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C E Chapitre peut être partagé comme le précédent. Qui peut donner ; Qui peut recevoir par donation ; Qu’estce qu’on peut donner ; Et quelles formalités doivent être observées aux donations Auparavant que de discourir en général sur les parties de cette division, il est à propos de représenter la définition de ce qu’on peut appeller donation, en parlant proprement. On la peut définir, Un contrat de libéralité, par lequel on se dessaisit de quelque chose utile, pour la faire passer en la posses-sion d’un autre. Le premier terme de cette définition fait connoître, que la véritable donation a de la convenance avec tous les actes, qui ne peuvent être faits sans le concours du consentement des personnes entre lesquelles ils sont passes : c’est pourquoi l’acceptation de la donation n’est pas une formalité extrinseque comme l’insinuation : elle est nécessaire comme une partie essentielle, suivant qu’il sera dit en discourant des formalités requises dans les donations. Il paroit de plus, par les autres termes de cette définition, que le donateur ne veut pas retenir ce qu’il donne, mais qu’il aime mieux qu’il appartienne au donataire qu’à soi-même : ce qui met en évidence, que les donations testamentaires ou à cause de mort, n’ont pas les propriétés des véritables donations, qui ne se peuvent concevoir sans un esprit de libéralité, par lequel le donateur préfere l’utilité du donataire à sa propre utilité : Car celui qui donne par testament ou à cause de mort, veut retenir la chose qu’il donne ;, la donation donc qu’il fait, ne procede point de libéralité, mais leulement d’un dessein de préférer le donataire, non à soi-même, mais à son héritier : Mavult se habere quûm eum cui donat, magisque cum cui donat quûm heredem suum, suivant les paroles de la Loi. 1. 8. de Donationibus causa mortis : C’est pourquoi il a été dit élégamment, que le Testateur laisse pluiôt qu’il ne donne : Ce qui fait faire un discernement bien évident de la donation entre-vifs d’avec la donation à cause de mort, & fait connoître parfaitement l’une & l’autre, par l’opposition qu’on découvre entr’elles.

Quand donc la Coûtume propose dans l’Article CCCCXLIV, par une forme de proverbe, que donner C retenir ne vaut rien, elle a signifié que le dona-teur devoit user de libéralité, en se dépossédant gratuitement & par un esprit de bénéficence, de la chose qu’il donne : C’est pourquoi dans l’Article suivant CCCCXLV, elle déclare, que c’est donner & retenir, quand on se réserve la puissance de disposer de la chose, tant pour la propriété que pour l’usufruit ; ce qu’il faut prendre conjointement, parce que comme la propriété se peut séparer de l’usufruit, on peut fort bien donner l’un en retenant l’autre, sans qu’on puisse dire, qu’on donne & retient : C’est ce qui est expliqué dans l’Article CCCCXLVI.

Mais la Coutume répute, que c’est vouloir donner & retenir, quand une personne étant gisante pour cause de maladie, fait un acte, par lequel elle dilpose de ses biens en faveur d’une autre ; parce qu’il y a une forte présomption, que cette disposition est faite en vue de la maladie, qui est un acheminement à la mort, & partant que le donateur n’a pas intention de se dessaisir absolument, mais seulement de laisser à par une prédilection qu’il a pour celui qu’il veur gratifier ) la chose qu’il semble donner.

C’est par cette raison, que la Coutume déclare, que ces prétenduës donations, quoique concuës en termes de donations entre-vifs, doivent être répu-tées des actes testamentaires, à moins qu’elles ne soient passées devant Notaires, & que le malade ne survive quarante jours, & ne les fasse insinuer dans le mé-me temps.

Cette intention de vouloir retenir la chose qu’on fait semblant de donner, est cause que toutes les donations à cause de mort, sont révocables, & que le droit n’en est pleinement acquis au donataire que par la mort du donateur ; & c’est par cette même raison, qu’on les appelle ressamentaires, quoiqu’elles ne soient pas faites dans un Testament, d’autant que les Testamens sont toujours révocables pendant la vie du Testateur : ce qui a fait dire qu’ils sont confirmés par sa mort.

