’Article OXxl, qu’arcun ne peut être héritier S légataire d’un defunt ensemb. e, & comme du Moulin avoit mis cette apostille, mais bien donataire en collatérale & non en directe ; on ajouta dans la réformation l’Article CCeI, peut toutefois entre vifs être donataire, & héritier en collaté-rale. Il me suffit maintenant d’observer la différence de notre Jurisprudence sur les dispositions testamentaires ; j’observerai le surplus en traitant des Donations entre-vifs.


17

Cet Article autorise une liberté indéfinie qui paroit devoir être restreinte selon les circonstinces ; il semble contraire au bien public & aux droits des citoyens, que quand la for-tune d’un homme consiste dans des effets précieux, il ait la faculté de faire passer de grandes richesses à un batard, & de dépouiller ainsi l’héritier légitime. Aussi par Arrêt du 13 Décembre 1607, rapporté parBérault , & dans une espèce moins odieuse, un legs de roooo livres, fait par le pere à ses filles naturelles, fut réduit à 1oo livres de pension jusqu’au temps de leur marinage, & leur dot fixée à 14oo livres.

Le Parlement de Paris, par Arrêt du 28 Mai 1709, a réduit un legs de 10000 livres, fait par le pere naturel à son Bâtard, à la moitié de la somme, quoique le pere n’eût que des héritiers collatéraux :Augeard , tome 2.

Selon la Jurisprudence la mieux soutenue, le Bâtard ne peut recevoir de son aieul que des legs modiques ou d’alimens : Arrét du Parlement de Paris du 19 levrier 1711 ; JIurisprudence de la Combe ;Soefve , tome 2, Cent. 2 ;Auzanet , sur Paris, Article CIVIII.


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La Loi Regiam Majgstatem dispose comme notre Article, de hareditate vero paternâ in ultim voluntate nihil potest disponere ( Testator. ) Cette Loi que je cite souvent est de Malcolme ou Malcolin second, qui, suivantLaurière , monta sur le Trone d’Ecosse en 1004.

Chopin , sur Paris, Liv. 1, Tit. 1, n. 21, rapporte un ancien Arrét de l’Echiquier de Paques, tenu à Caen l’an 1248, pour le Testament du Comte d’Auge, duquel Basnage croit que la prohibition de disposer des propres par actes de derniere volonté est dérivée.

Pasquier, tome 1, Liv. 2, Chap. 18, dit que l’esprit de nos Loix n’est point d’interdire la disposition testamentaire des acquêts, mais bien celles des propres ; ce Chapître de Pasquier est plein de reflezions sages sur le droit François.

Puisque la Coutume autorise la disposition des acquêts par Testament, le Testateur peut, lans doute, léguer une rente viagere à prendre sur les acquêts : Arrêt, en faveur du Légataire, du 27 Novembre 1732 ; il est même permis d’asseoir sur cette espèce de biens une refite perpétuelle, jusqu’à la concurrence de la quotité disponible, suivant la Loi municipale ; mais puisqu’il est défendu de donner des propres par Testament, on ne peut pas éluder la Loi en léguant des rentes à prendre sur les propres. Basnage rapporte les Arrêts qui ont déclaré de semblables dispositions nulles.

La confession en faveur d’un tiers est présumée frauduleuse & contraire au sens de cet Article, si elle n’est accompagnée d’aucun autre Titre, & si dans son exécution elle entrai-noit nécessairement la diminution des propres : il y a cependant des legs si favorables,


