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CCCCXXXIV.

Le Pere & la Mere ne peuvent avantager l’un de leurs Enfans plus que l’autre, soit de meuble ou d’héritage, pour ce que toutes donations faites par le Pere ou Mere à leurs Enfans, sont réputées comme avancement d’hoirie, réservé le tiers de Caux.

Par enfans, en cet Article, on n’entend point les filles, les peres & les meres pouvant donner à leurs filles, qui ne sont point leurs héritieres, des mariages anégaux : mais les donations faites par les ascendans à leurs héritiers, sont toujours réputées des avancemens d’hoirie, & partant, sujettes à rapport au bené-fice des autres descendans du donateur : de sorte que le donataire ne peut se tenir à son don, & renoncer à la succession, comme il le peut faire par plusieurs Coutumes, qui en déclarant que les ascendans ne peuvent avantager leurs descendans l’un plus que l’autre, ajoutent pouruu que ces descendans viennent à la succession du Donaieur : car s’ils y renoncent, ils peuvent retenir leur don, la légitime néanmoins réservée aux autres enfans ; Coutume de Paris, Articles CCCIII, CCCIV, CCCV, CCCVI & CCCVII.1

Quelques Coutumes sont conformes à la nôtre, comme Tours, le Maine, Anjou, le Grand Perche & Chalons, dans lesquelles les donataires en ligne directe, ne se peuvent tenir à leur don, & renoncer : il faut qu’ils rapportent ce qui leur a été donné, soit qu’ils se portent héritiers, soit qu’ils renoncent : ce qu’il faut entendre à l’égard des héritiers du Donateur, & non de ses créanciers, qui ne peuvent contraindre les donataires à rapporter leur don, à moins qu’ils ne fassent la demande du douaire ou tiers coutumier.

Dans les unes & les autres Coutumes, les fruits des choses données ne se rapportent point, si non ceux qui sont percus depuis l’échéance de la succession du Donateur : c’est pourquoi l’Article CXCV dudit Reglement, atteste que la pension ou jouissance donnée par le pere ou autre ascendant, ne doit point etre remise à partage ; mais il ajoute, que ce qui reste du de cette pension ou jouissance, ne peut être exigé par le donataire, encore que cela lui ait été donné en faveur de mariane, à la réserve de la dernière année échue, dont il se peut faire payer. VoyezLouet , D. 56.

Les Offices étant des biens d’une nature incertaine, & dont le prix est sujet à beaucoup de changemens, on a jugé que les enfans qui en avoient été avancés, devoient en rapporter le prix du contrat d’achat, non celui que les Offices pouvoient valoir lors du déces du Donateur : il n’en est pas ainsi des autres immeu-bles, qui ne sont estimés, lorsqu’il en faut faire le rapport, que par le prix qu’ils valent au temps de l’échéance de la succession, suivant les Loix 30 & Sz, ffa Ad legem Falcidiam.2


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La décision de cet Article est d’un droit ancien. Voyer dansBaluze , tome 1, les Loix Ripuaires, Chap. 59, Article XIx. Sed dare potest pater, estil écrit dans la Loi Regiam Majestatem, Liv. 2, Chap. 21. Tantum cuilibet filiorum suorum de Lbero soccagio in vitâ sud quantum jure successionis idem filius esset consequuturus de eadem hereditate. Cet usage avoit lieu à Paris dans l’ancienne Coûtume, nous l’apprenons de duMoulin , S. 17, n. 1 & 2 : il dit que les enfans doivent rapporter dans les successions de pere ou de mere ce qu’ils en ont recu, quand même ils renonceroient ; car celui des enfans qui avoit recu, devoit, selon lui, être héritier ou rendre ce qu’il avoit recu, s’il ne vouloit pas l’être : Non licet igitur hoc casu filio se tenere ad dunationent sibi fadant abstinendo à successione, sed nécesse haber vel adire, vel rem donatam restituere. Les subtilites n’étoient pas encore nées ; & il n’étoit pas alors plus permis de s’arrêter à son don, que de renfermer en soi, par rupport à une méme succession, les qualités incompatibles d’héritier & de renoncant.

Les temps sont changés, & l’Article CCCVI de la Coutume de Paris réformée a détruit un si bel ordre, en offrant aux parens un moyen de se placer au-dessus de la Loi, & de gratifier à leur gré, le fils de la prédilection : c’est ce que d’Argentré , Glos. s, Article CéXVIil de l’anc. Cout. de Bret. dit, qu’il ne pouvoit pas suivre. Quod ego de jure consuetudinario non sequar, proptereâ quod nulla ratione facere potest pater, ut inqqualiter succedant liberi vis Contradtus desinit mortuo testatore, incipit esse hareditas. Nous suivons ce principe, & plusieurs Coutumes sont conformes à la nôtre. Voyes Tours 30o ; Lodunois, Chap. 29, Article Xl ; Anjou, Article CCCXXXIV ; Maine, Artiele CCeXIVI.