Les donations entre-vifs au contraire, sont irrévocables, sinon par le consentement réciproque du donateur & du donataire, comme sont les autres con-trats, qui ne peuvent se réfoudre sine concursu simultanei consensus, à moins que Tingratitude du donataire ne le rende indigne de jouir de la donation, qui étant un effet d’amitié & de bénéficence, exige qu’on prenne soin de punir l’ingratitude du donataire, en le privant de la chose qui lui avoit été donnée.

L’Article CCCCXLIX propose un seul cas, auquel la donation parfaite peut être révoquée, qui est, quand le donateur n’ayant point d’enfans lors de la donation, en a procréé depuis en loyal mariage, parce que la Loi presume que le donateur n’a pas eu intention de donner ; c est-à-dire, de vouloir préférer le donataire à ses propres enfans : ce qui sera expliqué plus au long sur ledit Article, CCCCXLIX.1 Aprés les dépendances de la définition de la donation entre-vifs, il convient

reprendre les chefs de la divifion proposée pour l’éclaircissement de ce ChapîtrePour le premier, qui est de la capacité de donner, on peut dire que puis-que la donation entre-vifs est un contrat, que tous ceux qui sont incapables de contracter, sont incapables de donner : Mais on ne peut pas dire au contraire, que ceux qui ont la puissance de contracter ayent la puissance de donner ; car les mineurs peuvent contracter étant autorisés par leurs Tuteurs : mais ils ne peuvent donner, parce que la donation contenant une aliénation de biens, & d’ailleurs ayant pour cause la libéralité, ne doit point dépendre de la volonté d’autruiSemblablement, la femme mariée peut contracter valablement, étant autorisée par son mari, mais il ne s’ensuit pas qu’elle puisse donner du consentement de son mari : on a néanmoins jugé par un Arrêt du 12 de Décembre 16oy, rapporté parBérault , sur l’Article CCCexXXI, qu’elle pouvoit donner la tierce partie de ses acquêts. Les mineurs donc, les furieux, les prodigues quibus bonis interdielum esi, les condamnés à mort, au bannissement & aux galeres à perpétuité, ne peuvent donner.2 Quant à la capacité d’être donataire, il en faut dire presque la même chose que de l’incapacité de recevoir par Testament ; car pene servi, & les Religieux profes étant incapables de posséder aucuns biens, ne peuvent être donataires : Mais. les Etrangers qui ne peuvent être légataires, peuvent être donataires entre vifs ; parce que les donations entre-vifs sont des contrats autorisés par le droit des gens, dont les Etrangers sont participans, comme il a été remarqué sur l’Article CXLVIII Il ya d’autres incapacités qui ne sont pas absolues, mais seulement à l’é-

gard de certaines personnes ou de certains biens ; comme celles des bâtards. qui quoiqu’ils soient capables de toutes les donations qui leur peuvent être faites par toutes autres personnes, sont incapables des donations d’immeubles qui leur seroient faites par leurs peres & meres, par les Art. CCCCXXXVII & CCCCXXXVIII. Semblablement les enfans & les descendans en la ligne directe, sont incapables de recevoir aucune donation de meubles ou d’immeubles de leurs ascendans ; parce que les descendans ne peuvent recevoir aucuns avantages de leurs ascendans, au préjudice les uns des autres ; l’égalité devant être gardée entr’eux. C’est pourquoi toutes les donations faites aux descendans, sont réputées des avancemens de succession, & par conséquent doivent être rapportées, pour être partagées suivant la Coutume, entre les donataires & leurs cohdritiers. Ce qui ne se doit pas entendre des filles, qui sont excluses du droit de succeder par leurs freres, & lesquelles peuvent avoir un plus grand mariage les unes que les autres, selon la volonté de leurs peres & meres, ou autres ascendans.