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Nos peres vivoient encore dans la superstition, lorsqu’ils transferoient les legs de propre pour la cause pie sur les acquêts, si le Testateur avoit survéeu trois mois, & dans le cas d’une mort plus prompte, ou au défaut d’acquêts sur les meubles. Delâ certaines décisions par lesquelles on a jugé rachétables les rentes pour fondations créées à perpétuité, quand elles étoient portées sur les meubles. L’Article LXXVIII de l’Ordonnance nouvelle, en prescrivant que ses dispositions seront exécutées, soit sur la forme ou sur le fonds du Testament, quand même le legs auroit la cause pie pour objet, rappelle non seulement les dispositions de l’Article LXXIV, qui concernent le legs des acquets, mais, contre l’avis des anciens Auteurs, prouve que les legs, pour la cause pie, sont assujettis à la Coûtume du domicile du Testateur, & à celles de la situation des biens ; il ne faut que du bon sens pour comprendre que l’on ne peut pas transférer le legs des propres sur les acquets, ou au défaut d’acquets sur les meubles, quand la volonté du Testateur n’est pas exprimee. Tout ce qui est nul ne peut produire aucun effet, quelque faveur que l’on veuille donner au legs ; il est, au contraire, vraisemblable que le Testateur n’a légué un bien qu’il sçavoit ou prévovoit ne devoir pas être dans sa disposition, que pour éviter le piége de le suggestion, & les importunités des Légataires.


20

Les Jurisconsiltes considéroient l’usufruit comme une servitude personnelle sur le fonds d’autrui : l’usufruit des choses immeubles est, parmi nous, réputé immeuble ; étant vend à un autre qu’au propriétaire, il est clamable, il est susceptible de la qualité de propre & d’acquêts, selon la nature de la propriété à laquelle il est artaché, ainsi, soit qu’on regar de l’usufruit comme une partie de la propriété, ou comme un tout capable de subsister de lui même des que l’on ne pourra disposer du propre, il est conséquent qu’on ne puisse pas disposer de l’usufruit des biens de cette espèce. Que sert, en effet, la propriété, quand l’usufr. it en est détaché ; L’incertitude du moment de la consolidation fait que le propriétaire & l’usufruitier négligent de mettre le fonds en valeur.

La dernierc année, dont il est question en cet Article, s’étend sur les propres comme sur les acoéts, sur les rentes actives comme sur les fonds ; mais elle supporte le courant des rentes passives : Arrêt du 22 Février 1652.


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La restriction que cet Article met à la faculté que la Coutume laisse au mari de donner par Testament des meubles à sa femme, aura-t-elle lieu dans les Contrats de mariage Question vraiment intéressante & qui a été appointée pour être fait Réglement, par Arrét du 3 Février 1739. Il me semble, ditBasnage , qu’on ne doit pas considérer cette paction du mariage par laquelle le mari donne ses meubles à sa femme comme une pure do-nation, mais comme une clause par laquelle le mariage a pu être déterminé, l’Article LXXIII du Réglement de 16b8, n’ayant pour ob’et que de défendre au mari de donner de ses immeubles a sa femme, il lui réserve donc la faculté de disposer de ses meubles, qui est de droit commun : la donation faite par le mari n’est souvent qu’une compensation des effets que la femme lui apporte ; mais on oppofe que la Coûtume, dans le Chapitre des Donations, ne contient qu’un seul Article concernant la disposition des meubles ; que ce qui y a été omis doit être suppléé par le Chapitre des Testamens, & que l’intérét des familles n’exige pas moins l’usage de la restriction, dans le cas de la donation entre-vifs, que dans celui de la disposition par Testament. Nous avons un préjugé contre la donation entre-vifs, même en faveur des collatéraux. Rstichard Langlois & Anne Bouquet, s’étoient par leur Gontrat de mariage fait donation de tous leurs meubles l’un à l’autre, & au plus vivant des deux, s’ils n’avoient point d’enfans ; Anne Bouquet intenta action contre Ce cile Langlois, héritière de son mari, pour l’exécution de son contrat de mariage ; la donation fut confirmée par le Vicomte de Caen. Cecile Langlois, aprés avoir interietté appel devant le Bailli, se désista, & prit dans la suite des Lettres de restitution contre son desiste ment ; le Bailli la déboute des fins de ses Lettres, & ordonne que la Sentence du Vicomte sortira son effet. Sur l’appel en la Cour, Cecile Langlois observa que Richard Langlois n’avoit aucuns immeubles, que par la disposition de la Coutume, le mari qui ne laisse pas d’enfans, ne peut donner de ses meubles que jusqu’à la concurrence de la moitié de ses im-meubles, & qu’encore que la donation eût éte faite par Contrat de mariage, elle devoit être réputée testamentaire, puisque la donation ne devoit avoir son effet qu’aprés la mort de l’un ou de l’autre des conioints ; Anne Bouquet répondoit que cette donation n’étoit pas une donation entre mari & femme, parce qu’alors il n’y avoit pas de mariage entre les contractans, & qu’on ne pouvoit considérer la donation comme une disposition à cause de mort, étant irrévocable ; mais comme une clause du traité de mariage, cessant laquelle, le mariage n’eût pas été fait. M. le Guerchois, Avocat-Général, conclut à la cassation de la donation, & à ce qu’elle fût réduite à la moitié, suivant la Coutume ; mais il estima qu’attendu qu’Anne Bouquet avoit apporté des meubles à son mari, ils seroient repris sur la part des héritiers, pourquoi il en seroit fait estimation : par Arrêt en Grand Chambre du 14 Décembre 1677, la Cour en réformant & entérinant les Lettres de restitution obtenues par Cecile Langlois, déclara la donation nulle, & adjugea à la veuve Bouquet la moitié des meubles ; & un tiers sur l’autre moitié revenante à Cecile Langlois pour tenir lieu de reprise à la veuve Bouquet, & éviter les frais de l’estimation. On trouve cet Arrêt dans Basnage ; mais il est beaucoup mieux rapporté dans le Recueil de M.Bertheaume , à la suite du Traité sur le Tiers & Danger de M.

