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CCCCXXXV.
Les Héritiers peuvent révoquer les Donations faites contre la Coutume, dans les dix ans du jour du décès du Donateur, s’ils sont majeurs, & dans dix ans du jour de leur majorité, autrement ils n’y sont plus recevables.
Il est à propos de remarquer, que le consentement de l’héritier présomptif donné à une donation faite contre la Coutume, ne la rend pas valable, parce que ce consentement est presumé extorque par la crainte que cet hêritier doit avoir que le Donateur, en haine de son refus, ne lui fit souffrir quelqu’autre plus grande perte : mais la ratification que fait un héritier apres la mort du Donateur est suffisante pour valider une donation qui seroit faite contre la Coûtume, à moins que la prohibition de donner ne fût fondée sur quelques raisons publiques, ausquelles les pactions des particuliers ne peuvent déroger. Il a été jugé par cette raison, qu’une donation faite d’un usufruit à un Religieux, qui ne doit posséder aucuns biens, ne pouvoit avoir d’effet, quoique l’héritier l’eût ratifiée depuis la succession échue du Donateur.1
D’Argentré , sur la foi d’un Arrét rapporté parTerrien , & désapprouvé parBérault , prétend que le consentement de Phéritier présomptif, qui accede à l’acte d’une donation excessive, la fait valider. DuMoulin , sur le Chap. 12 d’Auvergne, est d’un sentiment bien opposé à celui de M. d’ Argentré : amplia hune paragraphum, dit-il, etiam interveniente consensu haredis legitimi S successuri ab intestato vivo tesiatore quia videtur extortus ut arte 25 annos fuit judicatum in Senat. Paris. Ricard fuit l’opinion de du Moulin qu’on peut appliquer aux donations entre-vifs. Mais si l’héritier du Donateur a consenti apres sa mort l’exé-cution de la donation, il ne pourra l’impugner dans la suite, à moins qu’il n’y ait une incapacité de recevoir dans la personne du Donataire ; car alors la ratification ne pourroit pas être opposée à l’héritier.
On ne pourroit pas attaquer en Normandie une donation, sous prétexte qu’elle auroit été faite en haine ou en fraude de l’héritier. Perchambault, sur l’Article CXCIx de la Coutume de Bretagne, qui annulle les donations sur un pareil motif, dit que cette disposition occasionne une multitu le de Proces. Soefve rapporte un Arrêt du Parlement de Paris du 10 Juillet 1Say, rendu sur les Conclusions de M. l’Avocat Général Talon, qui est bien sage.
Il a été jugé par cet Arrêt, qu’en matière de donation entre-vifs, les faits de suggestion. de la part du Donataire envers le Donateur, & d’animosité de la part du Donateur contre ses héritiers collatéraux, n’étoient point recevables en la Bouche des héritiers pour deniander que la preuve en fût faite, à l’effet de faire casser la donation.
Nous avons un Arrét du Parlement de Roüen, rendu au Rapport de M. de Coltot, le 9 Janvier 1783, qui est dans les mêmes principes. Des héritiers coilatéraux atraquoient une donation e forme, faite à une proche parente de la Donatrice ils prétendoient qu’elle étoit le fruit de la subornation, qu’ils induisoient de l’âge avancé de la Donatrice, de son imhécillité, occasionnée par de fréquentes artaques d’épilepsie qui étoient constantes ; ils em-ployoient enfin un grand nombre de faits graves, dont ils demandoient la preuve par témoins. Par l’Arrêt, sans s’arrêter à la preuve conclue par les héritiers, on erdonna l’exé-cution de la donation. Dans le fait, la Donatrice avoit survéeu à l’acte pendant trois ans : on opposoit aux héritiers qu’ils auroient du constater l’état de la Donatrice avant sa n’ort que le moyen unique de prévenir la disposition dont ils se plaignoient eût été de provoquer son interdiction : que la donation étoit tres-raisonnabie, puisqu’elle étoit faite à une seur exclue de la succession de la donatrice par son frere, qui en étoit un des cohcritiers & qu’on ne pouvoit détruire par une preuve vocale, un acte de donation passé devart Notaire & revétu de toutes les formalirés de l’Ordonnance.
D’Argentré a établi un sentiment singulier sur la manière de considérer les biens du Donateur ; s’il a, dit-il, donné un corps certain, pour sçavoir quelle est sa valeur, & s’il excede le tiers de ses biens, il faut regarder le temps de la donation ; mais si la donation est par quotité ce sera le temps de la mort qui fera la regle, d’autant que la prohibition de donner a été introduite en faveur de l’héritier. Id tempus spectandum est quu nunten, jus S actiones haredum in actum exeunt, cum habitus tantum in prasumpto sit. On perse autrement en Normandie, & la donation du tiers des biens, même par quotité se regle sur le tetal des biens que le Donateur possédoit au temps de l’acte. Nous n’admettons, en ce cas, ni l’accroissement, ni le décroissement dont parle d’Argentré .
C’est une maxime, que dans le cas de plusieurs donations qui, étant réunies, excedent le tiers des biens du Donateur, ses héritiers doivent suivre l’ordre des donations dans leur action révocatoire : s’il en étoit autrement, le Donateur auroit la liberté de révoquer, oudu moins d’altérer les premieres donations, en en faisant de nouvelles, ce qui feroit per-dre à toutes les donations leur caractere d’irrévocabilité.
Les donations de la totalité de l’usufruit, ne sont tolérées que quand elles ont été faites. en Contrat de mariage par la femme, au profit du mari ; & les héritiers de la femme ont la liberté de les réduire au tiers en propriété des biens de la Donatrice. Voyes ma Note. sur l’Article CCCCV de la Coutume : la donation de la totalité de l’usufruit est donc, hors ce cas, réductible au tiers. On convient que le Donateur auroit pu disposer, & de l’usufruit & de la propriété du tiers ; mais il ne peut pas gréver la propriété des deux autres tiers qui appartiennent à ses héritiers d’un usufruit au profit d’un étranger.
Le temps, pour révoquer les donations, qui a couru contre l’héritier majeur, est imputé à son héritier mineur, de sorte qu’aprés l’àge de vingt ans il n’aura que le résidu pour intenter son action.
Les donations contraires au droit public ne se soutiennent point par la prescrition de dix ans, diversa est ratio earum t donationum ) quibus perpetua prohibitionis causa cum publicumscilicet primario S principaliter respicit.,, : : adus in totum cortuit, & impeditur potentia &. ideo nil agitur & titulus non tribuitur : d’Argentré , Art. CCXVIII, Gl. 1.