L’incapacité d’être donataire, est plus restreinte dans la ligne collatérale : car une hérédité pouvant être composée de plusieurs sortes de biens, par rapport ausquels elle peut être distinguée en plusieurs successions, en propres qui se subdivisent en paternels & en maternels, en acquêts & en meubles ; il arrive qu’un défunt a plusieurs sortes d’héritiers, qui sont comme étrangers les ains énvers les autres, parce qu’ils ne partagent point ensemble ; car les héritiers au propre paternel n’ont rien à prétendre aux biens maternels, & quel-quefois les héritiers aux propres sont exclus des acquêts ; & d’ailleurs, tous ces véritables héritiers sont exclus du partage des meubles par des légataires qu’on appelle universels, parce que le défunt leur a laissé tous ses meubles : les collatéraux donc pouvant avoir des droits successifs tout-à-fait distincts des droits de leurs cohéritiers, peuvent être donataires du défunt : Premièrement à l’égard des meubles, dont l’université même leur peut être donnée : Secondement, les héritiers au propre peuvent être donataires du propre, qui ne vient point de leur côté & ligne ; c’est à-dire, les paternels peuvent être donataires du propre maternel, & les maternels, du propre paternel : En troisieme lieu, les héritiers, tant paternels que maternels, peuvent être donataires des acquêts ; & vissicim, les héritiers aux acquêts peuvent être donataires des propres.

De plus, ce qu’on ne peut donner à un héritier immédiat, on le peut donner à ses enfans & descendans ; ce qui ne peut pas être fait en la ligne diredte, en laquelle ce qu’on ne peut donner au pere, ne peut être donné à ses enfans, suivant ce qui a été remarqué ci-dessus.

On doit mettre encore au nombre de ceux qui sont incapables d’être donataires entre-vifs, le mari & la femme, qui ne peuvent se donner rien l’un à l’autre, non pas même par une donation mutuelle, par la raison, qu’ils ne peuvent faire queuns contrats, par lesquels les biens de l’un passent à l’autre, par l’Article CCCEx, suivant la remarque qui y a été faite : ce qu’il faut limiter au temps. que le mariage est parfait & subsiste, car avant icelui, il faut user de distinction, parce que l’homme ne peut donner en faveur de mariage, aucune partie de ses immeubles à sa future épouse, il ne peut pas même lui augmenter le douaire, qui n’est qu’un usufruit ; tout ce qu’il peut donner, ne consiste qu’en quelque partie. de ses meubles : la femme au contraire, peut donner en faveur de mariage à son futur époux, tous ses meubles & le tiers de ses immeubles ; ce qu’elle peut même faire, quoiqu’elle soit mineure, pouivu qu’elle soit autorisée par l’avis de ses parens : Voyez les Articles LXXIII & LXXIV du Réglement de 1666.

Enfin, les Tuteurs, Curateurs, Pédagogues, ne sont pas capables de recevoir les donations qui leur sont faites par les personnes qui sont sous leur puiisance ou gouvernement, jusqu’à ce qu’ils ayent rendu compte de leur administration, par l’Article CCCCXXXXIz, qui est conforme a l’Ordonnance de 1539, en l’Article CXXXI. Cette sorte d’incap, cité a été étenduë à plusieurs autres personnes, comme il sera remarqué sur ledit, lrticle CCCCXXXIX.

Le troisieme membre de la division est, de ce qu’on peut donner, à l’égard duquel il faut se servir de la distinction des meubles d’avec les immeubles : car on peut donner tous les meubles aux personnes capables de recevoir par donation, mais on ne peut donner que la troisieme, partie de ses immeubles sur quoi il faut observer, que quand le Don-teur na point de diverses sortes d’héritiers, il peut donner tous ses propres ou tous ses acquets, pourvu que ce qu’il donne n’excede point la valeur de la troisième partie de tous ses biens, Mais si le Donateur a divers héritiers, les uns aux propres & les autres aux acquêts, il ne peut donner que la tierce partie des biens qui peuvent échéoir à chaque genre d’héritiers, de sorte que S’il donne par quotité, comme le tiers ou le quart de ses immeubles, la donation sera prise en partie sur les propres, & en partie sur les acquêts, par proportion de la valeur des biens de chaque genre : mais s’il donne un corps certain, comme une telle terre, une telle maison, une telle rente, la donation sera réductible, si la chose donnée excede la valeur du tiers ou des propres ou des acquêts, parce que la Coûtume a voulu réserver à chaque genre d’héritiers les deux tiers des biens qui lui peuvent écheoir par succession, à l’exclusion des donataires. Voyez ce qui est dit sur l’Article.