Gréard ; il étoit au surplus juste d’ordonner la reprise en faveur de la femme, ce qui n’étoit qu’une résultance de la question principale, sans cela la femme auroit été trompéer Le sort des donations testamentaires, faites par le mari à sa femme, n’est pas difficile à fixer : quand le mari n’a laissé aucun immeuble, les legs qu’il aura faits à sa femme doivent être déclarés nuls, puisqu’il ne peut y avoir de balance entre les meubles existans & des immeubles qui n’existent pas : aussi Bérault rapporte un Arrêt du as Février 158Y, par lequel la Cour, en interprétant la Coutume, reduisit le Testament de Pierre le Clerc, mort sans enfans, lequel avoir légué tous ses meubles à sa femme, à la moitié, ce qui fait dire à Bérault que cette moitié appartenant de droit à la femme, le Testament demeura comme nul pour le regard des meubles. Basnage accorde libéralementurer mari qui n’a que des meubles, la faculté de léguer à sa femme la moitié de la moitié de son mobilier, s’il n’a point d’enfans ; & S’il a des enfans, le tiers de cette moitié, son opinion n’est justifiée d’aucun Arrêt, on doit donc la considérer comme une simple opinion d’un Auteur célèbre : quelques-uns ont pensé que le mari peut léguer à fa femme, lorsqu’il ne laisse point d’enfans, le tiers de la moitié de ses meubles, & ce legs, disent-ils, tient lieu de douaire à la femme : ils citent encore un Arrét d’Audience du 13 Janvier 1701 mais, 16. la femme ne peut reclamer de douaire sur le mobilier de son mari, qu’en vertu d’une stipulation employce dans son contrat de mariage ; clause qui ne se supplée jamais, parce qu’elle n’est pas conforme au droit commun. 2O. L’Arrêt de 1701 ne décide pas la question. Dans le fait, la veuve reclamoit tous les meubles de son mari, en vertu d’une donation ; les héritiers du mari la contestoient, parce que le mari n’avoit laissé aucuns immeu-bles. Le Senéchal de Fécamp avoit adjugé à la veuve la moitié des meubles & le tiers sur l’autre moitié : la veuve appella en la Cour ; les héritiers du mari ne se pourvurent point con-tre le chef qui adjugeoit le tiers à la veuve : la Cour par cet Arrét confirma la Sentence.

Comme on ne voit point sur le Registre l’espece du contrat de donation, on peut supposer que ce dernier Arrêt est dans l’espèce de l’Arrét de 1677 ; cependant la femme aura plus que le même avantage dans le sentiment deBasnage , puisque le mari, qui n’a jamais cu d’immeuble peut, selon ce Commentateur, léguer à sa femme le quart de son mobilier, s’il n’a point d’enfans.