Le pere peut cependant renoncer à une succession échue, afin que l’ainé la partage & ait néanmoins aprés son déces un préciput dans ses terres nobles : Arrêt du 19 Juillet 168s.

Il peut faire la réunion de plusieurs Fiefs au préjudice de ses puinés nés & à neître :Bardet , tome 3, Liv. 8, Chap. 20. On pratique encore de faire des acquêts sous sa mouvance par linterposition d’un tiers que l’on clame ensuite feodalement. M. Thouars ma répondu sur cette question qu’elle étoit d’une espèce délicate d’autant plus que souvent le vendeur n’est pas participant du Traité. Le pere peut encore céder à son fils la jouissance d’un fonds, oului donner une pension : mais comme les fruits échus, ou les arrérages de la pension, pour-roient former un capital qui absorberoit souvent une bonne partie de sa succession, ils ne sont pas exigibles aprés son déces à l’exception de la dernière année, quand même le fils avantagé renonceroit à sa succession-

Un pere peut vendre un héritage à un de ses enfans, pourvu que la vente soit sincere & sans fraude ; c’est-à-dire, qu’il y ait une proportion juste entre le prix & la valeur du fonds, avec emploi des deniers ; c’est sur ce principe qu’une Fieffe en cette espèce a été confirmée, par Arrét rapporté parBasnage , aprés une estimation de l’héritage.

L’on a déclaré nulles, par des Arrêts du Parlement de Paris, les obligations du pereu profit des enfans, sur des présomptions violentes de fraude. L’oy : :Charondas , sur Paris, Article CCCIII, leBrun , des Succ. Liv. 3, Chap. 3, Sect. 3, n. 13. Dans cette Province, la déclaration par laquelle un pere se reconnoit débiteur de son fils, doit être justifiée. On a jugé, par Arrét du 13 Mars 1752, au rapport de M. de Ranville, qu’une pareille déclaration, passée au profit d’un des enfans, devant Notaire, en présence des autres, & même répétée, ne suffisoit pas pour pouvoir exiger la somme sur la succession paternelle ; mais que celui, au profit de qui la reconnoissance avoit été faite, devoit en vérifier l’objer.

Si le pere transmet à les enfans ses héritages par donation, il ne peut les grever de substitution ; ils peuvent aliéner les biens substitués ; & dans les autres degrés, ceux qui ont inté. rét de vendre pourront opposer la nullité de la substitution, sans qu’on puisse se prévaloir du silence & de l’acquiescement même de leurs Auteurs. Consultation des anciens Avocats de Rouen de l’an 1710, rapportée parAugeard , de l’edition de 1756, tome 2.

Sur les Questions de rapport, consultez Basnage sous cet Article : Louet &Brodeau , Lett.

R, Som. 13 ; Arrêtés de Lamoignon, des Rapports ; & les Commentateurs de Paris, souel’Article CCCIII.

Comme j’ai promis, sous l’Article CCXLVII, de dire un mot des Offices de la Maison duRoi, observez que quoique ces Offices paroissent être dans la seule disposition du Roi ; ce-pendant le fils, pourvu d’un pareil Office des deniers de son pere, qui le possede encore au temps de son déces, & qui l’a pu vendre en doit tenir compte à ses cohéritiers, ainsi jugé par Arrêt du 2r Juillet 1o8â, contre le fils demandeur en tiers coutumier.Basnage .


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Le motif qui donne lieu au rapport en faveur des enfans, ne peut pas être appliqué au profit des créanciers ; car cessant la Loi du rapport entre les enfans, un pere, par l’effet d’une passion aveugle & defordonnée, pourroit faire des avantages à l’un au préjudice des autres, & détruire le systême d’égalité entr’eux, conforme au voeu de la nature & de la Loi. Mais quand un pere, qui n’a qu’un enfant, lui fait une donation d’une partie de ses biens, ou s’il donne à tous également il n’agit pas en fraude des créanciers : car la donation précede leur créance, ou elle est postérieure. Dans le premier cas, le pere possedant librement ce qu’il donnoit il ne faisoit par la donation aucun tort à personne. Au second cas, les créanciers ne hafardent rien, car ils conservent leur hypotheque sur les héritages & immeubles donnés : c’est ce qu’expliqueChopin , sur Aniou, Liv. 3, Chap. 1.

Tit. 3, n. 4. Aut enim ante donatum fuit quam mutuunt à donatore acceptum, quo casu fraudandi aninis datum non videtur nec posterior creditoris obligatio retroducitur ud priorem liberi fundi largitionem. Quippe que vivus semel donatione transcripserit alicui, ea extrû e ausam bunorum defundi computantur, aut vero donationem precedunt obligatorie tubulies ereditarum pecuniurum ; ex tunc salvum creditori jus redditur lvpothecaria formula in fundum donatarii, cujus propterea fundi collationem vel restitutionem iniqué creditor desi-derarit.