CCCexII.

Il faut en outre remarquer, que les donataires sont obligés de porter certaines charges, & même de contribuer quelquefois au payement des dettes du Donateur : ce qui sera expliqué sur les Articles CCCexxXI, CCCexLII & CCCexLIII.

Restent les formalités particulieres aux donations entre-vifs, qui sont l’acceptation & l’insinuation. Il a été dit en passant, que l’acceptation est une chose essenticlie à la donation : c’est en conséquence de ce principe, que l’Ordonnance de 1539, en l’Article CXxxIII, & celle de 1549, en l’Article V, ont déclaré que la donation faite à un absent, quoiqu’acceptée par le Notaire ou autre stipulant pour lui, n’est pas valable avant qu’elle ait été acceptée par le donataire présent, ou par son Procureur, en vertu d’une procuration spéciale pour cet effet. On a excepté de cette regle les enfans qui ne peuvent pas encore parler ou qui ne peuvent pas connnoître ce qui se fait : on peut méme donner valablement à ceux qui ne sont pas nés, & à ceux qui ne sont pas conçus, Nascituris,Louet , D. 51. En tous ces cas, les donations peuvent être acceptées, ou par les Notaires recevant les contrats de donation faits aux enfans qui n’ont point de peres ni de tuteurs, ou par les tuteurs & les peres, à quoi l’Ordonnance de 1530, qui requiert un pouvoir spécial pour accepter les donations n’est point contraire, parce que les tuteurs, soit institués par Justice, soit les naturels & légitimes, tels que sont les peres & les frères, mandalum habent à lege, pour consentir valablement à tout ce qui est à l’avantave des mineursLouet , D. 55.

L’homologation faite par le Pape ou par l’Ordinaire, d’une donation faite à TEglise, tient lieu d’acceptation : c est-pourquoi auparavant cette homologation. la donation n’est point parfaite, & peut être révoquée ;Louet , D. 3.3 Il en faut dire autant de toutes les donations ; auparavant qu’elles ayent été acceptées, le Donateur peut changer de volonté & révoquer ; ce qu’il ne peut faire apres l’acceptation, quoique la donation n’ait pas éte insinuée : car le défaut d’inlinuation ne peut pas être objecté par le Donateur, pour se défendre d’exécuter la donation ; il n’y a que ses créanciers & ses héritiers, qui soient reçus à pro-poser cette nullité. Mais l’acceptation & l’insinuation conviennent, en ce que l’une & l’autre doivent être faites de la manière qui est prescrite par la Loi, in formd specisica, ne pouvant être suppléées par actes cquivalans. Car comme une. donation acceptée en Jugement, devant les Juges capables d’en ordonner l’insinuation, n’est pas insinuée, ainsi l’infinuation faite en la présence & à la requisi-tion du donataire, ne fait point juger l’acceptation parfaite. On a excepté les donations faites par les contrats de mariage, lesquelles, quoique non expressement acceptées, sont néanmoins réputées l’avoir été suffisamment par la présence des parties, & par l’accomplissement du mariage, les donations en étant un accessoire & une dépendance,Louet , D. 5.

Or l’acceptation d’une donation, tenant lieu du consentement donné à un contrat, doit être signée par l’Acceptant ou par son Procureur, parce que par les Ordonnances d’Orléans, en l’Article LXXXIV, de Blois, en l’Article CLXV. tous actes, & contrats doivent être signés des parties, à peine de nulité, ou il doit être déclaré que la partie interpellée de signer, a dit ne pouvoir signer. L’acceptation donc faite par le tuteur qui ne l’a point signée est nulle, & rend la donation nulle, sans que le mineur puisse être rélevé de cette omission, fauf le recours contre le tuteur, le mineur n’étant pas favorisé in acquirendo, comme il l’est pour conserver.