Les rentes viageres que le mari place pendant le mariage sur sa téte & sur celle de sa femme entrent dans le remplaceenent des propres aliénés : la question a été aiusi jugée le 3o Juillet 1745. Mais quand il n’y a point eu d’aliénation de propres, quand le fonds des rentes est provenu de la collaboration des deux époux, les ficritiers du mari peuventils demander part aux rentes perpétuées par la convention sur la tête de la femme ; On cite en faveur de la femme un Arrêt rendu au Rapport de M. de Boisguilbert le 3o Juillet 17I0. Mais dans le fait, le mari avoit laisse beaucoup de propres & de conquées. On cite un second Arrét du 22 Mars 1743, en faveur de la veuve du sieur le Breton ; les héritiers du mari soutiennent que ces rentes sont un avantage indirect & qu’elles ont leur source dans le découragement que les femmes inspirent à leurs maris d’acquérir ; mais on peut dire, en faveur de la femme, que la rente ne subsiste que par la femme, & à cause de la femme : la décision de cette question est artachée aux circonstances. Il faut examiner le taux de la rente viagere, & voir encore si elle n’excede pas le legs de meubles que le mari auroit pu faire à la femme. Quand un mari, qui n’a laisse aucuns immeubles, & dont les meubles meublans sont de peu de valeur, a placé sa fortune en rentes viageres sur deux têtes, si le double risque que court le débiteur a fait baisser l’intérét ordinaire, toléré dans ce genre de Contrats ce qui ne manque guere d’arriver ; on considere quelquefois la femme, non pas précisement comme la cause unique de la continuation de la rente mais aussi comme une personne que l’on désigne pour en fixer la durée, & l’équité veut que les héritiers du mari prennent part à la rente.

Un legs fait par le mari a sa femme, si elle ne se remarie point, est valable, & elle en sera privée en convolant en secondes nôces ; mais la claufse qui lui interdit un second mariage est nulle. Poyer, sur le legs pénal, une sçavante Dissertation de l’Auteur du Iournal du Palais à la suite d’un Arrét du Parlement de Paris du premier Août 167S, tome premier.


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Le Testiteur peut omettre de nommer des Exécuteurs de ses dernieres volontés ; les Légataires agiront alors contre les héritiers qui sont suscepribles de toutes les charges de la succession ; mais s’il en nomme, voici les regles que l’on suit en cette matière : toutes personnes peuvent être employées à cette charge, les Laiques comme les Ecclesiastiques, la femme veuve, & la femme mariée du consentement de son mari.

Il y a une espece de solidité de fonction entre plusieurs Etécuteurs testamentaires : si l’ur refuse la charge, l’autre la fera pour le tout, dans chaque fait particulier un seel peut agi & defendre pour tous ; ils doivent cependant se proposer pour objet l’accomplissement des volontés du défunt sans émulation : Les Etécuteurs testimentaires doivent d’abord notifier laur qualité aux héritiers du défunt, faire faire Inventaire en leur présence ou aprés intimation, si ce n’est que les héritiers ne les saisissent des legs & charges du Testanient : Arré-tés de Lamoignon, Article VI, sous ce Titre. Ils peuvent, sans la participation des héritiers, payer les frais funéraires, Services & Obits, & on en croit sur ces oniets leur déclaration ; mais ils ne peuvent faire la délivrance des legs qu’en présence des liéritiers o’s cix dûment appellés :Coquille , quest. 225. La fonction des Extécuteurs testamentaires der : quas, qui ne commence à courir que du jour qu’ils ont eu les effets du Testateur à leur disposi ion, nota annum sie utilem à tempore Testamenti anerti S cessautis imnelimenti, duMoulin , sur Paris, Tit. 7. 6. 95, n. 16 ; aprés le temos exviré ils sont obliges de rendre compte aux héritiers ; mais ils ne sont pas tenus solidairement de la gestion les uns des autres, checun n’est tenu que de ce qu’il a géré : Arrêtés de Lamoignon, ibid, Article V ;DuPineau , sur l’Article CeXLVII d’Anjou.