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CCCCXXXIII.

Et s’il y a plusieurs Héritiers, il leur peut donner à tous ensemble : mais ne peut avantager l’un plus que l’autre, comme il a été dit ci-dessus.

Il est déclaré par plusieurs Coutumes, qu’on ne peut être héritier & donataire ou légataire : ce qui a été interprété à l’égard de la même sorte de biens.

Car si une succession est composée de plusieurs genres de biens, & qu’un héritier n’ait point de part à quelque genre des biens, qui font partie de cette succession, il a été jugé, qu’il pouvoit être donataire ou legataire des biens ausquels il n’avoit aucun droit en sa qualité d’héritier :Louet , H. 16. C’est pourquoi en Normandie, on peut donner une partie des acquêts à celui qui est seulement héritier au propre, ou une partie du propre à celui qui est héritier aux acquêts comme il est attesté par l’Article XCIII dudit Réglement.

Ce qui fait voir, que cet Article CCCCXXXIII, a besoin d’explication : En la même Coutume, on peut être héritier & légataire des meubles, suivant l’Article CCCCXXV.1


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Je parle sur cet Article des donations faites à Phéritier présomptif en ligne collatérale ; l’Article suivant a plus particulierement pour objet les donations faites par les parens de la ligne ascendante à ceux qui en descendent. Notre Coutume défend d’avantager de ses héritages ou biens immeubles, l’un de ses héritiers plus que l’autre, nous nous éloignons de la surisprudence du Parlement de Paris, l’Article CCCl décide qu’on peut être Donataire entre-vifs & héritier en ligne collatérale ; cette décision fuit des principes généraux de cette Coutume ; on peut être donataire en collatérale de tous les biens du denateur sans être grévé ni de réserve ni de légitime. Il n’y a donc pas d’inconvénient de dispenser le donataire d’une partie des biens du rapport, qui suivant le droit commun n’a point lieu en ligne collatérale. Voyer Orléans, Article CCLXXXVIII ; Montargis, Chap. 15, Article XX.

Il en est autrement en Normandie, si le Donataire devient habile à succéder au Donateur, il est tenu de rapporter son don à ses cohéritiers, soit en essence ou par estimation, en cas d’aliénation.

Deux difficultés s’offrent sur l’explication de cet Article, 16 Si on peut donner de son propre maternel à son héritier au propre paternel ou des acquêts à l’héritier des propres & vice versd. 26. Si la donation faite au fils de l’héritier présomptif & immédiat est valable.

D’Argentré dit, sur la premiere question, qu’il suffit qu’il y ait une qualité d’héritier, dans quelque sorte de biens que ce soit, pour rendre non-valide la donation, & que l’heritier soit présomptif, indépendamment de ce qui peut lui venir de la succession. Nous avons suivi l’opinion contraire : il est permis de donner des propres à l’héritier des acquets & à P’héritier d’une ligne des biens d’une autre ligne. Bérault rapporte des Arrêts qui ont approuvé ces sortes de donations : Arrêts des premier Février 1520, premier Mais 1751, & AMars 161 3 ; Basnage en rapporte plusieurs autres que l’on peut y appliquer. le ne con nois qu’un seul Arrêt différent, qui est du 5 Février 1608 ; de la dérive l’Article XCIII du Réglement, qui porte qu’on peut donner partie des acquêts à celui qui est seulement héritier aux propres, & partie des propres à celui qui est seulement héritier aux acquêts 3 & il a été jugé, par Arrét du 7 Août 1755, à tour de grand Role que l’héritier au propre paternel & aux acquets, pouvoit être encore Donataire entre-vifs du tiers du propre maternel. M. le Comte d’Harcourt avoit donné à M. le Marquis d’Hlarcourt, son l’éritier présomptif au propre paternel & aux acquets, le tiers de ses propres maternels ; les sieuss de Draqueville & de Graffart contesterent la donation : elle fut confirmée par cet Arrêt.

On considere les différens biens dont une succession est composée & la disposition de la Loi qui appelle les héritiers à recueillir les biens d’une certaine nature, à l’exclusion les uns des autres, ce qui forme l’idée de plusieurs successions dans une feule, d’où l’on concelut que l’heritier, dans une sorte de biens, est comme un étranger par rapport aux biens dont il n’hérite point. Je conviens que quiconque s’arrêtera au texte de la Loi n’y trouvera aucun fondement, même apparent de cette distinction.

Les Jurisconsultes sont partagés sur la seconde question, les uns prétendent qu’il faut prendre les dispositions prohibitives dans le sens étroit, les autres disent que la donation faite à l’héritier de l’héritier est censée faite, en considération du plus proche, & que quand on donne par rapport à une personne & principalement à une personne prohibée, c’est à la personne proltibée qu’un est cense avoir donné. En Normandie il est permis de donner au fils de ion héritier en liune collatérale, & le Donateur n’est pas toujours assujetti. au rapport. Si l’oncle duune le tiers de ses propres à son neveu, du vivant du pere du Donataire, & que le pere hérite de l’oncle, le neveu ne sera tenu de rapporter ce tiers, ni dans la succession de son oncle ni dans celle de son pere : il ne le rapportera pas dans la succession de l’oncle, puisqu’il n’en a pas hérité ; il ne le rapportera pas dans la succession de son pere, puisque ce qui lui a été donné par son oncle n’a jamais fait partie de la succession paternelle.

La Coûtume proserit, au surplus, tous les actes ou traités frauduleux pour colorer les avantages faits à un héritier plus qu’à l’autre : cela a fait naître une question au Palais. Une femme âgée de soixante trois ans avoit vendu un héritage de valeur de 3oo livres à un de ses conéritiers collatéraux, par 157 livres de rente viagere, en outre la rétention de la jouissince du fonds : elle survéeut treize aus aprés le marché ; lautre cohéritier prétendit aprés sa mort que cette vente étoit un avantage indirect, & qu’il en étoit de même que si l’acquereur eût donné 150 livres de rente viagere à la venderesse, pour s’assurer à lui seul sa succession ; mais Pacquereur répondoit que la vente étoit réelle, & que le prix de la chose étant incertain, & dépendant de l’événement & de la durée de la vie de la venderesse, on ne pouvoit pas dire qu’il fût au dessous de sa valeur ; par Arrêt du 22 Avril 1750, à la petite Audience de la Grand Chambre, on ordonna l’exécution du Contrat.