Quid : Si c’est le tuteur qui donne à son pupille : il a été jugé au Parlement de Paris, que le défaut d’acceptation ne pouvoit être objecté, ni par le Donateur ni par ses héritiers,Louet , D. S8. Il peut être objecté par les creanciers, aussi-bien que le défaut d’insinuation : on a même jugé contre l’Eglise, que le défaut d’acceptation, rend la donation faite à l’Eglise nulle, aussi-bien que le défaut d’insinua-tion ;Louet , D. 27.

Donc, quoique l’insinuation ne soit qu’une formalité extrinseque, elle est néanmoins nécessaire, afin que la donation foit valable. Auparavant l’Ordonnance de 1533, l’incinuation n’étoit point pratiquée dans la plupart des Cou-tumes, comme Bourdin l’a remirqué sur l’Article CXXXII de cette Ordonnance : c’est pourquoi dans plusieurs Coûtumes rédigées avant ladite Ordon-nance, il est déclaré que les donations sont valables sans insinuation. Mais cette Ordonnance qui a rcquis l’infinuation, s’observe même dans les Provinces qui sont régies par ces Coûtumes, quoique ladite Ordonnance soit sans dérogation expresse aux Coûtumes qui y sont contraires, parce que cette même Or-donnance est favorable, en rétablissant un usage qui avoit été sagement introduit parJustinien , pour empécher les désordres qui arrivoient par les dona-tions clandestines, par lesquelles les héritiers & les créanciers du Donateur se trouvoient surpris : mais la Constitution deJustinien , en la Loi 36. C. De donationibus, nordonnoit l’insinuation que pour les donations qui étoient d’une valeur considérable, que quingentorum aureorum summam excedebant, au lieu que l’Ordonnance & les Coûtumes ne requierent point l’infinuation de la donation des meubles, de quelque prix qu’ils puissent être, mais l’ordonnent seulement à l’égard des immeubles, sans distinction aucune de la valeur d’iceux que si la donation est faite d’une somme d’argent à prendre sur les immeubles, elle doit être insinuée, quand on la prend sur les immeubles, & non quand on la peut prendre sur les meubles.Louet , D. 24. Par l’Ordonnance de 1539, l’insinuation n’étoit point nécessaire aux donations faites en faveur de mariage, ni pour celles qui étoient rémunératoires ou au benéfice de l’Eglise : mais les Ordonnances de 1545, & de Moulins en l’Article XXVIII, l’ont requise en tous ces contrats. On a fait néanmoins quelques exceptions : car ce qui est promis pour la dot d’une femme quoique ce loit une pure libéralité de ceux qui s’y obligent, n’est point sujet à l’insinuation, parce que cela est considéré comme une paction du contrat de mâriage, qui a son effet par l’hypotheque du contrat, au préjudice des éréanciers postérieurs & des héritiers du Donateur. On a jugé par plusieurs Arrêts, que la donation faite par la femme pour le don mobil, quoiqu’il consiste en immeubles, n’est point sujette. à l’insinuation ; ce qui est atteste par l’Article LXXIV dudit Réglement. On ne requiert point de plus, l’insinuation aux contrats de fondation faits avec l’Eglise, à la charge de Services, d’autant que ces contrats sont véritablement commutatifs, mais sans nom, habentes-vim permiutationis, sive compensationis, plutôt que donations, ne procédans point de libéralité.

L’insinuation se doit faire in forma specifica, comme il a été dit en parlant de l’acceptation : de sorte qu’il ne sussiroit pas que la donation fût acceptée en Jugement, il est nécessaire que le contrat de donation soit lu aux Assises du Bailliage particulier où les choses données sont situées, & du lieu où est le domicile du Donateur ; & qu’il soit de plus enrégistré au Greffe desdits Bailliages : c’est pourquoi l’insinuation ne fe peut faire devant le Vicomte, elle ne se peut faire en outre devant les Juges des Seigneurs Hauts-lusticiers, parce que l’Ordonnance défire expressément qu’elle soit faite devant les Juges Royaux.

L’insinuation donc ayant été introduite précisément, comme une précaution contre les fraudes & les surprises, qui pouvoient être faites aux héritiers & aux créanciers du Donateur ; le défaut de cette solemnité ne peut être objecté par le Donateur, qui comme il a été dit, ne peut révoquer sa donation, sous prétexte qu’elle n’a point été insinuée : il n’y a que ses créanciers ou héritiers qui la puissent faire déclarer nulle, pour le manque d’insinuation, on a même jugé au Parlement de Paris, que les héritiers du mari ne peuvent pas objecter à la veuve le défaut d’insinuation, à l’égard de la donation que le défunt lui avoit faite par le contrat de mariage ;, ce qui est permis en quelques Coutumes, àparce que c’étoit au mari, qui étoit le maître des actions de sa femme, à faire faire l’infinuation, la semme qui est sous la puissance du mari, ne pouyant faire aucune poursuite en Jugement, si elle n’est autorisée par son mari : c’est pourquoi la prescription ne commence à courir cuntrelle, que du jourde la dissolution de son mariage, à l’égard de ses biens dotaux aliénés par son mari, si ce n’est au cas de la séparation de biens ausquels cas de dissolution de mariage & de séparation, la femme doit faire infinucr dans les quatre mois du jour du déces ou de la séparation jugée ;Louet , D. 4. l. 1.

Mais quoique l’Ordonnance & la Coutume semblent prescrire un temps précis pour faire l’infinuation, qui est quatre mois ; il est certain que l’insinua-tion peut être valablement faite aprés ce temps, pourvu que ce soit du vivant du Donateur ; parce que lui, ni ses créanciers, ni ses héritiers ne la peu-vent contester : le Donateur ne le peut pas parce qu’à son égard la donation est parfaite & non révocable, sans être infinuée ; ses héritiers ne le peu-vent pas, parce qu’ils ne peuvent avoir été surpris, l’insinuation ayant rendu la donation notoire auparavant leur succession échue : enfin les créanciers ne le peuvent pas, parce que l’infinuation faite aprés les quatre mois, ne nuit point à ceux qui ont contracté avec le Donateur avant l’infinuation ; & quant à ceux qui ont leur créance depuis l’insinuation, la donation qui avoit été publiée avant leur contrat, ne peut être accusée de fraude ou de clandestinité. Il n’est pas moins constant, que l’infinuation qui a été faite dans les quatre mois, rend la donation incontestable à cet égard par les créanciers qui ont contracté avec le Donateur, dans le temps intermédiaire entre la donation & l’insinuation, parce que ces créanciers ne pourront pas prétendre d’hypotheque sur la chose donnée, Iaquelle n’a pû être obligée aux dettes contractées par le Donateur, à qui elle n’appartenoit plus, le donataire qui a accompli l’Ordonnance dans le delas qu’elle lui a donné, étant propriétaire de la chose donnée des le jour de la donation.


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Les donations qui ont des motifs legitimes sont tres-favorables & elles ont été approuvées dans tous les temps ; mais d’Argentré , sur la Préface du Titre des Donations, observe que la plupart sont accompagnées de quelque vice qui les dégradent ; la plupart partent souvent d’une haine injuste ou d’un amour deréglé, d’une profusion naturelle ou d’un défaut de jugement, d’une fougue & d’un libertinage d’esprit qui ne permettent pas au Donateur de considérer ce qu’il doit ou peut donner, perdere multi fciunt, dunare ne, ciunt. M.

Laurière , surRagueau , ver8. Pauvreté jurée, nous représente les familles dépouillées, les enfans déshérités par des liberalités indiscretes fous la seconde Rstace de nos Rois ; pour remédier à cet abus, il n’étoit pas permis, au commencement de la troisieme Race, de donner, sans le consentement de son héritier présomptif, vidi ante 357 annos dit duMoulin , sur l’ancienne Coutume d’Artois, Article L vetera insiramenta donationum in quibus fieb it mentio uxoris, fratris, & siliorum donationi consentientium. Bien des Auteurs blimeit l’usage des donations universelles ; d’Argentré s’étonne que les Parisiens, avec autant d’esprit & de délicatesse, ayent pu l’adopter ; notre Coûtume a pris dans cette matière un juste tempérament.


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Les donations que les femmes font de leurs biens, étant autorisées de leurs maris, sont valables dans la plupart des Coutumes, on n’en doute pas à Paris ; dés que la femme, suivant le droit commun peut s’obliger sous l’autorité de son mari, quand même le mari n’auroit pas de biens capables de pourvoir à son indemnité, on ne doit pas être si difficile a lui permettre de disposer avec la même précaution de son bien à titre gratuit. Les femmes sont rarement libérales, il est donc à présumer qu’elles ne voudront donner que quand elles y seront excitées par de puissans motifs. Cependant, lorsqu’on considère qu’en Normandie le bien des femmes est inaliénable, que si elles en disposent du consentement de leurs maris, elles ont une récompense non-seulement sur les biens des maris, mais subsidiairement sur les acquereurs & que l’interdiction d’une femme est telle, qu’elle ne peut rien faire qui tourne à son défavantage, on est foiblement affecté des raisons qui portent à approuver les donations que les femmes font de leur bien sous l’autorité de leur mariQuand je lis dans Bérault un Arrêt qui confirma une donation faite par la femme du tiers de ses acquêts, je ne sçai s’il n’étoit point alors plutôt question de conquêts ; dans ce cas, comme le mari avoit la liberté de les aliéner, en autorifant sa femme d’en donner une portion, il étoit censé donner lui-même. Basnage rapporte deux Arrêts des 30 Mai 1653 & 27 Juillet 188s, par lesquels des donations de propres faites par des femmes autorisées par leur mari ont été déclarées nulles. Cette Jurisprudence a varié, & par Arrêt du 18 Août 1S66, une donation dans cette espèce a été confirmée, on cite un autre Arrét semblable, rendu en 1700 & une Consultation de MM. Romy & Duval : on avoue que la femme ne peut aliéner sans remplacement ; mais on dit que comme la donation en est exempte, appliquer aux donations la Loi du remplacement, c’est en faire usage hors de son objet. Basnage rapporte même un Arrêt du 1i Juiller 165y, qui déclare valable une donation de propres, faite par la femme separée, conjointement avec son mati, pour une fondation : cet Arrêt n’a pas été suivi ; & par Arrét du premier Août 1730, il a été juge qu’une femme civilement séparée, n’avoit pu, de l’autorité & consentement de son mari, donner de ses propres entre-vifs.


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L’homologation du Pape, dont Pesnelle fait mention, étoit ignorce dans les beaux siecles de l’Eglise ; chaque Evéque avoit sous l’autorité du Souverain une inspection immédiate sur les revenus de son Diocese. Cet Ordre, dit le célebre Fleuri, que discours sur l’Histoire Ecclesiastique subsista jusque dans ces temps malheureux où l’ignorance couvroit d’un voile épais la surface de l’Europe. Les exemptions de la Jurisdiction des Ordinairce, alors multipliées dans la vue d’étendre le pouvoir de la Cour Romaine, amenerent une Police inconque dans le régime Ecclesiastique. Cne Hiérarchie moderne, clevée sur les débris de la Hiérarchie primitive, courba sa tête sous le joug, reconnut l’autorité absolue des Papes, & les Papes lui accorderent pour retour des priviléges dont ils n’étoient pas en droit de difposer. La France, quoique réservée dans l’hommage qu’elle rend au Chef de l’Eglise, recut dans son sein une partie de ses nouveautes. L’Edit du mois d’Août 174y. a pris, plus que tout autre Loi, en considération, les intérêts du gouvernement ; nous n’avons plus à redouter les effets cruels d’une piété indiscrete ou séduite, & la donation d’héritage faite aux gens de main-morte n’est maintenant valable qu’aprés que le Monarque en a examiné le motif, & confirmé l’acte par des Lettres. Patentes qui doivent être sujvies d’un enregistrement dans le Parlement du Ressort, de sorte que les questions sur les homologations Ecclesiastiques sont devenues peu importantes.